23 février 2016
18 février 2016
Derrière ton écran
Rien ne peut échapper aux lumières crues des néons qui révèlent la scène sous toutes ses coutures. L’action se déroule sur le canapé d’une villa en Californie, ou sur le sol d’un hangar en France. Vieille pute au visage ravalé, jeune collégienne à fond dans la fausse innocence ingénue: outrageusement fardées, maquillées comme des jouets, ensaucissonnées dans des tenues tellement putassières qu'elles en deviennent grotesques, sourires vides à la caméra, alors qu’en arrière-plan s’avancent des espèces de bœufs bodybuildés aux hormones tenant dans leur pogne leur énorme bite qu’ils astiquent frénétiquement. Oh elle va prendre cher, murmure le spectateur, elle va avoir mal, elle va se faire bien défoncer, qu’il murmure le mâle blanc derrière son écran, dans sa chambre aux rideaux fermés, quelque part en Europe de l’ouest, aux alentours de l’an 2016.
Plus c’est dégueulasse, plus c’est immonde, plus ça
marche.
16 février 2016
Bataclan : ce n’était pas un attentat, c’était un contretemps
Gaspation. On me souffle dans l’oreillette qu’un concert se met en place à l’Olympia, pour que les rescapés du Bataclan se retrouvent une nouvelle fois face aux Eagles of Death Metal et puissent enfin savourer une soirée digne de ce nom.
Les familles de victimes sont invitées elles aussi, la salle n’en sera que plus comble et l’ambiance à son summum. Bon sang de bonsoir de merde, mais qui a eu cette idée ? QUEL EST L'OBJECTIF ? Ne pas rester sur une impression de festivité gâchée ? Faire ronchonner les terroristes depuis leur 4x4 syrien ? Montrer aux familles qu’on ne les a pas abandonnées ?
De sens, je n’en vois qu’un : celui d’un déni de réalité pur et parfait. « Citoyens d’Utopia, tout cela ne s’est jamais passé. Dormez ! Enfin je veux dire : dansez ! ». Il se dit que Manuel Valls assurerait la première partie, sous forme d’un numéro d’hypnose...
Du coup, le CGB s’est immédiatement mis au travail et replongé dans les dossiers des dernières années.
- Nous convions les rescapés du 11 septembre à venir terminer leur journée de bureau malencontreusement interrompue (veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée).
- L’hôtel de Sousse, en Tunisie, consent à offrir 3 jours all inclusive aux touristes survivants, afin de revenir s’allonger, sur le dos ou sur le ventre selon la position qu’ils occupaient lors de la tragique fusillade, et parfaire leur bronzage. Ne gâchons pas ce qui devait être initialement une semaine au soleil à prix cassé !
- Un hydravion d’Air France décollera quant à lui depuis le point de chute du Rio-Paris, pour un vol sans encombres jusqu’à destination et des familles de victimes satisfaites ou remboursées ! Parce que le ciel reste le plus bel endroit de la Terre.
- Enfin, la maman du soldat anglais qui s’était fait trucider au hachoir et au couteau à la sortie de sa caserne, est priée de ramener le véhicule de son fils à son domicile, pour que cette sombre histoire ne reste pas un mauvais souvenir !
Vient un moment où l'on se sent bien seul face à cette France "en état de choc" qui perd la tête et fait n'importe quoi. On se sent seul, et pourquoi pas devenu fou puisque personne d'autre autour ne semble aussi effondré que vous par ces réactions con et déplacées. Con, déplacées, et sans précédents dans l'Histoire, me semble-t-il. A qui peut venir l'idée d'organiser un "match retour" des macchabées contre leurs assassins ? Quand est-ce que l'on a déjà fait ça ? Où ? Questionnement déjà vécu à l'occasion de l'hommage national rendu place des Invalides, lorsque, tendant une oreille, je réalise que l'hommage ne se déroule pas dans le silence, ou éventuellement au son de trompette de la Garde républicaine, mais dans l'écoute religieuse de chansons de variétoche : Brel, Barbara... Qui débarque avec une idée pareille ? Par quelle porte ? Où l'a-t-il puisée ? Quand est-ce que cela s'est déjà fait ? Questions sincèrement ouvertes : à part Elton John chantant pour Lady Di, je n'ai pas trouvé d'exemples.
14 février 2016
11 février 2016
4 février 2016
Bruxelles Gare du Nord
Tu as grandi à Bruxelles, coincé entre la gare du Nord et le canal. Autre géographie, capitale de l'Europe en négatif, tour de Babel inversée. Peu de mentions dans le supplément « Ou sortir en amoureux ? », peu d’apparitions dans « Les endroits tendance où bruncher ce
dimanche ». Beaucoup d’emmerdes, beaucoup de saleté. Tu as vécu sous
et parmi les grandes barres d’immeubles, les rues crasseuses aux trottoirs
défoncés, sous et parmi les musulmans, les arabes, les maghrébins, les
bougnoules comme disait ton grand-père, un peu raciste, un peu perdu, et qui est
mort dans son appartement de la rue des Plantes un soir d’hiver, peu après
Noël. Tu te souviens de la sensation d’étouffement,
d’ennui et de tristesse qui te prenais quand ta mère t’emmenait chez lui, dans
ce minuscule appartement qui sentait le renfermé, encombré de meubles trop
grands trop gourds conçus pour d’autres maisons, d’autres époques, d’autres
lieux. Tu revois les lourds rideaux poussiéreux, napthalins, qui pesaient dans
ta main. Tu revois la cuisine étroite, au linoleum passé, aux meubles de
formica épuisé, où ta mère se glissait pour faire du café. Tu revois ton
grand-père, rencogné dans le fauteuil qu’il ne quittait pratiquement plus, au
milieu de centaines de boîtes de médicaments,
brochures, romans de gare, dépliants publicitaires, journaux jaunis par
le temps, porcelaines, plantes mortes, l’immense fatras étouffant que les vieilles personnes amassent autour d’eux et qui finit par recouvrir toute surface plane,
contribuant à la claustrophobie du lieu, à l’esprit d’étouffement et de mort
qui s’en dégage et qui te fait haïr cet endroit. Tu n’éprouves que répugnance
pour ces visites – irrégulières, de loin en loin, allant s’amenuisant -, tu
colles ton nez contre la fenêtre, trouvant un soulagement certain à ta nausée
dans le contact glacé de la vitre sur ton front, sur ton nez. Tu regardes les racailles
jouer au foot dans la rue, un peu plus âgés que toi, leurs rires bruyants,
leurs cris, les insultes qu’ils échangent en glapissant, le bruit des ballons
qui ricochent sur les voitures. Tu as grandi parmi eux. Dès les premières classes, dès
la maternelle, tu étais parmi eux. A l’école primaire Emile Vandervelde, où tu
es entré à l’âge de 6 ans, la moitié des élèves étaient, comme on dit
maintenant, « issus de l’immigration ». Pourtant, à toi ils ne faisaient pas l'impression d'être des immigrés. Au contraire, ils semblaient bien plus que toi tenir cette ville, peupler cette géographie de pavés qui était censée être ton "milieu de vie". Tes camarades de classe n’étaient pas arrivés de
quelque horizon lointain : ils avaient toujours été là. A eux la vie, qui
braille et qui vente. A toi le silence. Leurs parents tenaient des boucheries
et des boulangeries et des garages, ou alors ils trainaient dans les rues, guère différents des poivrots de souche qui se rassemblaient début d’après-midi
à La Maison basse afin de boire des
bières et de discuter, encore et encore,
comme un disque rayé, des chances d’Anderlecht de remporter le titre cette
saison.
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