30 décembre 2009

Ecole buissonnière


L’imagination est au pouvoir en France. Le mot d’ordre de mai 68 est opérationnel. Sarkozy est bien « le premier Président situationniste », comme le titrait, au lendemain de son élection à la charge de Président de la République française, l’obséquieux canard à foie gras cirrhosé le Figaro. Mais de quel situationnisme s’agit-il ? De quelle imagination est-il question ? « On peut garder le nom quand la chose a été secrètement changée », avertissait Debord... L’imagination d’aujourd’hui, c’est un songe matérialiste, un rêve à étiquettes, un cauchemar de logos pour gogos ! L’imagination, amputée de la poésie ! Pour une masse de culs de jatte qui batifolent dans la boue des basses fosses ! Figures imposées, chemin balisé, esprit encadré, hameçonné, enferré. L’imagination camisolée ! Le rêve en 3D, c’est un rêve à la portée des caniches ! L’imagination est au pouvoir, par le biais du manque : c’est le règne du manque d’imagination. Et tout est mis en œuvre pour qu’on en reste là. L’imagination réifiée, c’est toute la société de consommation qui crie « Banco ! » Asimov avait flairé la mouscaille : « un robot est-il capable de rêver ? » Il n’est aujourd’hui de durable que dans la soumission…


Cauchemar de DRH


La France achève sa phase de mutation. Paris, ville lumière, ville musée. Enluminés les monuments tombés en tombeaux ! La Province, dans sa globalité, suce la roue de la capitale, avec ses régions, véritables tiroirs à terroirs. La morgue ! Les folklores sentent le formol ! Des cartes postales, en veux-tu, des destinations touristiques, en voilà ! Les industries ferment, le monde paysan crie famine : on garrotte, on étrangle, on égorge, ça dégorge dans les égouts, « on cabosse, on désosse, on tabasse », ça s’entasse dans les décharges, on débauche, en un mot : on massacre. Et tous les cris sont contrefaits en hourras ! Des vivas pour le Progrès et son hygiénisme inhérent au travail tertiaire ! La France avance les mains propres, des petits souliers vernis aux pieds ! La société de services ! Les affres de la spécialisation économique ?… La France avance, en se mettant au service ?! Une couille dans le potage, mais là est une autre histoire. Pour être efficiente, cette société de services n’a besoin que d’une seule chose outre de l’énergie : des serviteurs dévoués. On a donc donné les clés de la l’Education nationale aux DRH. Circulez, y’a plus rien à (sa)voir !


Salle des professeurs


En 2009, nous avons senti comme une nette accélération du mouvement de déconstruction de l’école de la République, déjà moribonde : payer les élèves pour qu’ils aillent à l’école, supprimer l’histoire dans les terminales scientifiques, et aujourd’hui, selon les suggestions de l’inénarrable député de Seine-Maritime Françoise Guégot, envoyer les professeurs faire des stages en entreprise (!!!)… La question sous-jacente qui transpire dans cette nouvelle provocation à l’intelligence, censée traduire un réel intérêt pour la jeunesse, victime sempiternellement sacrifiée sur l’autel du chômage : l’école est-elle la théorie de l’entreprise ? Ou bien encore, l’entreprise est-elle le lieu exclusif de la mise en pratique des connaissances théoriques acquises à l’école ?


Professeur Foldingue


L’objet de l’école républicaine, jusqu’à ce qu’on ait prochainement achevé de nous démontrer le contraire, n’est pas de former des travailleurs, mais de former des citoyens, des hommes et des femmes instruits, qui deviendront par la suite des travailleurs. Sa raison d’être est de transmettre le savoir, et non pas des « savoir faire », encore moins des « savoir être ». Naturellement, plus on est assidu à l’école, et plus on a, a priori, de chances de s’élever socialement, c'est-à-dire de gagner en perspectives professionnelles, de lorgner sur le haut du panier sociopro. L’école n’est pas hermétique à l’entreprise, mais le danger se situait là : « Si tu travailles bien à l’école… ». Le matérialisme et son cortège de cynisme sont arrivés à bon port. C’est la bonne vieille règle de Troyes : l’école est en passe de devenir la parfaite antichambre de l’entreprise.


Françoise, renvoyez Darcos à l'école apprendre sa règle de 3


Le processus de détournement joue sur la corde sensible, hyper sensibilisée en contexte de crise socioéconomique : l’emploi. L’emploi, c’est le salaire, le salaire, la condition sine qua non de sur-survie dans notre société de consommation. Sans salaire, c’est le supplice de Tantale ! Avec, c’est le tonneau des Danaïdes à vider ! De quoi vous somnambuliser la tronche ! C’est la quête cancérigène mais ludique du tarissement impossible ! Un combat perdu d’avance contre la corne d’abondance vitriolisante de la marchandise en marche de derrière ses vitrines pornographiques à lécher ! Quand on lèche, on bave... Oh oui, on en bave de les lécher les vitrines…


Je m'achèterais bien une paire de grolles moi...


C’est la crise. Le chômage est une catastrophe ! Alors c’est comme ça ! Faut du remède de cheval, de l’expédient carabiné ! Une cure de caramélisation ! L’école est trop déconnectée du monde de l’entreprise ?! Elle ne forme pas assez efficacement les employés de demain ?! Sacré euphémisme quand on sait que dans certains collèges de France, le redoublement n’a plus cours, y compris en cas d’illettrisme aggravé. On entend gueuler qu’il faut de l’adéquat ! Dégueuler, que les entreprises ont besoin d’opérationnel cash ! Les temps sont durs ! La concurrence est mondialisée et vit à l’heure du maintenant perpétuel du temps réel ! Il faut agir ! Réformer l’école ! L’adapter à la nouvelle configuration globalisée ! Y’a plus le temps pour du temps mort ! Le niveau baisse ? L’alibi inattaquable pour la marée montante de la précarisation des esprits : l’employé docile doit devenir l’alpha et l’oméga de l’école. Il faut tuer l’humain en l’homme. Et voyez : le citoyen d’aujourd’hui n’est plus qu’un ectoplasme qui a troqué ses convictions pour des avis, qu’un gastéropode à code-barres, qu’un électeur gélatineux à carte, qu’un spectateur qui croit encore qu’il vote quand il ne fait qu’applaudir les artistes en strass du Spectacle organisé !


Tri sélectif


L’université doit devenir autonome ! Et son autonomie trouvera sa plus parfaite consécration dans sa sponsorisation par les entreprises. Le master de droit du travail EuroDisney de l’Université Paris V : le vrai moment du faux bac + 5. Paf ! La formation en alternance est la solution miracle au chômage ! Pif ! Les BTS MUC, NRC, ESF, BTS de tourisme, en alternance, c’est la panacée : deux jours par semaine à l’école, le reste du temps à être robotisé par les croquemitaines du monde de l’entreprise ! Du prêt à embaucher ! Du prêt à licencier ! De la bonne chair à canon patronale ! Du désorienté orienté, alpagué, enchristé ! Ces BTS, c’est de l’alchimie en barre pour tous les décérébrés incultes que vomit l’école chaque année ! De plus, les centres de formation proposent des formations dites supérieures en alternance jusqu’à des sommets de bacs + 7 ! Des bacs + 7 en alternance !!! L’outrage ! Quand on sait la manne ! C’est le jackpot ! Y’a pas de petits braquages ! Y’a pas de petites arnaques ! Pas de petits larcins. Surtout quand on peut développer l’embrouille à grande échelle grâce au feu vert des politiques… Les cow-boys RH de l’enseignement saignent les cobayes de la génération Y. Et ça ne fait que commencer…


Le monde de l'entreprise : l'attaque des clones


L’école ne forme pas assez efficacement au monde de l’entreprise ? Alors l’entreprise prend le contrôle de l’école. Du coup, naturellement, pourquoi ne pas les payer les élèves pour qu’ils daignent enfin faire acte de présence ? N’est-ce pas là une préparation parfaite à leur futur d’employés responsables et autonomes, préposés à la photocopieuse ? Et pourquoi pas les supprimer des cursus toutes ces connaissances futiles et même encombrantes pour faire de l’homme un parfait petit OS du tertiaire ?! Un homme sans passé, quoi de plus malléable ?! Et pourquoi pas les envoyer faire des stages commandos en entreprise nos petits professeurs, pour les aider à enfin réellement prendre la mesure de la bêtise de leurs prétentions désuètes à transmettre le savoir ? L’entreprise ne veut pas du savoir ! Elle veut des compétences, du prêt à exploiter.


Félicitations pour ton BTS en alternance !


Les DRH de la politique du type de Françoise Guégot sont les petits kapos des patrons, les fieffées sentinelles des marchands du Temple. Ils n’ont pas pour tâche d’aider leurs concitoyens, de faire avancer la société, mais bien d’accélérer la décomposition des individus pour optimiser les flux de consommation. Il n’y a pas de place pour l’homme dans la société qu’ils nous mijotent. La réflexion doit y être abolie. Les choix doivent y être instantanés, et si possible simultanés. Ils nous vendent leur gamme de choix imposés, leurs forfaits de solutions toutes prêtes. C’est facile ! Leur orientation, c’est une direction qu’ils vous obligent à prendre, quelque soit le sens, bien souvent même, en dépit du bon sens. On s’égard ! Tous azimuts ! Le bagne allégé est en marche. Dans le monde des ressources humaines, tout n’est qu’une affaire de gestion des flux.

Le CGB émancipe la Femme

Pour vous Mesdames!


- Recommandation d'usage -

Pas plus d'un ovule Eugy-NET par jour: l'excès de sperme lyophilisé peut faire pousser la moustache.

Le Roi est mort, vive la pub!

Exclu CGB: Akmal Shaikh n'a pas été exécuté par les chinois!

Il a été euthanasié, nuance!
Le clip ci-dessous, avec Akmal Shaikh au chant, prouve magistralement nos dires: il souffrait atrocement! Il fallait agir...
Donc, pas de barbarie totalitaire, mais un geste humanitaire plein de bonté et de fraternité (que Jean-Luc Romero ne devrait pas tarder à soutenir).
Amen.

Le militantisme pour les nuls

Dans une interview de J.C Michéa, celui-ci nous renvoie au texte ci-dessous, rédigé en 1972, dénonçant les pièges du militantouze.

