31 mai 2007

Le tsar et le prévôt des marchands


Le tsar Nicolas Ier nous avait déjà imposé la souriante mais pénible Ségolène Royal lors de la dernière présidentielle...Pour 2012, il va faire plus fort: un petit Bertrand Delanoë ça vous dit?


A l'instar du kamarade Birenbaum, au CGBi on l'a vu venir gros comme une maison: Bebert risque d'être de la partie pour 2012.

A vrai dire, les deux hommes ont beaucoup en commun : même pratique clientéliste du pouvoir, même caractère autocratique, mêmes copains du showbiz (Guazzini) et un sens inné de la communication "champagne". Bref, Nico se choisit déjà son futur adversaire et les sondages sur "la popularité" du maire de Paris risquent de prochainement fleurir... De quoi faire enrager Maîtresse Ségolène "vainqueuse" de l'élection matriarcale du 7 mai 2007.

Le tsar conduit la majorité et l'opposition grâce à ses amis Parisot et Cayrol et se garde de toute irruption du réel (genre référendum) pour mieux nous gaver avec son tittytainment, ce totalitarisme tranquille de téléspectateur trop nourri.

Notre tsar et ses spins doctors ont poussé la logique de Vance Packard au bout: la démocratie mensondagière est en marche, avec sa soif victimaire et son "opinion" aussi versatile qu'introuvable, avec son narcissisme et son communautarisme en miroir.

"Donnez-nous des télévisions et des hamburgers, mais débarrassez-nous des responsabilités de la liberté"

Aldous Huxley





On n'arrête pas le ridicule

Un collège de Séoul s'apprête à mettre en service, en guise de test avant commercialisation, un nouveau type de robot chargé de faire le pion. De son petit nom OFRO, le gros joujou (plus de cent mille dollars le gadget, tout de même) est équipé de caméra et microphone et pourra communiquer en cas d'alerte avec des membres de l'équipe pédagogique afin qu'une intervention puisse être menée rapidement.

Little Brother is ridiculous


Mais une question nous brûle un rien les lèvres : qu'est-ce qu'une alerte, pour cette boîte de conserve sur chenilles? Un adulte qui offre des bonbons à une petite fille? Deux garçons qui se lattent la gueule à coups de ceinture? Un petit malin qui fume une cigarette en scred'? Je reste perplexe. Peut-être que ça pourra toujours servi à débusquer les élèves coréens un tantinet soupe-au-lait, du genre de Seung-Hui Cho, le célèbre recordman de Virginia Tech! Faut croire qu'ils en ont gros sur la patate avec cette histoire, les sud-coréens, pour en arriver là... Dans la pratique, je ne donne pas une semaine à Astro le petit robot pour se faire bizuter en règle par tout le collège : chewing-gum sur les micros, correcteur liquide sur la lentille, et plus si affinités. C'est qu'ils sont imaginatifs, les mouflets!

"On n'arrête pas le progrès." Z'êtes sûrs, y a pas moyen? Au CGB, on attend le modèle avec Famas intégré avant de commencer à s'enthousiasmer.

Y connaissent pas Raoul !

Le mois de Marie se termine aujourd'hui avec la fête de la Visitation. Dans la lignée de leurs basses oeuvres anti-tout, des imbéciles ont trouvé le moyen de transformer ce jour d'allégresse en chasse aux sorcières. Le 31 mai honorera désormais un nouveau saint : Saint Lutte contre le Tabac. Bien que non-fumeur depuis un an, je refuse de m'associer à cette macabre journée. Cette Lutte Contre le Tabac nous Tue ! Je propose donc un spot de résistance :


Et par anticipation, je m'associe également à la prochaine sainte journée, qui ne saurait tarder à venir, celle de La Lutte contre l'Alcool :


La féminisation est une ségrégation

Rappelons que l'initiative de ce machin de la féminisation des noms de métier fut prise par le gouvernement de Laurent Fabius. Dix ans plus tard, sous la pression des femmes de son gouvernement, Lionel Jospin en remettait une couche.
Tout ceci nous donne néanmoins quelques occasions de bien rire. Ainsi pouvons-nous maintenant croiser dans les rues de jolies chefesses, de délicieuses entraîneuses, de croustillantes dépanneuses et bientôt de sensuelles sapeuses-pompières. On peut également rêver de cinq à sept avec une maîtresse de conférences ou d’un séjour à Vienne en compagnie d’une charmante autrice chienne. Et si on est pas contre les parties carrées, on peut, pour réchauffer l’ambiance, proposer à une glacière et à son mari de participer à ces séances d'indifférenciation des sexes .
Et lors de notre prochaine visite à Rome, pour se faire pardonner toutes ces fautes, faudra-t-il en parlant du souverain pontife dire « Son Sainteté Benoît XVI » ?
Je vous propose quelques avis éclairés sur cette question.



Dans Festivus Festivus, interrogé par Elisabeth Lévy sur la guerre d’Irak, Philippe Muray glissait cette petite remarque :
« En effet, dans tout ce tableau de désastre, il ne manquait plus que la découverte des sévices d’Abou Ghraïb, et les images des femmes-bourreaux américaines en train de faire du tourisme sexuel sur le dos de l’autochtone. C’est fait, nous les avons, et puisque la destruction du langage est si bien entamée chez nous, entre autres par la féminisation des noms de métiers ou de fonction, je réclame de toute urgence, pour les petites héroïnes de cette de Bagdad, et dans le but de fêter dignement l’accession des femmes en général au monde des tortionnaires (ce qu’un commentateur appelle sans rire, et parce qu’il faut toujours des croque-morts éloquents pour célébrer une abomination, « le gage évident de leur appartenance au collectif »), je réclame la mise en circulation immédiate et massive des termes de « bourelle » ou de « tortureure ». »

Muray évoque ensuite la possibilité d’employer le mot « tortureuses » pour qualifier ces modernes « bourelles », Elisabeth Lévy, préférant visiblement la première idée, lui répond que « tortureures » est parfait et que … « salopes » aussi.


Extrait de la chronique du médiateur du journal Le Monde (25.10.05) :

« C'est le troisième courriel en quelques mois que m'adresse Daniel de Poli, lecteur d'Illkirch (Bas-Rhin). Et toujours pour la même raison, à savoir "les féminisations hâtives et irréfléchies" de certains mots.
En mars, il avait lu dans Le Monde que "Giuliana Sgrena était la huitième ressortissante italienne prise en otage en Irak" . Ce qui laissait supposer que les sept autres otages étaient également de sexe féminin. "Vous auriez dû écrire : le huitième ressortissant" , remarquait notre lecteur, en s'appuyant sur un avis de l'Académie française.
Nouvelle protestation en septembre, Le Monde ayant qualifié Mme Timochenko de "première ministre" d'Ukraine. C'est absurde, commentait M. de Poli : "Le premier ministre, qu'il soit homme ou femme, est le premier des ministres, donc le premier d'un groupe d'hommes et de femmes. C'est le genre non marqué qui doit lui être appliqué." Il nous précisait que l'avis de l'Académie française était disponible sur Internet.
Mais Le Monde du 21 octobre a récidivé, avec ce titre : "Le "bivouac" de la lieutenante-cavalière Pelardy ne fut pas une balade." L'agacement commence à se faire sentir à Illkirch : "On dit un lieutenant même s'il s'agit d'une femme, tout comme on dit une personne ou une recrue même s'il s'agit d'un homme. Jean-Louis Andreani emploie fort justement le masculin dans son article, il est aberrant de mettre le féminin dans le titre (...) . Http ://www.academie-francaise.fr/actualites/feminisation.asp."


Je vous propose maintenant quelques extraits des recommandations et des décarations de l’Académie française à propos de la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades et titres.

Déclaration de l’Académie française, 14 juin 1984 :

[…]

Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés « masculin » et « féminin ». Ces vocables hérités de l’ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué.
Le genre dit couramment « masculin »est le genre non marqué, qu’on peut appeler aussi extensif en ce sens qu’il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l’un et l’autre genre. Quand on dit « tous les hommes sont mortels », « cette ville compte 20 000 habitants », « tous les candidats ont été reçus à l’examen », etc..., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l’opposition des sexes n’est pas pertinente et qu’on peut donc les confondre.
En revanche, le genre dit couramment « féminin » est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est privative. Elle affecte le terme marqué d’une limitation dont l’autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux être animés, institue entre les sexes une ségrégation.

