29 novembre 2009

Raoul 1er Président

Pour une démocratie royale punkyfooonk, votez Raoul Petite ! Le sexa était hier soir au Bataclan avec sa clique de déjantés : la fête des fous sur scène, le feu à la salle. Ce groupe, c'est tout et n'importe quoi mais pas n'importe comment. Tout passe à la moulinette : punk rock, métal, groove, funk, cuivres de feria, rap parodique de pacotille, chant lyrique. Tout est travesti, déguisé, détourné. Une fiesta garantie à 16 euros la place (!!!). C'est frais, c'est bouillant. A voir absolument.







Fessée parentale interdite, psychologie conjugale sous surveillance...

Ici et .
Heureusement:

28 novembre 2009

Domino's Mouton


Attention opération spéciale pour l'Aïd el-Kébir : votre mouton en 30min ou remboursé !!

SOURCE

Intellectuels ou gramophones?



Jean-Claude Michéa est rare en entrevue... et quand il en donne, cela se termine par des ouvrages décapants pour la gauche.

Voici la dernière en date, issue du Magazine Littéraire de décembre 2009 sur le grand George Orwell, JC Michéa explique les atermoiements de la gauche à la lumière d'Orwell. Pour lui tenir le crachoir, on retrouve, notre mascotte Babeth Lévy.



Ecrivain et professeur de philosophie à Montpellier, Jean-Claude Michéa est l'auteur de plusieurs essais autour de la pensée et de l'oeuvre de George Orwell dont Orwell, Anarchist tory et Orwell Educateur réédités recemment (chez Climats). Prônant des valeurs morales proches du socialisme d'Orwell, Michéa fustige l'intelligentsia de gauche, qui s'est, selon lui, éloignée du monde prolétarien et populaire et de la common decency, cette "décence commune" portée par la culture ouvrière traditionnelle. Dénonçant la montée en puissance de l'individualisme libéral, Michéa déplore que les idéaux modernistes bourgeois aient phagocyté le socialisme- processus qu'il analyse dans un autre de ses essais, Impasse Adam Smith (Champs-Flammarion). Il explique pour le Magazine Littéraire, ce que sa trajectoire intellectuelle doit à l'auteur d'Hommage à la Catalogne.

Orwell est en quelquesorte le père de la pensée antitotalitaire. Maintenant que l'antitotalitarisme est hégémonique et que, conjugué avec le règne sans partage du marché, il prétend accoucher de la fin de l'Histoire, n'est-il pas dépassé par ses idées devenues folles? Autrement dit, Orwell n'est-il pas un penseur pour le XXe siècle?

JC Michéa: Je ne partage pas du tout votre optimisme en ce qui concerne l'antitotalitarisme. En réalité, ce qui est devenu hégémonique, depuis le promotion médiatique des "nouveaux philosophes", c'est essentiellement l'usage libéral du concept de totalitarisme. Soit en d'autres termes, une version extrêmement appauvrie de la vieille doctrine "des droits de l'homme" (généralement réduite, pour les besoins de la cause, à l'improbable "lutte citoyenne" contre "toutes formes de discrimination") qui, en suggérant une image convenue de "l'empire du mal", a surtout servi à légitimer le repli massif du clergé intellectuel sur les dogmes fondateurs de l'"empire du moindre mal", politique et culturel. Or, ce qu'Orwell s'efforçait de saisir sous le terme alors naissant de "totalitarisme est autrement plus original et profond- on ne devrait d'ailleurs jamais oublier que ses théorisations n'ont pas été dans le tour d'ivoire d'un campus universitaire mais bel et bien à l'épreuve du feu, c'est à dire à partir de l'expérience directe, dans le Barcelone de 1937, du stalinisme réellement existant et de la terrible chasse à l'homme dont lui-même et ses camarades du Poum ont fait l'objet dès leur retour du front d'Aragon.

Au-delà des mécanismes classiques de la terreur policière, il a en effet très vite compris qu'aucune organisation totalitaire ne pourrait durablement fonctionner sans le développement d'un nouveau type d'"intellectuels" ( il incluait sous ce nom, à la suite de James Burnham, tout ceux qui sont préposés à l'encadrement technique, managérial, et culturel du capitalisme avancé) et de sa pratique spécifique: l'idéologie. Non pas au sens marxiste du terme (un discours qui rationalise inconsciemment des intérêts de classe) et encore moins au sens libéral (toute espèce de conviction morale ou philosophique visant à exercer ses effets au-delà de la sphère privée). Mais au sens d'un régime mental inédit (du moins à cette échelle), plongeant ses racines das l'amour du pouvoir, et de nature à induire les zélés pratiquants une anesthésie générale du sens moral.

La victoire de l'idéologie serait donc la défaite de l'éthique?


Pas seulement de l'éthique. Pour Orwell, cette insensibilité morale à d'autres conséquences: d'une part un aveuglement stupéfiant à la réalité ("il ment comme un témoin oculaire", aimaient à plaisanter les Soviétiques), de l'autre, la perte de tout sens esthétique et de tout sentiment de la langue écrite et parlée. Si la "LTI" de Victor Klemperer représente de ce point de vue, le penchant national-socialiste du "duckspeak" stalinien, il est cependant intéressant de notre qu'Orwell décelait certains prémices de cette corruption moderne du langage dans le jargon des "experts" et des journalistes de son époque. Or non seulement, comme chacun peut le constater, ce nouveau type humain à survécu sans dommage à la Chute du Mur de Berlin, mais il devrait être évident, à l'ère du "politiquement correct", de la consommation dirigée et du nouveau "management" capitaliste, qu'il se porte comme un charme, au point d'avoir été cloné de façon industrielle. C'est là, du reste, un phénomène qu'Orwell avait clairement anticipé: "D'après tout ce que je sais, écrivait-il ainsi en 1945, il se peut que, lorsque La Ferme des Animaux sera publiée, mon jugement sur l'Union Soviétique soit devenu l'opinion généralement admise. Mais à cela servirait-il? Le remplacement d'une orthodoxie par une autre n'est pas nécessairement un progrès. Le véritable ennemi, c'est l'esprit réduit à l'état de gramophone, et cela reste vrai que l'on soit d'accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment."

Etes-vous si sûr que l'orthodoxie antitotalitaire d'aujourd'hui ne constitue nullement un progrès par rapport à celle d'hier?


Il faudrait, encore une fois, s'interroger sur la solidité réelle de cette supposée "hégémonie" du discours "antitotalitaire". Si l'analyse d'Orwell est juste, il est tout à fait possible, au contraire, que le retour inévitable (selon la loi des cycles idéologiques) d'un certain degré de critique anticapitaliste s'accompagne de nouveau d'une remise en question du concept de "totalitarisme", - conformément au principe particulièrement stupide que veut que les ennemis de nos ennemis soient nécessairement nos amis ( l'"islamophobie" pourrait, dans cette hypothèse, constituer l'un des substituts les plus présentables du vieil "antisoviétisme primaire"). Si tel était cas, il faudrait alors conclure que nos élites intellectuelles_ à l'image de ces émigrés retrouvant leurs privilèges après la chute de l'Empire- n'auraient rien appris ni rien oublié. Tel est souvent le prix à payer- remarquait d'ailleurs Orwell- pour le rêve d'une société "dans laquelle ce serait enfi l'intellectuel qui tiendrait le fouet".

Je ne voudrais pas vous peiner, mais Orwell ne nous apprend-il pas qu'il faut préférer le moindre mal au mal tout court, comme le montre son patriotisme résolu pendant la guerre?

Vers la fin de sa vie, Orwell a effectivement écrit dans l'un de ses carnets d'hôpital, qu'en politique "il ne s'agit jamais que de choisir le moindre des deux maux". Mais c'est uniquement parce qu'il faisait alors allusion à son positionnement personnel durant la Seconde Guerre mondiale, et donc à ces situations historiques extrêmes "auxquelles on ne peut trouver d'issue qu'en se comportant en forcené ou en dément", -tout en ajoutant que, même dans de telles situations, "il faut réussir à maintenir inviolée une par de soi-même". On est donc très loin du discours tenu par les libéraux. Pour ces derniers, en effet, ce qui a toujours fondé leur appel à une politique du moindre mal, ce n'est pas tant l'existence toujours possible de tels situations historiques (et l'époque des guerres civiles de religion en était assurément une), c'est plus fondamentalement, la nature même de l'homme, dont il faudrait toujours attendre le pire, pour peu qu'il refuse d'écouter la seule voix de son intérêt bien compris. Une telle hypopthèse métaphysique est évidemment aux antipodes des idées d'Orwell sur la "décence" naturelle des travailleurs et des simples gens, telle qu'il l'avait découverte à Wigan et sur le front espagnol.