ORGANISATION DES JEUNES TRAVAILLEURS REVOLUTIONNAIRES (1972)


LE MILITANTISME STADE SUPREME DE L'ALIENATION


A la suite du mouvement des occupations de mai 68 on a vu se développer à la gauche du Parti Communiste et de la C.G.T un ensemble de petites organisations qui se réclament du trotskisme, du maoïsme et de l’anarchisme. Malgré le faible pourcentage de travailleurs qui ont rejoint leurs rang, elles prétendent disputer aux organisations traditionnelles le contrôle de la classe ouvrière dont elles se proclament l’avant-garde.
Le ridicule de leurs prétentions peut faire rire, mais en rire ne suffit pas. Il faut aller plus loin, comprendre pourquoi le monde moderne produit ces bureaucrates extrémistes, et déchirer le voile de leurs idéologies pour découvrir leur rôle historique véritable. Les révolutionnaires doivent se démarquer le plus possible des organisations gauchistes et montrer que loin de menacer l’ordre du vieux monde l’action de ces groupes ne peut entraîner au mieux que son reconditionnement. Commencer à les critiquer, c’est préparer le terrain au mouvement révolutionnaire qui devra les liquider sous peine d’être liquidé par eux.
La première tentation qui vient à l’esprit est de s’attaquer à leurs idéologies, d’en montrer l’archaïsme ou l’exotisme (de Lénine à Mao) et de mettre en lumière le mépris des masses qui se cache sous leur démagogie. Mais cela deviendrait vite fastidieux si l’on considère qu’il existe une multitude d’organisations et de tendances et qu’elles tiennent toutes à bien affirmer leur petite originalité idéologique. D’autre part cela revient à se placer sur leur terrain. Plus qu’à leurs idées il convient de s’en prendre à l’activité qu’ils déploient au " service de leurs idées " : le MILITANTISME.

Si nous nous en prenons globalement au militantisme ce n’est pas parce que nous nions les différences qui existent entre l’activité des diverses organisations. Mais nous pensons que malgré et même justement à cause de leur importante ces différences ne peuvent bien s’expliquer que si on prend le militantisme à la racine.
Les diverses façons de militer ne sont que des réponses divergentes à une même contradiction fondamentale dont aucune ne détient la solution.
En prenant parti de fonder notre critique sur l’activité du militant nous ne sous estimons pas l’importance du rôle des idées dans le militantisme. Simplement à partir du moment où ces idées sont mises en avant sans êtres reliées à l’activité il importe de savoir ce qu’elles cachent. Nous montrerons le hiatus qu’il y a entre les deux, nous relierons les idées à l’activité et dévoilerons l’impact de l’activité sur les idées : chercher derrière le mensonge la réalité du menteur pour comprendre la réalité du mensonge.
Si la critique et la condamnation du militantisme est une tâche indispensable pour la théorie révolutionnaire, elle ne peut être faite que du "point de vue " de la révolution. Les idéologues bourgeois peuvent traiter les militants de voyous dangereux, d’idéalistes manipulés, leur conseiller d’occuper leur temps à travailler ou à le passer au Club Méditerranée ; ils ne peuvent pas s’attaquer au militantisme en profondeur car cela revient à mettre en lumière la misère de toutes activités que permet la société moderne. Nous ne cachons pas notre parti pris, notre critique ne sera pas " objective et valable de tous les points de vue ".
Cette critique du militantisme est inséparable de la construction des organisations révolutionnaires, non seulement parce que les organisations de militants devront être combattues sans relâche, mais aussi parce que la lutte contre la tendance au militantisme devra être menée au sein même des organisations, révolutionnaires. Cela sans doute parce que ces organisations, tout au moins au départ, risquent d’être composées pour une part non négligeable d’anciens militants " repentis ", mais aussi parce que le militantisme se base sur l’aliénation de chacun d’entre nous. L’aliénation ne s’élimine pas d’un coup de baguette magique et le militantisme est le piège particulier que le vieux monde tend aux révolutionnaires.
Ce que nous disons des militants est dur et sans appel. Nous ne sommes prêts effectivement à aucun compromis avec eux, ce ne sont pas des révolutionnaires qui se trompent ou des semi - révolutionnaires, mais des gens qui restent en deçà de la révolution. Mais cela ne veut nullement dire que 1° nous nous mettons en dehors de cette critique, si nous tenons à être clairs et nets, c’est d’abord à l’égard de nous même, et que 2° nous condamnons le militant en tant qu’individus et faisons de cette condamnation une affaire de morale. Il ne s’agit pas de retomber dans la séparation des bons et des méchants. Nous ne sous estimons pas la tentation du : " plus je gueule contre les militants, plus je prouve que je n’en suis pas et plus je me mets à l’abri de la critique !

LE MASOCHISME
Faisons l’effort de surmonter l’ennui que secrète naturellement les militants. Ne nous contentons pas de déchiffrer la phraséologie de leurs tracts et de leurs discours. Interrogeons - les sur les raisons qui les ont poussés, eux, personnellement, à militer. Il y n’a pas de question qui puisse embarrasser plus un militant. Au pire ils vont partir dans des baratins interminables sur l’horreur du capitalisme, la misère des enfants du tiers monde, les bombes à fragmentation, la hausse des prix, la répression. Au mieux ils vont expliquer que ayant pris conscience - ils tiennent beaucoup à cette fameuse " prise de conscience " - de la véritable nature du capitalisme ils ont décidé de lutter pour un monde meilleur, pour le socialisme (le vrai pas l’autre). Enthousiasmés par ces perspectives exaltantes ils n’ont pas résister au désir de se jeter sur la manivelle de la Ronéo la plus proche. Essayons d’approfondir la question et portons nos regards non plus sur ce qu’ils disent mais sur ce qu’ils vivent.
Il y a une énorme contradiction entre ce qu’ils prétendent désirer et la misère et l’inefficacité de ce qu’ils font. L’effort auquel ils s’astreignent et la dose d’ennui qu’ils sont capables de supporter ne peuvent laisser aucun doute : ces gens là sont d’abord des masochistes. Non seulement au vu de leur activité on ne peut croire qu’ils puissent désirer sincèrement une vie meilleure, mais encore leur masochisme ne manifeste aucune originalité. Si certains pervers mettent en œuvre une imagination qui ignore la pauvreté des règles du vieux monde, ce n’est pas le cas des militants ! Ils acceptent au sein de leur organisation la hiérarchie et les petits chefs dont ils prétendent vouloir débarrasser la société, et l’énergie qu’ils dépensent se moule spontanément dans la forme du travail. Car le militant fait partie de cette sorte de gens à qui 8 ou 9 heures d’abrutissement quotidien ne suffisent pas.
Lorsque les militants tentent de se justifier ils n’arrivent qu’à étaler leur manque d’imagination. Ils ne peuvent concevoir autre chose, une autre forme d’activité que ce qui existe actuellement. Pour eux, la division entre le sérieux et l’amusant, les moyens et les buts n’est pas liée à une époque déterminée. Ces catégories sont éternelles et indépassables : on ne pourra être heureux plus tard que si on se sacrifie maintenant. Le sacrifice sans récompense de millions de militants ouvriers, des générations de l’époque stalinienne ne fait rien bouger dans leurs petites têtes. Ils ne voient pas que les moyens déterminent les fins et qu’en acceptant de se sacrifier aujourd’hui ils préparent les sacrifices de demain.
On ne peut qu’être frappé par les innombrables ressemblances qui rapprochent militantisme et activité religieuse. On retrouve les mêmes attitudes psychologiques : esprit de sacrifice, mais aussi intransigeance, volonté de convertir, esprit de soumission. Ces ressemblances s’étendent au domaine des rites et des cérémonies : prêches sur le chômage, processions pour le Vietnam, références aux textes sacrés du marxisme - léninisme, culte des emblèmes (drapeaux rouges). Les églises politiques n’ont - elles pas aussi leurs prophètes, leurs grands prêtres, leurs convertis, leurs hérésies, leurs schismes, leurs pratiquants-militants et leurs non-pratiquants-sympathisants ! Mais le militantisme révolutionnaire n’est qu’une parodie de la religion. La richesse, la démence, la démesure des projets religieux lui échappent ; il aspire au sérieux, il veut être raisonnable, il croit pouvoir gagner en échange un paradis ici-bas. Cela ne lui est même pas donné. Jésus Christ ressuscite et monte au ciel, Lénine pourrit sur la Place Rouge.
Si le militant peut être assimilé au croyant en ce qui concerne la candeur de ses illusions il convient de le considérer tout autrement en ce qui concerne son attitude réelle. Le sacrifice de la carmélite qui s’emprisonne pour prier pour le salut des âmes a des répercussions très limitées sur la réalité sociale. Il en va tout autrement pour le militant. Son sacrifice risque d’avoir des conséquences fâcheuses pour l’ensemble de la société.