[…]

Il convient enfin de rappeler qu’en français la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales... Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées.

Déclaration de L’Académie, 21 mars 2002

[…]

Sans revenir sur les arguments qu’elle exposait en 1984 et auxquels elle reste attachée, l’Académie française déplore les dommages que l’ignorance de cette doctrine inflige à la langue française et l’illusion selon laquelle une grammaire « féminisée » renforcerait la place réelle des femmes dans la société.
Ces redondances et ces alourdissements révèlent sans doute que, dans l’esprit de certains, le masculin est devenu un genre marqué au même titre que le féminin, et ne peut plus désigner que des personnes de sexe masculin. C’est ainsi que la féminisation peut introduire un déséquilibre dans les structures mêmes de la langue et rendre malaisée la formulation des phrases les plus simples. […]
L’oreille autant que l’intelligence grammaticale devraient prévenir contre de telles aberrations lexicales.
Enfin, seul le genre masculin, qui est le genre non marqué (il a en effet la capacité de représenter les éléments relevant de l’un et de l’autre genre), peut traduire la nature indifférenciée des titres, grades, dignités et fonctions. Les termes chevalière, officière (de tel ordre), députée, sénatrice, etc., ne doivent pas être employés.
Comme l’Académie française le soulignait déjà en 1984, l’instauration progressive d’une réelle égalité entre les hommes et les femmes dans la vie politique et économique rend indispensable la préservation de dénominations collectives et neutres, donc le maintien du genre non marqué chaque fois que l’usage le permet. Le choix systématique et irréfléchi de formes féminisées établit au contraire, à l’intérieur même de la langue, une ségrégation qui va à l’encontre du but recherché.

textes en intégralité :
Déclaration de l’Académie 2002

Déclaration de l’Académie 1984
La féminisation du Monde

Bonus 1

Majorettes naturistes à Abou Ghraïb

La vérité éclate enfin, qui rétablit l’honneur américain un temps jeté aux chiens : la prison d’Abou Ghraïb était en fait un camp d’entraînement naturiste pour majorettes.
C’est
en effet ce que vient de révéler l’avocat de Charles Graner, un des soldats actuellement jugés pour avoir supposément torturé des prisonniers irakiens : "Les majorettes américaines forment souvent des pyramides humaines. S’agit-il de torture ?"

Certes non ! Nous pouvons même affirmer que le spectacle provoque un émoustillement certain, puisque Lynndie England, la soldate qui sera bientôt jugée pour les mêmes faits, vient d’accoucher d’un beau bébé conçu avec M. Graner, sans doute au comble de l’excitation.

Source : Brave Patrie (11 janvier 2005)




Bonus 2 :

Forum des chiennes de Garde. En 2001, une internaute (internauteuse ? internautesse ?) tapait ceci avec ses doigts probablement crochus :
« Et appelles-tu les hommes "mondamoiseau" ? je ne suis pas d'accord avec toi, le sexisme commence là. mademoiselle, c'est ce qui commence tout injure sexiste : "vous êtes charmante, mademoiselle. vous voulez boire un café avec moi. ben, quoi, sale pute, j'te plais pas, tu veux pas m'regarder, pas m'répondre.
casse-toi, salope, mal-baisée"... il y a souvent des paradoxes dans ces injures.
mademoiselle signifie : à prendre, pas prise...
et puis, on dit mademoiselle aux lesbiennes, toutes ces vieilles filles trop moches pour être épousées ! »

Je dis donc à cette demoiselle : très bien ! Et puis « injure » est féminin…

forum des Chiennes de Gardes



Contribution personnelle

En cette maudite journée de lutte contre le tabac, je paie de ma personne et vous prodigue grâcieusement , à mon corps (goudronné) défendant, quelques conseils pour arrêter de fumer. Qu'on ne vienne plus me dire que je ne mets pas du mien pour participer à toutes ces belles célébrations "citoyennes"! Voici donc 25 façons de rompre avec la cigarette signées Bill Plympton. Méthode sérieuse, résultats garantis, merci Dr. Plympton!

30 mai 2007

Feel the bass



Sa-ra Creative Partners ont le melon: ils se voient comme les nouveaux Prince...en tout cas ils sont aussi bons, voir meilleurs, que les Neptunes (avec Chad Hugo)... Et vous vous "Feel the bass" avec Talib Kweli?



Producteurs avec et pour Dr Dre, Kanye West, John Legend, Jurassic 5, J Dilla, Roy Hargrove, Bilal, Steve Spacek... Ils produisent un son soul unique remixé à la supernintendo (de l'Afro Magnetic Electro Spiritualité)! Ce trio composé Om'Mas Keith, Taz Arnold (un barge qui ferait passer Andre3000 et Cee-lo Green pour des types sobres) et Shafiq Husayn est l'un des plus créatif du moment, loin devant Pharrell Williams ou Timbaland. Leur album "Hollywood"(3 titres ici) sorti en avril est une perle soul suave avec un petit côté westcoast des familles...en attendant la sortie de leur fameux "Black fuzz" avec Iggy Pop et Herbie Hancock en featuring.

A year without a summer

Eté 1816. Près de Cologny, sur les bords du lac Léman, Lord Byron est en exil : il fuit le scandale que la relation incestueuse avec sa demi-sœur Augusta Leigh a provoqué au sein de la bonne société anglaise, la débâcle d’un mariage catastrophique qui l’a poussé dans l’alcool et une violente dépression ainsi que la naissance récente de sa fille Ada. Accompagné de son médecin personnel, John William Polidori, qui veille sur son rétablissement nerveux, il a loué la luxueuse villa Diodati, vieille bâtisse du XVIIème siècle qui a vu passé entre ses murs l’illustre John Milton, proche ami du premier propriétaire des lieux. Seulement voilà, ce n’est pas le moment idéal pour prendre des vacances, pas plus en Suisse qu’ailleurs.


Partout en Europe comme aux Etats-Unis, un froid durable et des intempéries incessantes s’abattent : gel, tempêtes, orages et inondations sont le lot commun de tous en cette période que l’histoire retiendra sous le nom d’année sans été. Une grande majorité des récoltes sont fichues, des bêtes meurent, puis les hommes affamés aussi. Il en décède deux fois plus qu’en une année habituelle. La Suisse n’est pas épargnée, bien au contraire, au point que le gouvernement déclare l’état d’urgence concernant la famine nationale.

Pourtant, trois visiteurs anglais sont venus depuis mai tenir compagnie à Lord Byron et son médecin dans leur retraite helvète. Tous ont de bonnes raisons d’être là : le poète Percy Bysshe Shelley et sa compagne Mary Godwin mènent depuis deux ans une vie des plus dissolues, fuyant partout sur le continent le courroux du père de Mary, pourtant philosophe radical, qui accepte mal cette union libre pour laquelle Shelley a abandonné son épouse et ses deux enfants. Mary, qui ne deviendra Mme Shelley qu’à l’hiver suivant, est elle aussi dans un état psychologique pitoyable : elle a perdu un an auparavant leur première fille, née prématurée, et craint pour la santé de William, leur nouveau-né, Percy se montrant incapable de lui offrir la sécurité d’un foyer familial stable. Tous deux ont été entraînés ici sur l’invitation pressante de Claire Clairmont, demi-sœur de Mary qui, suite à une courte aventure avec Lord Byron quelques mois auparavant, est devenue folle de lui et le harcèle de lettres débordantes de passion. Elle vient là dans le secret espoir de faire changer d’avis le poète que ces effusions délirantes ont fait détaler : elle sait sans doute déjà qu’elle porte aussi son enfant. Le couple Shelley a loué la maison Chapuis à Montalègre, pas très loin de la villa Diodati. Ils resteront en Suisse tout l’été.

Le décor est planté, les protagonistes introduits. Aucun d’eux ne se doute alors que ce qui va se dérouler en ces lieux durant ces turbulentes semaines aura une influence retentissante sur la littérature mondiale. Tous sauf la femme énamourée qui les a réunis dans cette villa vont pourtant y prendre part activement.

