27 juin 2015

Tout doit disparaître

Islam sur des bambous et c'est n°1
C’est les soldes.
Aux étals en grillage, fleurissent les têtes de gondole. Décapitées.
Ramdam en plein ramadan. 
Chez les « musulmans normaux », c’est le mois des affaires sur la barbarie.
Les jihadistes partagent l'humanité : d'un côté le corps, de l'autre la tête. 
Comme les camelots, bonimenteurs, commissaires priseurs de la France certifient que tout doit disparaître, on est de plus en plus optimiste sur un certain accord majeur.
Des têtes devraient tomber.
On nous ressert la viande halal avariée du padamalgam, du Yassin qui fait le jeu du FN.
Les questions de vie ou de mort ne sont pas un jeu.
Dire que c’est le début. 
On n'aura jamais assez de camisoles... 

Dans les rues de Panam, sous un soleil de particules fines, toutes les filles ont des sacs au bras avec marqué dessus SOLDES.
Ça court après les affaires, un look, une lubie, un besoin. De sandales.
The show’s going on and on.
C’est la ruée vers la camelote.
Quelque chose de mécanique, d’obscène, d’inconscient. Quelque chose de l’absence. Quelque chose de Brazil. 
- Vous vivez tous les jours avec la menace terroriste, venez témoigner à C'est mon droit. 
La normalité est devenue bleue comme une orange au-beurre-noir, sanguine-plan Vigipirate vermillon.
C'est la guerre. 
Leur redire que ce n’est que le début.
Leur crier : le KO n’est pas loin.
Tout doit disparaître.

C’est les soldes.
Les soldes d’été.
37 morts sur une plage en Tunisie. + le tourisme.
-       ça t’inspire quoi toi ?
-       moi ?... Le Bardo, c’est pas les Brigitte…
-       C’est tout ?
-       Ouais. C’est de la bonne.
Vous allez pas en Tunisie cet été ?
C’est LA destination à prix cassé du moment.
Sang sur le sable, les yeux dans l’eau... 
Stratégie discount.
Tout doit disparaître.

DAESH commence à détruire Palmyre, la France vend pour 7 milliards de matos aux Saoudiens, le Qatar est chez lui à Paris. Vous avez déjà été emmerdé par un Iranien ? Le terme de migrant a pris 100 points. La Terre d’accueil a le cul en feu mais on y va gangbang. Ils veulent installer l’Islam dans les églises. Il est déjà dans les taxis. L'Islam des Lumières la met en veilleuse.
Liquidation totale.
Les chars américains sont sur le front de l’Est.
Tout doit disparaître.  
Chchut, nous sommes écoutés. 
TOUT doit disparaître. 

15 juin 2015

Moquons-nous un peu de Huysmans

huysmans
Joris-Karl Huysmans puisant dans le Dictionnaire

Le dernier Houellebecq m’avait fait croire que je pourrais lire Huysmans. Mais arrivé à la moitié du roman En rade, je suis déjà bien trop agacé.

Il y a tout d'abord le fait constamment désagréable de voir trop clairement là où le romancier veut nous mener. Alors qu’on a saisi l’idée du paragraphe, le voilà qui poursuit malgré tout et se perd en détails maniaques, en descriptions insistantes, inutiles, et l’on est obligé de sauter des lignes pour l’attendre un peu plus bas.

Et notamment, il voudrait nous ranger aux côtés de son personnage principal, qu'on prenne fait et cause pour lui et qu'on s'exaspère avec lui des protagonistes secondaires. Malheureusement, c’est le contraire qui se produit : son personnage trop réflexif et délicat finit par devenir ridicule, et Huysmans ne semble pas du tout s’en apercevoir. Par contre coup, ce sont les autres, ceux qu’on serait supposé mépriser, qui récoltent la sympathie.

A ce stade, le roman est déjà mal barré. On devient suspicieux, intraitable, plus tellement bienveillant lorsqu'arrivent les chapelets d'images mal branlées dont Huysmans use et abuse. Des images pour tout, surtout pour ce qui n’en mérite pas. Tout est décrit, tout a une odeur, le moindre tabouret a une âme… Si le personnage a le malheur de poser son regard sur l’étang du château, déferle un descriptif détaillé des canards qui le peuplent. Ils ont :
« des dos aux reflets métalliques, des poitrails de vif-argent lustré de vert réséda et de rose, des gorges de satin frémissant, flamme de punch et crème, aurore et cendre »…
OK. Un peu plus loin dans l'histoire, l’un de ces canards ne pourra évidemment pas se contenter de faire clapoter son bec comme tout le monde. Non. Il fera clapoter « la pince citron de son bec ». Quel raffinement. Quel réalisme ! On ferme les yeux et on ressent ce canard au plus profond de soi... Plus tard encore, ce sont des pigeons qui prennent leur envol, et pas n'importe comment s'il vous plaît : « en cercle, autour des hautes cheminées du faîte » ; et ils « s’éparpillèrent sur la tour dont le toit se fourra d’un bonnet roucoulant de plumes »... Mmh...

Si Huysmans avait le talent des images, on ne lui en voudrait pas plus que ça, mais ce n’est pas le cas. Je me suis par exemple trouvé désemparé lorsqu’il m’a fallu imaginer, pénétrant dans une pièce avec le héros, une odeur de « poussière tiède ». C’est que je n’ai jamais respiré de poussière qu'à température ambiante...

Pour finir, on n’échappe pas à quelques clichés, comme par exemple cette silhouette féminine apparaissant dans le rêve du personnage, dont « une étroite robe serre les bulles timorées de ses seins » !