LE DESIR DE LA PROMOTION
Le militant parle beaucoup des masses. Son action est centrée sur elles. Il s’agit de les convaincre, de leur faire " prendre conscience ". Et pourtant le militant est séparé des masses et de leurs possibilités de révolte. Et cela parce qu’il est SEPARE DE SES PROPRES DESIRS.
Le militant ressent l’absurdité de l’existence que l’on nous impose. En "décidant" de militer, il tente d’apporter une solution à l’écart qui existe entre ses désirs et ce qu’il a réellement la possibilité de vivre. C’est une réaction contre la misère de sa vie. Mais il s’engage dans une voie sans issue.
Bien qu’insatisfait, le militant reste incapable de reconnaître et d’affronter ses désirs. IL EN A HONTE. Cela l’entraîne à remplacer la promotion de ses désirs par le désir de sa promotion. Mais les sentiments de culpabilité qu’il entretient sont tels qu’il ne peut envisager une promotion hiérarchique dans le cadre du système, ou plutôt il est prêt à lutter pour une bonne place s'il gagne en même temps la garantie que ce n’est pas pour son propre compte. Son militantisme lui permet de s’élever, de se mettre sur un piédestal, sans que cette promotion apparaisse aux autres et à lui-même pour ce qu’elle est. (Après tout, le pape n’est lui aussi que le serviteur des serviteurs de Dieu !
Se mettre au service de ses désirs ne revient nullement à se réfugier dans sa coquille et n’a rien à voir avec l’individualisme petit-bourgeois. Tout au contraire cela ne peut passer que par la destruction de la carapace d’égoïsme dans laquelle nous enferme la société bourgeoise et le développement d’une véritable solidarité de classe. Le militant qui prétend se mettre au service du prolétariat (" les ouvriers sont nos maîtres ", dixit Alain Geismar) ne fait que se mettre au service de l’idée qu’il a des intérêts du prolétariat. Ainsi par un paradoxe qui n’est qu’apparent, en se mettant véritablement au service de soi - même on en revient à aider véritablement les autres et cela sur une base de classe, et en se mettent au service des autres on en vient à protéger une position hiérarchique personnelle.
Militer, ce n’est pas s’accrocher à la transformation de sa vie quotidienne, ce n’est pas se révolter directement contre ce qui opprime, c’est au contraire fuir ce terrain. Or ce terrain est le seul qui soit révolutionnaire pourvu que l’on sache que notre vie de tous les jours est colonisée par le capital et régie par les lois de la production marchande. En se politisant, le militant est à la recherche d’un rôle qui le mette au - dessus des masses. Que ce " au-dessus " prenne des allures " d’avant-gardisme " ou " d’éducationnisme " ne change rien à l’affaire. Il n’est déjà plus le prolétaire qui n’a rien d’autre à perdre que ses illusions; il a un rôle à défendre. En période de révolution, quand tous les rôles craquent sous la poussée du désir de vivre sans entrave, le rôle de " révolutionnaire conscient " est celui qui survit le mieux.
En militant, il donne du poids à son existence, sa vie retrouve un sens. Mais ce sens, il ne le trouve pas en lui-même dans la réalité de sa subjectivité, mais dans la soumission à des nécessités extérieures. De même que dans le travail il est soumis à un but et à des règles qui lui échappent, il obéit en militant aux "nécessités de l’histoire. "
Évidemment , on ne peut pas mettre tous les militants sur le même plan. Tous ne sont pas atteints aussi gravement. On trouve parmi eux quelques naïfs qui, ne sachant comment utiliser leurs loisirs, poussés par la solitude et trompés par la phraséologie révolutionnaire se sont égarés ; ils saisiront le premier prétexte venu pour s’en aller. L’achat de la télévision, la rencontre de l’âme sœur, la nécessité de faire des heures supplémentaires pour payer la voiture déciment les rangs de l’armée des militants !
Les raisons qui poussent à militer ne datent pas d’aujourd’hui. En gros elles sont les mêmes pour les militants syndicalistes, catholiques et révolutionnaires. La réapparition d’un militantisme révolutionnaire de masse est liée à la crise actuelle des sociétés marchandes et au retour de la vieille taupe révolutionnaire. La possibilité d’une révolution sociale apparaît suffisamment sérieuse pour que les militants misent sur elle. Le tout est renforcé par l’écroulement des religions.
Le capitalisme n’a plus besoin des systèmes de compensation religieux. Parvenu à maturité, il n’a pas à offrir un supplément de bonheur dans l’au-delà mais tout le bonheur ici-bas, dans la consommation de ses marchandises matérielles, culturelles et spirituelles (l’angoisse métaphysique fait vendre !). Dépassées par l’histoire, les religions et leurs fidèles n’ont plus qu’à passer à l’action sociale ou au... maoïsme.
Le militantisme gauchiste touche essentiellement des catégories sociales en voie de prolétarisation accélérée (lycéens, étudiants, enseignants, personnels socio-éducatifs...) qui n’ont pas de possibilité de lutter concrètement pour des avantages à court terme et pour lesquels devenir véritablement révolutionnaire suppose une remise en question personnelle très profonde. L’ouvrier est beaucoup moins complice de son rôle social que l’étudiant ou l’éducateur. Militer est pour ces derniers une solution de compromis qui leur permet d’épauler leur rôle social vacillant. Ils retrouvent dans le militantisme une importance personnelle que la dégradation de leur position sociale leur refusait. Se dire révolutionnaire, s’occuper de la transformation de l’ensemble de la société, permet de faire l’économie de la transformation de sa propre condition et de ses illusions personnelles.
Dans la classe ouvrière le syndicalisme a le quasi-monopole du militantisme, il assure au militant des satisfactions immédiates et une position dont l’avantage peut se mesurer concrètement. L’ouvrier tenté par le militantisme se tournera très probablement vers le syndicalisme. Même les comités de lutte antisyndicaux ont tendance à devenir un syndicalisme nouvelle manière. L’activité politique n’est pour les militants ouvriers que le prolongement de l’action syndicale. Le militantisme tente peu les ouvriers et notamment les jeunes ouvriers parce que ce sont les prolétaires les plus lucides en ce qui concerne la misère de leur travail en particulier et de leur vie en général. Déjà peu tentés, dans leur ensemble, par le syndicalisme, ils le sont encore moins par un gauchisme aux avantages fumeux.
Ceci dit, quand dans la tourmente révolutionnaire le règne des marchandises et de la consommation s’écoulera, le syndicalisme dont le sérieux se basait sur la revendication sera prêt pour survivre à passer au militantisme révolutionnaire. Il reprendra les mots d’ordre les plus extrémistes et sera alors beaucoup plus dangereux que les groupes gauchistes. Déjà ne voit-on pas, à la suite de mai 68, la CFDT mêler le mot d’autogestion à son charabia néo-bureaucratique !

LE TRAVAIL POLITIQUE
Le temps " libre " que lui laissent ses obligations professionnelles ou scolaires, le militant va le consacrer à ce qu’il appelle lui-même " le travail politique ". Il faut tirer et distribuer des tracts, fabriquer et coller des affiches, faire des réunions, prendre des contacts, préparer des meetings... Mais ce n’est pas telle action considérée isolement qui suffit à caractériser le travail militant. Le simple fait de composer un tract dans le but de le tirer et le distribuer ne peut être considéré en soi comme un acte militant. S'il est militant c’est parce qu’il s’insère dans une activité qui a une logique particulière.
C’est parce que l’activité du militant n’est pas le prolongement de ses désirs, c’est parce qu’elle obéit à une logique qui lui est extérieure, qu’elle se rapproche du travail. De même que le travailleur ne travaille pas pour lui, le militant ne milite pas pour lui. Le résultat de son action ne peut donc pas être mesuré au plaisir qu’il retire. Il va donc l’être suivant le nombre d’heures dépensées, le nombre de tracts distribués. La répétition, la routine dominent l’activité du militant. La séparation entre exécution et décision renforce le côté fonctionnaire du militant.
Mais si le militantisme se rapproche du travail il ne peut pas lui être assimilé. Le travail est l’activité sur laquelle se fonde le monde dominant, il produit et reproduit le capital et les rapports de production capitalistes ; le militantisme lui n’est qu’une activité mineure. Si le résultat du travail et son efficacité, par définition, ne se mesurent pas à la satisfaction du travailleur ils ont l’avantage d’être mesurables économiquement. La production marchande, par le biais de la monnaie et du profit crée ses étalons et ses instruments de mesure. Elle a sa logique et sa rationalité qu’elle impose au producteur et au consommateur. Au contraire, l’efficacité du militantisme, " l’avancée de la révolution ", n’ont pas encore trouvé leurs instruments de mesure. Leur contrôle échappe aux militants et à leurs dirigeants. Dans l’hypothèse, évidemment, où ces derniers se soucient encore de la révolution ! On en est donc réduit à comptabiliser le matériel produit et distribué, le recrutement, les actions menées ; ce qui évidemment ne mesure jamais ce que l’on prétend mesurer. Tout naturellement on en vient à considérer que ce qui est mesurable est une fin en soi. Imaginez le capitaliste qui ne trouvant pas de moyen d’évaluer la valeur de sa production déciderait de se rabattre sur la mesure des quantités d’huile consommées par des machines. Très consciencieux, les ouvriers videraient de l’huile dans le caniveau pour faire progresser... la production. Incapable de poursuivre le but proclamé, le militantisme ne fait que signer le travail.
S’appliquant consciencieusement à imiter le travail, les militants sont fort mal placés pour comprendre les perspectives ouvertes d’un côté par le mépris de plus en plus répandu à l’égard de toutes les contraintes et de l’autre par les progrès du savoir et de la technique. Les plus intelligents d’entre eux se rangent aux côtés des idéologues de la bourgeoisie moderniste, pour demander que l’on réduise les horaires ou que l’on humanise la répugnante activité. Que ce soit au nom du capital ou de la révolution, tous ces gens - là se montrent incapables de voir au-delà de la séparation entre temps de travail et temps de loisirs, entre activité consacrée à la production et activité consacrée à la consommation.
Si nous sommes obligés de travailler, la cause n’est pas naturelle, elle est sociale. Travail et société de classe vont de pair. Le maître veut voir l’esclave produire parce que seul ce qui est produit est appropriable. La joie, le plaisir que l’on trouve dans une activité quelconque, cela ne peut être capitalisé, accumulé, traduit en argent par le capitaliste, alors il s’en fout. Lorsque nous travaillons nous sommes entièrement soumis à une autorité, à une loi extérieure, notre seule raison d’être c’est ce que nous produisons. Toute usine est un racket, où l’on pompe notre sueur et notre vie pour les transformer en marchandises.
Le temps passé à travailler est un temps où nous devons non pas satisfaire directement nos désirs mais sacrifier en attendant cette réparation ultérieure qu’est le salaire. C’est exactement le contraire du jeu, où le déroulement et le rythme de ce qu’on fait a pour maître le plaisir que l’on y prend. Le prolétariat en s’émancipant abolira le travail. La production des denrées nécessaires à notre survie biologique ne sera plus alors que le prétexte à la libération de nos passions.

LA REUNIONNITE
Une caractéristique significative du militantisme est le temps passé en réunions. Laissons de côté les débats consacrés à la grande stratégie : où en sont nos camarades de Bolivie, à quand la prochaine crise économique mondiale, la construction du parti révolutionnaire avance-t-elle...
Contentons-nous de nous pencher sur les réunions concernant le " travail quotidien ". C’est peut-être là que s’étale le mieux la misère du militantisme. A part quelques cas désespérés, les militants eux-mêmes se plaignent du nombre de ces " réunions qui n’avancent pas ". Même si les militants aiment se réchauffer entre eux ils ne peuvent pas ne pas souffrir de la contradiction évidente entre d’une part leur volonté d’agir et d’autre part le temps perdu en de vaines discussions, en des débats sans issue. Ils sont condamnés à rester dans une impasse car ils s’en prennent à la " réunionnite " sans voir que c’est tout le militantisme qui est en cause. La seule façon d’éliminer la réunionnite revient à fuir dans un activisme de moins en moins en prise sur la réalité.
QUE FAIRE ? COMMENT S’ORGANISER ? Voilà les questions qui sous tendent et provoquent les réunions. Or ces questions ne peuvent jamais, être réglées, leur solution n’avance jamais, parce que lorsque les militants se les posent, ils se les posent comme séparées de leur vie. La réponse n’est pas un rendez-vous parce que la question n’est pas posée par celui qui possède la solution concrète. On peut se réunir pendant des heures, se triturer le cerveau, cela ne fera pas surgir le support pratique qui manque aux idées. Alors que les questions sont des bagatelles pour le prolétariat révolutionnaire, parce que pour lui les problèmes de l’action et de l’organisation se posent concrètement, font partie de sa lutte, ils deviennent le PROBLEME pour les militants. La réunionnite est le complément nécessaire de l’activisme. En fait, le problème posé est toujours celui-là : comment fusionner avec le mouvement des masses tout en restant séparé de lui. La solution de ce dilemme est soit de fusionner réellement avec les masses en retrouvant la réalité de ses désirs et les possibilités de leur réalisation, soit de renforcer leur pouvoir en tant que militants, en se rangeant au côté du vieux monde contre le prolétariat. Les grèves sauvages montrent qu’il y a des risques !
Dans ses rapports avec les masses, le militantisme reproduit ses tares internes, notamment ses tendances à la réunionnite. On rassemble des gens et on les compte. Pour certains du genre AJS (1), se montrer et se compter devient même le summum de l’action !
Ces questions de l’action et de l’organisation, séparées déjà du mouvement réel, se trouvent mécaniquement séparées entre elles. Les diverses orientations du gauchisme concrétisent cette séparation. On trouve d’un côté avec les maos et l’ex-GP (Gauche Prolétarienne) le pôle de l’action, et de l’autre avec les trotskistes et la Ligue Communiste le pôle de l’organisation. On fétichise soit l’action, soit l’organisation pour sortir de l’impasse où en se séparant des masses le militantisme s’est plongé. Chacun protège sa crétinerie particulière en se gaussant de l’orientation des groupes concurrents.