La petite bicoque louée par Lord Byron. Bolloré peut aller se cacher...


Souvent cloîtré de force en ces pénates à cause du froid et des intempéries, le petit groupe tue le temps en discussions animées, consommation effrénée de laudanum et lectures collégiales. On se lit au coin du feu des histoires pour se faire peur, et notamment la récente traduction française d’un recueil de contes fantastiques allemand, Fantasmagoriana. L’auteur du fabuleux roman gothique Le moine, Matthew G. Lewis, passe même saluer les illustres vacanciers et leur livre enthousiasmé, en traduisant au débotté, des passages entiers du premier Faust de Goethe, avec qui il a eu le plaisir de faire connaissance quelques années auparavant.

Puis un soir, le 16 juin 1816, alors qu’ils sont bloqués depuis trois jours à l’intérieur de la villa Diodati par d’incessantes averses, Lord Byron lance un défi à ses amis : chacun devra écrire une "histoire de fantômes", le vainqueur étant celui dont le récit sera le plus effrayant. Shelley, peu doué pour la prose, abandonnera très vite. Byron n’écrira lui-même qu’un fragment de conte sur la légende des vampires, dont il avait entendu parler lors de son séjour dans les Balkans, fragment qu’il recueillera ensuite dans son poème Mazeppa. Les seules réelles contributions viendront de ceux dont on aurait attendu le moins : Mary et le docteur Polidori, deux écrivains amateurs. A eux deux, et par la grâce alchimique d’un hasard qui avait réuni en un lieu et un temps à nul autre pareils ces personnalités atypiques, ils vont engendrer trois des figures les plus illustres de la culture populaire moderne : le vampire, le savant fou et la créature de Frankenstein.

John Polidori, reprendra là où s’est arrêté Lord Byron, et publiera en 1821 son propre conte fantastique, The Vampyre, qui, suite à un malentendu, sera un temps attribué à Byron lui-même, mais connaîtra un retentissant succès et la progéniture que l’on sait. Cependant, Mary, elle, en cet été pluvieux, cherche encore désespérément un sujet de conte. Une nuit, Byron et Shelley, tous deux férus de science, devisent longuement des expériences récentes en biologie : les recherches du docteur Darwin, le galvanisme, l’électricité, la transmission du principe vital… Mary les écoute religieusement et n’en perd pas une miette. Au petit matin, la conversation entre les deux poètes s’achève et le couple Shelley part se coucher. Mary tarde à trouver le sommeil tant elle est obsédée par les visions pétrifiantes qui l’assaillent :

"Je vis, les yeux fermés, mais avec une forte acuité mentale, je vis le pâle apprenti en sciences interdites s’agenouiller aux côtés de la créature qu’il avait assemblée. Je vis, étendue de tout son long, cette créature humaine hideuse née d’un fantasme donner signe de vie sous l’action de quelque machinerie puissante, puis s’animer d’un semblant de vie en un mouvement maladroit. Cela était naturellement terrifiant car les tentatives de l’homme pour singer la démarche prodigieuse du Créateur du monde ne peuvent que causer une horreur suprême." *

"...the hideous phantasm of a man..."


Elle commence dès le lendemain à rédiger son histoire, mais Percy Shelley, pressentant certainement le potentiel d’un tel sujet, lui conseille de ne pas s’arrêter à sa visée initiale de simple conte et de développer son idée dans une mesure plus ambitieuse et appropriée afin d’écrire une véritable œuvre littéraire. Moins de deux ans plus tard, elle fera paraître, sans nom d’auteur, une première édition de Frankenstein ou le Prométhée moderne. La science-fiction est née!

Car contrairement à ce que l’époque et le décor dans lesquels se déroule l’intrigue de ce roman pourraient laisser penser, il ne s’agit pas d’un roman gothique, et moins encore d’un roman fantastique.** Pour la première fois, une histoire imaginaire prend pour postulat de départ une avancée supposée des sciences modernes. Qui plus est, de la thématique prométhéenne du savant fou à celle du progrès comme source potentielle de danger et de souffrances, tous les grands sujets du genre à naître sont déjà réunis en ce chef d’œuvre. D’ailleurs pour se convaincre de la nature véritable du roman, et de son rôle déterminant de pionnier, il suffit de relire les lignes inaugurales de la préface que Percy Bysshe Shelley avait rédigé, au nom de son épouse, pour l’édition originelle de Frankenstein :

"Le Dr Darwin et quelques physiologistes allemands ont donné à entendre que le fait sur lequel se fonde cette fiction ne relève nullement de l’impossible. Qu’on n’aille pas imaginer que j’accorde une foi aveugle à une telle hypothèse ; néanmoins, je n’ai pas eu le sentiment, en m’en inspirant pour mon récit, de tisser une toile de terreurs purement surnaturelles. L’événement qui se trouve à l’origine de mon histoire ne présente pas les inconvénients inhérents aux simples récits de fantômes et de merveilleux. Il s’est imposé à moi par la nouveauté des situations qu’il autorise, et bien que constituant une impossibilité sur le plan physique, il permet à l’imagination de cerner les passions humaines de manière plus complète et plus riche qu’un enchaînement de faits réels." ***

Voilà la première profession de foi d’un auteur de science-fiction, assumant pleinement les conséquences de la singularité de son récit et créant par là même le contrat de lecture qui sera désormais, à peu de choses près, invariablement celui de toute la littérature d'anticipation.

Bien des ouvrages ont été écrits au sujet de la genèse de Frankenstein et du séjour en Suisse des Shelley en compagnie de Byron. D’importants essais, mais aussi, tant les circonstances profondément romanesques de cette histoire s’y prêtent, pléthore de fictions. Emmanuel Carrère, notamment, a écrit un roman librement inspiré des faits historiques ayant pris place cet été 1816 dans la villa Diodati, Bravoure. Un auteur argentin, Federico Andahazi, a publié quant à lui sur ce sujet un court roman fantastique intitulé La villa des mystères. Enfin Tim Powers, romancier américain, a tiré de cette étonnante aventure littéraire la base de son incroyable gonzo épico-historique, Le poids de son regard, dont Byron, Shelley et Keats sont quelques-uns des plus éminents protagonistes. Mais le mythe est encore fécond. Cet été-là, si la terre resta désespérément sèche, une graine des plus fertiles et vivaces fut planté au cœur de la littérature de genre, qui nourrira et ravira encore longtemps tous les amateurs d’imaginaire.

A venir, l'épisode 2 de nos aventures en terres science-fictives : une brève histoire du mouvement luddite. Stay tuned!

* : Frankenstein ou le Prométhée moderne, préface de 1831, traduction de Paul Couturiau.
** : Les producteurs de l'âge d'or d'Hollywood ne s'y trompèrent pas, eux qui eurent la géniale intuition visuelle d'apposer des boulons sur les tempes de la sinistre créature!
*** : idem, préface de 1817, même traduction.

29 mai 2007

Bienheureux anniversaire!


On ne l'a pas vraiment fêté...normal puisque nos amis médiacrates s'étaient plantés en beauté: il y a deux ans ce cher vieux pays disait Non à l'"Europe divine".


Depuis, nos plumitifs de tous poils ont salué "le retour de la démocratie" avec la risible élection présidentielle du haut de leur vanité surfaite et de leur fatuité revancharde.

Il y a 24 mois, un "évenement voyou" comme le disait ce bon Baudrillard venait troubler le train-train de l'"Europe divine", cette catin adepte de la bonne gouvernance et de la dissolution de la démocratie.

Divine surprise pour tout ceux qui ne croyaient pas à ce funeste projet, à ce salmigondis d'eurocrates... La raison des nations est toujours présente et les Etats comme l'affirme l'antidémocrate Hoffman sont "obstinés".

L'Europe c'est la paix...qui disent... Oh oui, lorsque l'on voit l'Allemagne nous étouffer en compagnie de l'Italie avec les gros bras de leurs pénibles machines-outils, on se dit qu'un tel débordement d'amour peut rester outre-rhin!

L'Europe c'est la démocratie... Bien sûr, quand on constate que l'Eglise de Scientologie (spécialiste du noyautage par assistant parlementaire) est interlocutrice dans le dialogue antidrogue de la Commission (grâce à leur foireux programme Narconon), on se prend à rêver devant ce rapprochement avec "la société civile" !

