31 décembre 2012

Non-lieux et imbéciles malheureux

Brassens a chanté pour « les imbéciles heureux qui sont nés quelque part ». Mais la véritable compassion, pour ma part, va plus encore aux imbéciles malheureux qui ne sont nés nulle part : ces gens qui n’appartiennent pas à un lieu, que rien ne rattache à un territoire, qui ont grandi ou vivent dans un non-lieu.

lotissement
Non-lieu n°1243

Les non-lieux, ce sont tous ces endroits flottants, déracinés, interchangeables, posés là comme ils pourraient être ailleurs. Ces endroits qui ne sont reliés à aucun contexte, qui n’entretiennent pas de rapport particulier avec un folklore, avec des « gens du coin », avec la géographie du coin, avec rien qui fasse la spécificité d’un lieu.

La personne qui habite un non-lieu n’a pas vraiment de « milieu naturel » qui la caractérise : c’est juste qu’elle réside là. Elle vit là, mais vivrait de façon exactement similaire si elle était ailleurs. Ceux-là sont « imbéciles malheureux » dans la mesure où ils n’ont pas de mérite d’être nés ici plutôt qu’ailleurs eux non plus, mais qu’en sus ils ne peuvent tirer aucune fierté ou réjouissance objectives de ce lieu de vie car il est en soi insignifiant.

Toute banlieue, toute périphérie, est plus ou moins condamnée à être un « non-lieu » : une zone qui ne se définit que par rapport à sa proximité avec la « vraie » ville d’à côté - laquelle aspire et vampirise toute la vie véritable qui devrait se passer alentours. La tristesse d’être né en un tel endroit s’apparente à celle de ne pas connaître l’identité de son géniteur ; elle correspond au sentiment que l’on a lorsqu’on discute avec un banlieusard ou quelqu’un qui vit dans une zone « neutre » comme la région parisienne : impression triste que la personne, une fois qu’elle a nommé et situé géographiquement son patelin, n’a plus rien à en dire.

Plus largement, les non-lieux sont aussi, au sein des villes, les « quartiers résidentiels », et leur équivalent rural les « lotissements » : ces groupements d’habitations qui poussent aux abords ou au centre de villages déjà constitués. Le lotissement retire évidemment au lieu toute histoire, toute granularité, toute texture. Les habitants du lotissement ne seront jamais des « gens du coin » : comme leur nom l’indique, on les a simplement « lotis » là parce qu’il fallait les lotir, mais leur présence ne correspond pas à un besoin ou une croissance naturelle du microcosme qui les accueille. Ils habiteront dans la commune mais n’en feront pas partie, n’y joueront pas de rôle, ils pourront travailler ailleurs, vivre sans connaître aucun voisin ni le nom du maire, se passer de toute relation sociale au sein du village... Ils sont coupés de leur milieu, à la manière des animaux d’élevage « hors-sol » : physiquement, ils sont bien sur les lieux de l’exploitation, mais ils résident en bâtiment fermé et non plus dans la cour de la ferme ; pour se nourrir, ils ne dépendent plus du fourrage des prés dans lesquels ils seraient censés paître, mais d’aliment industriel standard qu’on leur distribue, confectionné ailleurs et importé. 

non lieu pont autoroute
Non-lieu n°8157

La modernité est un grand pourvoyeur de non-lieux : sous son règne, le non-lieu gagne du terrain. Car les non-lieux, ce sont aussi tous ces interstices qui entament l’espace vivable et habitable sous l’action du béton, de l’urbanisme, de « l’aménagement »… Bras d’autoroute, nœuds urbains, échangeurs, parkings, ronds-points… Additionnez tout cela et représentez-vous la surface qui a ainsi disparu pour l’homme, l’espace devenu « non-lieu », que l’on peut retrancher de la superficie réelle de la Terre. Non-lieux également sont ces endroits non spécifiques et dupliqués : toutes ces boutiques et succursales d’enseignes commerciales nationales et multinationales, qui se répètent de ville en ville. Un McDo, un Starbucks, une agence MAAF, une FNAC… sont des espaces standard strictement identiques où qu’ils se trouvent. Angers, Seattle ou Saint-Nazaire, ces boutiques s’implantent « hors-sol » et occupent l’espace vivable ; ils sont là, à la place d’autres commerces ou bâtiments qui pourraient être indépendants, véritablement caractéristiques du lieu et propres à la vie locale.

Curieusement, ces endroits « déracinés », posés là, ne sont pourtant pas dénués de charme - au sens où une ruine moderne ou un paysage post-apocalyptique ont un charme. Ils ont quelque chose de fascinant et de cinématographique. Ce sont des lieux hors du temps, qui ne sont pas habités mais parcourus, des lieux où l'on se trouve sans vraiment avoir envie d’y être ni même avoir cherché à y échouer. Aire d’autoroute, ville de transit, gare routière, McDo de bord de route : on est là parce qu’on n’a pas le choix, parce que cela se trouvait sur son chemin à ce moment. Les gens y sont de passage, et apparaissent sous une lumière crue, hurlante de vide, ils apparaissent comme nus, seulement habillés de leur destination, de leur but (reprendre la route et arriver avant minuit, attraper sa correspondance, arriver avant telle heure dans telle ville pour trouver à manger...). Vous pouvez bien les observer comme une « faune locale », vous amuser à deviner leur quotidien et leurs motivations, mais l'œil sociologique est inopérant : car la vérité est que ces personnes qui arpentent les non-lieux ne sont pas plus « locales » que vous, ne font pas plus partie du paysage. Chacun est dans la même situation, ici par hasard contre son gré, ne rêvant que de repartir, et faute de pouvoir le faire, observant les autres congénères, dont vous faites partie, comme de drôles d’oiseaux effrayants. Tout le monde ici est là pour manger vite et repartir.

  Hopper station essence 

Les Etats-Unis ont évidemment le secret de cette poésie des non-lieux, de ces steppes désertiques qui bordent le monde civilisé et occidental. Sans doute parce que leur rapport au territoire est foncièrement différent du notre : là où nous achetons ou bâtissons notre maison comme si elle devait être notre tombe, eux choisissent des maisons en préfabriqué dont le souci n’est absolument pas de durer ou de se transmettre. Les gens déménagent plusieurs fois dans leur vie et l’appel du camping-car est toujours présent. 

*** Ici, vous trouvez des extraits littéraires de Pavese publiés il y a quelques temps, qui évoquent fort joliment le sentiment de « non-lieu ».

28 décembre 2012

Education à balles réelles




Pour qu’une fête familiale soit réussie, un accord minimal tacite doit être passé entre les convives. Cet accord porte sur les sujets qu’il est interdit d’aborder. L’interdiction ne se fonde pas sur une précaution d’ordre moral, mais sur un constat pratique : pas moyen d’en parler sans s’engueuler. Ainsi, réunis à table, des gentlemen prudents n’aborderont jamais la question des religions, pas plus que celle de l’éducation des enfants, ni surtout celle de la conduite automobile. Une entorse à cette règle d’airain vous place mécaniquement sous la menace d’un grotesque pugilat consanguin. Il faut s’y faire : il existe des sujets dont il est simplement impossible de parler (sauf éventuellement entre personnes partageant les mêmes avis, mais il ne s’agit plus alors de ce qu’on appelle une conversation).

A cette courte mais implacable liste vient désormais s’ajouter la question des armes à feu, que la récente « tuerie de Newton » a mise au goût du jour. C’est un effet curieux de la domination : les problèmes de vie quotidienne des Américains deviennent des questions de société dans des pays tiers, non concernés a priori. A chaque élection présidentielle américaine, on trouve ainsi des partisans d’Obama habitant Clermont-Ferrand, des soutiens à Romney n’ayant jamais quitté la Moselle, et des déçus du programme démocrate incapables de comprendre trois mots d’anglais. Cette curieuse forme d’aliénation se rencontre désormais pour les faits divers. Qu’un boulanger du Missouri se fasse dévaliser et ce sont les boulangers brestois qui manifestent pour réclamer plus de sécurité. Que l’obésité des texans augmente, et ce sont les bordelais qui digèrent mal. Qu’une école du Connecticut se transforme en champ de tir, et ce sont les mères françaises qui tremblent pour leurs enfants !