LA BUREAUCRATIE
Les organisations de militants sont toutes hiérarchisées. Certaines organisations non seulement ne s’en cachent pas mais auraient même plutôt tendance à s’en vanter. D’autres se contentent d’en parler le moins possible. Enfin certains petits groupes essaient de le nier.
De même qu’elles reproduisent ou plutôt singent le travail les organisations militantes ont besoins de "patrons". Ne pouvant bâtir leur union à partir de leurs problèmes concrets, les militants sont naturellement portés à considérer que l’unification des décisions ne peut découler que de l’existence d’une direction. Ils n’imaginent pas que la vérité commune puisse jaillir des volontés particulières de sortir de la merde, elle doit être balancée et imposée du haut. Ils se représentent donc nécessairement la révolution comme un choc entre deux appareils d’état hiérarchisés, l’un étant bourgeois, l’autre prolétarien.
Ils ne savent rien de la bureaucratie, de son autonomie et de la façon dont elle résout ses contradictions internes. Les militants de base croient naïvement que les conflits entre dirigeants se réduisent à des conflits d’idées et que là, où on lui dit qu’il y a unité il y a effectivement unité. Sa grande fierté est d’avoir su discerner l’organisation ou la tendance pourvu de LA bonne direction. En adhérant à telle ou telle chapelle il adopte un système d’idées comme on enfile un costume. N’en ayant vérifié aucune base il sera prêt à en défendre toutes les conséquences et à répondre à toutes les objections avec un dogmatisme incroyable. A une époque où les curés sont déchirés par les crises spirituelles, le militant conserve la foi.
Forcé de tenir compte du mépris de plus en plus répandu à l’égard de toute forme d’autorité le militantisme a produit des rejetons d’un type nouveau. Certaines organisations prétendent qu’elles n’en sont pas et surtout dissimulent leur direction. Les bureaucrates se cachent pour mieux pouvoir tirer les ficelles.
Certaines organisations traditionnelles essaient de mettre en place des formes d’organisation parallèles permanentes ou pas. Elles espèrent, au nom de " l’autonomie prolétarienne ", récupérer ou tout au moins influencer des gens qui leur auraient autrement échappé.
On peut citer le Secours Rouge, l’O.J.T.R. et les Assemblées Ouvriers Paysans du PSU... De même, certains journaux indépendants ou satellites d’organisations prétendent n’exprimer que le point de vue des masses révolutionnaires ou de groupes autonomes de la base. Mentionnons les " Cahiers de Mai ", "Le technique en Lutte " , "L’outil des travailleurs "... Là où on refuse de poser clairement et les questions d’organisation et les questions de théorie sous le prétexte que l’heure de la construction du parti révolutionnaire n’est pas encore venue ou au nom d’un spontanéisme de pacotille (nous ne sommes pas une organisation, mais un rassemblement de braves mecs, une communauté ", etc. ) , on peut être sûr qu’il y a de la bureaucratie et même souvent du maoïsme. L’avantage du trotskisme, c’est que son fétichisme de l’organisation le contraint à afficher la couleur; il récupère en le disant. L’avantage du maoïsme (nous ne parlons pas de maoïsme pur et archéo-stalinien du genre "Humanité Rouge"), c’est qu’il crée les conditions de son propre débordement ; à force de jouer les équilibristes de la récupération il va se casser la gueule.

OBJECTIVITE ET SUBJECTIVITE
Les systèmes d’idées adoptés par les militants varient suivant les organisations, mais ils sont tous minés par la nécessité de masquer la nature de l’activité qu’il cachent et la séparation des masses. Aussi retrouve-t-on toujours au cœur des idéologies militantes la séparation entre objectivité et subjectivité conçue de façon mécanique et ahistorique.
Le militant qui se dévoue au service du peuple, même s'il ne nie pas que son activité a des motivations subjectives, refuse de leur accorder de l’importance. De toute façon ce qui est subjectif doit être éliminé au profit de ce qui est objectif. Le militant refusant d’être mu par ses désirs en est réduit à invoquer les nécessités historiques considérées comme extérieures au monde des désirs. Grâce au " socialisme scientifique ", forme figée d’un marxisme dégénéré, il croit pouvoir découvrir le sens de l’histoire et s’y adapter.
Il se grise avec des concepts dont la signification lui échappe : forces productives, rapports de production, loi de la valeur, dictature du prolétariat etc. Tout cela lui permet de se rassurer sur le sérieux de son agitation. Se mettant en dehors de " sa critique " du monde, il se condamne à ne rien comprendre à la marche de celui-ci.
La passion qu’il n’arrive pas à mettre dans sa vie quotidienne, il la reporte dans sa participation imaginaire au " spectacle révolutionnaire mondial ". La terre est ravalée au rang d’un théâtre de polichinelle où s’affrontent bons et méchants, impérialistes et anti-impérialistes. Il compense la médiocrité de son existence en s’identifiant aux stars de ce cirque planétaire. Le comble du ridicule a certainement été atteint avec le culte du " CHE ". Économiste délirant, piteux stratège, mais beau gosse, Guévara aura eu au moins la consolation de voir ses talents hollywoodiens récompensés. Un record dans la vente des posters.
Qu’est-ce que la subjectivité, sinon le résidu de l’objectivité, ce qu’une société fondée sur la reproduction marchande ne peut intégrer ? La subjectivité de l’artiste s’objective dans l’œuvre d’art. Pour le travailleur séparé des moyens de production et de l’organisation de sa propre production, la subjectivité reste à l’état de manies, de fantasme... Ce qui s’objective le fait par la grâce du capital, et devient lui-même capital. L’activité révolutionnaire comme le monde qu’elle préfigure dépasse la séparation entre objectivité et subjectivité. Elle objective la subjectivité et investit subjectivement le monde objectif. La révolution prolétarienne c’est l’irruption de la subjectivité !
Il ne s’agit pas de retomber dans le mythe d’une " vraie nature humaine ", de l’ " essence éternelle " de l’homme qui, réprimé par la Société, chercherait à revenir au grand jour. Mais si la forme et le but de nos désirs varient, ils ne se réduisent nullement au besoin de consommer tel ou tel produit. Déterminée historiquement par l’évolution et les nécessités de la production marchande, la subjectivité ne se plie nullement aux besoins de la consommation et de la production. Pour récupérer les désirs des consommateurs la marchandise doit s’adapter sans cesse. Mais elle reste incapable de satisfaire la volonté de vivre en réalisant totalement et directement nos désirs. A l’avant-garde de la provocation marchande, les vitrines subissent de plus en plus souvent la critique du pavé !
Ceux qui refusent de tenir compte de la réalité de LEURS désirs au nom de la " Pensée matérialiste " risquent de ne pas voir le poids de Nos désirs leur retomber sur la gueule.
Les militants et leurs idéologues, même diplômés de l’université, sont de moins en moins aptes à comprendre leur époque et à coller à l’histoire. Incapables de sécréter une pensée un tant soit peu moderne, ils en sont réduits à aller fouiller dans les poubelles de l’histoire pour y récupérer des idéologies qui ont fait, déjà depuis un certain temps, la preuve de leur échec : anarchisme, léninisme, trotskisme... Pour rendre le tout plus digeste ils l’assaisonnent d’un peu de maoïsme ou de castrisme mal compris. Ils se réclament du mouvement ouvrier mais confondent son histoire avec la construction d’un capitalisme d’état en Russie ou l’épopée bureaucratique - paysanne de " la longue marche " en Chine. Ils se prétendent marxistes, mais ne comprennent pas que le projet marxiste d’abolition du salariat, de la production marchande et de l’Etat, est indissociable de la prise du pouvoir par le prolétariat.
Les penseurs "marxistes" sont de plus en plus incapables de reprendre l’analyse des contradictions fondamentales du capitalisme qu’avait inaugurée Marx. Ils vont s’engluer sur le terrain de l’économie politique bourgeoise, tout en rabâchant des bêtises sur la loi de la valeur travail, la baisse tendancielle du taux de profit, la réalisation de la plus-value. Malgré leurs prétentions, ils ne comprennent rien à la marche du capitalisme moderne. Se croyant obligés d’utiliser un vocabulaire marxiste, dont ils ne connaissent pas le mode d’emploi, ils se coupent des quelques possibilités d’analyse qui restent à l’économie politique. Leurs "recherches " ne valent pas celles du premier disciple de Keynes venu.