L'idéologie oligarchique dans son devenir pathogène et carnassière ne voit son salut que par la Communauté européenne et tente depuis déjà 50 ans de dissoudre le Peuple.

La claque de 2007 n'a pas suffit, il va falloir remettre une couche avec la Turquie!

Pinot simple flic...


Message à caractère informatif: notre kamarade Edwy Plenel, expert ès antifasciste des années nonantes est pressenti pour faire un retour fracassant dans... Marianne! Mais comme dit l'autre, il a peut-être "changé" (un débat avec Alain de Benoist ça vous transfigure un homme).

Au CGBi, on se pose la question... C'est Philippe Cohen qui l'a recruté, beau joueur?? Colombani est attendu à la tête de Politis.

Why the Teletubbies are evil !


A l'heure où la Pologne songe à interdire les Teletubbies d'antenne pour incitation à l'homosexualité le CGB ressort des cartons un texte de Bret Easton Ellis qui s'était déjà penché sur le cas de la série pour enfants.

VOICI POURQUOI LES TELETUBBIES SONT MALEFIQUES.

Par Bret Easton Ellis
(traduction en français par Valentin Jolly)

Il y a une emission de télé pour enfants où, dans le ciel grisâtre d'Angleterre, se lève un soleil à visage de bébé (si adorable qu'il a dû être retouché par ordinateur) ; en fond sonore retentit simultanément une petite marche militaire.

Puis, les Teletubbies apparaissent - quatre gros tas informes, personnifiés par des types costumés, chacun d'une couleur différente, comme autant de shamallows palichons. Ils sont affublés d'une sorte d'antenne qui bouge en haut de leurs têtes ; ils batifolent et font de cabrioles sur un terrain vague tapissé de gazon artificiel - un minigolf stérilisé.
Sans raison apparente, ils adoptent des postures de karatékas ; chacun transporte son petit sac à main personnel ; ils se nomment Dipsy, ou bien encore Tinky Winky. Leur visages sont ceux de singes, mais lisses et sans âge. Ils s'expriment à l'aide d'onomatopées et de syntagmes désarticulés; on croirait entendre des serveuses japonaises émêchées dans un sushi-bar quelque part en Enfer. Parfois, ils réagissent aux propos d'un narrateur qui en voix-off leur pose des questions cruciales, du genre : "Et qu'est-ce qu'il y a dans ce sac, Tinky Winky ?".

Comme tous les enfants en bas-âge, les Teletubbies sont fascinés par les ballons, les tissus feutrés et les aliments synthétiques. Ils les manipulent joyeusement. Chez eux, danser en rond autour d'une plante en se tenant par la main semble être un passe-temps particulièrement en vogue. Ils rangent leurs jouets dans des sacs, puis les en ressortent sous les acclamations, avec tambours et trompettes.
Les minutes s'écoulent, les Teletubbies s'affalent au sol, sous le regard altier du soleil-bébé qui en couine de plaisir. Le simple fait d'imaginer les types dans ces costumes en train de préparer de la "tubby-crème-à-la-vanille", de goûter aux "tubby-toasts", ou d'essayer divers couvre-chefs peut déclencher l'irrésistible envie de se confectionner un grand cocktail bien tassé. Les Teletubbies ont pour voisins de vrais lapins géants de toutes les couleurs, qui marchent d'un pas lourd vers des plates-bandes en plastique (un initié m'explique que les lapins en question sont gros "comme des agneaux" et sont "spécialement élevés" pour l'émission).

Ensuite, on entend des bruits de pets, des périscopes émergent du gazon artificiel, et une sorte de grande roue magique diffuse des rayons scintillants qui obligent les pauvres Teletubbies à se blottir les un contre les autres. Parfois, ils vont même jusqu'à s'évanouir. C'est à ce moment précis que les rectangles grisâtres situés sur leurs ventres entrent en action

. Ces hurlus-berlus sous acide sont en réalité des télévisions vivantes, ils exhibent fièrement un écran incrusté dans leur abdomen et qui soudain s'allume, pour diffuser de petits court-métrages mettant en scène de vrais enfants qui agissent de façon déroutante - comme des Teletubbies (ils s'essayent à la gymnastique, referment les fermetures éclair de leurs sacs, ouvrent et ferment des tiroirs, choisissent les habits qu'ils vont porter, chantent à tue-tête, jouent à cache-cache)... En fait, autant de comportements adoptés quotidiennement par pas mal de mes amis de Manhattan.

Au total, ces petits documentaires vous remettent à l'esprit les nombreuses similitudes entre le langage des enfants et celui des grands alcooliques. Bien qu'ils ne possèdent pas la verve contrite et nocive d'un "Barney", les "Teletubbies" ressemblent à l'image qu'un caricaturiste un peu tordu pourrait brosser d'une affreuse émission pour enfants, diffusée dans un monde futuriste conçu par Huxley, Orwell ou Gibson. Les Teletubbies rappellent les mutants du film "Chromosome 3 (The Brood)" de David Cronenberg ; en les observant, on ne peut que penser : bon sang, ils n'ont dus être inventés que pour nous rendre malades ! C'est vrai qu'il fallait oser. Tous les efforts de provocation du chanteur Marilyn Manson ont l'air bidon comparés à ces petits nounours psychédéliques. Avertissement : n'écoutez pas sa chanson "The Dope Show" en regardant les Teletubbies le son coupé. Personnellement, je préfère encore que mes enfants regardent des trucs comme "Taxi Cab Confessions" ou "Delivrance".

Les sonorités lénifiantes, le silence sinistre, l'ambiance New Age, les surfaces immaculées, tout y est si constipé, si contrôlé, si aseptisé, dans un univers où même ce qui est spontané à l'air minutieusement planifié, que cet ensemble inquiétant, dont le moindre humour semble absent, est le parfait symbole des nouveaux pères et mères issus de ma génération.

Une partie de mon irritation vient de ce qu'à mon âge, la plupart de mes amis ont des enfants, s'installent en famille, et que tout ça vient faire irruption dans ma vie de célibataire. Maintenant, au restaurant, je dois réserver au plus tard à 19h00, toutes les personnes que j'invite à des soirées"tardives" se décommandent, et je dois subir, au hasard des conversations, les sempiternelles reflexions sur la drogue ou la violence dans les films (le tout venant d'ex-nymphomanes, d'anciens dealers ou d'ex-drogués). Mais, d'un autre côté, je m'emporte aussi contre l'hypocrisie de ces adultes, créateurs des Teletubbies ou parents terrifiés et bien intentionnés qui collent leur progéniture devant la télé pour l'émission.
Tous, ils s'identifient complètement à leurs enfants et voudraient un monde idéal, un monde pour les bébés. Des adultes qui rêvent d'un monde parfait, totalement conforme à leur conception de ce qui est inoffensif.

A la fin des années 60 et au cours des années 70, il y avait dans "Rue Césame" tout un côté un peu dingue, anarchique, plein d'esprit et d'insolence. Les marionnettes y étaient turbulentes, semaient le bordel et en avaient ras le bol des adultes (représentant l'Autorité). On assistait pèle-mèle à des parodies, des sketches, des chansons rock, et soufflait un vent de délire délibérémént absent de chez les Teletubbies, ce qui rend d'autant plus odieuses ces émissions où toute tentative culturelle est réduite à sa dimension la plus basique, si débilitante même que certains spectateurs parviennent à y discerner une pureté familière et réconfortante. Tout est si douillet ! Soyez zen ! Débranchez-vous ! ZZZzzzzzzzz....

Il me semble qu'avec leurs sales caractères incontrôlables, si le Monstre Mangeur de Cookies ou Oscar le grognon avaient le malheur de mettre le pied au pays des Teletubbies, ces derniers se verraient obligés de les tabasser à mort à grands coups de barre de fer, avant de faire disparaître leur cadavres de muppets grâce aux rayons scintillants de leur grande roue magique.