Dans un pays où la vente des armes est libre, on peut comprendre que certaines questions se posent, notamment celle de son contrôle. Dans un pays comme la France, le problème paraît en revanche réglé. Il ne l’est pas : à en croire certains, encore faudrait-il que la France interdise la vente des armes y compris sur le territoire des États-Unis ! Se mêler de ce qui ne nous regarde pas est décidément une passion bien française… Quoi qu’il en soit, l’affaire Newton a au moins un avantage : elle permet qu’on se dispute dans le vide, sur un sujet qui ne nous concerne pas, sur lequel nous n’avons aucune prise, et qu’on aura oublié bientôt.
En attendant, tournant le dos aux offuscations franchouillardes, le Marché américain réagit : il met illico à disposition des écoliers des cartables pare-balles, parce que rien, décidément, ne saurait entraver la marche du profit. Il y a encore quelques années, seuls les plus fantaisistes comiques osaient envisager une telle mesure, plus par dérision qu'en vertu d'une anticipation sérieusement construite.
Mais, si Lénine disait que là où il y a une volonté, il y a un chemin, Obama répond que là où il y a un besoin, il y a un marché...

Le pragmatisme américain a longtemps fasciné les gens de droite (le pragmatisme a le double avantage de s’appuyer sur la réalité, et de ne lui attribuer aucune valeur morale : l’idéal des libéraux). Il s’illustre aujourd’hui d’une façon qui étonnera pourtant ses plus farouches partisans : le ministre de la justice d’Arizona vient en effet de proposer qu’on arme… les directeurs d’écoles, histoire de leur donner les moyens de riposter. Oui, dans un pays où l’on tire régulièrement à balles réelles sur des enfants de 8 ans, il paraît raisonnable de fournir aux directeurs d’école de quoi faire des trous dans le ventre des fauteurs de troubles. La logique américaine a au moins ici le mérite de s’accomplir dans toute sa rigueur : 1)notre loi fondamentale permet la possession d’armes (sous-entendu : nous ne modifierons pas la loi, car elle est bonne, puisque c’est la loi !) ; 2)certains s’en servent pour tuer des écoliers DONC 3)utilisons les armes contre eux. On est loin du pédagogisme à la française ! Quand on pense qu’en France, un prof a reçu 500 euros d’amende pour avoir giflé un cancre, on mesure le gouffre qui nous sépare du pays de la liberté !

Comment la mise en place de cette mesure se fera-t-elle ? Les directeurs d’école récemment armés devront évidemment suivre une formation. On les imagine sur un parcours façon parcours du combattant, devant progresser en abattant des cibles qui se dressent automatiquement face à aux. Et bien sûr, interdiction de tirer sur toutes les cibles : seules les menaçantes, figurant des agresseurs, doivent être neutralisées.
Interview du professeur Callaghan, qui vient de finir son premier parcours :
- Monsieur le directeur, vous avez abattu cinq cibles valides, représentant des tireurs fous, mais aussi deux cibles inoffensives, figurant des élèves de cinquième. Ne pensez-vous pas qu’il est encore imprudent de vous confier une arme ?
- Pas du tout ! J’ai tout contrôlé de A à Z. Les deux cibles inoffensives, comme vous dites, étaient deux salopards qui m’avaient tagué le mur des chiottes au premier trimestre. J’en ai profité pour leur rappeler le nouveau règlement !


27 novembre 2012

La presse gratuite pense à nos cadeaux


Issu d'un article du journal gratuit 20 minutes de ce matin.

A l'UMP, on enterre déjà le grand leader

Image terrible, image d'après l'assassinat de JFC (allias Bourh'Heur D'Urn le conquérant)... La foule des militants est en pleurs :

Comme dirait Attali : "Salut ma couille"

20 novembre 2012

Le mariage nu.




A la faveur de la récente prise de pouvoir par les socialistes (ne riez pas), nous assistons à une nouvelle offensive libérale sur les mœurs : on s’y attendait. Pour l’instant, la France n’en est encore qu’à la question du mariage homo et à ses dérivés (adoption etc.). La logique est toujours la même : après avoir abandonné toute prétention à dire ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, après avoir renoncé à toute hiérarchie morale, tout principe normatif, à toute autorité de la coutume, de la tradition, etc., au nom de quoi voudriez-vous vous opposer aux revendications nouvelles ? Au nom de quoi ? Cette question est devenu la forme la plus radicale du nihilisme moderne, en tout cas sa version la plus candide : au nom de quoi continuerions-nous à faire comme le reste de l’Humanité depuis la fin des pithécanthropes ? Contenant en elle-même sa propre réponse, cette question n’attend pas de répartie, puisqu’il est entendu que le libéralisme compte exactement pour rien les arguments qu’on pourrait lui opposer. Soutenez que le mariage concerne un homme et une femme depuis que l’institution existe, et ceci sous tous les régimes, sous toutes les latitudes et dans toutes les positions, et on vous reprochera encore de n’avoir pas de raison valable à opposer au bon vouloir des tantouzes, au droit des gouinasses, au désir d’enfant des pédoques. Évidemment, rien de libéral ne se ferait sans l’action souterraine des lobbies et autres minorités actives auxquels le pouvoir veut plaire : une clientèle, ça se bichonne.

Comme je le disais plus haut, nous n’en sommes pour l’instant qu’à la question du mariage des homos. D’autres lubies viendront, d’autres-faux débats-joués-d’avance agiteront les médias, d’autres principes seront renversés et d’autres limites seront franchies dans une ambiance de fête. Le principe est simple : qu’il soit économique ou culturel, le libéralisme ne s’impose pas de limite. Il ne se reconnaît qu’une règle, celle de ne pas nuire à autrui. Règle qu’il est bien entendu impossible de suivre puisque la notion de nuisance n’est jamais définie elle-même. Il procède d’ailleurs par étapes : souvenons-nous des partisans du pacs, il y a dix ans, qui juraient que la mesure nouvelle ne remettait pas en cause le mariage. Après avoir obtenu le pacs, c'est-à-dire la dissociation entre vie commune légale et différence de sexes, il leur est beaucoup plus facile aujourd’hui de franchir le pas définitif et de se payer le mariage.

Certains opposants entrevoient sans trop y croire les batailles du futur : le mariage entre un homme et un poulpe, le mariage avec des morts (on a déjà le mariage à titre posthume), le mariage entre un père et son fils, le mariage entre frère et sœurs, le mariage collectif, etc. Au nom de quoi les refuserions-nous ?

En matière de libéralisme sociétal, les Etats-Unis sont en avance sur nous (on parle ici d’avancée comme on peut dire qu’une putréfaction l’est). Comme toujours, il est possible de se faire une idée assez juste du futur en observant le présent ricain. Le présent ? Voici : le conseil municipal de l’ultra-libérale San Francisco vient d’interdire la nudité en ville. Oui, les idées progressistes y sont tellement vivaces qu’une municipalité en est réduite à interdire que les gens se baladent la queue à l’air quand ils font leurs courses ! Comment, interdire que j’exhibe mes roubignoles sous le nez des passants ? Au nom de quoi ?!






Les partisans du loilpé urbain arguent bizarrement que le droit d’être nu s’apparente au droit d’expression, garanti par la Constitution américaine. Vu d'ici, on a du mal à saisir en quoi une paire de miches, même splendide, constitue une quelconque expression, mais passons. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, devant la recrudescence de l’indécence, les élus locaux disent niet, en attendant un recours devant une juridiction plus importante, recours dont les libéraux ne se priveront pas, comme à leur habitude. Le maire du bled californien estime que les exhibitionnistes ont « dépassé les bornes », argument moral incompréhensible pour un libéral, pour qui les bornes n’ont pas à être fixées selon l’opinion privée d’un mec, fût-il maire. On verra ce que cette affaire donnera.

Lors du débat sur l’interdiction du voile intégral dans l’espace public, certains avaient justement rappelé qu’on ne peut pas se vêtir « comme on veut » en France, mais selon une tradition de règles parfois non écrites. Aussitôt, le kit argumentatif libéral fut dégainé : au nom de quoi m’interdirait on de voiler mon visage, puisque ce faisant, je ne dérange personne, et n’oblige personne à faire de même ? A cet égard, pour faire comprendre la vie aux extrémistes, il a été rappelé que si on interdisait le voile absolu, il n’était pas non plus légal de se promener tout nu dans les rues. Au final, le législateur n’a pas eu le courage de s’appuyer sur une tradition pour interdire la burqua. Il a simplement rappelé qu’utiliser l’espace public suppose qu’on puisse vous y reconnaître, que les forces de l’ordre puissent vous identifier. Ainsi, en faisant référence à une obligation sécuritaire plutôt qu’à une série de traditions de la vie en commun, la France a entériné le fait que ces traditions n’ont plus aucune autorité. Qu’un groupe quelconque les attaque, et c’en est fait d’elles.
Avis aux nudistes.

16 novembre 2012

La presse française sauve l'honneur



C’est encore une fois la lecture des journaux qui nous donne la vision la plus exacte des événements. Parmi eux, nul mieux que le Figaro n’est susceptible de résumer la vigueur et l’impartialité des analyses, le froideur chirurgicale des faits.
Les faits ! Rien que les faits !