Le péché philosophique originel des libéraux c'est, en somme, d'avoir transformé en vérité anthropologique universelle ce qui n'était éventuellement que la vérité provisoire d'une situation particulière; oubliant du même coup que, si l'homme est de toute évidence capable du pire, il est tout autant capable du meilleur, dès lors que les circonstances et le contexte ne s'y opposent pas radicalement. Et le socialisme d'Orwell (la "société décente") reposait justement sur cette conviction profonde qu'il était encore possible d'édifier un contexte politique, social et culturel d'encourager en permanence les individus à donner, autant qu'il est possible, le meilleur d'eux-mêmes. On peut certes trouver utopique une telle société. Mais il n'y aurait aucun sens à présenter celle-ci comme un "moindre mal".

Orwell établit une distinction entre la gauche et le socialisme. Et vous avez fort bien montré comment la gauche, par sa naissance même comme partu du mouvement, était logiquement devenue la meilleure alliée du capitalisme (ce qui signifie d'ailleurs qu'il n'y a plus de grande différence entre elle et la droite et que donc ces catégories ne sont guère utiles). Etes-vous, avec Orwell, le défenseur d'une gauche non moderne ou d'un socialisme conservateur, bref d'un anarchisme tory? Ne sont-ce pas des oxymores?

Ce ne sont que des oxymores qu'à l'intérieur du dispositif idéologique légué par les courants dominants de la philosophie des Lumières (il faut donc en exclure cette tradition du républicanisme "néoromain" dont Orwell- Bernard Crick l'a souligné-était souvent assez proche). Pour les élites intellectuelles du XVIIIe siècle, en effet, il s'agissait avant tout de tracer une ligne de démarcation infranchissable entre les partisans du "Progrès" et de la "Raison" (ce que l'on appellerait bientôt la "Modernité") et les tenants d'un passé ténébreux, que les progressistes les plus radicaux assimilaient en bloc à l'absurde système "féodal" et à son cortège de superstitions populaires, de coutumes ridicules et de préjugés inacceptables. L'ambiguïté d'un tel dispositif- dans lequel Engels voyait le "règne idéalisé de la bourgeoisie"- saute immédiatement aux yeux. D'une part, il a conduit à ancrer le libéralisme- moteur principal de la philosophie des Lumières- dans le camp des "forces de progrès" (on sait d'ailleurs que Constant, Bastiat et Tocqueville siégeaient à gauche, voire à l'extrême gauche du Parlement). De l'autre, il a contribué à rendre d'avance illisible la critique socialiste originelle, puisque celle-ci allait précisément naître d'une révolte contre l'inhumanité de l'industrialisation libérale et l'injustice de son droit abstrait. Ce qui explique au passage, qu'un Marx- à la différence d'une Marie-George Buffet ou d'un Olivier Besancenot- n'aurait jamais songé à se revendiquer de la gauche: comme la plupart des socialistes de son temps, il défendait encore la précieuse indépendance du mouvement des travailleurs, tant à l'égard de la droite monarchiste qu'à celui de la gauche libérale, quitte à appuyer parfois cette dernière pour des raisons purement tactiques et provisoires.

Y'aurait-il des accointances entre la révolution (le socialisme?) et la réaction?

Oui, si l'on tient aux schèmes idéologiques introduits par la "nouvelle philosophie". Mais cette atopie singulière du socialisme naissant ne signifie évidemment pas que ses partisans entendaient revenir au monde d'avant la Révolution. Ce qui est sûr, en revanche, c'est ce que leur dénonciation de ce dernier était infiniment plus subtile que celle des idéologues de gauche. Dans leurs critiques de l'Ancien Régime, ils prenaient en effet toujours soin de distinguer ce qui relevait du principe hiérarchique (un socialiste est par définition hostile à toute forme d'oligarchie, quand bien même elle se fonderait sur la prétention de certains à être "plus égaux que les autres") et ce qui relevait du principe "communautaire" (la Gemeinwesen de Marx) et de ses conditions morales et culturelles: un socialiste s'oppose par essence à ce qu'Engels appelait la "désagrégration de l'humanité en monades dont chacune a un principe de vie particulier". Pour les premiers socialistes il était donc clair dans laquelle les individus n'auraient plus rien d'autre en commun que leur aptitude rationnelle à conclure les marchés intéressés ne pouvait pas constituer une communauté digne de ce nom- on remarquera, au passage, que la gauche contemporaine aurait presque fini par nous faire oublier l'étymologie même des mots de "communisme" et "socialisme".

Tout cela, naturellement, Orwell le sentait et le vivait de façon viscérale. Et c'est avant tout cet aspect du "passé" (celui qui fonde, en définitive, une grande partie du sens et du charme de l'existence humaine) qu'il désirait protéger et développer, jusqu'à en faire l'horizon nécessaire- ce n'est qu'un paradoxe apparent- de toute vie privée réussie. Et quitte, selon son habitude, à multiplier les provocations philosophiques destinées à éveiller les intellectuels de gauche de leur éternel sommeil dogmatique. C'est ainsi par exemple, qu'il confia un jour que, " ce dont avait besoin l'Angleterre, c'était de suivre le genre de politique prônée par le G.K's Weekly de Chesterton: une forme d'anticapitalisme et de joyeuse Angleterre agraire et médiévale". C'est à coup sûr dans ce cadre précis qu'il convient d'interpréter sa dernière volonté d'être inhumé selon le rite anglican. Il ne croyait évidemment pas en Dieu, mais il n'en pensait pas moins que "le véritable problème était de trouver un moyen de restaurer l'attitude religieuse, tout en considérant que la mort est définitive". Non qu'à ses yeux le sens moral trouve son fondement réel dans la religion, mais simplement parce qu'il était convaincu- et bien des révoltes populaires lui donnent raison sur ce point- que la religion pouvait aussi fonctionner, à l'occasion, comme l'un des habillages culturels les plus efficaces de la common decency.

D'accord chez Orwell, l'expérience existentielle précède et domine l'élaboration théorique. Il ne part pas des idées mais des individus concrets et de leurs vies concrètes pour penser le monde commun. Mais justement, la common decency est une disposition personnelle plus qu'une construction collective. Le pari sur la persistance de cette disposition n'est-il pas un peu hasardeux- peut-être vivons-nous une mutation anthropologique qui consacrerait la victoire de l'individu rationnel des libéraux sur l'homme décent d'Orwell? Est-il raisonnable aujourd'hui, aujourd'hui, de prétendre édifier la maison commune sur une moralité partagée?

Orwell est incontestablement un moraliste, si l'on entend par ce mot celui qui- à l'image d'un Spinoza ou d'un Nietzsche- s'efforce en permanence de chercher l'homme derrière l'idée. Pour lui aucune société matérialiste n'était envisageable sans cette personnelle d'implication du sujet dans ses actes qui est le principe ultime de toute décence et de toute honnêteté intellectuelle; et il est certain qu'au XXe siècle, peu d'intellectuels auront autant payé de leur personne pour essayer d'accorder leur vie à leurs idées (de là l'admiration que lui vouait, par exemple, un Henry Miller, pourtant si éloigné de ses convictions socialistes). Cette exigence morale est le fondement le plus stable du double combat qu'il a conduit en permanence contre l'indifferentisme moral des libéraux et contre "l'esprit réduit à l'état de gramophone" qui caractérise les intellectuels totalitaires. Cependant, il convient d'ajouter que la common decency - condition première de toute révolte authentique- ne représentait pour Orwell que le point de départ nécessaire d'une politique socialiste. Il faut certes "s'appuyer sur elle", écrivait-il, mais aussi et surtout lui assurer "un développement infini" sous peine de se retrouver piéger, d'une manière ou d'une autre, dans l'autre, dans l'univers délétère du "communautarisme" et du nationalisme. Rappelons qu'Orwell, à la différence des intellectuels de gauche d'aujourd'hui, savait parfaitement distinguer ce dernier de l'attachement ce dernier de l'attachement à son pays natal et du dévouement patriotique. Ce qui est ici en jeu, c'est donc une fois de plus l'éternelle dialectique du particulier et de l'universel: en ce sens, toute théorisation socialiste doit quelquechose à Engels, même si Orwell, en bon anglais, manifestait une solide indifférence pour l'oeuvre de celui-ci.

En somme, la cité d'Orwell se construit non pas sur l'ablation des singularités concrètes mais à partir d'elles?