MILITANTS ET CONSEILS OUVRIERS
Les organisations militantes s’autonomisent au - dessus des masses qu’elles ont la prétention de représenter. Elles sont naturellement amenées à considérer que ce n’est pas la classe ouvrière qui fait la révolution mais " les organisations de la classe ouvrière ". Il convient donc de renforcer ces dernières. Le prolétariat devient à la limite une matière brute, du fumier sur lequel va pouvoir s’épanouir cette rose rouge qu’est le Parti Révolutionnaire. Les nécessités de la récupération exigent qu’on ne parle pas trop de ça à l’extérieur ; c’est là que commence la démagogie.
L’autonomie des buts des organisations militantes doit être dissimulée. L’idéologie sert à ça. L’on proclame bien haut que l’on est au service du peuple, que l’on n’agit pas pour son bien propre et que si jamais pendant un court moment on est obligé de prendre le pouvoir on n’en abusera pas. Une fois que la classe ouvrière aura été bien éduquée on se dépêchera de lui rendre.
L’histoire des conseils ouvriers montre que systématiquement les organisations dites ouvrières ont cherché à jouer leur propre jeu et tirer les marrons du feu ; cela pour les meilleurs motifs évidemment. Pour assurer leur pouvoir, elles ont cherché à limiter, à récupérer et a détruire les formes d’organisation que le prolétariat s’était donné : soviets territoriaux, comités d’usine.
Les soviets russes ont été magouillés, puis liquidés par le parti et l’Etat bolchevique. En 1905 Lénine ne leur accorde pas d’importance. En 1917, au contraire, on proclame : " tout le pouvoir aux soviets". En 1921 les soviets qui ont servi de marchepied pour prendre le pouvoir deviennent gênants ; les ouvriers et les marins de Kronstadt qui réclament des soviets libres sont écrasés par l’Armée rouge.
En Allemagne, le gouvernement social-démocrate des "commissaires du peuple" se charge de liquider les conseils ouvriers au nom de la révolution.
En Espagne, de nouveau les communistes s’occupent de faire disparaître les formes de pouvoir populaire. Cela devait permettre de mieux développer la lutte contre le fascisme ! Ce n’est pas la peine d’accumuler les exemples. Toutes les expériences historiques ont confirmé l’antagonisme qui oppose prolétariat révolutionnaire et organisation militante. L’idéologie la plus extrémiste peut cacher la position la plus contre-révolutionnaire. Si certaines organisations ont pu cependant se battre à coté du prolétariat jusqu'à la défaite commune comme la Ligue Spartacus et la CNT - FAI anarcho-syndicaliste, rien ne prouve que ces organisations n’auraient pas commencé à lutter pour leur propre pouvoir une fois l’adversaire vaincu.
Les militant pour s’être cloîtrés en politique n’en restent pas moins des individus sociaux, soumis à l’influence de leur milieu. Lorsque ça chauffe, beaucoup peuvent passer dans le camp de la révolution. On a bien vu des délégués syndicaux prendre la tête de séquestrations ! Mais la désertion massive des militants sera d’autant plus probable que les conseils et les révolutionnaires conseillistes seront plus forts. Le mouvement peut être aidé dans ses succès par le renfort de nombreux militants, mais en cas d’erreurs ou de flottements le balancier jouera dans l’autre sens. Les organisations militantes seront renforcées par l’apport de prolétaires cherchant à se rassurer.
La liquidation des conseils ouvriers a été rendue possible par leur faiblesse, leur incapacité de faire appliquer en leur sein les règles de la démocratie directe et à prendre effectivement tout le pouvoir en écrasant tous les pouvoirs qui leur étaient extérieurs. Les organisations militantes ne sont en fait que la propre faiblesse extériorisée du prolétariat qui se retourne contre lui.
Les travailleurs feront de nouveau des erreurs. Ils ne trouveront pas immédiatement la forme adéquate de leur pouvoir. Moins les masses auront d’illusions sur le militantisme, plus le pouvoir des conseils aura de chance de se développer. Discréditer et ridiculiser les militants, voilà la tâche qui revient dès maintenant aux révolutionnaires. Cette tâche sera parachevée par la critique en acte que constituera la naissance d’organisations conseillistes. Ces organisations sauront très bien se passer d’une direction et d’un appareil bureaucratique. Produit de la solidarité de travailleurs combatifs, elles seront de libres associations d’individus autonomes. Elles montreront par leurs idées, mais surtout par leur comportement dans les luttes, qu’elles ne risquent jamais de poursuivre des intérêts distincts de ceux de l’ensemble du prolétariat.
Le développement du capitalisme moderne qui se traduit par l’occupation de tout l’espace social par les marchandises, par la généralisation du travail salarié, mais aussi par la dégradation des valeurs morales, le mépris du travail et des idéologies, augmentera la violence du choc. Les prolétaires iront beaucoup plus vite et beaucoup plus loin que par le passé. Si des organisations de militants ont pu jadis jouer un rôle révolutionnaire pendant un certain temps, cela ne sera plus possible. Ces organisations ne pourront être rapidement que de plus en plus contre-révolutionnaires lors des prochaines grandes batailles de la lutte.
Notes
(1) Alliance des Jeunes pour le Socialisme : organisation de jeunesse des trotskistes lambertistes de l’époque (Note de l'Éditeur).

29 décembre 2009

L'empire du nouveau mal (le mieux est l'ennemi du bien)


Le 18 mars 1968, quelques semaines avant son assassinat, Bob Kennedy prononçait, à l’université du Kansas, le discours suivant :

« Notre PIB prend en compte, dans ses calculs, la pollution de l’air, la publicité pour le tabac et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes. Il comptabilise les systèmes de sécurité que nous installons pour protéger nos habitations et le coût des prisons où nous enfermons ceux qui réussissent à les forcer. Il intègre la destruction de nos forêts de séquoias ainsi que leur remplacement par un urbanisme tentaculaire et chaotique. Il comprend la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures blindées de la police destinées à réprimer des émeutes dans nos villes. Il comptabilise la fabrication du fusil Whitman et du couteau Speck, ainsi que les programmes de télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants. En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue »

(Extrait de l’empire du moindre mal de Jean-Claude Michéa, page 117)

27 décembre 2009

Polanski n'est pas mort!

La preuve, il bande encore! (Et en profite pour écrire à son valet, Bernardo Lévy)

«

C'est vrai, ce que vous avez dit, cher Bernard-Henri Lévy, lors de vos interventions dans la presse suisse - je suis moi-même bouleversé par le nombre de témoignages de sympathie et de soutien que j'ai reçus dans la prison de Winterthur et que je continue à recevoir ici, dans ce chalet de Gstaad où je passe les fêtes avec mon épouse et mes enfants.

Il y a là des messages de voisins et d'autres qui viennent de gens de toute la Suisse, et, au-delà de la Suisse, du monde entier. J'aimerais pouvoir, à chacun, dire le bien que cela fait, quand on est enfermé dans une cellule, d'entendre, chaque matin, en recevant le courrier, ce murmure de la voix humaine et de la solidarité. Chacun de leurs mots ont été, pour moi, dans les moments les plus sombres, et sont toujours dans ma situation actuelle, pleins de réconfort et de raisons d'espérer.

J'aimerais pouvoir leur répondre à tous. Mais c'est impossible, il y en a trop. Avez-vous une idée de la façon dont je pourrais le faire? Peut-être votre revue, La Règle du Jeu, qui m'a soutenu dès le premier jour? Peut-être diffuser ces quelques lignes que je vous adresse? Je ne sais pas. Je vous laisse faire.

Joyeuses fêtes de fin d'année à vous, aux vôtres - et, à travers vous, à tous ces amis anonymes que je découvre jour après jour et qui m'ont tant aidé.

Amitié.

Roman Polanski»

Le CGB se devait de reproduire ce document si touchant, ce beau cadeau posé au pied du sapin, si tellement plein de repentir sincère... Esprit de Noël, fête des enfants, quand tu nous tiens.

26 décembre 2009

Joyeux Noël!

Un gentil lecteur nous envoie ce petit témoignage d'amitié depuis Saint-Tropez:

Le vingtième siècle finissait


Dans l’éventail immense de ce qui rend la vie moderne désespérément bidon, rien n’égale la musique dite R&B, sinon cette néo soul qui permet aux Alicia Keys, Eryka Badu et autre Amy Winehouse d’exister en en faisant des tonnes. Aussi habiles dans l’art d’imiter que leurs aînés le furent dans l’art de créer, ces donzelles sexy font bander le bourgeois dans des clips fabriqués en série, calibrés comme des tomates d’Espagne. C’est que le sensuel rapporte, même lorsqu’il ne l’est plus du tout.
Aux antipodes de cette soupe calquée, mais aussi à son origine, la musique soul est une sorte de nébuleuse féconde qui va de Ray Charles à Stevie Wonder, en passant par Bobby Womack, Isaak Hayes, Otis Redding, Marvin Gaye, Donny Hathaway ou celui dont je veux évoquer le nom aujourd’hui, mon préféré de tous : Curtis Mayfield (j’ai bien conscience qu’il est scabreux de préférer un nom parmi ceux-là, sans compter tous ceux qui ne sont pas cités, mais c’est moi qui écrit cet article, je fais ce que je veux).



Il y a deux grandes catégories de chanteurs soul : les hyper virils et les autres. Dans la première catégorie, nous trouvons le roi absolu de la bite d’acier, Otis Reddind, suivi par le terrible Wilson Pickett (qui n’a jamais rêvé de pouvoir chanter comme lui, tas de lavettes, et d’être capable de transformer une chanson pour enfant (Hey Jude) en authentique piège à nanas ? Ha, qui sait ce que Wilson aurait pu faire de Petit papa Noël ?…). Dans l’autre catégorie, que nous appellerons celle des séducteurs, Marvin Gaye est un must, encore qu’il plaise surtout aux femmes, ce qui rend un soul seducer suspect à mes yeux, mais j’me comprends… (oui, si on ne rend pas absolument dingues les mecs aussi, on peut être considéré comme un séducteur de modèle courant, pas comme un séducteur soul). Ça n’engage que moi, mais dans ce rôle, je préfère encore Curtis Mayfield, à la fois parce qu’il n’est pas particulièrement aidé par son physique, contrairement à Marvin, et surtout parce que sa production musicale me semble encore plus fantastique, et son charme plus durable.
A la différence d’un Stevie Wonder, qui est le plus grand mélodiste de tous, Curtis Mayfield est l’homme de la transe, une transe contenue, élégante, sexy sans jamais être brutale. Son chant glisse, félin, à travers son œuvre, sans se résumer à une ornementation de plus pour faire danser les fans. Car sous le feutré du timbre, il a toujours su affirmer des engagements politiques, à l’époque où il ne s’agissait pas seulement de défendre le climat, les animaux ou les fonds sous-marins. Après le renouveau des protest songs au début des années 60, ce sont des chanteurs noirs qui accompagnent le mouvement des droits civiques par des chansons illustrant la « fierté Noire », comme James Brown ou Marvin Gaye. Avec deux styles bien différents, je rapprocherais pourtant Curtis Mayfield de Gil Scott-Heron pour leur utilisation du style parlé dans leurs chansons, qui ont influencé de manière décisive ce qui allait devenir le rap. Même si Mayfield est plus sensuel et quasi féminin, sa façon de tenir un chant tendu et presque obsessionnel sur une rythmique lancinante reste une des caractéristiques du récitatif rap actuel. En mieux, évidemment.
A celui qui veut découvrir cet homme, je ne saurais trop conseiller de commencer par le début, enfin le début de son travail personnel (il a travaillé dès les années 60 dans les Impressions de Jerry Butler et a pondu quelques tubes), c'est-à-dire l’album Curtis (1970) et tous ceux qui suivent sans exception, au moins jusque à Something to believe in, en 1980. A raison d’un ou deux albums par an, ça fait un petit programme envoûtant que j’aimerais bien avoir encore à découvrir…
Curtis Mayfield est mort il y a dix ans aujourd’hui. Je me souviens parfaitement de la tristesse qui m’est tombé dessus ce jour-là, comme si sa mort signifiait qu’on ne pourrait plus l’écouter. Erreur, bien sûr, astuce du sentiment qui nous masque la réalité. A moins d'une semaine de l'an 2000, j'ai eu clairement le sentiment que le vingtième siècle finissait. Je savais pourtant bien que Mayfield ne travaillait plus beaucoup et que son œuvre était achevée depuis longtemps, mais il avait été un de ceux qui m’avaient fait découvrir un monde, et à ce titre, je le considérais comme une sorte de parent. Chose encore plus curieuse, et que chacun peut avoir vécue, il faisait partie des gens dont le travail me plaisait totalement, dont chaque chanson me touchait parce que son style, sa personnalité, sa façon d’être, tout simplement, m’allaient droit au cœur. Est-ce que ça signifie que je le comprenais ? Oui, je crois.

22 décembre 2009

La bibliothèque du CGB: le retour

Depuis la parution de notre première liste, les lecteurs nous ont contactés: les stocks des libraires sont épuisés, les livres en cours de réimpression.
Pour patienter:

Faites comme Balzac, lisez ce bouquin, c'est un ordre!