Lisons le Figaro : qu’y apprend-on ? Encore une fois (et les hommes de bonne volonté s’affligent en le constatant), une organisation surarmée, disposant de moyens sans limite, forte de millions d’hommes et d’un réseau international de pays partenaires, s’attaque à un pays quasi désarmé. Encore une fois, la disproportion des forces en présence touche à l’obscène et encore une fois, nous y assistons impuissants. Encore une fois, Gaza agresse son pacifique voisin, tandis que les larmes coulent en fleuves amers sur les joues roses des innocents.

Copie d'écran



9 novembre 2012

Téléfilms Historiques Français


Parmi les agacements de la vie, il y a ces téléfilms historiques que nous sert de temps à autres France Télévisions, qui commencent par se présenter comme le fruit d'un travail sérieux (nous sommes le service public), insistent dans leur bande-annonce sur la fidélité de la reconstitution, prétendent « enfin lever le rideau sur une période trouble », pour au final ne valoir guère mieux qu’une bluette, un Terre indigo transposé dans un contexte historique… Et tous les poncifs qu'on croyait déjà connaître sont visités un par un.

Dans cette catégorie, la palme revient au téléfilm sur l’Algérie, passé il y a quelques années, où les pieds noirs étaient infâmes, invectivant leur boniche algérienne et ne pouvant prononcer le mot « aRRRabe » sans grimacer, tandis que le héros, bel et jeune officier, s’étant engagé dans l’aventure de l’Algérie française par idéal avec le rêve d'un monde nouveau à bâtir où ouvriers des deux peuples se donneraient la main, tombait de haut en découvrant l’affreuse réalité de la Kolonization

Le plus stupide en fin de compte, dans ces films de mauvaise facture, le plus antihistorique, c’est la figure du héros, qui a toujours l’heur et le bon goût de réfléchir en homme de notre temps. Blum, Zola, Camus, Jean Moulin… Quelle que soit la période, ce héros a toujours l’Histoire avec lui. Il a été à bonne école, contrairement à toute son époque ! Il agit comme s’il avait la science de ce qui s’est finalement passé.
  • Si c'est un officier de 14-18, il voit dans la guerre une boucherie, et dans les Allemands d’en face de pauvres bougres qui n’ont rien demandé. Il est militaire, mais le nationalisme lui semble une belle connerie.
  • Si c'est un jeune homme sous l'Occupation, il n’y réfléchit pas à deux fois. Pas une seconde il ne doute de l'issue de la guerre : ce ne sont que quelques années à tenir avant que les Américains débarquent, ça vaut carrément le coup de prendre le maquis !
  • Si le héros est une femme du XIXème siècle, elle est bien entendu libérée avant l'heure : outrée qu’on n’en soit pas encore aux 35 heures, suffoquée par la morale étriquée de ses amies bourgeoises, au fond dans sa tête c'est une femme des années 80...
Et ainsi défile la ribambelle de héros, anachroniques, complètement extérieurs à leur époque, qui ont la Vérité avec eux et qui l’ont seuls, seuls s’il ne se trouvait une petite Mélanie Doutey à leurs côtés, infirmière, institutrice, pour les encourager et leur confirmer qu’ils s’apprêtent à devenir de grands personnages de l’Histoire.


« Bonjour. Nous avons raison. »

Ce qui est profondément faux dans cette approche, c’est de ne pas comprendre que telle ou telle opinion qui a cours aujourd’hui puisse être anthropologiquement impossible à avoir à une autre époque. Ce qui est fallacieux est cette façon d’aplanir la complexité du passé, de la gommer sous l’évidence des positions morales d’aujourd’hui. Ces téléfilms pensent peut-être honorer les personnages dont ils traitent en leur donnant raison contre tous, mais ils les amoindrissent au contraire : en laissant entendre que c’était là ce qu’il fallait faire, que c’était la seule posture à adopter pour un homme digne tant soit peu, ils ôtent aux actions de ces hommes leur force, à leurs choix leur difficulté, à leurs jugements leur singularité, aux événements dans lesquels ils étaient plongés leur caractère chaotique... En fin de compte ils ôtent à l’Histoire tout son vertige et tout son sel.

Curieusement, l’attitude moraliste sur l’Histoire devrait s’estomper avec le temps et la distance, évoluer vers une plus grande sérénité, mais à travers ce genre de téléfilms elle fait chemin inverse : sur des évènements parfois vieux d’un siècle, elle pointe du doigt, distribue les bons et mauvais points, oppose de façon plus implacable les parties d’alors… Elle condamne à nouveau, déforme et exagère, appelant ainsi les contradicteurs potentiels à exagérer à leur tour dans l’autre sens... C'est ainsi qu'on n'y voit pas nécessairement plus clair et que la dispute peut continuer.

26 octobre 2012

Exclu CGB : Jimmy Savile aurait aussi empoisonné une jeune fille



Le CGB tire les cartes à la France

Le CGB, cartes sur table

Le CGB, inquiet pour la situation du pays est allé consulter un oracle, voire... un voyant. 
En exclusivité mondiale, le Culturalgangbang est de retour du Futur...

L’ambiance est obscure, tamisée. De faibles éclairages aux quatre coins de la pièce. Au sol, le tapis est épais. Sous mon cul, un fauteuil confortable. Lui me fait face. Entre nous, il y a un guéridon.


Le son du jour du béluga qui imite l'homme et lui met une balle à la fin du clip



22 octobre 2012

Statistiques ethniques : la fin d’un tabou


L’histoire : Au cours d’une procédure juridique exceptionnelle, les régions Nord-Picardie et Provence-Alpes Côte d’Azur ont déposé conjointement une plainte contre la chaîne France 2 et son émission Faites entrer l’accusé, qui selon l’avocat des présidents de régions, « stigmatise tous les dimanche soir certaines catégories bien précises de la population ». « C’est simple : soit c’est une histoire de sous, et ça se passe à Nice avec un criminel la plupart du temps d’origine maghrébine, soit c’est un viol ou autre barbarie sexuelle, et on nous montre un ch’ti ! ».

Si la démarche de Maître Burneau semble honorable, il s’est cependant mis hors-la-loi en voulant faire sa démonstration. Le Parquet s’est à son tour retourné contre lui pour avoir « compilé l’intégralité des épisodes [de l’émission-phare de France 2] en vue d’en tirer des statistiques ethniques ». Ce que le Conseil constitutionnel interdit.

20 octobre 2012

Ne pas prêter

Lors d’un apéritif sympathique, un voisin nous parle du Liban avec enthousiasme et nous voilà conquis. Lorsqu’il nous tend un livre à lire absolument sur l’histoire de Beyrouth, nous le glissons gaillardement dans notre besace. Ce n’est qu’une fois à la maison, à froid, que l’on réalise qu’on n’a évidemment aucune intention de lire ce pavé de 700 pages. Ni maintenant ni plus tard. C’est tout à l’heure que le Liban nous intéressait, quand la discussion battait son plein. Maintenant le soufflé est retombé.

Désormais, nous voilà pris dans une situation bien gênante : car bien que nous soyons décidés à ne pas en lire une ligne, nous imaginons déjà le moment où il nous sera demandé des comptes. Que dirons-nous au prêteur quand nous le croiserons ? Peut-on décemment à ce stade lui expliquer que Beyrouth, tout compte fait, ne nous intéresse pas à ce point ? Peut-on rendre le livre en avouant qu’on n’a pas essayé d’en ouvrir la tranche ? Et plus le temps passe, plus c'est délicat : nous argumenterons que nous n’avons pas encore eu le temps de nous y mettre, que nous attendons le bon moment… Nous garderons le livre des semaines, des mois, un an, jusqu’à ce qu’on nous le redemande. Nous ne le rendrons jamais en définitive, ou nous le rendrons pour le rendre : parce que la personne, excédée, insiste pour le récupérer.

Désormais, nous voilà pris dans une situation bien gênante, car bien entendu ce livre n'est pas qu'un livre : il y a pour le prêteur l'espoir d'une communion. Dans "le livre", il y a en réalité la relation intime qu'il entretient avec, et c'est cela qu'on s'apprête à piétiner sans vergogne en lui répondant innocemment qu'on n'a simplement "pas accroché". Prêter un bouquin est une sombre connerie. Vouloir faire aimer ce qui nous a plu à un autre est une sombre connerie. L’erreur de celui qui partage est de croire que la richesse qu’il a tirée d’une lecture est toute entière contenue dans le livre, alors qu'elle réside bien plus dans l'expérience et le vécu qu'il porte en lui, et que le livre a chamboulés.