C'est non seulement l'idée-clé de toute sa politique, mais c'est aussi, selon moi, ce qui en fait toujours l'intérêt et la force. Comme le prouve, en effet, l'expérience de toutes grandes révoltes populaires (mais aussi bien l'histoire de l'art), c'est toujours à partir d'une tradition culturelle particulière qu'il apparait possible d'accéder à des valeurs véritablement universelles, c'est à dire à des valeurs susceptibles de parler à tous. Celles-ci ne peuvent jamais constituer un point de départ acquis d'avance, et dont la condition première serait la ruine de tous les enracinements particuliers- un peu comme si, par exemple, l'amour des langues étrangères ne pouvait surgir que de l'indifférence au génie de la sienne propre. Elles se présentent toujours, au contraire, comme l'aboutissement d'un dur labeur historique- nourri, entre autres, de l'expérience des situations affrontées en commun- et qui doit finir par dégager tout ce qui, à l'intérieur d'une tradition culturelle donnée, se révèle effectivement universalisable, et donc d'être repris (moyennant un travail complexe de traduction) dans la culture universelle de l'humanité. Il ne fait aucun doute qu'Orwell aurait beaucoup apprécié la définition de l'écrivain portugais Miguel Torga : "L'universel, c'est la local moins les murs". Aux antipodes des catéchismes modernes, elle permet en effet de distinguer une fois pour toute l'humanisme véritable ( horizon de tout projet socialiste) de cette présente uniformisation touristique et marchande de la planète pour laquelle Orwell éprouvait à juste titre une sainte horreur.


Dans le fond, aspire à une société d'adultes capables d'intégrer à leurs désirs l'existence de l'autre et d'accepter des limites. Il semble qu'ajourd'hui la plupart des gens souhaitent au contraire jouir d'une enfance éternelle. Si Orwell a quelquechose à dire, reste-il quelqu'un pour l'entendre?

Il est assez facile de faire tenir ensemble la dénonciation orwellienne de l'égoisme libéral et ces appels réitérés à une vie adulte et responsable (ces appels l'avaient d'ailleurs conduit à réviser en partie son jugement sur Kipling). " Dans leur grande masse, écrivait-il, les hommes ne sont pas à proprement parler égoiste. Arrivés à l'âge de 30 ans ils abandonnent leurs ambitions personnelles essentiellement pour les autres". Cette observation pertinente ( quoiqu'on pense de l'âge retenu) invite à conclure qu'égoisme et immaturité vont necessairement de pair, que le premier n'a rien de naturel- contrairement à ce qu'imagine les libéraux- et que chez un adulte il ne représente généralement que le solde non-réglé d'une histoire d'enfance. Une telle conviction explique sans doute qu'on ne trouve aucune trace chez Orwell d'un quelconque culte politique de la jeunesse en tant que tel ( à travers l'exemple de la "Ligue antisexe", dans 1984, il souligne même le rôle sinistre qu'elle a pu jouer dans l'embrigadement totalitaire). Mais elle a en outre l'avantage d'éclairer un aspect majeur du développement des sociétés capitalistes contemporaines. En présentant comme une construction "idéologique" arbitraire toute référence à une autorité symbolique- c'est à dire tout montage normatif qui ne serait pas celui du marché ou du droit- , les libéraux ont en effet ouvert la voie à une bien étrange confusion: celle qui tend désormais à assimiler toute défense de la fonction paternelle à une simple réhabilitation masquée de la vieille domination masculine et patriarcale ( effectivement incompatible avec l'idée d'égalité).

Or il demeure toujours vrai que l'éducation d'un être humain suppose nécessairement l'intervention d'un "tiers" (quelquesoit le sujet appelé à occuper cette place) dont le rôle symbolique est de permettre cette prise de distance vitale avec la mère sans laquelle aucun sujet humain ne pourrait "grandir" ni donc accéder à l'autonomie véritable et à la maturité. En invitant à jeter le "père" avec l'eau du bain, l'idéologie libérale (comme l'éducation qu'il lui est associée) a donc certainement remporté l'une de ses victoires politiques les plus éclatantes- et l'on sait, malheureusement, le rôle décisif que la culture de gauche a joué dans cette victoire. Elle a en effet rendu plausible, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, l'avènement d'un monde dans lequel - la volonté de toute-puissance infantile n'ayant pu rencontrer ses limites indispensables- la maturité serait enfin devenue l'idéal inaccessible (et, du reste, privé de sens) et l'égoisme, la loi du grand nombre y compris après 30 ans. L'avènement d'un monde, en d'autres termes, dans lequel le capitalisme se trouverait théoriquement en mesure de reproduire à l'infini (mais à quel prix?) le nouveau type anthropologique- un narcisse égoiste dominé par sa volonté de puissance qui est la clé ultime de tous ces montages métaphysiques.

Certes, nous sommes encore assurément très loin d'un tel monde, à supposer même qu'il puisse tout simplement fonctionner. Mais, s'il est vrai, comme l'écrivait George Trow, que, " lorsqu'il n'y a plus d'adultes, commence le règne des experts", il existe déjà suffisamment de signes pour laisser présager qu'une mutation aussi inquiétante est bel et bien en cours dans l'un de ses rares accès de pessimisme (c'était, il est vrai, en 1939), Orwell avait écrit qu'il se pourrait un jour " qu'on créé une race d'hommes n'aspirant pas à la liberté, comme on pourrait créer une race de vache sans cornes". Souhaitons que, pour une fois au moins, il se soit vraiment trompé.

27 novembre 2009

La planète des bédouins

Un émir idiot, des hôtels à la con, des gratte-ciel prétentieux et beaucoup de sable.




En ce moment sur vos écrans.


Courrier des lecteurs (non corrigé) :
objet du mail : "L'emir de Dunai baise ta mere"


Salut,
Je viens de tomber sur ton blog et je ne comprend pas un truc à propos de ton montage sur Dubai????
Quand les banquiers americains à forces de vendre des produits financiers fictifs indexes sur d'autres produits financier encore plus fictif....ça pose probleme à personne.
Des banques françaises ont investis dans cette carotte monumentale et ça avait pas l'air de te choquer...
Dubai eternue et tu traites son emir de bon à rien!!!
Le probleme avec vous les suceuses de nazis c'est que quand des muslims posent des bombes c'est des terroristes ( des bombes de 300 kilos lachés sur des civiles ça c'est des dommage collateraux), quand un musulman fait tout pour ouvrir son pays au reste du monde en investissant dans des infrastructures tout le monde l'attend au tournant....
Vivement que ces chers chinois vous la foutent bien profond .....enfin si ce n'ai deja fait ahahaha!!!!!
Amuse toi bien derriere ton ecran avec ta savonette et continue de marcher tete baisser dans la rue.
Morad C...

Nouvelle agression d'un élève de Science Po!

Cette fois-ci, un des grands reporter du CGB était là pour immortaliser le drame... Vous ne pourrez plus dire "on ne savait pas":


Rodney King II


20 novembre 2009

NKM lance le livre 2.0



SOURCE

Exercices de Pornologie



La Cité Perverse (Denoël) est le magistral dernier ouvrage de Dany Robert-Dufour (DRD) qui clos la trilogie sur le libéralisme entamée par "L'Art de réduire les têtes" et poursuivie par "Le Divin Marché" (toujours chez Denoël).

Sous-titré "Libéralisme et pornographie", le nouvel opus de DRD est aussi le plus fouillé et le plus précis car il opère un véritable travail d'archéologie sur l'emprise libérale par laquelle nous sommes passés de St Augustin à Bernard Madoff via la résurgence du Marquis de Sade.



C'est avec une peinture de Félicien Rops "La dame aux cochons- les Pornokrates" que DRD illustre son oeuvre et son propos puisque, pour lui, le libéralisme consiste à une véritable libération des concupiscences, ou plutôt des libidos pour reprendre St Augustin (qui inteprétera les dires de l'Apôtre Jean): la libido sciendi, désir de connaissances, la libido sentiendi, désir sensuel, et la libido dominandi, désir de dominer. Ces "passions" toutes contenues au sein de la fameuse epithumia platonicienne sont devenues l'alpha et l'omega de nos sociétés en instaurant un véritable fonctionnement pervers à la cité mais également au sujet humain.

Pour réaliser une telle entreprise, il a fallu un véritable renversement de la métaphysique occidentale. Cette "révolution" libérale partirait, selon DRD, d'un mauvais usage de St Augustin et de son amor dei/amor sui exposé dans la Cité de Dieu, en effet ce sont les prétendus "élèves" de St Augustin, les jansénistes, mais également leurs cousins puritains, qui vont réhabiliter l'amor sui ou amor privatus et instaurer le règne du divin égoisme.