28 mai 2007

De la nécessité de redevenir Punk

Petite méditation, d’après le réel selon Baudrillard,

ou De la nécessité de redevenir Punk


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C’est probablement déjà fini parce qu’il n’y aura pas de fin. « Nous sommes au-delà de la fin », « dans une sorte de coma dépassé », disait Baudrillard.
En 1976, les punks entamaient leurs vociférations nofuturesques. La même année paraissait son ouvrage intitulé L’échange symbolique et la mort. Il y abordait la question du remplacement de l’original par la copie, c’est-à-dire du simulacre qui ne fait que plus que simuler d’autres simulacres −opération qui a conduit par exemple à remplacer nos bon vieux punks de 76, générateurs de désordre et de conflit (donc de désir, donc de récit), par ce qu’on appellera des « cyberpunks », « néopunks », ou à la manière baudrillardienne « simulacres de rebelles » ; c’est-à-dire des versions virtuelles des premiers, signes autoréférentiels parfaitement coulés dans l’époque, et à ce titre dénués de signification et donc inutiles.

Le « No future » de Baudrillard est à l’image de la réalité qu’il observe, beaucoup plus vaste, beaucoup plus radical. Selon lui, c’en est fini de l’avenir mais c’en est fini aussi du passé. Fini donc également l’histoire, plus de finalité, plus de perspectives. Fini les marges, fini les utopies (elles sont toutes réalisées). Nous sommes dans une virtualisation du monde qui procède d’une hypermédiatisation de toute chose qui fait que, par exemple, les évènements n’ont tout simplement plus lieu. C’est le règne sur la réalité du « temps réel » (inverse du temps réel) et des signes. Et c’en est fini également de l’altérité car fini de la haine et de la domination (pour paraphraser Muray : l’hégémonie du Bien hégémonise tout). Plus de distance, plus de lien social, plus de pensée, plus d’essence ni de transcendance. Cette réalité intégrale où tout est opérationnalisé, où tout est virtuel (hors de toute référence à une réalité), vise ainsi à faire disparaître la mort et par conséquent la vie, ce qui ne peut que conduire à la mort de notre espèce. Le réel a ainsi disparu. Mais Baudrillard considère comme encore plus inquiétant l’anéantissement de l’illusion radicale du monde, celle qui pouvait envisager la réalisation d’une virtualité et dont nous pourrions dire que, dans leur nihilisme actif et l’énergie vitale de leur haine, nos bon vieux punks, évoqués plus haut, l’éprouvaient encore.

Désir menacé, espèce menacée

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Quel est-il ce réel en train de disparaître ? Qui provoque sa perte ?
L’histoire de l’Occident a patiemment donné corps à des idéaux émancipateurs et des principes de rationalité, érigeant en évangiles de justice les idées de liberté, d’égalité et de laïcité. Le monde, tel que le concevait jusqu’alors nos sociétés occidentales, incluait comme moteurs essentiels de cette Histoire : un principe de réalité, l’usage de la Raison, des contradictions et de la transcendance. Ce même Occident, est en train de supprimer ces éléments fondamentaux au profit d’un monde expurgé de toute négativité. Cette mutation radicale substitue au réel ce que Baudrillard nomme « la réalité intégrale ». Réalité qui procède de l’absorption de toute chose par le système sociétal occidental et par la mondialisation de ce même système. Absorption qui, comme nous l’avons mentionné plus haut, ne ménage par exemple plus aucun espace alternatif et ne laisse plus aucune place à la dualité. En ce sens, Baudrillard n’hésite pas à parler de « société intégriste ». Et donc, les sociétés occidentales, par le biais de cette mondialisation « intégriste », étendent cette disparition du réel à l’échelle de la planète toute entière.
Ce processus de liquidation du réel pourrait être motivé par la tentation de notre espèce à souhaiter disparaître. Seulement, le système sociétal occidental semble désormais fonctionner en roue libre. Il n’y a plus de pilote dans l’avion. Il n’y a plus de causes. Il s’agit à présent d’un mécanisme non-identifiable qui s’apparente plutôt à un dispositif fonctionnant tout seul. Ainsi, serions-nous engagés dans un mécanisme purement opérationnel dans lequel le désir ou la volonté ne jouent plus aucun rôle. (1) Car si l’existence n’est plus dramatisée par des conflits ou une ardeur à se dépasser (un dépassement affirmatif, une volonté de puissance), si tout est déjà réalisé, alors à quoi bon continuer à désirer et à vouloir. La disparition du réel est donc l’extinction du désir et de la volonté. Elle revient à dire non à la vie.

Agir, pas réagirDire oui à la vie

APO_V











Est-il encore possible de dire oui à la vie ? Y a-t-il une sortie ?
Quelles dispositions chez les individus sont induites par cette disparition du réel?
Baudrillard semble distinguer trois mouvements majeurs induits par l’hégémonie de cette « réalité intégrale » : la mélancolie, la nostalgie et le défi lucide −entendons que l’un de ces mouvements n’existe pas à l’exclusion des deux autres :

– La mélancolie.
Elle est très certainement la disposition la plus répandue dans nos sociétés occidentales car celles-ci, noyées dans une illusion pure, privée d’origine et de sens, sont dans un état profondément mélancolique. Difficilement évitable, elle est une réaction qui ne se révèle pas néfaste et qui peut même entrer dans la composition d’un « remède », à condition de ne pas être exclusive et à condition de ne pas être une ataraxie ou une apathie dépressive, mais un travail enthousiaste et positif, consistant à organiser cette mélancolie ou à l’accompagner d’une abréaction créative. Dans la perspective de redevenir Punk, il s’agirait par exemple « par opposition avec la voluptueuse ataraxie de certaine musique parisienne » (2), de célébrer « la volonté violente, un pessimisme viril et sain ». (3)
– La nostalgie.
Ici encore, ce mouvement relève plus de la réaction que de l’action. En ce sens, sans la rejeter intégralement, Baudrillard ne la croit pas pertinente comme arme de résistance face à l’anéantissement des valeurs. Peut-être, qu’en tant que retour vers quelque chose, la considère-t-il trop proche du simulacre ou de l’artifice, ou du moins, pressent-il sa propension à y conduire. Lui veut croire en une possibilité de salut au-delà et non en deçà. La question étant que, dans un processus de réhabilitation des valeurs perdues, on ne sait jamais jusqu’où on revient en arrière ? (4) Le même problème subsiste si, au lieu de réhabilitation, on préfère parler de régénération de valeurs perdues –la seule possibilité restant alors la génération de valeurs d’un autre ordre accompagnée d’une nouvelle façon de générer ces valeurs. Il ne suffit pas de remettre la valeur au centre du jeu, il faut également jouer avec ses propres règles et plus avec celles du système.
– Le défi lucide et extrême.
Au contraire des deux autres mouvements, celui-ci se situe dans l’action et non dans la réaction. A ce titre il constitue peut-être une sortie. C’est cette possibilité au-delà invoquée par Baudrillard, la possibilité d’une dimension autre que celle de l’objet perdu simplement ressuscité. Cette voie réclame une radicalité qui consiste à pousser le système aux extrêmes de sa logique, jusqu’à son effondrement, pour « voir ». Mais pour Baudrillard pas question de nihilisme ou de terrorisme. Il invoque ici une théorie qui doit être une hypersimulation. Il s’agit d’ «aller par anticipation au bout d’un processus, pour voir ce qui se passe au-delà », tout en se gardant d’avoir recours aux armes traditionnelles, fournies par une Raison désormais inadaptée à la mise en cause d’un système devenu incontrôlable. Pas les vieilles alternatives donc, mais plutôt des singularités d’un autre ordre. Envisage-t-il alors la génération d’une nouvelle Raison porteuse d’une critique radicale inédite ? Cette idée de défi lucide est difficilement préhensible. Ceci est probablement dû au fait que les modalités de ce défi doivent être inventées. Prenons donc comme indication de la façon de l’assumer, la nature d’élan porteur de vitalité que Baudrillard lui prête. A titre personnel, je l’entendrais comme une haine heureuse, comme une ironie lucide, comme un pessimisme radicalement joyeux ou une joie radicalement pessimiste. Comme redevenir Punk. A chacun de voir.(5)