On peut prêter un livre - un détonateur - mais on ne peut pas prêter le reste : le terreau personnel dans lequel ce livre a fait des étincelles. Les mots sont des ponts, mais nous restons des êtres isolés et inaccessibles, indéchiffrables. Pourquoi, alors qu'il est si simple d'assister au concert de son artiste préféré et de réaliser qu'il y a des cons qui peuvent vibrer sur la même chose que nous, est-il si difficile de se faire à l’idée inverse : que les êtres qu'on estime, qu'on considère ses semblables, aient le droit de ne pas vénérer ce qu'on vénère ? Sans doute une question de maturité : avec l'âge, on dissocie mieux ce que l’on est de ce que l’on aime. Avec l’âge, la communauté de goût (goûts littéraires ou autres), la communauté d’opinion, importent moins dans une amitié. On leur préfère une sorte chaleur plus naturelle et humaine, une common decency. Les gens s’humanisent et deviennent autre chose que des têtes pensantes ou des conceptions du monde : ils s’apprécient simplement pour ce qu’ils sont.

Le fascisme est plus partout qu'on ne le croit

Vide intersidéral


obama_FXD par Culturalgangbang
 
C'est tellement bon qu'on dirait un sketch des Inconnus.

9 octobre 2012

Education Nationale : le problème des moyens (des très, très moyens)

Campagne des profs contre leur manque de moyens
Avertissement. Cet article a été rédigé en caméra cachée. De plus, certaines images ont été trafiquées par l’auteur. Tous les noms des protagonistes ont été changés (ou peut être pas), mais toute ressemblance avec une personne de votre entourage professeur de l’Education nationale sera tout sauf fortuite…

Hélène a 27 ans. Elle est prof de français. Originaire d’une grande ville de province, elle officie depuis ses débuts dans les ZEP de Seine-Saint-Denis.
Elle vit à Paris dans un environnement qui « bouillonne de diversité et de mixité sociale ». Pourtant, elle ne fréquente que des mecs à veste en tweed, double mèche et prénom composé.

C'est un beau roman, c'est une belle histoire

Faut les surveiller ces deux là :
 

3 octobre 2012

La Culture à majuscule

L’un de mes amis, Indien, ne se sent absolument pas concerné par la Culture. Lorsqu’il vient à Paris, rien ne l’intéresse d’autre que la gare du Nord où il trouve tous les produits indiens qu’il affectionne. Il a pourtant un haut niveau d’études, une bonne ouverture d’esprit, a déjà vécu dans différents pays… mais vous ne le ferez jamais entrer dans un musée. Quel qu’il soit. Ni même visiter un monument. Il préfère vous attendre dehors, seul, à l’entrée, sur un banc. Son détachement par rapport à la Culture est total.

Comme il dit, les musées, les visites, il fera tout cela quand il sera vieux ! Pourtant, ses parents le sont, vieux, mais ils ne sont pas mieux disposés : la fois où ils sont venus le voir à Marseille, c’était leur première fois en Europe mais ils n’ont pas mis le nez dehors. Ça ne les a pas turlupiné de voir un peu à quoi ressemblait la ville ou le pays, ni autre chose que leur fils. Les trois semaines où ils sont restés, ils les ont passées à l’intérieur, attendant qu’il rentre du boulot le soir.


Une telle incuriosité est difficilement compréhensible pour celui qui considère la Culture comme un bien aussi vital que l’eau et l’air, une soif naturelle partagée par tous les êtres humains, et l’accès à la Culture comme un droit fondamental. Et c’est bien sur ce postulat que se fonde la Culture avec un grand « c ». Par sa majuscule, elle affirme son caractère universel. La Culture est universelle tout comme le Patrimoine est mondial : tous deux se présentent comme l’héritage commun de l’humanité et vont puiser dans toutes les cultures, y compris celles qui n’ont rien demandé. On admet que le Beau soit relatif, mais la recherche de ce Beau, la fascination, la sacralisation de ce Beau sont, elles, censées être le lot de tous.
Dans ce contexte, l’incuriosité de mes Indiens, leur désintérêt total, résonne comme un blasphème, une offense à cette conception des choses. Elle nous oblige à envisager d’autres mondes, impies, où la Culture à majuscule n’a tout simplement pas cours. Je ne suis pas connaisseur de l’Inde, mais les indices que m’en donne cet ami tracent les contours d’une civilisation où le rapport au patrimoine, à ce qui est antique, à ce qui est « Beau », est inexistant. Là-bas, il ne semble pas y avoir de vénération pour l’ancien. On n’a pas de scrupule à détruire le vieux pour en faire du neuf. Ce qui pour nous est un bijou ancien sera pour eux un vieux bijou : ils en fondront l’or pour faire un bracelet plus beau et plus neuf, ou encore on se débarrassera sans état d’âme d’une porte en bois sculpté traditionnelle si un touriste en propose une somme, parce que cette vieillerie n’a pas la valeur de « monument historique » qu’elle aurait chez nous.

Ainsi, ce que nous appelons « la Culture », présumant par là qu’elle est le dénominateur commun à tous les hommes ne représente en réalité que l’interprétation proprement occidentale de la Culture. L’activité de classer, préserver, exposer, visiter, est une préoccupation européenne au fond. Peut-être même française tant les choses sont déjà différentes à peine traverse-t-on la Manche :
  • chez nos amis britanniques, on peut visiter des châteaux vidés de substance historique, agrémentés de décors cheap censés reconstituer l’époque (panneaux pédagogiques, mises en scène grotesques avec mannequins en cire et festins en plastique, musées de l’horreur moyenâgeuse et exagération puérile du côté « château fort »…) - autant de choses qui seraient sacrilèges en France.
  • chez nos amis américains, le statut « d’intellectuel », qui chez nous octroie une véritable autorité, n’a pas son équivalent et fait plutôt sourire.

BHL invité d'un late show américain par purepeople

La « Culture », une invention européenne donc, circonscrite dans l’espace mais aussi dans le temps. Les premiers musées publics ne datent que de la Révolution française. C’est à partir de ce moment qu’apparait la Culture à majuscule, la Culture comme volonté de protéger les œuvres, de centraliser leur gestion, de les donner à voir au public… A partir de ce moment que l’œuvre d’art puis l’œuvre culturelle sont  sanctuarisées, mises sous cloche, transformées en objet d’étude esthétique, scientifique, pédagogique. Et il faut lire le texte de Paul Valéry sur les musées (ici) pour se rendre compte de toute la bizarrerie qu’une telle approche peut contenir.

En d’autres époques, il faut être conscient que la Culture à majuscule pourrait sembler incongrue, y compris à un occidental. Fréquenter un musée et jouir de l’aspect esthétique et intellectuel de l’art nous semble aujourd’hui la marque du raffinement, mais un homme raffiné du passé pourrait trouver extraordinairement vulgaire et dérisoire de voir amassées en un même lieu un maximum d’œuvres déracinées de leur contexte original. Pourrait-il même comprendre qu’on maintienne en état un ensemble comme Versailles plusieurs siècles après qu’il ait perdu toute fonction, dans l’unique but d’y faire déambuler les ploucs du monde, avec leur bermuda, leurs lunettes de soleil et leurs T-shirts à message ? Et que pourrions-nous admirer aujourd’hui si la Culture à majuscule et ses agents conservateurs avaient toujours fait la loi ? Un baron Haussmann n’aurait jamais pu éclore et remodeler Paris pour lui donner son style.


Que la Culture à majuscule coïncide avec la Révolution française, du reste, n’est pas si étonnant. Elle relève de cette mentalité qui a proclamé « universelles » des valeurs (les Droits de l’Homme, la Liberté, la Démocratie…) qui en réalité lui étaient propres, qui découlaient d’un cheminement philosophique particulier, local, occidental… Une mentalité incapable de réaliser que « l’universalisme » qui sous-tend ces valeurs est lui-même un concept culturel, post-chrétien, dans lequel d’autres ne se sentent pas nécessairement inclus. C’est ce qu’il y a de pernicieux chez les éclairés de l’Occident : à l’origine de la Culture à majuscule comme de ces autres valeurs, il y a une intention de bonté et d’humanisme, mais une bonté similaire à celle qui nous mis en tête d'aller évangéliser les sauvages. Ce qu’on appelle « Patrimoine mondial de l’Humanité » est en réalité le Patrimoine mondial de l’Humanité occidental : la liste n’en a pas été établie par l’humanité elle-même, elle est l’application d’une logique culturelle européenne à l’ensemble des civilisations. Avec la Culture à majuscule, l’Occident prend sur lui de préserver le « patrimoine mondial » : le sien comme celui des autres. Notamment celui des peuples qui ne seraient pas assez responsables pour en avoir le souci.

2 octobre 2012

Les médias français aiment jouer

En vue de Noël, MB réédite son fameux jeu "Qui est-ce ?" dans une version deluxe. Collectionne les vignettes des pères de Zora !

1 octobre 2012

Les Experts braquent les Gangsters

C'est l'histoire d'un braquage qui a mal tourné. Mais on ne la fait pas aux gros poissons de la Française des Jeux...