C'est bien la figure du philosophe Pascal, prototype du "pervers puritain", qui sera le véritable inspirateur du libéralisme. Avec moults détails palpitants, DRD resitue Pascal comme celui qui a réhabilité les passions égoistes, d'une part par son existence même (il sera un entrepreneur avisé avec le projet de la Pascaline et ses coups fumants avec le Duc de Roannez) mais également son oeuvre comme le fragment 106 de ses Pensées: "La grandeur de l'homme, c'est d'avoir tiré de la concupiscence un si bel ordre" qui remet l'amour de soi, le "self love" au centre de la providence divine. Ses disciples de Port-Royal comme Pierre Nicole puis les puritains réaffirmeront ce principe de primauté du moi comme source d'harmonie cosmique, Pierre Nicole ira jusqu'à célébrer la cupidité de l'homme dans des textes aux relents mandevilliens.

Les lecteurs du "Divin Marché" retrouveront dans cet ouvrage, les Lumières anglo-saxonnes (par opposition aux Lumières allemandes de Kant), celles qui ont donné naissance à Mandeville et à Adam Smith... Ces Lumières, influencées par Pascal, La Rochefoucauld, Claude Nicole et les jansénistes (Mazarin voyait dans les jansénistes des "calvinistes rebouillis") mettront un point d'honneur à mettre en place un système qui feront des intérêts privés conjugués, le dessein d'une volonté divine (pour Smith) et des vices privés, une vertu publique (pour Mandeville).

Mandeville (l'homme du diable qui était aussi une sorte de protopsychanalyste) demeure tout de même celui qui a jeté les bases de la Cité Perverse en faisant des vices le fondement de tout un système métaphysique. Cette libération totale des passions sera ainsi l'axe fondamental de la philosophie de celui qui poussera à l'extrême le raisonnement libéral: le Marquis de Sade.

Sade, l'embastillé, le rénégat, l'aristocrate dépravé, peut être considéré de nos jours comme le "Saint" Père de nos sociétés pornographiques contemporaines... L'auteur des "120 journées de Sodome" n'était pas fasciste comme pouvait le croire Pasolini mais bien ultra-libéral ou néolibéral dans le sens où ce dernier cherchait à tout prix à "lever les tabous" et à faire de la jouissance un impératif catégorique. Ce renversement d'une philosophie puritaine vers une philosophie "putaine" s'est illustré par un remplacement d'un ordre moral fondé sur la repression des pulsions (comme l'a montré Marcuse) par un ordre (a)moral exhibitionniste, égotiste et centré sur les passions tristes.

DRD pointe bien sûr les classes dirigeantes ou "hyperbourgeoises" comme l'avant-garde de ce mouvement pervers sadien et impute au neveu de Freud, Bernays (voir article de Paracelse), le retour du Marquis de Sade, à la faveur de la Crise de 1929 et au besoin de relancer la machine capitaliste via la pornographie (épisode publicitaire des "torches of freedom" et création de la Pin-Up ou comment les femmes et le vice sont venus au secours du Grand Capital). Après 27 ans d'enfermement et près de 200 ans à moisir dans les bibliothèques, Sade tenait enfin sa revanche et les oligarques pouvaient se débarrasser une bonne fois pour toutes de cette risible "common decency" du Peuple (avec l'aide précieuse du lumpenprolétariat).

Notre époque est celle du Sade "décomplexé", du vice transformé en vertu, celle du règne du plus cynique et du plus "malin" . Elle est également, et, ce n'est pas paradoxal , celle du pervers puritain (les Etats Républicains aux USA sont selon une étude les plus gros consommateurs de porno on line, on arriverait aux mêmes résultats avec les théocraties du Golfe). La montée de la perversion ordinaire au sein de nos sociétés pornographiques, l'absence de principe de régulation morale kantienne expliquerait les nombreux passages à l'acte (traders, pédophiles, tueurs de masse ou en série), quant aux bons vieux névrosés, ceux de l'ancien monde, ils se réfugient dans la dépression. C'est là que les conclusions de DRD rejoignent celles de Muray qui parlait de notre époque comme celle de la désaliénation totale.

DRD pressent en outre, que Marx n'avait pas lu Sade, puisqu'il ne s'est jamais interrogé sur l'économie libidinale (peut-être l'objet d'un prochain livre pour DRD), même si les intuitions du vieux Karl, sur le fétichisme de la marchandise, étaient, elles, bien trouvées.

Par ailleurs, plusieurs écrivains comme Blanchot, Bataille ont essayé de déminer le mystère Sade selon DRD sans pour autant en décrypter le message fondamental centré sur la libération du moi et la création d'un sujet alexithymique.

La conclusion de cet ouvrage est relativement pessimiste, et avance la possibilité de la fin de la civilisation dans une "impasse Sade", un monde dans lequel l'homme ne serait qu'un automate asservi par le "Jouis!" des trois libidos, un monde sans vergogne condamné à s'autodissoudre.

Pour plus de développement sur cet ouvrage, on ne saurait vous conseiller d'écouter l'émission avec Philippe Petit ici ou les extraits vidéos sur cet excellent blog.




19 novembre 2009

Mailorama : les chevaliers de la manche


Samedi 14 novembre, l’émeute a gagné le très chic VIIème arrondissement de Paris. Mon Dior ! On a tremblé dans les contre-allées du champ de Mars malgré l’imposante présence de l’école militaire, certes aujourd’hui tristement moquée par cet inénarrable affront esthétique qu’est le musée de la paix : après la Pyramide du Louvre, Paris engouffrée dans l’oxymoron urbanistique... Passons. Certes, point de quoi mettre notre Tour Eiffel les quatre fers en l’air, nous vous le concédons, mais quelques voitures sur toit tout de même, sans compter ce pauvre mobilier urbain qui n’en finit pas et qu’on ne finit plus de payer. Mais l’espace urbain n’est-il pas propre à l’exercice du vandalisme ? Le réel ludique de nos villes ne se terre-t-il pas dans les dégradations des vitrines d’abribus et des panneaux de métal mou ? Et les crocodiles de la charité, qui avaient rameuté là quelques 5 000 personnes pour une distribution gratuite d’argent gratuit, ne méritaient-ils pas qu’on portât dans leurs rangs, l’insurrection individualiste, racailleuse et antifestive, le jet de pierre, puis l’index pointé du buzz friand de scandale spectaculaire ? Allons, quoi de plus efficace en l’occurrence, pour mettre à bas les masques des « bailleurs de balivernes » de Rentabiliweb et de sa filiale Mailorama ?! Samedi dernier, les coups de pub ont plu, et au racolage solidaire et festif, faussement charitable, a répondu la mendicité agressive…



Mendicité agressive (source : melty.fr)


Mailorama.fr est un site Internet de pousse à la consommation. Sa particularité ? Son concept intègre parfaitement le contexte de crise économique, à l’instar des sites rueducommerce.com et radinsmalin.com. La précarisation est en expansion et les pouvoirs d’achat se frustrent de se dégrader en « vouloir d’achats » dans les cerveaux lobotomisés, fétichistes du nouveau, des consommateurs en mal de surconsommation de pompes à virgules ou bandes, d’outils hightech de communication en réseaux fibroptiqués et ondesatellisées, et de simulacres de meubles déco en carton pâte, papiers mâché et crépon. Mais Cyril Dubreau, chef de produit chez Rentabiliweb Europe depuis 2006, est arrivé comme le messie avec « son concept », tout à la fois chasseur de spectre du découvert et du surendettement, et parade aux éventuelles velléités d’épargne du consommateur flippé au carrefour du pendu des boulevards de la ramasse ou de la rue : sur mailorama.fr, plus vous dépensez d’argent et plus vous en gagnez !


Au service comptabilité de Rentabiliweb


Non, Cyril Dubreau n’a pas réinventé le miracle. Monsieur Dubreau est juste une hure de plus de la clique à braquage nouvelle génération qui voudrait vous voir raquer torche lorgne et vous entendre lui dire : « merci pour le coup de main ». Sur Mailorama, plus on débite et plus on crédite ? On joue sur les mots, on joue sur les sommes, les pourcentages et la virtualité d’une monnaie de singe : on prend l’aspiration de la dématérialisation et on pousse à la nanogabegie, à la dilapidation petite main, à la banqueroute riquiqui.


En plus, l'est bien roulé le cashback


En effet, l’argent gagné par les adhérents de Mailorama n’est qu’une prime à la dépense. Il s’agissait de réinventer les bons cadeaux et de régénérer le bon geste commercial face à la fidélité du chaland : le cashback est né, et parce que c’est un anglicisme qui sonne et qui tonne, ça fleure bon l’implacabilité conceptuelle mathématique, ça flirte même avec une magie blanche strassée, empailletée. Plus qu’une prière : un sortilège, un charme ! Empaillé le gogo ! Mailorama n’est pas une entreprise humanitaire. C’est une interface de carte de fidélité transannonceurs. Exemple tiré sur site : un cashback de 10% vous est crédité sur votre compte mailorama pour un achat à plus de 50 euros, soit 5 euros, à faire valoir sur les produits des 137 partenaires du site.