(1) On comprend que dans leurs principales inspirations, les réalisateurs du film Matrix citent volontiers notre philosophe. Quant à la réussite du film, c’est une autre affaire…
(2) R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908.
(3) idem
(4) En 1992, à l’occasion de la parution de son livre L'Illusion de la Fin ou la Grève des Evénements, Baudrillard déclarait : « […] pour qu'il y ait une véritable nostalgie, il faut qu'il y ait une marche, un déroulement en avant des choses. Dès lors que les choses, les processus se mettent à retourner en arrière, la nostalgie n'a plus de finalité, de raison d'être. La vraie nostalgie, qui est la nostalgie romantique, a été très belle au temps du progrès, mais elle est beaucoup moins sûre aujourd'hui. »
(5) Baudrillard semble présupposer ici, chez les individus, par ailleurs bombardés d’Idéologie, l’existence, à l’état résiduel, d’une disposition à la transgression. Il semble également que ce soit bien par la réinvention de formes d’opposition d’un nouvel ordre, de nouvelles transgressions, de nouvelles façons de pécher, qu’il sera possible de sortir du carcan de la réalité intégrale. La faiblesse de ce principe hégémonique constitué par la réalité intégrale étant, pour citer Léon Bloy lorsqu’il parlait du Hasard, que, comme Dieu, il « peut tout, il veut tout et il fait tout », mais qu’à la différence de Dieu « il ne s’oppose à rien, ne défend rien ». Notre salut face à la disparition du désir est donc peut-être l’actualisation de la notion de péché à l’aune de valeurs d’un autre ordre. Ce serait trouver où est le mal aujourd’hui.

Outre les notions puisées dans les ouvrages, articles et les interviews de Baudrillard, ce texte s’appuie sur l’émission de France Culture Répliques, datant du 7 mai 2005 et intitulée « Penser le présent » et pour laquelle Jean Baudrillard était invité.

Ecouter l'émission : Penser le présent (bientôt mise en ligne)
voir également sur le CGB : Disparition du réel (post de G. Fouquet)

Zefa, 28 mai 2007

25 mai 2007

Message personnel à Mme Boutin et M. Hirsch

Puissent notre nouvelle ministre du logement et le haut commissaire aux solidarités nous entendre, et méditer cette modeste réflexion sur l'urbanisme! Oui, il y a des pistes de solutions concrètes pour sortir de "la crise". Osez, Mme Boutin!

24 mai 2007

Sous vos applaudissements!



La gauche pétard, les révolutionnaires de cité U hurlent encore "Sarko facho"... Les pauvres... ils ne savent pas, ils n'imaginent pas, ils ne conçoivent même pas que leur véritable héros a désormais un nom: Jacques Martin.


Le tsar Sarkozy est partout, il est la droite, la gauche et le centre, il est la résistance et vichy, il est atlantiste et gaulliste, européiste et souverainiste, il est partout et il est nulle part... Il est LE MEDIA et il va falloir l'aimer!

Rien ne sert d'hurler au fascisme, à l'extrémisme: il n'est que le reflet de notre propre médiocrité, le fils chéri de la catin sociale-démocrate et du conservatisme compatissant ET sécuritaire. Il est celui qui pose ventre bedonnant avec le drapeau bleu du IVe Reich et qui se fait adouber à peine investi par la chancelière du Saint Empire et un sous marquis de Pumbal.

Camarades estudiantins, vos luttes sont vaines... Il n'y a qu'un seul homme qui peut vous sauver, un seul homme chez qui vous pourrez puiser la colère nécessaire au dur combat qui vous attend: Jacques Martin.

Il est toujours là...tapi dans l'ombre...amoindri certes...si près et si loin...abandonné de tous... mais pas par le CGBi!!

Souvenez-vous... Un conseil municipal... Un mari furieux à la fin des années 80 et une monumentale branlée pour le futur président. Une chute de cheval? Que nenni, une sainte colère, un jour peut-être il nous livrera son journal d'un homme trompé.

Jacques Martin, véritable homme d'une droite christique et délicieusement décalée... Le monde n'est pas à toi Nico. La lumière du maître de nos dimanches baigne désormais dans nos coeurs meurtris!

Brokeback Joker



Ceux qui pensaient que le prochain Joker serait une copie conforme de celui incarné par Jack Nicholson risquent d'être déçus... Plus psychopathe que clown, Heath Ledger est le nouveau Joker... Sortie prévue en juillet 2008.

Turn that shit off...


Un manifeste? Peut-être. Ce texte vient des entrailles de la terre, il est passé par les ordinateurs les plus crasseux pour arriver jusqu'à vous...


L'équipe a commencé à sentir les effets il y a maintenant une petite semaine. Les visages sont passés du rouge au gris et le son est devenu omniprésent. Les gestes se font de plus en plus rares. Les rixes entre les membres de l'équipe sont de plus en plus violentes et les images se succèdent toujours plus rapidemment sur les écrans. "L'Union dans la diversité" qu'ils répètent sans interruption. "Dialogue social"... "Egalité des chances", "Grenelle de l'environnement", "Plan Marshall pour les banlieues" hurlent-ils gaiement... C'est devenu un champ de bataille. L'Armée défile indifféremment autour de nous. Ils ne nous ont pas encore aperçu. Ils veillent cependant. J'ai entendu dire qu'ils font passer le concours à des fennecs. Cela n'augure rien de bon, ils veulent éviter à tout prix de revivre le soulèvement de l'année dernière. Ah ce bon vieux Auguste à la tête d'une armée de cuistots. Il les a fait bien flippé en ne leur proposant plus que des choux de Bruxelles. Mais ces chacals sont retombés sur leur pattes. Le doute s'est imposé. La seule issue: un enfumage global. Peut-être alors s'ouvriront les regards vers un horizon serein. Nous sommes fatigués et le café semble d'accord avec nos esprits. Il est dégueu.

Je pense que la fin de cette aventure insensée n'aura lieu que lorsque les rayons du soleil perceront enfin cette ceinture orbitale mal en point. Le défilé coincera, la Garde se figera, les regards se tourneront vers lui, et soudain tout le monde tremblera sur les bases d'une entité factice. Ce sera la démolition d'un idéal, l'anéantissement du savoir humain et la renaissance de la faune nervienne. La Cause prendra alors tout son sens. Ne faiblissez pas, nous ne sommes pas encore atteint au niveau des synapses. Mais elle est coriace la Bête. Elle ne se découvre quand on ne s'y attend pas du tout. Et elle s'installe dans nos visions pour en démembrer le sens. Cette chienne aura raison de nous, mais elle n'y arrivera que si nous perdons de vue cette Cause. Aristote enseignait en se balladant, je propose de guerroyer en chantant. Le murmure d'un fauve ressemble est davantage subtil que le cri du porcinet. Mais le porcinet lui le
sait quand le fauve a besoin de sa chair. Le fauve, au contraire, ne sait pas quand il en désirera. Voilà notre Force. Aux chiottes toutes ces théories démentes, réhabilitons la saveur de vivre. Marchons la tête haute et soulevons-nous avec ingéniosité et légereté. Du fond de nos âmes ils ont attaqués, le siège est désormais critique, mais jamais ils prendront ces forteresses.



Demain sans doute mes forces auront déclinées, demain surement aurais-je alors plus le choix, je devrais sortir de ces tunnels qu'ils empoisonnent depuis 15 jours. Retenons les paroles du prophète Zach."Turn that shit off". Il y a longtemps il prêchait dans un micro, je lui rend hommage en rappelant les indécis à la Cause. Faites passer ce message aux enfants qui se préparent à guerroyer. Qu'ils entendent la façon de se redresser. Et alors sera mise à mal l'architecture de l'Illumination.

Happy Deathday, Sir.

Il aurait soufflé ses 108 bougies depuis peu, mais voilà, ce foutu génie est mort il y a maintenant 33 ans. Juste comme ça, une petite vidéo en hommage à l'un des plus grands maîtres dont le jazz aura jamais été honoré : Duke Ellington.

C'est un petit medley concocté par l'orchestre de Chris Royal.

23 mai 2007

Dans le mille!

ZEFA a rendu il y a peu hommage à l'homme, sa démesure et ses demeures, je profite donc de cette occasion pour saluer les écrits d'Honoré de Balzac. Il ne fut pas seulement le peintre méticuleux de la société française, comme on sait, mais aussi, par certains aspects, un auteur parmi les plus lucides et les plus visionnaires.