28 septembre 2012

La séquence d'Archi


Y'a une couille dans le potage par archischmock

Méchoui tzigane dans les quartiers nord de Marseille


Des réactions très vives de la part des associations

Source


L'Evangile selon CEJI

Ce jeudi, Maurice G. Dantec était à Paris, au Cercle des cosaques et nous non. Du coup on a replongé dans nos archives et exhumé le compte rendu d'une des précédentes apparitions de Dantec.
Date de parution initiale : 28/05/06.
Et la précédente ici



Grande première, on a reçu un manuscrit au CGB. Un manuscrit unique. Un témoignage daté de l'an de grâce 46 après MGD. Un texte Zorglubien, un Évangile apocryphe en marge du canon des apôtres désignés, les Ringers D.K's style.
Espérons qu'un jour le métaprophète chassera les marchands du temple Zorglubien.

Décodage de la dernière apparition de Méta-Momo dans notre bonne ville de Paname, le 10 septembre 2005.

Evangile selon Céji.

Samedi 10 septembre 2005, Dantec était en preach promotionnel à la Cigale : « La Littérature ou la Mort : in Spiritus Sancto et Igni » mes frères…
La messe, organisée par les éditions Albin-Michel, à l’initiative de l’apôtre de « l’impossible », David Kersan, se voulait une rencontre de « partage dynamique » avec le lectorat du « prophète », une soirée feedback dont la date n’était pas anodine : veillée commémorative du nine-eleven, anti-fête de l’Huma, au choix. La religion et ses symboles… Veau d’Or et culte de la personnalité…

La passion du Mo

La passion de Mo, dans l’offrande d’un concert rock insipide et d’une vidéo hypnotique de l’écrivain : une anesthésie sensorielle pour préparer la transe, l’hystérie collective, l’extase, un état de conscience modifié emportant l’écoute optimale, l’adhésion inconditionnelle, le moutonnage fanatique…
Et Maurice G. entra dans la lumière, vêtu de noir, une cravate grise au cou.
D’une voix vacillante, il dit : « Ceci est ma dernière apparition en public ». Evangile ?! Mais « I will be back ! ». Il dit : « les petites hyènes de l’Internet », « les RMIstes professionnels », « les chihuahuas de la critique » : « la race canine a plus d’avenir qu’eux ». Il les conchia les impies de la contradiction, les racines de son mal. Il détourna Debord, l’anti-prophète : « Ce monde où le faux est devenu un moment du vrai, ultime ruse du Diable… »…Hérésie maquillée d’œcuménisme… Imposture prosélyte ne réduisant pas en cendres le feu ignifugé de feu Guy : « In girum imus nocte et consumimur igni »… La démagogie on his way : hosanna !

Déclaration de Mad Mo

Il dit : « Nous sommes ici car nous sommes venus en Paix (…). Nous sommes ici car nous sommes entrés en Guerre (…). Cette guerre est le réveil de la paix ! ». Sa guerre à lui, l’éveillé aux Eyes Wide Shut : le clone mondial number IV… Momo, le rabbi catho, l’investi, la parole faite chair…
Elle s’incarna en Alexandre Del Valle, un zélote zélé de l’UMP, entièrement voué à la défense de la civilisation judéo-chrétienne… Le tonnerre gronda dans les applaudissements de ceux qui goûtaient le Verbe souillé de verve politique : l’« islamophobie » est un terme profane « inventé par les trostsko-staliniens » du Temple, soutient de circonstance des « Verts de l’Islam islamiste ». Il parla du martyr des critiques de l’Islam quand il est « quasi obligatoire de cracher sur la culture judéo-chrétienne ». Ils évoquèrent la Turquie, dirent de la repousser dans sa quête conquérante de l’UE. Le simulacre politicien cita Erdogan : « La démocratie est un moyen pas une fin ». Il dit alors : « Cosmos Inc » pourrait bien être prophétique… Puis : « Dantec défend les Juifs, les Américains et l’Eglise catholique alors que ce n’est pas dans le ton ! ». Il se tourna vers le Maître et dit : « Je m’incline devant Maurice G. Dantec »… Momorice, l’icône…

Les mots en Mo

Certains questionnèrent le rabbi catho. Ses réponses commencèrent toutes par « Ouais, okay. Bon j’vais répondre clairement, j’vais l’dire cash, okay ? ». Mais il fut souvent obscur, nous égarant dans des phrases exponentielles, semblant se perdre lui-même dans les circonvolutions de ses références catholiques incessamment assénées… Humblement, admettons que le Maître nous dépassait de ses « Bon Okay alors Averroès dit, mais pour être plus clair Maistre disait… ». Certains en perdaient leur araméen…
Sur son écriture de l’au-delà, il dit : « Par moments, je traverse une membrane, tu vois ? C’est clair ? Mais je ne suis ni fou, ni saint ». Ni fou, ni saint… D’esprit ! Il dit : « Le livre sert de virus pour qu’un certain état de mon cerveau pénètre dans le vôtre »… L’homme nous guidait de sa grosse tête… Le Führer-virus…

Guerre sainte en Mo

Il conta aux fidèles, la guerre Sainte contemporaine. Il parla d’une valise d’uranium tombée dans les mains d’Al Qaïda, une masse critique à destination de quatre grandes villes américaines, quatre comme les quatre cavaliers de l’Apocalypse… Il dit : « Je pense que l’Islam est une hérésie ; ça veut pas dire que je veux envoyer tous les Musulmans au bûcher (…). Mahomet était présent au mauvais endroit au mauvais moment. ». Il ajouta et les fidèles en frémirent : « Je pense que ça va mal finir pour l’Occident et ça va commencer par ici. ».
Du livre musulman, il dit : « Quand je lis le Coran, ça me pose un problème (…). L’Islam prophétise rapidement par le sabre. ». Pour lui, les croisades étaient loin mais si proches : mémoire sélective de l’Homme... Du Jardin d’Eden irakien, il dit qu’il était « Un bourbier infâme créé par la France ». Il nous enseignait, nous qui croyions le bourbier à New Orleans et le désert, affaire de la CIA… Kersan lut du livre « American Black Box » (sortie prévue pour janvier 2006) : « l’Irak est désormais une puissance arabe indépendante »: pas un mot des attentats quotidiens et de l’occupation...


En Mo majeur

De ses amis saints américains républicains, il dit : « La putana diplomatique Villepin/ Chirac a causé une fracture (…). Je ne remettrai pas les pieds dans ce pays tant qu’on n’aura pas compris ce qu’il se passe ». Un païen hurla : « Déserteur ! ». Il lui dit et nous dit, joignant son index au Verbe, nous menaçant du courroux divin : « Faites attention, il ne faudrait pas 6 min aux EU pour prendre la France »… Le « catho du futur » semblait penser posséder le pouvoir de frapper… Le maître avoua alors : « Moi, j’ai faillis me convertir à l’Islam ». Un frisson d’horreur parcourut la salle et certains se signèrent nord, sud, ouest, est. Il poursuivit : « J’ai été converti au catholicisme par un mort : Léon Bloy »… Il dit, enfonçant les clous de sa défense de la super puissance US : « Le machin qu’on a tenté de me faire signer commençait par Nous la Majesté des Belges quand la Constitution américaine commence par We People ». Il ne dit rien sur cette Constitution corrompue, qui avait laissé Bush être élu malgré sa défaite…

Mo d’amour

Un homme habité par le Verbe du Maître s’avança et dit : « Je crois en une possibilité dans le monde inhumain d’une inversion par l’amour ». Le rabbi catho pleura de derrière ses lunettes noires devant tant de lucidité et de compréhension pithiatique. L’amour, arme de destruction massive… Puis, une femme brava la fin du sermon, lui assénant une diatribe anti-francs-maçons américains. L’homme répondit : « J’m’en fous de tes histoires maçonniques, tes histoires j’en ai rien à foutre ! T’es où ? T’es où ? ». La succube répondit : « Oh, vous pouvez pleurer, malheureux ! ». Les fidèles tremblèrent devant cette Sainte Colère… Et le prédicateur nous quitta fou de rage. Et nous le quittâmes, inquiets et repentants...

Maux de la fin

Il dit à un moment « On n’est pas là pour faire du show-biz ». On a pourtant vu un spectacle mystique ampli de folklore apocalyptique, de raisonnements orientés, partiaux, d’une fermeture réelle à la contradiction en écho à un discours spectaculaire de Christ Rédempteur. Dantec combat selon lui une idéologie, pas des hommes. Il ne combat pas des hommes mais a choisi son camp : il s’est converti au catholicisme, une idéologie, son médicament, et a endossé l’armure du chevalier partant à la conquête de la Nouvelle Jérusalem… Il prône le dialogue interreligieux, l’armée américaine à son poing… Le messianisme armé qu’il dénonce. Transcendance zéro. Dantec est un acteur du Spectacle qu’il dénonce.