Compte mailorama


Mais Mailorama, c’est encore plus qu’une arnaque au miracle. C’est une abdication corps et âme à la consommation, un pacte à la petite semaine avec un Diable, toujours malin, mais devenu bigrement mesquin, car pratiquant sans rougir le tison du micropaiement. Le micropaiement, c’est la preuve que le Diable délocalise son Enfer sur terre. Plus une âme qui vaille ! Plus rien à croire, qu’aux coûts modiques ! En effet, le site propose de vous envoyer des emails de ses différents partenaires, entendez par là des publicités, rémunérés à la lecture (0,01 euro par lecture), à la visite (0,02 euros par visite), en participant à des jeux concours ou en s’inscrivant à des newsletters publicitaires (2 euros et plus ! nous annonce-t-on !).


Votre âme à 0,01 centime d'euro ? L'heure de Faust-er compagnie !


Cyril Dubreau a réinventé la pub : vous serez dorénavant en totale acceptation, en demande même. Finie la passivité ! On adhère, on acquiesce, on… réclame ! Sur Mailorama, la menace publicitaire a lancé son blitz ; le secret de sa vitesse dans les flatteries flatulatoires à l’avidité, la convoitise et l’avarice ( !), aux bas instincts. Les vautours fondent en cercles concentriques sur la charogne prête pour l’extase exquise de la mesquine saignée qui les laissera exsangues… Au CGB, nous travaillons actuellement très activement pour calculer le nombre de centaines d’années qu’il faudrait à un utilisateur lambda de Mailorama pour faire fortune, et sur le nombre de semaines qu’il lui faudrait pour finir en maison d’aliénés…


Décidément, c'est vraiment des enculés les écureuils (logo de Mailorama)...


Tout est toujours une question de psychologie. Vous préférez être embauché à 10 000 euros nets par mois toute votre vie, ou toucher une somme multipliée par deux chaque jour pendant un mois, sachant que le premier paiement s’élèvera à 1 piètre centime d’euro ? Mailorama et sa maison mère pratiquent un fameux et fumeux retournement de cette question piège, au demeurant révélatrice de lâcheté, de bêtise et de petitesse... L’homme numérique, l’homme des nombres a encore du chemin à faire pour dompter ses penchants au mystique. Il n’y a plus rien à croire, mais il faut le voir cet occultisme parfaitement concubiné à une algèbre élémentaire : l’algorithme, cette alchimie... Le paravéritable, simulation de vérité, gagne manifestement du terrain sur le mensonge…


Stéphane Boukris : " Shyhock m'a enseigné le commerce, l'abbé Pierre le marketing !"


Cyril Dupreau et ses collègues sont des stratèges à stratagèmes. Des porteurs de sac à malices, des dealers de poudre de perlimpinpin, des enfarineurs. Tartes à la crème ! Et les noms ronflants des actionnaires de Rentabiliweb, société fondée par Jean-Baptiste Descroix-Vernier, 407ème fortune de France (57 millions d’euros), sont bien plus que des indices : Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH, ou encore Stéphane Boukris, l’abominable saute-dessus des idées perverses à gros potentiel économique (créateur entre autre de faismesdevoirs.com, putain de CV c’ui-là) ; Jean-Marie Messier, Alain Madelin siègent à son conseil d’administration, et ces noms tintinabulent également désagréablement à nos oreilles… Rentabiliweb serait une société à but lucratif humanitaire ? Tous ces joyeux lurons ayant fait la preuve par le passé de leur probité et de leur désintéressement ne seraient réunis là que pour une chose : votre bonne fortune ? Oui, c’est le cas : votre bonne fortune, mais toute votre bonne fortune, par petits bouts, petit à petit… Peau de lapin et peau de chagrin ! Et cette personne morale qui se drape derrière des voiles de dignité, ce n’est que pure anecdote si elle amasse également des billes sur le marché très juteux (hum) des sites dits « pour adultes ».


Archimède n'aurait pas été de la file


Entreprise morale et compatissante vous dit-on pourtant ! Voyez : elle fait sa promo à coup de distribution d’argent sur la voie publique ! Riche idée de Monsieur Boukris, très au fait de notre société, qui recèle tant de traqueurs de gains sous ongle, de prospecteurs de filons sur billets à gratter. Mailorama, c’est la bourse à la loterie ! Une couverture à la manche ! Il n’y aura pas de perdants à ce jeu, là est sa seule règle apparente, mais il n’y en aura pas pour tout le monde… Bingo outre Atlantique ! Un carton ! A réitérer ! A Paris, samedi dernier : dans chacune des 5 000 petites bourses rouges de Mailorama, des sommes allants de 5 à 500 euros, pour un total somme toute modique de 100 000 euros sur le tapis. En ces temps de crise, de dogme du pouvoir d’achat, de sacrifice aux heures supplémentaires, de travail coûte que coûte, tandis que le système n’a plus de cesse de broyer de l’emploi et de pressuriser par sa publicité le consommateur, d’usure encravatée, de dettes obligatoires, qui ? qui pourrait réellement résister à cette offre charitable, à cet appât du gain facile ? Stéphane Boukris, il l’avait la réponse : personne. Et nous aussi nous l’avions : surtout pas nos jeunes encapuchés de banlieue aux badigoinces relevées et montrant crocs, qui ont mis le bran-le-bas dans ce nouveau grand barnum caramélisé aux bons sentiments, aux bonnes intentions, à la festivité et à la convivialité, à la solidarité. Bien fait pour leurs mouilles ! Bilan ? Trois personnes en comparution immédiate, trois autres en gardav prolongée, une bien maigre récolte… Et 5 000 mendiants qui s’ignoraient. Une profession de foi : la manche ! Mais il était dit que ces coquins de Rentabiliweb feraient tout pour avoir le dernier mot. Des excuses et le all-in au bénéfice du Secours populaire ! Une larme à l’œil ? Plus une réaction aux gaz lacrymo que la cause d’une émotion…


Le Conseil d'Administration de Rentabiliweb en route vers le Secours populaire



Reste une question en suspens : comment le préfet de police de Paris, Michel Gaudin, a-t-il pu autoriser la tenue de cette manifestation ? Outre-Atlantique, sur le continent de l’irresponsabilité publicitaire, on ne dispose pas de l’article R 642-4 du Code Pénal françois et rabat-joie qui dispose : « Le fait d'utiliser comme support d'une publicité quelconque des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France ou émis par les institutions étrangères ou internationales habilitées à cette fin est puni de l'amende prévue pour les contravention de 2e classe », soit d'un maximum de 150 euros, somme qui ne risquait pas d’émouvoir les organisateurs. En France, cet événement était illégal. Et Michel Gaudin l’a même déclaré comme tel la veille tout en ne l’interdisant pas. Mailorama avait formulé une demande de « manifestation statique », qu’il ne pouvait, selon ses dires, refuser. La manifestation n’avait rien de statique dans son programme : elle comportait trois étapes et un bus avec hôtesses en shorts dedans… Mais là n’est pas même la question : un préfet de police a le pouvoir discrétionnaire d’interdire une manifestation susceptible de provoquer un trouble à l’ordre public, tout du moins doit-il prendre toute mesure utile pour l’anticiper (les organisateurs n’avaient prévu que dix malabars pour assurer la sécurité des mendiants s’ignorant). On voit mal le moindre drôle à képi à Paris, encore moins en banlieue, penser une seule nano seconde que ce genre d’événement eût pu se dérouler dans la convivialité et le respect de l’autre… Les pouvoirs publics ont une nouvelle fois fait l’étalage de leur irresponsabilité (de leur corruption ?).


Préfet de police de Paris


La conclusion de cette histoire est tronquée. La société Rentabiliweb s'est dite « consternée de voir qu'une opération festive et, encore une fois bon enfant, peut être organisée sans aucun trouble à l'ordre public au Canada ou aux Etats Unis, mais ne peut apparemment pas l'être en France». Salauds de Français ! Voilà. Aucun constat sur le fait qu’aujourd’hui, quasiment aucune manifestation ne se déroule plus sans incident en France. Tant qu’à émettre un jugement de valeur sur cet événementiel vicieux et avilissant, profondément abject et immoral… Au moins pouvons-nous fièrement dénoncer l’insuccès de l’opération de ces nouveaux marchands de Venise : « entre 5 et 7 000 personnes », finalement, un échec cuisant.
« Chacun sait que ces intendants de la joie publique s’épuisent à dilater le cœur du pauvre et s’exterminent à désoeuvrer le malheur. » (Le désespéré de Bloy). Si vous voulez trouver la dernière idée marketing qui fera de vous un génie pour les patrons dévorés par les dividendes et les journalistes philogrobolizés par la compromission, cherchez-la dans les ordures.