C'est une idée de Beboper ça, je ne voulais pas, il m'a forcé, j'ai crié! (cf.bannière)
---------------------------------------------------------------


Enfin, cadeau bonus, pour Jérome Leroy, notre plus fidèle lecteur (récemment accusé d'être un ivrogne communiste par ces zouzous d'ILYS qui ne comprennent décidément rien à rien):

La vé-ri-té comme on dit chez Pauseur.fr

Pour l'amour de la beauté

Des chorégraphes-metteurs-dans-l'espace-perfor(m)eurs jamaïcains prennent tous les risques:
Une nouvelle danse qui a récemment fait son apparition en Jamaïque serait responsable d'une hausse significative des fractures du pénis. Et la situation est si inquiétante que le gouvernement pense même interdire la "danse du poignard", affirme The Sun.(...)Et la popularité de cette nouvelle danse est telle que les couples un peu plus trash reproduisent la danse en rythme... dans la chambre à coucher. Un faux mouvement et c'est la fracture du pénis assurée.Source

Fracture du pénis? Impossible!
Si si... Dès la huitième seconde de cette vidéo, tout s'éclaire:

Aïe...



21 décembre 2009

Panthéon pour monsieur Germain !


Je viens d’écouter la dernière édition de Répliques, l’émission d’Alain Finkielkraut sur France Culture, consacrée à Albert Camus. Je signale aux lecteurs que l’animateur y a exposé une idée que je trouve formidable, et dont je lui envie la paternité. A propos de la prochaine entrée de Camus au Panthéon, décision controversée pour plusieurs raisons, au premier rang desquelles la récupération de la figure de Camus par un Président de la république caricaturalement de droite, Finkie propose qu’à la place de l’écrivain, on y fasse entrer les cendres de monsieur Germain, l’instituteur de Camus, l’homme qui lui avait permis de sortir de la détermination de son milieu social, ce monsieur Germain devenu la figure de l’instituteur républicain qu’on a tant moqué depuis.
Je pense qu’il est inutile de s’étaler plus avant sur les avantages et la valeur symbolique d’une telle panthéonisation, chacun la comprendra.
Je propose que cette idée géniale soit reprise et colportée par tous ceux qui pensent qu’il faut remettre les professeurs à leur place, la plus haute, sur l’échelle de la considération publique, au risque de bousculer des vedettes de la chanson-han, des stars du basket-han, des Che Guevara du football business-han et des imitateurs engagés-han.
Juste après avoir été nobélisé, Camus écrit cette lettre à son ancien instituteur:
"Cher Monsieur Germain,
J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’en ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur. Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève."

Le Panthéon pour monsieur Germain, oui, nous le pouvons !

Eloge d'André Suarès


J’étais à Paris fin novembre et, étudiant une carte, j’y découvre une place Raymond Souplex. Je cherche alors une place ou une rue Jean Gabin : rien ! (la carte date de dix ans, et depuis, on a donné le nom de Gabin à un bout de Paris) Par quel intense lobbying est-on parvenu à donner le nom de Souplex à une place, tandis que Jean Gabin, notre plus grand acteur, n’est pas honoré ? S’amusant de la chose avec mes amis, on se met à vérifier si tel ou tel personnage a une rue, une ruelle ou une impasse à son nom. Le jeu dure depuis cinq minutes quand j’ai l’idée de vérifier s’il existe une rue André Suarès à Paris : elle existe ! C’est une des deux ou trois plus grosses surprises de ma vie ! Une rue porte le nom du plus grand de ses écrivains inconnus… Immédiatement, je bondis de ma chaise, avec force postillons je me mets à expliquer qui fut ce Suarès et pourquoi il est absolument invraisemblable qu’une rue porte son nom, tandis que j’enfile mon manteau, que je mets ma casquette et que j’emporte mon appareil photo, direction : la rue Suarès !


On a foutu une rue André Suarès au fin fond du 17ème arrondissement, juste au dessus du périphérique, dans une sorte de no man’s land affreux qui aurait fait pousser des cris de douleur à son bénéficiaire. Lui qui détestait tant la rive droite serait bien mortifié de savoir où on a apposé son nom d’inconnu. Cette injuste guignolade m’a parue bien figurer l’incompréhension où se mec a passé sa vie, et finalement, bien représenter ce que fut son isolement héroïque. Techniquement, il n’y a rien dans cette rue. Elle porte le nom d’un homme qui ne fut que rectitude et profusion et pourtant, elle n’offre rien et forme un angle droit : une rue en L. Visiblement, des projets d’urbanistes vont remodeler ce bout de Paris dont j’ignore tout : un terrain vague a fraîchement été formé par la démolition ou le déblaiement d’une grande aire non loin de la rue Suarès, et je vois d’ici les grands immeubles froids qui vont y pousser. Il y en a d’ailleurs un dans la rue même, c’est le seul, une sorte de truc en verre verdâtre qui doit abriter une compagnie d’assurance ou un groupe de canailles bien mises. En face, rien, des gravas par monceaux, un ancien mur qui ressemble à un ouvrage SNCF, une zone à Gitans qui attend la fin du monde. C’est, de tous les endroits que je connais de Paris, celui qui est le mieux fait pour l’exil. Suarès y est donc chez lui.


Il est toujours assez délicat de parler des écrivains que l’on aime, ou des musiciens qui nous habitent. Si on les aborde en « généraliste », à fin de les faire découvrir aux néophytes, on est menacé par l’écueil du cliché ou de la banalité, et on déçoit les connaisseurs. Si on les aborde en « spécialiste », c'est-à-dire en amoureux passionné qui connaît son affaire, on peut flatter quelques happy few par des allusions d’initiés en risquant d’ennuyer profondément les béotiens. Cette dialectique est particulièrement vraie quand on évoque un homme comme André Suarès. Je choisis donc de tenter de faire « découvrir » cet écrivain et, puisque son statut de « maudit » rend mécaniquement faible le nombre des élus qui l’ont connu et l’apprécient, je suis censé parler ici au plus grand nombre.
André Suarès est inconnu, c’est de notoriété publique. D’un homme qui a écrit plus de cent ouvrages, il est un peu normal que le grand public ne connaisse pas tout. Il est un peu moins habituel qu’il ne connaisse absolument rien, pas plus l’œuvre que le nom. D’autant que ce nom a été su par tous ceux qui firent la littérature avant-guerre, autant pour l’admirer que pour le détester, d’autant surtout que la qualité de son œuvre, de ses vues, de son ambition et son intelligence fulgurante le place à un niveau supérieur. Mais voilà, Suarès n’a jamais écrit de roman. Pas moyen de résumer un de ses livres par une formule comme « c’est l’histoire de… ». Chez lui, tout est littérature, tout est dans l’art de raconter, de parler, d’évoquer ou de se battre. Son œuvre composite, mélange d’essais esthétiques, de carnets de voyages, de poésie, de pamphlets virulents, de rêveries ou de théâtre, trouve son unité dans un humanisme exigeant et un amour exclusif de la beauté. Ce dernier point est probablement celui qui lui a fait le plus de torts, et qui contribuera toujours à son oubli dans une époque entièrement soumise à la laideur produite industriellement. André Suarès fut un grand passionné, et sa passion d’écrire trouve son accomplissement dans sa continuelle critique des grandes œuvres. Plus que Nietzsche lui-même, il a ruminé les trésors de l’art occidental toute sa vie durant et parvint toujours à en montrer l’unité, l’épine dorsale, à dégager les principes qui les apparentent les uns aux autres. Personne n’a écrit avec autant de profondeur ni de partialité sur Dostoïevski, sur Beethoven, sur Dante, sur l’Italie de la Renaissance, sur la Grèce (sa seconde passion, après la France), sur Shakespeare. Ses livres sont des collections d’essais où l’intransigeance de ses passions éclate partout, où l’amour dangereux du sublime et de la grandeur mène parfois à une certaine grandiloquence dans un style tranchant. C’est un de nos plus grands aphoristes. Sa phrase se structure autour d’une idée en train de naître, et qui semble progresser par affirmations successives, aphorismes qui précisent, encadrent et accomplissent l’idée à coups de fulgurances.
Son maître ouvrage, le Voyage du Condottiere, fut écrit sur plus de trente ans. C’est le surprenant récit de ses voyages en Italie entre 1895 et 1928, mais c’est bien plus qu’un récit de voyage (qu’il débute par cette phrase « Le voyageur est encore ce qui importe le plus dans un voyage »), c’est un hymne. Chaque endroit, chaque œuvre, chaque fait, chaque palais et chaque ruelle lui inspirent un chant où passent son érudition, son lyrisme, sa poésie, son amour de la grandeur et son culte de la beauté, sa mythologie personnelle et son envie de se battre. Lui, le plus grand des critiques, dépasse de beaucoup ce genre par la passion qu’il y met, la partialité, l’ampleur des vues et surtout la poésie, un peu comme Jules Michelet dans un autre domaine. La différence essentielle d’avec les critiques « standard », si l’on peut dire, c’est qu’il ne juge les œuvres et les personnages qu’en fonction de leur poésie. C’est son ultime critère, celui qui, à Sienne, le fait s’attarder sur un palais d’apparence banale, parce qu’il y a vu une façon d’orgueil poétique auquel il identifie sa propre quête des hauteurs. Son voyage est celui d’un Condottiere, comme le surhomme de Nietzsche est un homme sur-vivant, vivant une vie plus vive que les autres, et au dessus d’elles. Ce qui surprend le plus, peut-être, dans son œuvre, c’est la permanence des vues originales, des points de vue surprenants et toujours personnels, jamais mièvres, et surtout sa prodigieuse capacité à relier entre eux des éléments apparemment sans rapport mais qui, éclairés par sa sensibilité et son érudition, nous font mieux comprendre l’unité élémentaire de l’Art.
Toute personne affirmant avoir visité l’Italie et la connaître sans avoir lu le Voyage passe, à mes yeux, et immédiatement, pour un fanfaron.