Jugez plutôt avec ce passage prophétique des Illusions perdues, dont j'achève à peine la lecture. La scène met un groupe de porte-plumes parisiens aux prises avec l'ambassadeur qui est leur invité :

- Je ne soupe jamais sans effroi avec des journalistes français, dit le diplomate allemand (...). Il y a un mot de Blutcher que vous êtes chargés de réaliser.
- Quel mot? dit Nathan.
- Quand Blutcher arriva sur les hauteurs de Montmartre avec Saacken, en 1814, pardonnez-moi, messieurs, de vous reporter à ce jour fatal pour vous, Saacken, qui était un brutal, dit : Nous allons donc brûler Paris! - Gardez-vous en bien, la France ne mourra que de
ça! répondit Blutcher en montrant ce grand chancre qu'ils voyaient étendu à leurs pieds, ardent et fumeux, dans la vallée de la Seine. Je bénis Dieu de ce qu'il n'y a pas de journaux dans mon pays, reprit le ministre après une pause. Je ne suis pas encore remis de l'effroi que m'a causé ce petit bonhomme coiffé de papier, qui, à dix ans, possède la raison d'un vieux diplomate.

Quoi de plus juste? Je ne sais si le mot prêté à Blutcher est exact, mais ce que Balzac fait dire à son personnage est d'une implacable lucidité. De nos jours, certes, tous les pays sont dotés de leur propre presse, et dans bien des cas elles sont plus abjectes encore que la nôtre. Mais la presse française restera toujours une des plus maléfiques, par ce simple fait qu'elle se gargarisera toujours, quelle que soit sa nature, d'être la voix officielle de la liberté d'expression, l'étendard fièrement brandi des droits de l'homme et du citoyen, la tradition républicaine incarnée. Or qu'est devenue la presse française? Qu'a-t-elle fait, ces dernières décennies, cette insolente fille de la Révolution? En dehors de quelques salutaires fanzines ou éphémères journaux et magazines alternatifs, vite étouffés ou vite rachetés, la presse française est morte avec la 3ème république. Bien sûr, elle n'était ni plus libre ni plus innocente à cette époque, mais du moins lui restait-il encore une once de vergogne, qui permît quelques fois de laisser s'exprimer dignement l'intelligence et la liberté. Mais depuis Vichy, elle n'est plus qu'un pitoyable commensale, mangeant à tous les râteliers et criant d'autant plus fort sa nature de phare de la civilisation qu'elle se sait déshumanisée, enchaînée, souillée et vendue à toutes les bassesses. Qu'a réalisé la presse de ce pays depuis plus de soixante ans? Qui a-t-elle servi?

D'abord ce fut ceci :



Puis, dans un autre registre, pas moins collabo, ce fut ça :



Et enfin, grâce lui soit rendue, elle nous a offert ceci :



Elle a beaucoup servi, comme on dit aussi de certaines filles de joie, mais certainement pas les citoyens qu'elle prétendait instruire. Dans ce désastre, tous les organes historiques de presse sont peu ou prou impliqués, mais il n'y a guère d'exemple aussi frappant, édifiant et pathétique de la nature corruptrice de la presse que celui de Libération, quotidien fondé courageusement sur les bases les plus utopistes, mais ayant perdu au fil des ans toujours plus de lecteurs à chaque retournement de veste, s'étant caricaturé jusqu'au ridicule et ne survivant désormais que sous perfusion du Grand Capital pour mieux cracher dans la soupe libérale, en bon rebelle subventionné, au lieu de crever de la sale mort qu'il mérite pour s'être ainsi vendu en se moquant du peuple qu'il devait informer! Triste symbole d'une corporation imbue de sa propre grandeur mais toujours moins honorable.

La girouette germano-pratine, une espèce en voie d'extinction protégée par la WWF


Dans le roman de Balzac, un des plumitifs de la tablée conclut de cette manière après d'âpres échanges le débat engagé par le diplomate :

Le Journal au lieu d'être un sacerdoce est devenu un moyen pour tous les partis; de moyen, il s'est fait commerce; et comme tous les commerces, il est sans foi ni loi. (...) Un journal n'est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront dans un temps donné, lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même. (...) le mal sera fait sans que personne en soit coupable (...). Napoléon a donné la raison de ce phénomène moral ou immoral, comme il vous plaira, dans un mot sublime, que lui ont dicté ses études sur la Convention : Les crimes collectifs n'engagent personne.

Sentence d'autant plus horrible qu'elle est vraie, non seulement de la presse, mais aussi de ce que celle-ci a fait du suffrage universel... Quand donc ce cauchemar prendra-t-il fin? Assez vite, il faut l'espérer, tant se multiplient partout les signes avant-coureurs du grand chambardement. Les hommes n'auront bientôt plus besoin de cette caste de sycophantes qui se nomment journalistes: une autre structure va naître, qui entraînera pour toujours cette engeance turpide dans les oubliettes de l'Histoire. Entre-temps, le Journal aura amené au bord du gouffre l'une des nations parmi les plus spirituelles et les plus libres qui furent jamais. Balzac avait tapé dans le mille : chapeau l'artiste!

20 mai 2007

The French Dallas

La vie politique française ressemble de plus en plus à un bon vieux feuilleton américain des années 80. Des yachts, des amis milliardaires, une épouse kidnappée qui réapparaît au dernier épisode, un traître, une vamp, il y a même un French Doctor (top kitsch) !! Bref que du lourd. Les journalistes politiques sont prêts à utiliser toutes les vieilles « ficelles » scénaristiques pour faire tenir en haleine les français pendant 5 ans.

A quand les bimbos siliconées et cocaïnomanes de Nip Tuck ?


Sa maison et lui se ressemblaient

Les volets, peints en vert, s’ouvrent sur un joli petit jardin habité par quelques arbres. La maison est modeste et discrète. Rien ne semble la distinguer des autres pavillons de ce quartier tranquille de Passy. Et pourtant, quelques-uns des chefs-d’œuvre de la littérature française sont nés ici, dans une des cinq pièces où se trouvent encore le fauteuil et la table de l’écrivain. Dans ce cabinet de travail, ont également survécu la cheminée de marbre noir, le parquet de Versailles et les vitraux aux fenêtres. Que d’heures et que de nuits passées ici ! Que de joies et que de détresses semées dans cette cellule littéraire ! Entreprise herculéenne à propos de laquelle l’écrivain nous dit : « Travailler, c'est me lever tous les soirs à minuit, écrire jusqu'à huit heures, déjeuner en un quart d'heure, travailler jusqu'à cinq heures, dîner, me coucher, et recommencer le lendemain ». Emploi du temps qu’il faut compléter par : travailler de minuit à huit heures, certes, mais les pieds dans une bassine de moutarde pour guérir son arachnoïde* ; dîner, certes, mais en une demi-heure pour pouvoir s’endormir à six heures, après avoir rendu un bref hommage à sa servante-maîtresse, qui partage sa couche et le sert à table. Et il ajoute à propos de celle (la table) qui lui sert pour son travail : « Je la possède depuis dix ans, elle a vu toutes mes misères, essuyé toutes mes larmes, connu tous mes projets, entendu toutes mes pensées. Mon bras l'a presque usée à force de s'y promener quand j'écris ».