17 novembre 2009

Internet, NTIC, multilinguisme, diversité mutliculturelle (sic)

Comme j'ai rien d'intéressant à dire depuis des plombes (ndmm* : il reste à prouver qu'il fut un temps où ce n'était pas le cas), je fouille dans les poubelles.
J'avais gardé dans un coin cette annonce postée par une nana sur Meetic. Même si la probabilité qu'une femme puisse pondre un tel chef d'oeuvre d'humour est faible, j'ai un instant envisagé que ça puisse être une parodie bien sentie. Seulement, après vérification auprès de l'intéressée via e-mail, j'ai constaté qu' effectivement c'était pas du fake. Je regrette de pas avoir gardé la photo mais vous l'imaginerez assez aisément après lecture. De mémoire, avoisinant les 35 piges et profil chroniqueuse névrosée ciné théâtre mode un peu moche mais pas trop, comme on en voit sur Paris Première, et avec les fameuses lunettes staïlées qui font amatrice d'art contemporain. Régalez-vous, c'est dense.

***

Bon, je me lance. Il faut dire que je débarque sur meetic, récemment cité comme exemple, lors d'un colloque sur l'interopérabilité à l'ENSTA. Je suis allée faire un tour sur le site et me suis laissée prendre au jeu :)

Internet, NTIC, multilinguisme, diversité mutliculturelle (sic) sont les mots-clés du milieu dans lequel j'évolue. Soupirer avec un "la vie n'est plus ce qu'elle était, les valeurs se perdent." n'est pas pour moi. Connaître le passé pour mieux apprécier le quotidien, voyager, aller à la rencontre des autres pour découvrir & apprécier ce qu'ils sont, ma personnalité se renforçant au contact de la leur, et pour saisir ce qu'il vaut la peine de développer & de promouvoir : un job ? un style de vie plutôt.

Un café wifi dans une gare ou un aéroport, en haut d'un building... voilà où j'aime bosser avant d'apprécier avec les amis les activités culturelles & innovantes, de parler de tout & de rien, de mode, musique, philo, politique, une Guinness ou un whisky à la main, avant de se lancer sur la piste de danse d'un pub ou club branché à Paris, Londres, Shanghai, Tokyo, Sydney...

Bref, bien dans mes baskets mais aussi dans des talons hauts & des bottes :) Je les troque volontiers contre des patos pour barouder en Bretagne, en Toscane ou du côté de Constance, des geita accompagnant le kimono, ou des tongs quand je porte une tenue locale en Afrique.

Après 2 ans et demi au Japon, j'ai fait un tour en Chine, au Burkina et en Europe. Me voilà de nouveau à Paris ! Les grèves/problèmes de train me permettent de faire du sport en grimpant les escaliers 4 à 4, avec le macbook ou la valise, pour récupérer un RER (prendre un train nippon est tranquille à côté :))

Je retrouve les amis de toujours et rencontre ceux qui le deviennent lors d'un afterwork, d'une expo au Quai Branly ou à Beaubourg, un pique-nique aux Tuileries... et pourquoi pas via le net ? A bon lecteur, salut !

***

* note de moi-même

Entretiens républicains avec Philippe Arondel (vol.2)


Deuxième partie des entretiens accordés par l'intellectuel "républicain", Philippe Arondel, auteur de "L'Impasse libérale" (Desclée), "L'homme-marché" (Desclée), de "Gouvernance, une démocratie sans le Peuple" (avec Madeleine Arondel-Rohaut chez Ellipses) ou de "La Pauvreté est-elle soluble dans le libéralisme?" (Belin). Passionnant et vivifiant, la République serait-elle toujours révolutionnaire comme le disait Mendès?




ENTREVUE AVEC PHILIPPE ARONDEL : "LA REPUBLIQUE, UNE SOURCE D’INSPIRATION POUR L’EUROPE PUISSANCE."

Q1 Philippe Arondel bonjour, depuis 4 à 5 ans les chercheurs redécouvrent comme par magie les vertus d'auteurs républicains jusqu'ici méconnus comme Célestin Bouglé (Alain Policar), Léon Bourgeois (Marie-Claude Blais), Pierre Leroux (Vincent Peillon) afin de rémédier à la crise de la social-démocratie de plus en plus manifeste. La recherche d'une troisième voie passe-t-elle par un retour au XIXe siècle?


Philippe Arondel : La redécouverte de ces auteurs, quelque peu "maudits" par les temps qui courent, illustre à merveille, à mon sens, le désir de renouer avec toute une famille d'esprit ayant eu le courage de rejeter ,d'un même mouvement critique et fondateur, les errements idéologiques du marxisme ossifié et du libéralisme doctrinaire sans patrie. A leur époque, alors que faisait rage une "guerre des idées" féroce, ils eurent la témérité de penser une "autre" économie politique fondée sur le refus, clair et motivé, des mythologies nihilistes de la lutte des classes et du capitalisme débridé. A bien des égards, ce choix nous "interpelle" vigoureusement, comme on aimait à le dire dans un après-68 ouvert sur tous les possibles, dans la mesure où il s'inscrit, avec toute la force d'une utopie concrète, à hauteur d'homme, dans les marges d'une histoire "officielle" du mouvement ouvrier...écrite le plus souvent par les tenants d'une vision du monde étroitement marxiste-léniste ou gauchiste. Alors que certains "gardes rouges" mal repentis voudraient, dans une démarche désespérée et absurde, nous faire reconvoler en justes noces avec la nostalgie d'un monde d'hier, pour reprendre une formule de Stefan Zweig, où la haine de classe était au coeur d'un vaste projet d'ingénierie sociale liberticide et mortifère, la reviviscence du républicanisme social signe le grand retour d'une pensée progressiste attentive tout à la fois aux libertés individuelles et au souci de l'égalité économique, sur fond de réinterprétation subtile de l'esprit des Lumières.

Q2: L'introuvable troisième voie serait donc républicaine? En quoi le principe de solidarité, ou le républicanisme social pourraient s'avérer une réponse à la mondialisation? Comment faire primer l'intérêt général sans verser dans le collectivisme ou l'égalitarisme niveleur et paresseux? Comment garantir les libertés sans tomber dans le chacun pour soi ou l'égotisme libéral? En somme, comment révisiter ces Lumières parfois aveuglantes (Régis Debray) sans sombrer dans la réaction?

Philippe Arondel: Je crois que l'on peut et doit résumer la véritable question à se poser de la manière suivante: comment articuler politiquement, positivement, en évitant toutes les mythologies contre-productives, le marché, les libertés politiques, l'Etat protecteur...et le sens des solidarités sociales.Pendant longtemps, sous l'influence stérilisante d'une dogmatique marxiste d'essence stalinienne, l'on a poursuivi le rêve- ou plutôt le cauchemar- d'en finir avec la liberté économique...au nom de la nécessité historique et de la lutte contre inégalités. On ne dira jamais assez combien ce désir délirant a contribué à la naissance d'un des plus odieux totalitarismes- le communisme incarné- que la planète ait connus. Le fameux socialisme réel, dont certains faisaient encore il y a peu de véritables gorges chaudes, s'est révélé, dans la pratique, comme l'exemple le plus avéré de "l'horreur économique", sur fond de stratification sociale digne de l'Egypte ancienne ou des castes indiennes.La victoire de Lénine et de Staline, ce fut celle de l'oligarchie militante du parti communiste sur un "prolétariat" réduit à sa plus simple expression physique et intellectuelle, sur un peuple russe détruit de l"'intérieur"pour en faire l'outil d'un faustisme productiviste insensé.Il faut lire et relire les superbes analyses d'un Nicolas Werth- et notamment celles qui structurent son dernier livre intitulé "L'ivrogne et la marchande de fleurs"- pour comprendre ,presque physiquement ,que le communisme, adulé encore aujourd'hui par les" intellectuels organiques" chers à Gramsci, s'apparenta à une formidable entreprise d'exploitation du salariat russe et à une démarche systématique d'éradication de son histoire intime, de ses espoirs de libération.Face à tous ces fantasmes , quasi criminels, de table rase, un certain républicanisme se présente ,tout au contraire, comme l'expression d'un combat pour la mise en place d'un ordre social original où le libéralisme politique côtoie harmonieusement une économie humaine réglementée, où la liberté individuelle ,strictement protégée, n'empiète jamais sur le domaine d'une justice sociale reconnue comme un impératif majeur.Si l'on ajoute que cette recherche "progressiste" ne dédaigne pas- c'est un euphémisme- se référer à la nation, à sa dynamique de médiation vers l'universel, l'on reconnaîtra aisément que celui-ci a tout pour déplaire à notre intelligentsia installée, qui conjugue allègrement- ce n'est pas un jeu de mot!- libéralisme anglo-saxon et néo-gauchisme marxien...séduit par le "général intellect"suscité spontanémént, dixit Toni Négri, par le grand capital en sa phase mondialisée.