Suarès est né en 1868, il meurt en 1948, sa vie couvre donc trois guerres, trois invasions et très logiquement, la question de la guerre occupe une bonne part de son œuvre. Politiquement, il fut un patriote, le plus fanatique de tous, dans une formule inédite où le fanatisme n’aveugle pas (ou peu) l’intelligence. C'est que son intelligence était tellement au dessus de la norme que, même fanatisée par son amour de la patrie et sa vision grandiose de la France, même rendue partiale par la douleur de la guerre, elle conservait plusieurs coudées d’avance sur celle de la plupart de ses contemporains. Durant la Grande guerre, il écrit des pamphlets anti boches d’une violence inouïe, d’une lucidité prophétique aussi. Il n’a pas attendu le nazisme pour fustiger la passion de la race chez les Allemands, et pour annoncer ce qui allait advenir. Dès 1915, il écrit « La nation contre la race », établissant de chaque côté du Rhin deux principes inconciliables et appelant, dans un style à la hussarde, à abattre les barbares. Chez lui, en ces époques lointaines où la police politiquement correcte n’avait pas encore lâché ses indics sur les masses, les barbares sont traités de gorilles, de brutes, de singes à mâchoires, d’infectes punaises. Un verbe dur dans un esprit fin, choses presque totalement disparues de nos jours... Un des seuls livres de lui qu’on cite aujourd’hui est son Vues sur l’Europe, paru à partir de 1934, où il emploie les plus grands moyens pour tenter de convaincre l’occident du danger mortel du nazisme. Il est immédiatement traité de fou, de provocateur et s’enfonce un peu plus dans la marge. C’était l’époque où le ministère des Affaires étrangères interdisait à la NRF (et donc à Suarès) tout article contre Hitler ou Mussolini, qu’on ménagea jusqu’au bout (pensons qu’un enculé (non Allemand) a même proposé Hitler au prix Nobel de la paix en 1939 !). Dans ses Vues, Suarès annonce ce qu’Hitler annonçait lui-même dans son Mein kampf, c'est-à-dire à la fois la guerre, l’écrasement de la démocratie et de toute possibilité d’opposition, le martyr des Juifs, etc. Avec une hargne de fanatique, il exhorte les démocraties à faire la guerre, à écraser préventivement celui qui bientôt, écrasera l’Europe, car il sait, il a compris qu’on ne pourra pas éviter la guerre, il a compris avant tout le monde que deux principes se trouvaient en conflit et qu’il faudra y aller. En ce domaine comme en tous les autres, Suarès est d’une pièce : il détestait les pacifistes (dont son ami Romain Rolland) et traitait les neutres de « chiens ». On ne l’a pas entendu.

Pour lui, « le termite jaune et l’automate américain » sont les deux plus grands dangers qui menacent la civilisation européenne, dans laquelle la France a la première place. Par ces deux images, il fustige l’avenir, notre présent en quelque sorte, c'est-à-dire le monde désenchanté qui sacrifie toute vie aux dieux Travail et Argent. Dès avant 1900, il annonce ce que produiront le communisme et le capitalisme en termes d’aliénation de l’homme. C’est probablement ce qui lui vaudra le plus d’ostracismes, jusqu’à aujourd’hui : il clame à la même hauteur sa haine du capitalisme et celle du communisme, en un siècle si capitaliste qui a tant rêvé de communisme. Parmi les intellectuels et les artistes, races les moins tolérantes et les moins faites pour pardonner, il fut l’un des seuls à ne pas tomber en pâmoison devant le superbe Lénine, à ne pas ouvrir les bras au splendide Staline, à ne pas lécher le cul à un Parti, fût-il internationaliste. Trente ans avant qu’un Gide commence à douter de la perfection soviétique, avant même la révolution d’Octobre, il annonçait ce que serait fatalement l’expérience communiste : l’empire de la Caserne. Le Bernanos de La France contre les robots, paru un an avant la mort de Suarès, est son meilleur continuateur, et il partage avec lui ce don prophétique, fruit de l’intelligence, qui nous étonne toujours.


Il est difficile de citer Suarès, il faudrait copier des ouvrages entiers. Il est très peu réédité : que chacun se démerde. Au hasard d’une relecture, je tombe sur ce texte de 1936, intitulé Plèbe et peuple, bien actuel dans son fond : « (…) J’ignore ce que pourrait être l’amour de la France, si l’on n’aimait pas les Français. C’est à la vie de ce peuple, à ce qu’il fut, à ce qu’il peut être encore, à son génie, que je tiens. On le presse de toutes parts ; on l’attaque, on le nie. (…) Français d’hier ou de la veille, soudain transplantés du Nord et de l’Orient dans les faubourgs de Paris, ils n’ont pas conscience du mal qu’ils font au pays qui les accueille. Ils y campent encore et se donnent le droit de juger impudemment ce qu’il faut garder ou non de l’œuvre de vingt siècles : ils n’y sont pour rien, que pour l’avantage qu’ils en retirent ; et ils se permettent pourtant d’en avoir un avis. Qu’ils en aient un, soit ; mais qu’ils l’expriment, non ; et s’ils veulent le faire prévaloir par la violence, ils passent la mesure. Ils ne sont pas du peuple, et ils parlent pour lui. A peine sont-ils de la plèbe, cette lie confuse que tous les flots du hasard, des migrations, de la misère poussent dans les immenses capitales. Il faut du temps à la plèbe, pour devenir peuple : il faut bien des ans, sinon des siècles, pour faire un citoyen. Il est aisé de se dire citoyen du monde, quand on n’est citoyen de nulle part. Un peuple n’est pas une racaille qui ne vit, misérable, que pour ne pas mourir de faim, et dont toute l’âme est dans le ventre. Une nation est un esprit. On le reçoit de la terre et du ciel, en naissant ; on ne l’échange pas contre un autre, comme un billet de banque. (…) »

Pour terminer ce trop court billet, je veux citer la phrase qui me semble le mieux résumer la mission que Suarès s’était donnée, et qui le qualifie tout entier.
« Pour ennoblir, il n’est que l’artiste et l’homme d’action : par l’œuvre vivante et par l’exemple. Si l’on dit : Même pas ! j’y souscris. Du moins, le véritable artiste s’ennoblit-il lui-même, et quelques uns avec lui. C’est pourquoi nous ne lutterons point contre les plèbes insolentes ni par le fer ni par le feu. Mais il est en nous de nous roidir et de faire notre preuve, qui est premièrement de ne point céder sur la vertu noble et de consentir, pour qu’elle se manifeste, à notre entier sacrifice. » Sur la vie, (tiré des Chroniques d’Yves Scantrel, 1910).

20 décembre 2009

CGB Dimanche du 20/12/2009


Retrouvez aussi dans ce numéro:






Sport:
- Fifa : les bleus auront les mains coupées pour la prochaine coupe du monde.
Politique:

- Georges Frêche/ Loulou Nicollin: "la septimanie c'est pas pour les fiottes!"

- Anelka "Si à 20 ans tu n'as pas de lamborghini c'est que t'as raté ta vie".

- Décès de l'ayatollah Montazeri : Zinedine Zidane ne regrette rien.

- Lip Dub : changez de monde loin de l'UMP

- Noël : le père Noël sera reconduit à la frontière

People:
- Augustin Legrand nominé aux Goldens Melons!

- Tiger Woods - Ses conseils pour réussir un 18 trous :"d'abord il faut trouver 6 meufs !"

- Nicolas Anelka rejoint Nicolas Miguet!

- Le chirurgien américain de Johnny impressionné: "Une bête de scène, il râle comme personne."

- Révélation ! (dans la série "ces élites qui nous mentent") Le vrai nom de Carla Bruni est Charlotte Marron

Economie:
- Gros succès des écrivains russes pour Noel, Tolstoi 're us ouvre son premier magasin !

- Les cliniques de chirurgie esthétique sous le choc: "si Johnny meurt, on meurt aussi!!"

Environnement:
- Sommet de Copenhague:
Yann Arthus-Bertrand change de moustache

- Vague de froid en plein Sommet de Copenhague : N. Hulot soupçonne un complot chinois!!

- Problème de climatisation à Copenhague : le plombier polonais propose son aide.

BONUS:
- Mieux que les bottes de Francis Lalanne: le string d’Oskar Freysinger offert dans ce numéro!

La bibliothèque du CGB

Ami lecteur, tu veux offrir des livres pour culturer ton entourage? Tu hésites entre les dernières prévisions du mage Attali et "le secret des maçons pas francs" de Dan Brown?
Que de choix, que de choix...
Heureusement, le CGB pense à toi. Ses plus fins lettrés ont établi une liste incontournable:

Elle fait bander la France




Il voit des palestiniens allemands


La loi le rappelle à elle


Une femme atomique


Attention, ça mord


Alors, merci qui?

19 décembre 2009

16 décembre 2009

On peut gagner en faisant les mauvais choix

Sur Twitter entre 10 messages où il nous explique que la vie c'est trop injuste parce qu'il n'a toujours pas reçu d'invitation pour GoogleWave, Jacques Rosselin demanda à l'aube du "gros débat" de ce début de Novembre "qui a un bon texte sur l'identité nationale à proposer ?" (ou un truc dans le genre).

Je me suis dit, ça me ferait bien marrer de lui en proposer un. Mais ça m'emmerderait. Et je suis fainéant. Et puis surtout, il serait obliger de s'opposer à ce que je dis comme le ferait Eric Besson, ou Nicolas Sarkozy, autant dire le mal. Et je suis également quelqu'un de très altruiste. Alors j'ai préféré en resté là.


Même quand il nous montrait que Vendredi n'était pas si "alternatif" que ses créateurs le clamaient en criant comme tout le monde à la censure du site officiel du "débat"
sur l'identité nationale. Inutile de faire un effort pour y voir plus clair ; les interventions citées par certains webtorchons en exemple de messages censurés étaient d'un ridicule consternant.

Réfléchir à une identité nationale hypothétique, c'est faire le lit du nationalisme, en douceur, l'air de rien.


Passons la faiblesse intellectuelle tautologique et la moraline niaise façon prêt-à-penser. Cette "contribution" au "débat" est l'oeuvre d'une "enseignante", "Agnès Lenoire" nous renseigne-t-on. Personnellement j'aurais écris un truc aussi nul j'aurais certainement pas accepté qu'on le publie. Je ne parle donc même pas d'ajouter ma signature à cette oeuvre d'art...
Bah, c'est qu'elle doit en être fière, le pire... Vous me direz, il y en a qui sont fier de leur pays...par exemple la France. Bon ok c'est des nationalistes et c'est mal. Mais est-ce pire que d'être fier d'avoir écris les conneries d'Agnès ?

Et puis entre nous, Rosselin et consorts qui s'indignent...j'aurais proposé ce texte à mon ami Vendredi je suis pas sûr qu'il aurait trouvé le moyen de le publier dans son machin si rebelle, décalé, et "participatif". La vraie censure commence peut-être par appeler ce qu'on n'approuve pas censure.

Entre temps le FN avait créé son site pour montrer qu'il est définitivement devenu un parti d'opposition réactive idiote, "gentil" et "dans le système" type Parti Socialiste...une machine supplémentaire à faire gagner la droite en somme.

Bref...les temps passent et vient alors l'événement du mois : les deux matchs de qualifications de l'Equipe de France pour la Coupe du Monde de Football 2010. La première Coupe du Monde d'Afrique. Il faut absolument que la France y aille nous prévient Rama Yade. Faisait-elle une blague raciste ?

Les matchs arrivent et vient alors l'intervention de génie : Rosselin fait sur Twitter le lien entre l'identité nationale et le football. Je tiens enfin l'article à lui proposer. L'accomplissement de toute une vie.

C'est vrai. Depuis que je suis petit j'adore le foot. Le pratiquer et puis avec l'âge (une preuve qu'en grandissant on devient bête ?) le regarder (enfin, pas des matchs de Ligue1, faut pas pousser non plus). Bon c'est sûr c'est pas spécialement original. Et puis j'ai jamais penser à devenir un grand joueur et tout hein. Mais bon, j'ai toujours trouvé ça fascinant. Quand on y pense tout simplement, ça l'est. Je veux dire...jouer avec quoi les pieds quoi...