Si on doit crever par le feu nucléaire de l’Apocalypse : Let it be. « C’est le Saint Esprit qui décide » non ?!...Ta tranchée de banquise québécoise, loin du champ de bataille, sera ton Golgotha Momo, mais toi, tu seras de dos. I will not be back…

15 septembre 2012

Contre les Murs

Des claques, des coups de poings. Un lycéen de 18 ans a roué de coups son prof d'histoire-géo à Bordeaux. La scène s'est déroulée dans un couloir de l'établissement technique mardi. Le motif de l'agression parait bien futile. Tout est parti d'un différend lors d'un cours sur le système politique marocain. 
 
Encore un prof qui n'a pas vu Contre les Murs ...
 

contrelesmurs2 par Culturalgangbang

13 septembre 2012

La pluralité de l'information c'est important


 Hier soir j'apprenais à la radio que les zamis de BHL venaient de décapsuler le représentant de Coca-Cola en Lybie, accessoirement ambassadeur des États-Unis. En bon citoyen responsable je courrais sur le site de Libération.fr pour avoir plus d'informations et je tombais nez à nez avec une Une sur la couverture en direct, s'il vous plait, de la conférence de presse tenue par un marchand américain de téléphone mobile s’apprêtant à dévoiler son nouveau joujou. 
Pas une publicité, c'était bien l'info primordiale du moment que la rédaction du grand quotidien de gauche français estimait la plus importante à apporter à ses lecteurs. Étonnant de voir le journal qui quelque jour plus tôt faisait une leçon de patriotisme économique à un grand patron français candidat à l'exil fiscal, offrir gratuitement la une de son site internet à une firme extra-européenne régulièrement pointée du doigt pour les conditions de travail dans ses usines délocalisées ou pour l’emprunte écologique catastrophique de ses produits vendus très cher à tout un tas de cons qui n'en ont pas spécialement l'utilité.

J'étais un peu narquois quand j'entendais le flash infos de 20h sur RTL s'ouvrir à son tour sur cette information à haute teneur qualitative : la firme de Cupertino tenait en ce moment même une conférence de presse, Whaou !  C'est alors que j'ai eu la mauvais idée de faire le tour des sites d'information français et même de quelques voisins pour en arriver à la triste évidence que Machin et son Bidule 5 avaient colonisé la totalité des Une des pages d'accueil de la presse francophone (toute sauf 1), quotidiens, gratuits, payants, hebdos, tout le monde à l'unisson, culotte baissée devant le référent ultime de l'économie de l'obsolescence programmée. 

Etat des lieux de la presse francophone en 11 captures d'écran de leur page d'accueil prises entre 19h10 et 21h mercredi 12 septembre 2012 (un peu après pour 20 Minutes)  :


Du côté des gratuits on joint l'utile à l'agréable en assurant une synergie entre la rédaction et le service com :


Les hebdos ne pouvaient pas non plus passer à côté d'une information aussi brulante :




Pas la peine de s'exiler, nos voisins sont aussi contaminés :


Pour trouver enfin une Une non occupée par le nouveau bidet high tech, il faut se tourner vers le journal La Croix. Mais non visible sur la capture d'écran, le sujet est tout de même traité en 4ème position.
Finalement, le seul de la dizaine de médias que nous avons consultés à se trouver complètement vierge de publi-reportage à la gloire de la pénible marque de Steve Jobs reste l'Huma, qui préfère titrer sur la fête annuelle de la merguez qui aura lieu ce week-end. Bravo à eux.

Nous avons malheureusement oublié nos excellents confrères de Rue 89 et du Nouvel Obs qu'ils nous en excusent.
Le constat sera qu'il ne reste vraiment pas beaucoup de quotidiens nationaux en France mais que c'est encore beaucoup trop.
Nous rappellerons que pour arriver à cette homogénéité, le gouvernement français vient de déverser 60 millions d'euros au cours des 3 dernières années sur les médias institutionnels pour assurer leur développement sur la toile et pour être bien sûr qu'ils fassent là où on leur dit de faire. Le résultat semble dépasser les espérances les plus folles. La somme peut paraitre coquette mais n'est rien comparée aux 300 millions d'aides directes octroyées à la presse en 2011 et 271  millions engloutis en 2012. C'est le prix à payer pour assurer, comment ils appelent ça déjà ? L'indépendance et... Ah oui ! La pluralité de l'information.

5 septembre 2012

La noblesse




Je ne suis pas parti en vacances. Comme chaque fois, j’ai pu voir ma ville aux deux tiers vidée de ses gens. Ils sont allés fournir en grouillement bariolé des bleds ordinairement sinistres, accrochés comme arapèdes au flanc d’une mer quasi morte ou nichés sur un promontoire d’où l’on surplombe un réseau épatant de ronds-points, de car-wash et de Pizza Paï, qui répand ses commodités sur une très vieille terre modelée de restanques par les peuples qui vécurent là avant nous.

Moi, je suis resté ici. J’ai passé mes journées dans une lente nonchalance, d’un livre à l’autre, d’un ami à l’autre. Parfois, j’ai marché dans les rues en me disant que ça devrait être ça, une ville : l’espace conquis par un homme tranquille, un refuge où s’abriter encore. Au mois d’août, en ville, tout est plus grand, plus large, et l’air plus libre. Les voitures sont rares et se font supportables. Le bruit ambiant nous laisse un répit et permet quelques conversations non hurlées. Il semble alors possible de tenir une journée entière sans l’aide des antalgiques.

Une ville amputée quelques jours de ses emmerdeurs est le dernier cadeau que notre civilisation vorace peut faire à ses citoyens. Trop pauvres pour partir, occupées à autre chose ou simplement rétives aux distractions grégaires, les quelques personnes présentes semblent y vaquer dans un autre monde, comme on plonge parfois dans un souvenir ancien en quête de sensations mortes. Cette cité au ralenti est-elle l’image fossile d’un temps d’avant le grouillement urbain ? Ou annonce-t-elle la perte irrémédiable de la tranquillité, comme les derniers assiégés résistent au flux qui va bientôt vaincre ? Qu’importe, jouissons-en, en attendant.

Le hasard a semblé vouloir me plaire. Il m’a permis de voir une de ses œuvres les plus rares sur les bords de la Saône : sur plus de quatre cents mètres, aucune voiture. Pas de circulation ; les emplacements de parking vierges de toute ferraille. Rien d’autre que le quai, les platanes et, posé comme la pièce centrale d’un jeu géant, le masque des immeubles. Le fleuve retrouvait enfin des spectateurs à sa mesure. Ce que seul un arrêté municipal vigoureux aurait pu produire (ou, à la rigueur, un cataclysme nucléaire), le hasard l’avait fait, et moi, simple passant, j’en recueillis les fruits. Comme ces maisons m’ont parues plus hautes, plus pures ! Comme chaque volume a soudain repris sa place, et comme l’ensemble a pu me séduire ! Sous les bagnoles, la ville !



Le touriste croit voyager quand il part en Grèce, au Pérou, au Maroc. Il ne fait que déplacer sa névrose ailleurs où, par comparaison, les salaires inférieurs lui font goûter l’ivresse du privilège. C’est l’Appel du buffet à volonté. Sa transhumance permet à ceux qui restent chez eux d’accomplir un voyage moins coûteux et pourtant inestimable, dans le temps. L’espace de deux ou trois semaines, la ville débarrassée de ce qui l’encombre et de ses hystéries quotidiennes se révèle comme elle a pu être autrefois, quand les sept milliards d’humains n’étaient même pas encore une hypothèse vraisemblable. Les formes de la ville y retrouvent la santé des origines, le spectacle de son architecture s’y donne presque comme il fut conçu, et l’on comprend enfin ce qui impressionnait les voyageurs d’antan découvrant la cité : la noblesse.

1 septembre 2012

Lutte contre la Fraude

Le CGB s'engage aux cotés de la CAF... Il n'y a pas que cette salope de JENNIFER qui fraude !
(avec Beboper et XIX au texte)

( l'originale)
Les notres :

31 août 2012

Blog de shoot

Meeeerde, tout s'explique les mecs. Et nous qu'étions vite allés à Dam avant qu'ça ferme. Bon, ben désolé pour tout hein, c'est juste qu'on a les cerveaux cramés.



29 août 2012

Jeux Paralympiques 2012

N'oublions jamais Pékin ...

Morsay aux Jeux Para-Olympiques par Culturalgangbang

Colère et Temps de Peter Sloterdijk

Artikeule très intéressant récupéré ici (Cahiers de psychologie politique) sur l'essai " Colère et Temps " de Peter Sloterdijk, que je viens de lire (flemme de l'écrire moi-même).

