Faut pas croire, au CGB, on reçoit du courrier. En plus des commentaires. De petits mots d'encouragements, des mises en demeure, des anecdotes, des textes, des trucs. On reçoit même de bons textes, dignes et intéressants. Je vous propose celui-ci,
Boxe bordel. Il nous vient de
Pic de la Farandole, poète démolisseur et terrassier, canal romantique, et pêcheur à la ligne, comme il se définit lui-même. C'est un sportif rangé des voitures, comme on le comprend en le lisant. Ce sont d'ailleurs les seuls sportifs fréquentables. C'est un mec ancré dans le passé (tu voudrais être ancré où, toi, dans le futur ?), d'où il garde vivants des souvenirs, des expériences, et les œuvres essentielles, de Céline à Yourcenar, en passant par Blek le roc...
" BOXE BORDEL
Avril 68 à la télé, il pleure Tarzan !
« Pour être manager, il faut avoir une drôle de mentalité ; c’est pas des types chouettes »
Laurent Dauthuille, surnommé le Tarzan de Buzenval, faillit devenir champion du monde des poids moyens le 13 septembre 1950 mais s'inclina finalement sous les coups de Jack La Motta K.O à 13 secondes de la fin du dernier round, alors qu'il menait aux points : 72-68, 74-66, 71-69. Ce combat fut élu combat de l'année par
Ring Magazine. Par la suite, il a combattu 15 fois mais jamais plus pour le titre mondial.
Bois de Vincennes, footing, devant les villas cossues, je croise M. boxeur, champion de France et d’Europe, qui me dit :
" Tu vois cette maison c’est celle de mon manager, c’est avec mon argent qu’il la payée ".
Je sais qu’il dit vrai.
Parti boxer au canada, Auguste « Gustou » Caulet, champion de France dans les années 50, reviendra avec en tout et pour tout, un dollar ! « Un dollar en souvenir ! » rigole-t-il
Un autre, Famechon André, après un séjour pugilistique en Australie se retrouve sans un pélo en poche suite à un accident de voiture, il restera là-bas et deviendra docker.
Jean Stock, célèbre dans les années 50, sous la houlette de Benaîm, « Quand je boxais au fixe, j’entrais dans le bureau des organisateurs pour toucher ma bourse ».
« Pas quand je boxais au pourcentage sur la recette ».
« Benaîm ne voulait pas ».
Qui sont les « Benaïm »,
C’étaient les frères Acaries d’aujourd’hui qui faisaient de l’organisation de combat, un business, comme déjà avant eux les Traxel, Bretonnels, Philipe Filippi,Gaston Charles Raymond et bien d’autres dont il n’est pas nécessaire de dresser la liste.
L’un est champion, l’autre proprio
Le titre, le boxeur, après des années efforts et des privations, s’en empare.
Il est heureux comme un enfant à la Noël.
En fait il n’est qu’un intérimaire, un vacataire, ce titre notre pauvre combattant pense à le défendre. Son manager, à le faire fructifier !
Tant que son poulain est capable de le garder, c’est tout bénef pour lui. Si d’aventure il sent une faille, il va chercher, parmi les boxeurs de son équipe, celui qui pourrait le ravir et ainsi ne pas perdre sa propriété.
Le manager méprise dans quasiment tous les cas le boxeur. Ce dernier est un citron qu’il va presser jusqu’à la dernière goute.
L’un rêve, l’autre compte.
Le cauchemar qui dure
En plus du sport, Canal+ voulait du spectacle, alors le jeune champion olympique Brahim Asloum se verra confectionner et offrir ses shorts de combat par les Rikiel, Lagerfeld où dieu c’est qui, moi je ne me souviens plus. Un de ces fameux créatueurs sans imagination. L’avenir était dans le mélange des genres. A cause du sport et des paillettes, nous ne vîmes jamais les qualités pugilistiques réelles de Brahim Asloum.
Les Acaries ont, via une société commerciale, passé un marché avec Canal+; ils devaient, contre un montant forfaitaire, donner à la chaine un certain nombre de soirées de boxe, titres divers en jeu. Ils étaient bien entendu libres de toute contrainte, à la condition de respecter l’exclusivité qui les liaient à Canal+. Quelques années plus tard, Brahim Asloum, sur cette même chaine, annonce qu’il cesse d’être boxeur professionnel, faute de moyens, faute de tout en somme. Les deux Acariès aux abonnés absents !
Le plus drôle où le plus pathétique est que ce jeune boxeur se proposait de moderniser, réinventer la boxe, la faire entrer dans le deuxième millénaire.
Demain
On a eu des transes en voyant débarquer le plombier pollack, de la « la circulaire Bolkestein », mais nous n’avons pas vu arriver le boxeur kirghize, ukrainien, roumain et autres affamés de derrière le Rideau. Il ont les crocs, le kolkhoze ne nourrit pas son homme, un bigmac, un kebab et ils montent sur un ring, du pain béni pour promoteur. Demain les organisateurs allemands qui les recrutent seront peut-être les nouveaux Don King.
Que nous reste t-il ?
Brahim Asloum parlant de Canal+ :
« Ils sont responsables de la mort de la boxe professionnelle ».
Toute sa belle histoire se termine au tribunal. Brahim Asloum réclame dit-on 15 millions d’euros à la chaine cryptée pour rupture abusive de contrat.
Le « Paris United », société lui appartenant, est mise en liquidation judiciaire en 2012, elle avait pour vocation de faire boxer des jeunes boxeurs amateurs.
Le boxeur Nordine Oubali, poids coq prometteur, met en cause dans la presse Brahim Asloum quant à sa gestion personnelle de l’équipe.
Jean-François Mormeck souhaite se reconvertir et organiser des combats de boxe; espérons qu’il se souvienne des déboires qu’il a rencontrés.
Car il restera toujours dans le fond des salles de Paris et de province des boxeurs qui sont encore et toujours prêts à combattre.
La boxe c’est comme le tango parfois ça saigne, souvent ça gueule, jamais ça pleure !
Du sfumato de plomb dans le vol d’un aigle."
Pic de la Farandole.