En 1840, Passy n’était pas encore un quartier rattaché à la capitale mais un village plutôt pauvre et isolé, lieu idéal pour qui cherche à se cacher. Cette assurance de discrétion poussa ainsi Honoré de Balzac, désireux alors d’échapper à ses créanciers, à y louer, le 1er octobre de cette même année, un appartement situé au 19 de la rue Basse. De 1840 à 1847, il élaborera là sa Comédie Humaine, corrigeant l’ensemble de ses précédents romans et écrivant quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre tels La Rabouilleuse, Splendeurs et misères des courtisanes ou encore La Cousine Bette et Le Cousin Pons.
De nombreuses histoires et légendes courent sur la vie de Balzac et sur les lieux qu’il occupa. Mais est-il une maison qui n’a pas d’histoire à raconter ? Dans celle de Passy, qu’il loua sous un faux nom, on dit qu’il existait un escalier menant à une ruelle attenante et que l’écrivain empruntait pour fuir ses créanciers. Il était d’autant plus aisé de le faire que, pour parvenir jusqu’à l’appartement, il fallait en quelque sorte descendre pour arriver en haut. Après avoir sonné chez le concierge, il fallait en effet pénétrer dans le bâtiment qui dissimulait la maison, descendre deux étages pour arriver au premier et, une fois parvenu à ce rez-de-jardin, donner le bon mot de passe qui vous autorisait à traverser une cour au fond de laquelle se trouvait la thébaïde de l’écrivain**. Balzac avait visiblement pris toutes ses précautions vis-à-vis des visiteurs indésirables. Mais on raconte que son désir de dérobade, sa volonté de se rendre indécelable ne s’arrêtaient pas là. Est en effet exposé aujourd’hui dans cette maison, un objet qui donne lieu à une légende charmante : la canne à pommeau d’or et de turquoises. Il s’agit d’une canne dont Balzac fit orner le pommeau d’un collier de jeune fille appartenant à Madame Hanska, comtesse polonaise qu’il épousa à la fin de sa vie. Ce qui frappe, c’est la disproportion de ce pommeau qui fait plus ressembler l’objet à un gourdin de luxe qu’à un accessoire destiné à marcher. Ainsi, on aurait pu penser cette canne comme arme destinée à faire disparaître quelque importun en l’assommant ou du moins en menaçant de le faire. Mais si l’on en croit La canne de Monsieur de Balzac -ouvrage de Mme de Girardin, l’amie du Tout-Paris des lettres d’alors- cet objet ne servait pas à faire disparaître les gêneurs éventuels mais à se soustraire soi-même à leurs regards afin de pouvoir les mieux observer. Cette canne avait tout bonnement le pouvoir de rendre celui qui la porte… invisible ! C’est grâce à elle que Balzac aurait pu tout à loisir et en toute tranquillité étudier ses contemporains et restituer une vision si précise de la société.

Ainsi, de toutes ses résidences, la maison de Passy, ainsi que celle connue sous le nom des Jardies, sont les demeures qui gardent le plus de souvenirs de Balzac. Si, des onze domiciles parisiens de l’écrivain, la maison de Passy est la seule qui subsiste aujourd'hui, on trouve néanmoins, dans des lettres ou des récits de visiteurs, de nombreux détails et anecdotes sur celle qu’il occupa précédemment et qui fut la seule qu’il acheta : Les Jardies. Ses tribulations parisiennes avaient amené Balzac, en 1837, à acquérir cette maison. Il était alors toujours poursuivi par le fisc. Il décida donc, pour éviter la prison, de fuir à la campagne. C’est ainsi qu’il s’installe en septembre 1837 à Sèvres, dans la modeste maison d’un tisserand acquise pour 4500 francs, somme que lui avança la comtesse Visconti aux crochets de laquelle il vivait alors. Insoucieux de ses dettes, il décide de faire construire, dans le jardin de la propriété, une sorte de chalet suisse dans lequel il logera, délaissant ainsi l’autre habitation située à quelques pas. Cette dernière servira à entreposer des meubles et des livres.

20 mai 1799 :
naissance de Balzac
à Tours.

S’improvisant maitre-d’œuvre pour la construction du chalet, Balzac, dans son empressement fantasque et autoritaire, omit tout simplement de faire figurer sur les plans un escalier intérieur. La maison une fois terminée, les ouvriers osèrent enfin lui en faire la remarque. Pour remédier à ce fâcheux oubli, il décida, après-coup, d’adjoindre à la construction un escalier extérieur en haut duquel il aurait ainsi la possibilité de « cracher sur Paris » qu’il considérait comme « pourrie par l’argent ». Situé sur la colline de Ville d’Avray, le terrain, très pentu et sujet aux glissements, donnera les pires difficultés aux jardiniers-architectes chargés de l’édification du chalet et de ses jardins. Par ailleurs, toujours baigné d’illusions abracadabrantes, Balzac avait projeté de parer sa demeure de richesses mobilières démesurées : revêtement de palissandre et livrée de velours amarante pour les escaliers intérieurs (escaliers qu’il avait de toute façon oublié de commander) ; et pour le reste de la maison : revêtement en marbre de Paros, stylobate en bois de cèdre, plafonds peints par Delacroix, tapisserie d’Aubusson, cheminée en marbre cipolin, portes façon Trianon, parquet-mosaïque formé de tous les bois rares des îles. Et point d’orgue de cette rêverie mirifique, il envisageait également de faire, sur ce sol diagonal et infertile, un jardin à la française !
Evidemment, faute de moyens, ce qui devait être un palais luxueux et exotique n’est resté qu’à l’état de campement de fortune. Et ces merveilles imaginaires demeurèrent uniquement à l’état d’inscriptions, faites au charbon de bois par Balzac lui-même, sur les murs en stuc des pièces du chalet auxquelles elles étaient promises.
En revanche, une innovation technologique de sa conception, et dont il ne manqua de s’enorgueillir auprès de ses amis***, fut concrètement réalisée : un système de sonnettes dissimulées dans les murs et qui ne laissait apparaître aucun fil disgracieux et qui ne laissait entendre aucun bruit métalliquement désagréable, n’entravant ainsi en rien l’harmonie du lieu –harmonie pourtant elle-même invisible puisqu’il n’y avait pratiquement rien, ni mobilier, ni décoration, dans cette maison décidément si singulière.
Enfin, dans la longue liste des projets extravagants, il est bon de mentionner celui qui devait transformer son jardin en plantation d’ananas, commerce dans lequel il voulait se lancer mais idée qui resta lettre morte. En 1840, Les Jardies finissent par être saisies par les créanciers et il est obligé de quitter Sèvres, laissant des dettes dans tout le village : 222 francs à la blanchisseuse, 750 au boucher, 600 au garde-champêtre. La suite, nous la connaissons, il jettera son dévolu sur le village de Passy et sur la maison baptisée du même nom. Et si à Sèvres, des Jardies il ne reste aujourd’hui que la maison primitive, il est probable que le lieu se souvient encore du passage de ce « cerveau poétique tapissé de chiffres comme le cabinet d'un financier », de cet homme « aux faillites mythologiques, aux entreprises hyperboliques et fantasmagoriques dont il oublie toujours d'allumer la lanterne ; le grand pourchasseur de rêves, sans cesse à la recherche de l'absolu ; lui, le personnage le plus curieux, le plus cocasse, le plus intéressant et le plus vaniteux des personnages de La Comédie humaine, lui, cet original aussi insupportable dans la vie que délicieux dans ses écrits, ce gros enfant bouffi de génie et de vanité, qui a tant de qualités et tant de travers que l'on hésite à retrancher les uns de peur de perdre les autres, et de gâter ainsi cette incorrigible et fatale monstruosité ! »****

* Arachnoïde : ANAT. Fine membrane enveloppant l'encéphale et la moelle épinière :
Dérivé : Arachnoïdite, arachnitis. Altération inflammatoire ou cicatricielle de l'arachnoïde.
Inflammation constante de l'arachnoïde, ou réseau de nerfs qui servent d'enveloppe au cerveau.
** mots de passe dignes de ceux de Radio Londres, les plus fameux auraient été : « j’apporte des dentelles de Belgique » ou « la saison des prunes est avancée ».
*** Voici comment il présenta la chose à Léon Gozlan lorsque celui-ci vint visiter le chalet:
« Vous ne vous êtes jamais aperçu, en admirant les perfectionnements que j’apporte à la décoration intérieure des Jardies, me dit-il, d’une innovation ingénieuse et rare que je puis presque revendiquer comme mon œuvre personnelle, je n’ose pas tout à fait dire comme un chef- d’œuvre personnel ? »
**** Charles Baudelaire, Comment on paie ses dettes quand on a du génie (in Le Corsaire-Satan, 24 novembre 1845).

Sources :
Les hauts lieux de la littérature en France, Jean Paul Clebert, 1995, Bordas
Balzac en pantoufles, Léon Gozlan, 1856 (Maisonneuve et Larose, ©2001)
Honoré de Balzac à Passy, Maisons d’écrivains (Electron Libre Productions, ©2006)
Site internet : La maison de Balzac à Paris