Cet essai politico-psychologique est écrit par Peter Sloterdijk qui peut être considéré comme l'une des grandes figures de la philosophie contemporaine allemande.
Parmi de nombreuses traductions en français nous avons accès à « Règles pour le parc humain » (Mille et Une Nuits, 1999), « Essai d'intoxication volontaire » (Calmann-Lévy, 1999), et surtout sa trilogie : « Sphères I - Bulles » (Pauvert, 2002), « Sphères III - Écumes » (Maren Sell Éditeurs, 2005).
Après avoir analysé, dans « Sphères », les phases de constitution de l'espace humain, et avoir décrit, dans « Le Palais de cristal », les différentes étapes de la construction de cette sphère de confort et de " gâterie " que s'est offerte l'Occident, Peter Sloterdijk se penche, dans « Colère et Temps », allusion polémique à « Etre et Temps » de Heidegger, sur ce qui constitue selon lui le moteur principal de la civilisation occidentale : la colère.
Elle s'enracine dans une longue tradition philosophique et constitue en fait une partie intégrante de la personnalité humaine. Platon a été le premier à la décrire dans « La République », lorsqu'il note que l'être humain est constitué de trois composantes : une partie désirante, une partie raisonnante et une partie qu'il appelait thymos, ou esprit de vie. C'est cette dernière qui pousse l'homme à chercher la reconnaissance de sa propre dignité ou celle des objets (biens, principes, communauté.. ) qu'il investit de dignité.

D'Homère à Lénine, de la Bible au Petit Livre rouge, de Caïn à Freud, Sloterdijk démonte les mécanismes de ce sentiment pulsionnel et pourtant manipulable. Il montre comment la colère, d'abord instinctive, se transforme peu à peu en une " banque mondiale de la vengeance", où l'on utilise les sentiments de révolte des opprimés comme une monnaie qui permet d'arriver au pouvoir " un système qui a forgé un millénaire durant l'histoire de l'Occident ".Il analyse les formes bibliques, anarchistes, léninistes, fascistes et maoïstes de la colère et de son expression, la vengeance. Il s'interroge sur le rôle actuel de l'islam politique dans cette histoire. Et Sloterdijk annonce avec bonheur la faillite de ces organisations revanchardes, pour l'avènement d'un monde « au-delà du ressentiment ».
On devine en Sloterdijk un grand lecteur, familier de Hegel, de Nietzsche ou de Heidegger, du symbolisme allemand, de la phénoménologie, de Foucault ou de Lacan également, et de tant d’autres… Mais les chemins qu’il trace lui sont spécifiques. Dans sa trilogie : « Sphère », il renouvele l’anthropologie philosophique en fondant une analyse de l’homme sur la dialectique de l’intime et de l’extérieur (y compris les extérieurs sociaux : couple, famille, nation…). Cela lui permet d’aborder la philosophie politique avec un appareil théorique que nous pourrions qualifier de « psychopolitique ». C'est en effet, et c'est là ce qui pour nous fait son originalité, une philosophie politique qui s'intérésse aux affects, aux liens et aux passions autant – sinon plus – qu’aux institutions et aux idéologies.

La condition humaine entre thymos et eros : Les affects « thymotiques »
« Colère et Temps » analyse les conséquences d’un fait simple, mais qui est peut être un perdu de vue actuellement : l’homme n’est pas seulement animé par les affects "érotiques" (jouissance, possession), mais tout autant par les affects "thymotiques" (fierté, colère, vengeance), et dans ces deux familles d’affects cohabitent le positif et le négatif.
Pour Sloterdijk, les affects « érotiques » (au sens platonicien qui établit une convergence entre eros et avidité) vont bien au-delà de la sexualité. Ce sont des affects fondés sur le manque et sur l’idée qu’une possession ou une action pourraient le combler. En ce sens on peut dire avec G. Bataille que l’économie a une dynamique érotique (ce que je désire, je peux en offrir un équivalent - argent, travail ou autre bien - et en avoir la jouissance). Il est évident que notre siècle de psychanalyse, de triomphe du spectacle et de théories de l’acteur rationnel, privilégie la perception de ces affects érotiques.
Mais les affects "thymotiques" (du grec thymos , courage, colère sentiment de fierté, vengeance ), qui sont tellement occultés aujourd’hui, sont largement aussi importants dans la psychologie humaine contemporaine. Occultés de la pensée académique, des théories du pouvoir, des discours sur le monde, mais présents, à un point jusqu’alors jamais atteint, dans la littérature populaire et dans le cinéma d'action. Ils sont un moteur important des activités et des engagements politiques. D'ailleurs, quand on veut bien le regarde,r on découvre que ce sont les fiertés, et les révoltes qui expliquent la plupart de ces engagements ainsi que bien des conflits.
Le premier chapitre de Colère et Temps rappelle à quel point la colère de l’Antiquité gréco-romaine est un affect incompréhensible aujourd’hui. Cette colère, l’Iliade nous la décrit en ouverture "Cette divine colère d’Achille, le fils de Pelée, chante la nous, Déesse " Elle est relatée comme un véritable souffle prophétique, c’est l’âme même du héros, soit la seule force qui fait que le monde n’était pas une simple nature. Le héros, et son rhapsode, s’opposent au néant, pour que "sous le soleil se produise davantage que l’indifférent et l'éternellement identique". Ils le faisaient "pour que le monde croisse par du neuf et du glorieux."

Les affects thymotiques : leur gestion religieuse.
Cette colère a posé problème à l'homme et tous les efforts de culture, de morale et de civilisation vont s’employer à la domestiquer. Avec succès peut-il nous sembler dans un premier temps. "Honneur, ambition, fierté, haut sentiment de soi-même – tout cela a été dissimulé derrière un mur épais de prescriptions morales et de "connaissances" psychologiques qui revenaient toutes à mettre au ban ce que l’on appelle "l’égoïsme" C’est ce que Nietzsche avait déjà perçu.
La domestication progressive de la colère, a d'abord été essentiellement métaphysique, depuis les fondements bibliques jusqu’à l’économie du salut de la doctrine chrétienne. Sloterdijk rappelle la violence par exemple des psaumes :


"Ô Dieu, brise en leurs bouches leurs dents (…)
 Qu’ils s’écoulent comme les eaux qui s’en vont
Comme l’herbe qu’on piétine, qu’ils se fanent !
Comme la limace qui s’en va fondre
Ou l’avorton de la femme qui ne voit pas le soleil" (Psaume 58).

On est loin de la morale de l'humilité que le christianisme essaye de diffuser de nos jours !
Dans cette entreprise, le judéo-christianisme s’employa d’abord à transformer la colère en un attribut divin, qui fut lui-même progressivement "civilisé". Il construisit des manières de "parler" cette colère, d’en faire une histoire collective, ensuite il introduisit la dynamique apocalyptique. Pour P. Sloterdijk : « le deuxième siècle avant J. C. doit effectivement être considéré comme une ère clé, parce que depuis cette date l'esprit d'insatisfaction radicale est placé devant un choix …... Les colériques disposent de l'alternative historique entre l'option des Macchabées et celle de l'Apocalypse, en un mot entre l'insurrection anti-impériale séculaire et l'espoir religieux ou para-religieux dans la chute globale des systèmes ». (P. 130)
Le christianisme introduit deux innovations majeures dans l’histoire naturelle de la colère : un renvoi de la vengeance vers l’au-delà et un arbitre divin et omniscient intervenant au jour du jugement dernier pour rétablir les équilibres. Ensuite l'auteur nous entraine dans une passionnante réflexion sur la mise en place par l'Eglise de ce processus, mais cela déborderait le cadre de cet article. Il conclut par une réflexion sur Luther et sa critique du trafic des indulgences en montrant comment « le commerce de l'angoisse eschatologique » va stimuler le commerce dans le début de la modernité et favoriser l’émergence du capitalisme.

Les banques de colère
Ce premier effort d’accumulation et de mise en avant de la colère conduit Sloterdijk à introduire un concept qui va se révéler essentiel dans sa description : celui de « banque universelle de la colère ».
Pour l'auteur "la fonction bancaire couvre un secteur de phénomènes beaucoup plus large que celui des transactions monétaires. Des processus analogues à ceux de la banque interviennent partout où des entités culturelles et psychopolitiques – comme les découvertes scientifiques, les actes de foi, les œuvres d’art, les contestations politiques et autres – s’amassent pour passer, à partir d’un certain degré d’accumulation, de la forme du trésor à la forme du capital".
Si on considère le "trésor" comme l’accumulation statique d’une valeur, quelle qu’elle soit, reposant sur l’attente du coup dur rendant son utilisation nécessaire, le "capital", au contraire, est un trésor investi qui "travaille", qui prend des risques pour produire des dividendes. Corollaire de cet emploi dynamique, le capital est difficile à mesurer et nécessite des méthodes d’établissement de bilan et des outils sophistiqués de mesure comptable. Il est donc fiduciaire c'est à dire reposant sur la confiance.
Pour P. Sloterdijk de même qu'il existe des banques qui transforment en capital le trésor des particuliers, il existe des "banques de colère" qui sont nées à tâtons à partir du mouvement de sécularisation et de laïcisation des Lumières.

