A certains acteurs vous pouvez faire totalement confiance : s’ils figurent à l’affiche c’est assurément mauvais ! Il ne s’agit même pas de mal jouer ; il ne s’agit pas de leur capacité de comédien mais de leur capacité humaine à choisir les mauvais films. Ces acteurs deviennent alors nos complices infiltrés dans le monde du cinéma : ils nous indiquent les navets avant même leur sortie. C’est on ne peut plus simple : s’ils figurent à l’affiche, vous n’y allez pas.
Nicolas Cage ou John Travolta ne sont pas les plus mauvais acteurs, mais ils ont par exemple un sens inné pour dégoter les films franchement navrants. Leur palmarès est tel qu’il est devenu statistiquement impossible de les voir jouer dans quelque chose de bon. Tom Hanks est la promesse d’un film fade et inodore, à un point tel qu’il devient impossible de dire si c’est lui qui donne son insignifiance au film ou si c’est l’inverse. Denzel Washington, Harrison Ford… sont eux le gage d’un film faussement complexe et ennuyeux, qui ne tend ni tout à fait vers l’action, ni vers la réflexion, non plus vers l’émotion, et qui bien sûr est dénué d’humour ; films où se croisent avocats, hommes d’affaires, hommes d’Etat… Autant de personnages qui ne sauraient en aucun cas faire le sel d’une histoire réussie. Quel chef d’œuvre a jamais eu pour héros un président de la république ? Ou pour scène de dénouement un tribunal ?
En France, ce sont Sophie Marceau, Frédéric Diefenthal ou Charles Berling qui garantissent vos mauvais moments de cinéma. Leur accréditation au générique certifie une histoire plan-plan, qui semble commanditée par quelque ministère pour ses vertus pédagogiques et citoyennes, où les méchants sont tout désignés (un mari beauf qui n’écoute pas les envies de sa femme, un promoteur immobilier un peu raciste qui veut acheter un terrain au maire d’un village pittoresque, un chef d’entreprise qui trouve que l’argent est important…).
L’inverse existe également : les acteurs que l’on peut aller voir les yeux fermés, quel que soit le film. Ceux qui font tellement plaisir à voir qu’ils parviennent, par leur simple présence, à rendre attendrissant un film initialement faible. Steeve McQueen, Jack Nicholson, Jean Rochefort, Michel Serrault… Ceux-là ne sont pas nécessairement meilleurs comédiens que les autres, mais ils ont ce quelque chose, cette épaisseur qu’ils apportent et qui rend le tout digne de curiosité quelles que soient les qualités du film par ailleurs. Comme s’ils lui imprimaient un peu de leur âme.
En somme, il y a tout simplement les acteurs qui sont quelqu’un et ceux qui ne sont personne. Les seconds semblent être arrivés là un peu par hasard (quelqu’un comme Colin Farrell est acteur par exemple, mais pourrait aussi bien être pêcheur sur un chalutier). Ils naviguent à vue ; s’ils sont chanceux ils ont un agent qui les aide à faire des choix pas trop stupides, mais eux-mêmes n’ont pas l’air d’avoir une idée de ce qui fait un bon film. Les acteurs qui sont quelqu’un, eux, eh bien ils sont quelqu’un ! Quelqu’un de plus qu’un comédien, et de plus qu’un artiste. Ils savent jouer, mais ils savent avant tout faire autre chose, être autre chose. Et probablement étaient-ils habités par quelque chose de plus grand que le rêve de « faire du cinéma ».