Q.3: Pourtant la Nation apparait le plus souvent comme une sorte de vieillerie à remiser dans le salon des antiquaires des idées tout comme le concept de peuple ou d'ouvrier semble avoir pris du plomb dans l'aile avec une crise favorisant l'égoisme social... Les "luttes" actuelles (Conti, Nortel, Caterpillar) n'ont que très peu à voir avec la révolte des Canuts et de son lyrisme des barricades "Vivre en travaillant, ou mourir en combattant " , elles constitueraient plutôt la marque d'un désenchantement ultime du prolétaire, pourquoi un tel changement dans les mentalités ouvrières?

Philippe Arondel: Contrairement à ce qu'une Vulgate convenue essaye de nous faire croire, la nation, dans sa version émancipatrice, n'a rien d'un archaïsme repoussant. Elle reste, bien au contraire, la seule possibilité offerte à la démocratie de se constituer en une véritable communauté politique, de s'incarner dans l'histoire. Comment imaginer une citoyenneté qui n'aurait rien à voir avec un quelconque enracinement national, un territoire strictement délimité? Comment imaginer que l'on pourrait, du moins à vue humaine, susciter une citoyenneté "alternative", en quelque sorte hors sol, coupée de toute idée de peuple? Poser la question, c'est y répondre, tant, notamment dans une "aventure"émouvante comme celle de la France, il y a symbiose étroite entre un espace géographique, une histoire, un régime politique...et un discours idéologique précis renvoyant, par-delà le bruit et la fureur des batailles politiques, à un socle idéologique commun faisant la synthèse entre le christianisme, la tradition gréco-latine et le républicanisme à connotation spiritualiste. Il me semble que la saga des Canuts- une courte saga "snobée" finalement par tous ceux qui militent, qu'ils soient libéraux ou marxistes, pour un affrontement de classe sans fin- est révélatrice de ce souci d'une troisième voie nationale s'efforçant de transcender par le haut les inévitables contradictions sociales, de "mixer", en un discours décoiffant, des apports doctrinaux d'apparence hétérogène tous dédiés à la libération du travail...dans le respect du jeu des acteurs sociaux.

Q4: Vous êtes donc en accord avec la notion de démocratie souveraine exposée par Jacques Sapir... les fédéralistes et les ultralibéraux veulent en finir avec la nation mais aussi avec le libéralisme tempéré par la République d'antan, celui du petit-bourgeois (Jacques de St Victor) ou de républicains modérés comme Alfred Fouillée ou Henry Michel, quelles leçons pourrait-on tirer de ce "moment républicain" (Spitz) pour l'avenir?

Philippe Arondel: Ce que le "bouclier" de la nation a de stratégique- et on le mesure chaque jour en ces temps de crise!-, c'est qu'il permet à chaque peuple de se construire son propre modèle économique et social, d'enraciner à chaque instant, avec plus ou moins de bonheur, son unité de destin dans l'universel. Certes, il ne s'agit pas d'idéaliser naïvement le sentiment national, encore moins de faire de l'Etat-nation l'horizon indépassable de l'histoire.Il s'agit simplement de reconnaître ,avec toute l'humilité nécessaire, que, à vue humaine, l'échelon national reste le plus pertinent pour maîtriser les flux marchands, réenchâsser, comme le disait Polanyi- dont on vient de rééditer l'oeuvre maîtresse, "La grande transformation"- l'économique dans un tissu serré de communautés à hauteur d'homme...sans pour autant le brider bêtement.Il reste que rien sans doute ne serait plus dommageable que ce retour à la nation- indispensable à nombre d'égards- s'accompagnât d'un étatisme hors de saison privant le peuple de son nécessaire droit de regard sur l'espace entrepreneurial...Plutôt que de plaider nostalgiquement pour l'on ne sait quel "néo-stalinisme" repeint aux couleurs du jour, pour un étatisme technocratique sans finalité existentielle, il est d'une urgence vitale de redonner crédit à l'idée de nationalisation dans son sens originellement subversif: faire participer le peuple, dans ses différentes déclinaisons sociales, sociétales...et économiques, à la gestion des grands outils de production stratégiques ,sans sombrer pour autant dans l'impuissance de l'autogestion et sa mythologie libertaire. Bref, l'heure est la recherche d'un néo-solidarisme empruntant plus à Léon Bourgeois ou Célestin Bouglé qu'à Marx et Lénine.

Q5: Les flux marchands désirent rendre la nation et ses travailleurs aussi liquides que le capital comme le dit Frédéric Lordon, nos républicains de la fin du XIXe siècle- début du XXe siècle n'avaient pas anticipé la financiarisation et la mondialisation de l'économie qui court-circuite, vassalise les Etats, les travailleurs et les petits patrons de PME... comment la notion de solidarité peut redonner un fondement à des politiques de redistribution modernes?

Philippe Arondel: Je crois qu'il faut rejeter avec force cette idée- dominante et suicidaire- que la mondialisation empêcherait les Etats de mener la politique qu'ils désirent. Nos Etats ne sont en rien vassalisés par l'on ne sait quel "déterminisme"venu d'ailleurs: ce sont eux qui, volontairement, par le truchement de mesures techniques présentées comme inéluctables, ont mis en place un programme aberrant que l'on pourrait qualifier d'auto-dépossession; ce sont eux qui ,au nom de l'idéologie mortifère de la liberté totale du capital, ont travaillé sciemment à se priver des moyens du volontarisme politique. Si, aujourd'hui, effectivement, il ont du mal à avoir prise sur les mouvements erratiques du "gros argent" dénationalisé, c'est tout simplement parce qu'ils l'ont délibérément voulu...afin d'enraciner la fameuse contre-révolution libérale reposant sur le mythe délétère que l'on sait: l'auto-régulation du marché. Le côté positif de la crise, si l'on ose dire, c'est qu'elle rend totalement obsolètes les fantasmes anti- constructivistes dont Hayek, dans son oeuvre, a fait le coeur de sa dialectique et dont nos gouvernants, qu'ils soient conservateurs ou sociaux-démocrates, continuent à psalmodier le "catéchisme" subversif.


Q6 Question finale, à l'heure où les dérives d'un capitalisme d'essence sadienne (Dany Robert-Dufour) commencent à réémerger à la suite d'une diète forcée, en quoi le protectionnisme inhérent à la construction de notre IIIe République (voir le rôle d'Adolphe Thiers) pourrait-il encore s'avérer un outil efficace face à une finance déraisonnable provoquant le dumping social et environnemental?


Philippe Arondel: Ne nous trompons surtout pas d'objectif et de priorité: la question qui se pose à nous aujourd'hui n'est pas celle d'un quelconque retour à une forme archaïque d'autarcie, à une sorte de fuite en avant dans les mythologies "réactionnaires" de l'auto-suffisance, seraient-elles auréolées du patriotisme le plus pur. Je ne me reconnais en aucune façon dans le souci de certains "souverainistes- à mon sens d'ailleurs des souverainistes ayant du mal à comprendre ce qui se joue réellement dans la notion de souveraineté- de transformer la France en une "grande Albanie mélancolique", comme le dénonçait en son temps, à juste titre, Michel Jobert. L'urgence des urgences, c'est de bâtir, aux frontières de l'Europe, des "écluses sociales" dignes de ce nom ,capables de jeter un grain sable, comme eût dit Tobin, dans la machine infernale à broyer les acquis sociaux et à mettre en concurrence tous les salariats de la planète. L'Europe est, qu'on le veuille ou non, le seul espace géopolitique pertinent pour commencer à nous avancer, même de façon modeste, sur le chemin de la maîtrise de nos destins collectifs. Il faut, avec rigueur et humilité, mettre au point un Risorgimento européen permettant de faire émerger un continent-puissance seul à même de nous libérer des fausses dialectiques- concurrentes et complices- du libéralisme sans frein et de la nostalgie de l'effroyable "socialisme réel". Il faut en être conscient, cela n'ira pas sans l'émergence d'une autre classe dirigeante et la constitution d'un corpus idéologique original reprenant langue avec les intuitions d'avant-garde de courants finalement assez proches comme le personnalisme de Mounier ou le solidarisme de Bourgeois. Le temps est venu de nous mettre enfin en marche pour réapprendre la grammaire des ruptures qui sauvent...

16 novembre 2009

Prouto - La série



Flic de terrain au SDPJ 92, Joey Proutoswisky intervient sur tout le département des Hauts-de-Seine, entre Neuilly et Nanterre, quartiers chics et zones de non-droit.