La gauche et le rêve d’une banque mondiale de la colère
A partir de ce raisonnement on peut penser une nouvelle définition psychopolitique des « partis de gauche" : de fait, ils doivent être perçus comme des banques de la colère qui, si elles connaissent leur affaire, font avec les placements de leurs clients des profits relevant de la politique du pouvoir et de la thymotique."
Partant de ce postulat P. Sloterdijk parcours la longue, terrible et sanglante saga des Révolutions, des mouvements anarchistes et socialistes, ainsi que des expériences communistes, dans des pages précises, dures, sans compromis ni illusions. Il serait impossible de résumer ici cette longue relecture historique, contentons-nous d’en relever quelques aspects :

• La stratégie partagée de mouvements qui doivent activer, puis capter, les pulsions thymotiques et jouent pour ceci sur des ressorts archaïques (amour de la patrie, peur, rejet de l’autre) ainsi que sur une grande discipline. • Il montre les contraintes liées à la concentration de la colère : il faut des militants disciplinés, capables de différer leur vengeance, pour que la révolution ou la prise du pouvoir aient une chance d’advenir. Il y a donc tout un travail d’éducation, de disciplinarisation importante de ces militants qui, in fine, place ces mouvements en réel danger de dérapage dictatorial.

• Il rappelle la contradiction intrinsèque de mouvements qui, prétendant gommer toutes les injustices, oublient qu’il est impossible, dans "le parterre d’un théâtre de placer tout le monde au premier rang"

• Il souligne les similitudes terribles, dans la gestion des affects thymotiques, entre le communisme d’un Lénine ou d’un Staline et le fascisme ou même le nazisme. Sans confondre, bien sûr, les deux idéologies, Sloterdijk pointe, de manière extrêmement convaincante, les convergences de méthodes et de dynamiques psychopolitiques, tout en mettant à jour des mécanismes ayant réellement servi de point de contact dans l’élaboration de ces deux systèmes terribles du XXe siècle.

• Il fait un portrait sans fard et sans concession des systèmes communistes, considérés comme des banques centrales de la colère, prétendant devenir des banques mondiales, procédant par "extorsion de fonds" (captation de la colère des peuples, ou d’une apparence légitimité à en être le dépositaire, par un habile mélange de terreur et de rabaissement permanent des individus ; entretien de la guerre extérieure ou civile, les thymos nationalistes étant plus faciles à mobiliser).

• Au passage, Sloterdijk rappelle avec fermeté quelques vérités historiques : l’incroyable "classicide" des Koulaks, qui fit plus de 9 millions de morts autour de 1930, les 30 millions de mort du "Grand bond en avant", l’indécence de ceux parmi nos philosophes français qui ont dansé sur ces monceaux de cadavres, qu’ils se le soient autopardonnés, comme André Glucksman, ou qu’ils persistent, comme Alain Badiou. Il rappelle que le "classisme " a fait encore plus de victimes que le racisme au cours du siècle passé et que les complaisances à son égard sont absolument inacceptables - mais compréhensibles, en revanche, à travers cette lecture "thymodynamique". »1

Notre époque
L'étude des utilisations psychopolitiques des affects thymotiques lui permet d’aborder avec brio plusieurs aspects de notre époque.
Actuellement pour Sloterdijk, la colère a renoncé à l’intelligence. Plus de constructions théoriques, plus de banques centrales : la colère s’égaye et s’éparpille. « La radicalité ne joue plus de rôle dans l’hémisphère occidental qu’en tant qu’attitude esthétique, peut-être encore comme habitus philosophique, mais plus comme style politique. Faisant preuve d’une grande cohérence, le centre, le plus informe des monstres, a compris la loi du moment et s’est proclamé acteur principal, voire unique artiste de la scène post-historique. Ce qu’il touche lui ressemble aussitôt : bienveillant, sans caractère, despotique. Les agents de l’impatience historique d’antan sont au chômage, l’esprit du temps ne leur propose plus de rôles. A présent, on réclame des gens ennuyeux auxquels on peut faire porter le fardeau. »
La question est de poursuivre l’examen du traitement politique des affects thymotiques en laissant au politique le soin de relever un nouveau défi : "si l’une des leçons du XXe siècle a été que l’universalisme depuis le haut est voué à l’échec, le stigmate du XXIe siècle pourrait être de ne pas réussir à former à temps, depuis le bas, le sens des situations communes".
Dans les éruptions de violence des banlieues l’auteur ne perçoit que des mouvements tellement brisés qu’ils sont en deçà même du nihilisme, et n'ont aucun potentiel de "capital thymotique" dans la mesure où « toute espèce de coopération ciblée avec leurs pareils représenterait le pas vers la transcendance, la non-lassitude, la non-défaite et ne pas faire ce pas est leur vengeance la plus intime contre la situation."

Les partis de gauche dans un monde érotique
La lecture psychopolitique de Sloterdijk nous paraît éclaire d’un jour nouveau les partis de gauche, notamment Français et Italiens en dépassant les analyses sommaires sur les responsabilités des uns ou des autres. "Ce qui est en jeu dans la modernité économique, c’est tout simplement le remplacement du pilotage thymotique des affects (qui n’a que l’apparence de l’archaïsme), en même temps que ses aspects incompatibles avec le marché (qui n’ont que l’apparence de l’irrationnel), par la psychopolitique, plus conforme à l’époque, de l’imitation du désir et de la culpabilité calculatrice. Cette métamorphose ne peut être obtenue sans une profonde dépolitisation des populations – et, liée à celle-ci : sans la perte progressive du langage au profit de l’image et du chiffre. Les partis de la gauche classique, notamment, dans la mesure où ils sont en soi des banques de colère et de dissidence, ne peuvent, dans ce nouveau climat, se faire remarquer que comme des reliques dysfonctionnelles. Ils sont condamnés à lutter, avec des discours laids, contre les images de belles personnes et des tableaux de chiffres durs ce qui est une entreprise vouée à l’échec. En revanche, les social démocraties du type New Labour, évoluent comme des poissons dans l’eau dans l’élément de l’érotisme capitaliste – elles ont abdiqué leur rôle de partis de la fierté et de la colère, et ont pris le virage menant vers la primauté des appétits.".
Cette situation est d’autant plus complexe que, pour l’auteur, les victoires de la sociale démocratie ont été acquises grâce à l’effet de repoussoir des dictatures communistes de l’Est (au grand dam de ces dernières qui avaient plus de haine envers les réformistes qu’envers le capital lui-même), et que, depuis 1979 (Thatcher, Afghanistan, Iran…), le capital a entrepris un vaste audit sur le coût de la paix sociale et a conclu à la possibilité de la maintenir à moindre prix.

Et maintenant
La conclusion de P. Sloterdijk nous laisse un peu sur notre faim même s'il propose quelques pistes de travail pour une politique de notre temps.
« Nous sommes persuadés que la colère (avec ses frères et sœurs thymotiques, la fierté, le besoin de se faire valoir et le ressentiment) représente une force fondamentale dans l’éco-système des affects, que ce soit d'un point de vue interpersonnel, politique ou culturel ».
Certes la colère ne sera plus universelle comme dans le communisme, sa collecte sera régionale.
Pour Sloterdijk ce qui est dépassé : c'est la culture judéo chrétienne du ressentiment. Mais elle a permis grâce à son effondrement l'émergence de « ce phénomène, hautement improbable qu'est « la critique » pour autant que l'on entend par là, l'esprit enflammé par un ressentiment devenu génial, de l'insoumission aux faits purs, et plus précisément aux faits de l'injustice » (P. 316)
Et il ajoute plus loin : « le souci de Nietzsche visait le remplacement de cette figure toxique qu'est « l'humilité vengeresse » par une intelligence à laquelle on ne peut parvenir sans une culture ouverte de l'ambition. Celle-ci devrait être post-monothéiste en ce qu'elle brise radicalement les fictions de la métaphysique de la vengeance et de ses reflets politiques. »
Ce texte foisonnant très riche en réflexions et en connaissance précises des recherches politiques, philosophiques et sociologiques contemporaines est écrit dans une langue fluide, excellemment traduite par Olivier Mannoni. La qualité pamphlétaire de l'auteur rend parfois la lecture jubilatoire, ce qui est assez rare dans ce genre d'essai.

Notes 1 VERDIER H. in « Blog nonfiction.fr »