Dans un roman, les seins ne peuvent jamais être des seins. Ils sont des « bulles timorées » ou plus fréquemment des « globes ». Blancs si possible. C’est ce que m’avait appris la lecture amusante du Dictionnaire des clichés littéraires (Hervé Laroche), qui répertorie les automatismes et expressions qui n'existent nulle part ailleurs que dans les romans.

  Dictionnaire_des_cliches_litteraires 

Par exemple, dans les romans :
  • un abîme est toujours « insondable »,
  • un accoutrement toujours « étrange » (un accoutrement normal n’intéresse personne),
  • un fil est toujours « ténu » et « menace de se rompre »...
Dans un roman, on ne manque pas une occasion de « nimber ». On nimbe de lumière ou de douceur, l’avantage de nimber, pour le romancier, étant qu’on ne sait pas très bien en quoi ça consiste. Dans un roman, « accusateur » est une propriété réservée aux doigts, que l'on « pointe », ou aux regards, que l'on « décoche ». Etc.

Pour finir, au mot affubler, le dictionnaire colle pour définition :
affublez tout de n’importe quoi, et ce n’importe quoi devient automatiquement intéressant. Par exemple : Elle était affublée de lunettes à monture d’écaille ; Son bureau, affublé de deux tiroirs symétriques..., etc.
Evidemment, après avoir lu ce dico, il devient impossible d'écrire ou de lire quoi que ce soit de romanesque.

12 juin 2015

Journaux parisiens d’Ernst Jünger

 

Lecture plutôt troublante que les journaux parisiens d’Ernst Jünger.

Ernst Jünger a traversé le 20ème siècle en participant aux deux guerres mondiales. De la première, il retire une sorte d’expérience vitale ainsi qu’un roman tonitruant et immersif : Orages d’acier. De la seconde il extrait ces journaux alors qu’il est en poste dans la France occupée (il fera une incursion de quelques semaines sur le front de l’Est en 1942).

On éprouve, pour commencer, l’embarras de lire le récit purement observateur d'un officier placé au cœur des événements. Comme s’il n’était pas en train de jouer un rôle dans cette guerre, le capitaine Jünger se promène, regarde voler les bombardiers au-dessus de Paris de la même façon qu’il observe les coléoptères et les fleurs du jardin de Bagatelle (c'est un féru de botanique), déplore le caractère autodestructeur de cette guerre en particulier, ainsi que la dérive d’Hitler et des siens, mais avec la même extériorité qu’il rapporte ses entrevues avec les artistes rencontrés à Paris (Cocteau, Guitry, Braque, Léautaud, Picasso…). Difficile de concevoir qu’on puisse si bien ressentir le ressort nihiliste du nazisme tout en continuant à le servir en tant qu’officier administratif.

Mais peu à peu, au fil des pages, Ernst Jünger prend le visage de l'individu largué, à la masse, dépassé, plongé dans la tempête et entendant, tel un Ulysse, la houle et les chants de révolution, solidement arrimé à son être intérieur. C’est de cette façon que s'établit la connexion entre lui et nous.

Ernst Jünger est largué, mais tient une conscience aiguë de la nature démoniaque des événements qui se déroulent. Russes, Allemands, les soldats de cette guerre sont des lémures, les dignitaires nazis des lémures, certains civils français sentant tourner le vent et cédant à la violence des lémures… Le nihilisme d’Hitler est celui plus général de la modernité, de ses guerres, de sa technique, de son mercantilisme… Intuition qui prend relativement bien corps à travers son observation du génie ailé de la Bastille dont j’avais fait part ici. (mais clique bon dieu !)

Junger


Avec Jünger, nous voilà perdus dans un monde où les humains autour, comme enivrés par l’odeur de mort, cèdent à d’obscures énergies. Chacun pour ses bonnes raisons, ses prétextes. Dans l’air, une électricité maléfique s’est emparée des hommes. Et aussi curieux que cela puisse paraître, la situation décrite n'est pas sans résonance avec la nôtre.

Nous aussi, pouvons sentir se répandre une « morgue d’époque » similaire, en ces temps où des partis adverses nous prennent entre les feux de leurs incantations sans que nous comprenions l’urgence de leurs motifs, chacun appelant à combattre qui pour la Syrie, qui pour le Jihad, ou pour la liberté d’expression, pour le droit de s’exprimer seins nus, pour le port du voile ou son interdiction, pour le droit d’ultra-minorités représentant quelques centaines de personnes, ou contre l'antisémitisme, ou contre la Russie, ou pour les « rebelles » d’on ne sait où...

Le combat est sur toutes les lèvres, la vindicte amplifiée par l’ultra-médiatisation ultra-mondialisée de ce monde, où un tweet à Paris fait naître des émeutes à Riyad, où le moindre différend fait s'élever des remparts... Les « appels à la paix » eux-mêmes sont une façon de susurrer la guerre, de nous accoutumer à sa venue alors qu'on ne voit pas pourquoi il en serait question au juste. Et voilà que, sans pouvoir donner de raison valable, chacun peut sentir un conflit venir ou se faire à l’idée qu’un jour il aura à se planquer. Peut-être le meilleur pas vers la paix commencerait-il par l’extinction de tous les écrans, de toutes les radios.
« Lorsque la globalisation se faisait attendre, tout le monde l’appelait de ses vœux. L’unité de la planète était un grand thème du modernisme triomphant. On multipliait en son honneur les ‘expositions internationales’. Maintenant qu’elle est là, elle suscite plus d’angoisse que d’orgueil. L’effacement des différences n’est peut-être pas la réconciliation universelle qu’on tenait pour certaine. » - René Girard, Celui par qui le scandale arrive