Mais sa vie bascule lorsque un psychopathe, un certain Théo, révèle ses penchants pour l'aérophagie. Dès lors, il va se lancer dans une contre-enquête pour laver son honneur et confondre son accusateur. Pris dans un engrenage mortel, il va être obligés de « monter au PROUTRO » pour sauver sa peau et protéger sa famille.

Harcelé par son administration, poursuivi par l’IGS (la police des police), il va tourner le dos aux règles établies et à ses illusions en adoptant un mode de vie régi par l’adrénaline, la prise de risque, le sang et le cassoulet …

PROUTO suit au plus près la trajectoire de ces hommes ordinaires qui, malgré eux, vont progressivement plonger dans la violence et la paranoïa, tout en exerçant leur métier de flic.

Lise

11 novembre 2009

Con et Gourd à la fois


Dans un monde parfait, ni le prix Goncourt ni Eric Raoult n’existeraient. Mais nous ne sommes pas dans un monde parfait, chaque jour nous en convainc.
Il y a des gens pour qui le prix Goncourt représente quelque chose. En dehors du lauréat lui-même, dont on peut comprendre qu’il ne crache pas sur 237 000 livres vendus en moyenne, un lecteur éclairé n’a pourtant que foutre de savoir qu’une académie de dix pépés a trouvé tel ou tel ouvrage plus chouette qu’un autre. Mais la question du jour ne repose pas vraiment sur le prix Goncourt lui-même, pas plus que sur Marie N’Diaye ni sur Eric Raoult. Le sujet du jour, c’est la bêtise.
Dans une interview sans aucun intérêt, Marie N’Diaye fait référence à une phrase de Marguerite Duras, phrase qu’elle qualifie elle-même de « un peu bête » : « La droite, c’est la mort ». L’euphémisante engoncourée avoue d’ailleurs être partie s’installer en Allemagne après l’élection de Sarkozy parce qu’elle ne supporte pas la droite. Evidemment, elle est obligée de reconnaître que Merkel est aussi « de droite », mais ça fait rien : c’est pas parce qu’on est prix Goncourt qu’on doit être précis dans ses jugements, merde ! Enfin, si l’on demandait aux écrivains d’être fins, nuancés, justes, réalistes, cohérents, cultivés, intelligents, autant leur sucrer le droit d’expression tout de suite ! No pasaran !
La N’Diaye exprime son dégoût de « la France de Sarkozy », selon la poétique expression du journaliste, et c’est bien son droit. J’ajoute même que c’est le minimum qu’elle peut faire si elle veut booster un peu ses ventes. Logique : à part Eric Raoult, Bernard Couche-Nerfs et Brice Hortefeux, PERSONNE n’est satisfait de la France du Pézident, personne ! Autant hurler dans le sens des postillons en espérant trouver 237 000 mécontents pour acheter son livre.


Eric Raoult est une sorte de créature née de l’imagination de scénaristes peu scrupuleux. Habitués des grosses ficelles et ne reculant devant aucun cliché, ces fumiers-là nous ont pondu un député comme le monde réel ne nous en donne pas l’exemple, l’équivalent du Méchant-Général-à-Casquette des films de Costa-gavras, la version costardée du Gros-beauf-en-Survêtement-qui-fait-ses-courses-à-Carrefour, ou l’équivalent droitard du Connard-Altermondialiste-qui-porte-une-putain-d’écharpe-dégueu-même-en-plein-été-et-qui-roule-ses-clopes-lui-même. Oui, quand on veut fusionner tous les caractères d’un genre en un seul personnage, quand on veut créer un héros à la hauteur d’un Thénardier, on n’y va pas avec le dos de la main morte : on cliche. Raoult est ça : un cliché. C’est pour ça qu’il serait parfaitement lâche de s’attaquer à Raoult : aucun risque de se tromper, toutes les insultes lui vont. Je ne le ferai donc pas.
Une Prigoncourt dit donc des bêtises en citant une phrase « un peu bête » d’une ancienne Prigoncourt. Elle scandalise évidemment Eric Raoult, le plus bête des Français (il a été crée pour ça, je vous le rappelle, il n’est pas responsable), qui balance donc une bêtise hilarante dans les médias. Mécaniquement conçus comme une caisse de résonance de la bêtise, ceux-ci répercutent non seulement la bêtise parlementaire mais aussi le concert bête de tous ceux qui croient que la liberté d’expression est menacée. Aucun danger : pour que la liberté d’expression soit attaquée, encore faut-il qu’il y ait expression. Ce que dit N’Diaye, c’est juste le stade avant l’expression, c’est la préhistoire du discours, c’est la prime enfance de l’art. Ce que répond Raoult en est donc l’écho fidèle. La France de Sarkozy fonctionne parfaitement.

2 novembre 2009

Raffarinades & francocacophonie


On se souvient de Gengis Khan, on se souvient de la guerre de cent ans, on se souvient de la peste et de la révolution française. D’une manière générale, donc, on se souvient des événements gigantesques, des épopées sanglantes et des grandes douleurs. C’est à ce dernier titre que nous n’oublierons jamais Jean-Pierre Raffarin.
Jean-Pierre Raffarin vient d’être nommé représentant personnel du président de la République auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Dans cette annonce, l’oxymore douloureux est évidemment composé des mots Raffarin et francophonie. Je ne sais pas précisément quels sont les pouvoirs d’un représentant personnel du président de la République française dans ce machin francophone, mais je peux imaginer qu’il n’est pas là uniquement pour beurrer les sandwichs.
Evidemment, Jean-Pierre Raffarin parle français. C’était probablement le minimum exigé pour le poste. Quand il parle, son français sonne comme un épouvantable baragouin pour une raison limpide : parce que c’en est un. Chaque français ayant eu son brevet, même le brevet « au rabais » dont on nous parle, sait reconnaître entre mille Jean-Pierre Raffarin quand il cause dans le poste. Le bafouillis poussif, la grammaire pantelante, les liaisons mal-t-à propos, l’imprécision des images, le grotesque des métaphores, la pauvreté inouïe de la syntaxe, l’impayable ridicule des envolées lyriques, la fausseté du jeu d’acteur, la déliquescence générale : c’est du Raffarin. Il a inventé un style : ses platitudes atteignent des sommets. Avant que Sarkozy ne devienne l’homme omniprésent qu’il est aujourd’hui, nous n’avions que Jean-Pierre Raffarin pour exceller dans l’attentat linguistique. Il bardait son imposante bedaine de calembours, paraissait en public et dégoupillait ses grenades grammaticales à la face du monde. Dans la longue lignée des dirigeants ridicules, Jean-Pierre Raffarin est le seul premier ministre à avoir sciemment gouverné en faisant des blagues. La politique de l’histoire drôle, c’est lui ! Il a fait entrer le coussin péteur à Matignon. Avec sa dent dure, Guy Debord a eu beau théoriser sur le spectacle, sur la dégénérescence de la politique, il n’aurait jamais imaginé qu’elle puisse si vite devenir un sous-produit des Grosses Têtes. A coups de « notre route est droite, mais la pente est forte », de « win the yes need the no to win again the no », de « la route, elle est faite pour bouger, pas pour mourir », de « si on met la voiture France à l'envers, nous n'aurons plus la capacité de rebondir », Jean-Pierre Raffarin a subjugué la France et atterré les Français. Mais il faut reconnaître que malgré son insondable médiocrité, il est battu chaque jour par son Président préféré. Le cancre a dépassé le guide. Compte tenu des acteurs en présence, on peut sérieusement envisager que Nicolas Sarkozy n’ait pas du tout conscience du niveau de français de son "représentant personnel". Lui qui bricole des phrases à coups de « j’vais vous dire » et de « moi c’que j’vois » trouve probablement très châtié le langage d’épicier du Ronsard du Poitou. On en est là. Au final, il est parfaitement cohérent que ce Président de la République-là nomme cet ancien premier ministre-là à ce poste-ci. Ils sont si semblables. Et puis, en matière de culture, ils ont Johnny Hallyday en commun.


Finalement, tout est affaire de symbole. Que Raffarin esquinte la syntaxe sur les cinq continents ne changera pas grand-chose au sort du français dans le monde. Mais à une époque qui semble si obsédée par son image, il aurait été judicieux qu’on se penche sur celle que donneront balourdise et absence de surmoi réunies en un seul homme, le catastrophique Jean-Pierre Raffarin. Oh, on n’avait pas besoin d’un manieur d’imparfait du subjonctif pour que le prestige de notre langue demeurât au niveau faible que l’on constate. Il n’était pas forcément nécessaire de ressortir un agrégé de lettres de derrière les fagots pour aller vanter ailleurs une langue qu’on ne parle plus ici. Mais l’idée que des populations étrangères et néanmoins francophones entendent Raffarin leur servir une phrase du style « le français est la langue importante des gens qui n’ont que ça », ça me fait regretter de ne pouvoir changer de langue maternelle.