Mais c'est pas le mieux. Le foot, on peut y jouer, on peut le regarder. Mais on peut en parler aussi. Et ça, c'est presque le mieux. Faut avouer, il n'y a jamais rien de mieux que de parler pour ne rien dire. Et en France, on peut se laisser penser que c'est un peu notre identité nationale, de parler pour rien dire.

Par exemple, on a souvent dit qu'en France il y avait "60 millions de sélectionneurs". Parce que quand Ginola décide de faire un centre pour personne MadeInLigue1 juste avant la fin du match pour permettre aux Bulgares de crucifier la France devant l'avion pour la World Cup 1994 (USA), "tous" les Français y allaient de leur analyse sur le pourquoi du comment de cette tragique non qualification par une équipe de brelles (qui atteindra quand même les demi-finales...). Parce que quand au Mondial 2002 (le plus moche avec celui de 1990, sauf que dans ce dernier l'hymne n'est pas signé Vangelis...) l'Equipe de France décide qu'elle est tellement forte qu'elle peut se mettre comme handicaps Frank Leboeuf, un Dugarry et un Djorkaeff déjà à la retraite et Djibril Cissé... le tout soutenu par Johhny Hallyday, bah forcement "tout le monde" se sent obligé de commenter dans les bistrots de notre beau pays. Plein de choses comme ça...mais surtout on parle et on parle encore quand Domenech fait tout pour que n'importe quel beauf puisse le remplacer sur le banc de touche...

Recemment Cantona lança "Domenech est le plus mauvais entraîneur depuis Louis XVI" et exprima alors ce qu'on pensait à peu près tous, nous les "60 millions de sélectionneurs" (bon à part que je savais pas que Louis XVI avait entraîné l'Equipe de France). Ce mec est un scandale vivant. Laisser un à trois pauvres malheureux attaquer dans une finale où dès la deuxième période les Italiens n'avaient plus les jambes pour le faire et rendaient donc de plus inutile au moins un des deux milieux défensifs c'est juste tactiquement l'incompétence à l'état brut. Et ça ne fait que démontrer que s'il est arrivé là c'est certainement pas grâce à lui, mais plutôt à un groupe d'une ridicule faiblesse, à un préparateur assez génial pour qu'on puisse faire courir des papys pendant 120 minutes là où l'Italie s'arrêtait à la 45ème, et enfin à un Zidane catalyseur d'une équipe qui ne voulait jamais que le match qu'elle joue soit le jubilé raté du meilleur joueur du monde de l'époque.

Malouda. Ni plus, ni moins. Sous couvert de sa capacité physique et de sa compatibilité avec Abidal qui permettait de renforcer défensivement l'aile gauche française, Domenech nous a donc infligé Florent Malouda. Autant dire qu'avec ce genre de considérations tactiques Domenech avait décidé de faire jouer la France comme des Ecossais. Encore plus chiant qu'en 1998.

Soit, un mec qui a décidé que Malouda était un titulaire indiscutable de l'Equipe de France ne mérite pas de gagner la Coupe du Monde. Mais voilà, le mérite n'a rien à voir avec le sport. Pour ça, il faudrait que le sport soit juste. Mais comme tous les 65 millions d'experts de notre pays ont pu le voir avec le diable Henry, le sport n'est pas juste. Bah, il y aura bien des gens pour dire que c'est juste le foot qui est corrompu par toutes sortes de choses et principalement l'argent. C'est une critique très puissante et nuancée mais elle ne s'applique pas qu'au sport et encore moins qu'au foot il me semble...
Et puis de toute façon, à Athènes en 2004, Vanderlei de Lima, premier du marathon avec une bonne avance, se fait ceinturer par un "spectateur", perd pas mal de secondes et sûrement toute sa concentration (soit un truc assez important pour un marathonien dans les 7 derniers kilomètres...) de sorte qu'au final il échoue à la 3ème place. No comment.

Les grands penseurs du sport diront que c'est du fatalisme ou de l'esprit de perdant mais il est indéniable que ce n'est pas toujours le meilleur qui gagne. Sinon pourquoi la Grèce a gagné l'Euro 2004 ? La réponse de Domenech et d'autres penseurs pré-cités serait toute simple : l'équipe n'était peut-être pas la meilleure à la base, mais grâce à une organisation tactique travaillée et respectée elle a su être meilleure pendant les matchs. Autant dire qu'entendre ce genre de superbes analystes dire "que le meilleur gagne" avant un match c'est l'occasion d'assister à l'accomplissement du vide total. Pour eux, celui qui gagne est forcement le meilleur. Mais non. Et pour notre ami Raymond, précisons : on peut même gagner en faisant les mauvais choix.

Regardons du côté du poker. Vous arrivez à une table où le niveau est globalement bon. Mais un joueur débutant s'est incrustré "pour faire le pigeon" vous renseigne votre pote. Le problème c'est qu'en suivant des tapis avec rien et 3 cartes à tirer il gagne des coups insensés depuis le début de la partie. Vous vous retrouvez en duel contre lui après avoir posé votre jeu pour attendre le bon moment pour prendre les jetons d'un joueur qui paye facilement. Arrive AA. La suite on la connait, vous aurez joué d'une manière parfaite, non seulement pour une partie de haut niveau, mais pour faire face à un joueur débutant, et ce dernier en faisant n'importe quoi va vous battre. En faisant les mauvais choix à chaque main il gagnera. On peut s'appeler Domenech ou tout autre intellectuel de haute volée dans le style mais dire que les choix ne sont pas mauvais puisqu'il a gagné et payer un tapis préflop avec 7 et 2 non appareillés contre un joueur sérieux qui a AA c'est un mauvais choix, qu'importe qu'à la fin vous gagnez.

Intuitivement on voudrait répondre que le poker est un jeu de hasard. Ou du moins que c'est plus un jeu de hasard que le football. Et du coup les choix sont plus prépondérants au football. Mais n'oublions pas qu'au football le sélectionneur n'est pas sur le terrain... Ce qui appuie cette vérité : on peut gagner en faisant les mauvais choix.

C'est ici que se joue la principale ligne d'attaque contre Domenech. Son discours est le suivant "j'ai fait ce résultat à ce match c'est donc que l'autre gros naze qui court mais qui a deux pieds gauches n'est pas si nul que ça". Pourtant le copain d'Estelle Denis est tributaire de nombreuses déconvenues françaises. L'exemple type est peut-être bien ce match retour en barrages contre l'Irlande justement. Gignac en pointe ? On a fait de ce mec un sauveur parce qu'il a marqué l'unique but aux Iles Féroés et qu'il en a claqué deux au retour (plus un sur les trois de la France contre une Autriche qui n'en n'avait plus rien à foutre)... Lamentable. Que ceux qui n'y connaissent rien le plébiscitent unanimement ça peut passer, mais le sélectionneur de l'Equipe de France ? Lui n'a pas le droit d'être aussi incompétent. Résultat : bah contre une vraie équipe (pas non plus exceptionnelle faut arrêter aussi...) comme l'Irlande Gignac n'a rien branlé. Si, un ballon directement en touche alors qu'il était devant le but vide après un gros travail d'Anelka. Et Benzema ? Je veux bien qu'il n'ait pas été monstrueux avec l'Equipe de France et qu'il soit con comme un balais, mais eh, les mecs, on parle de foot hein, pas d'échecs. Le réalisateur de Trainspotting disait : "Le cinéma, c'est comme le foot : un jeu simple compliqué par des idiots." On voit bien ici que les idiots ne sont pas que les joueurs. En plus il se contredit ce bougre de Raymond, parce que putain dans ce cas comment Abidal a pu faire 3 matchs en défenseur axial alors que la première fois qu'il l'a fait (Euro 2008 contre l'Italie) il a pris un carton rouge et a donné un penalty légitime ? Pourquoi Frey n'a pas eût la même chance après sa boulette face à l'Ukraine (dans un match qualificatif sans enjeu...) et surtout face à des buses comme Coupet ou Mandanda ? Non, Domenech après avoir viré Benzema, le meilleur attaquant français avec Anelka, au profit d'un manouche gras fils spirituel de Guivarch, s'apprêtait à répondre à ses détracteurs de la manière suivante : "vous avez raison, je suis nul".

La preuve : bon, passons sur le fait que Henry n'a pas dribblé un joueur balle au pied depuis 2002. A la 56ème minute de ce match de légende on est heureux d'apprendre que Gignac va sortir. Merde Domenech m'a entendu pleurer en criant "Putain Domenech connard dégage moi ce gros porc de voleur de poule de ferrailleur de mes deux ça fait chier là !" (C'est que le foot me fait parfois devenir un peu bête). Miracle. Viens le gros hic : alors que l'Equipe de France est menée au score et se fait violer sur le terrain par une Equipe d'Irlande sur le point de décrocher le ticket pour l'Afrique du Sud, Domenech pense que celui qui doit remplacer Gignac c'est Govou. Oui Govou, ou le non talent incarné, syndrome du sport de haut niveau où le talent disparait de plus en plus pour la puissance physique. Govou, et non pas Benzema, un mec capable de rater un caviar au point de penalty pour ensuite enchaîner un triple passements de jambes puis une frappe en pleine lucarne à l'entrée gauche de la surface. Benzema donc, va pouvoir se la toucher sur les bancs pendant que d'autres ont le luxe de pouvoir faire ça sur le terrain. Puis Domenech accomplit un acte de pur génie, un truc qui pourrait rentrer les annales des pire choix en tant que sélectionneur. A la 87ème, il retire Gourcuff pour...Malouda. Le pire c'est que ce dernier est bien meilleur qu'en 2006 mais tactiquement que voulait Domenech ici ? Il ne maîtrisait plus rien donc il s'est dit "bon on va retourner dans mon schéma à la Grèce" avec 9 défenseurs et 2 attaquants... Là où le destin est grand, c'est que cette fois-ci il n'aura pas pu nous sortir son "bah vous voyez que j'avais raison" puisque le but de la qualification est trois fois à chier : d'abord c'est un coup de pied arrêté, ensuite il y a hors-jeu à la base, et enfin il y a main. Le "scandale" autour de la main (passons toutes les considérations d'experts genre Dechavanne qui ne comprennent pas vraiment ce qu'est le football) c'est surtout ça : l'évidence aux yeux de tous du fait qu'on peut gagner en faisant les mauvais choix.

Le pire c'est qu'avec tout ça, Domenech nous joue la jurisprudence Aimé Jacquet, qui dit qu'un sélectionneur qui fait plein de choix qui vont contre l'opinion publique et qui est donc détesté unanimement peut quand même gagner la Coupe du Monde... Hormis le fait qu'on a montré que ce n'est pas parce qu'on a gagné qu'on a fait les bons choix, ici il faudra quand même expliquer à Raymond que contrairement à Aimé Jacquet si ses choix sont conspués, c'est parce qu'ils sont indiscutablement mauvais. Jacquet lui a été détesté d'abord pour ses choix qui allaient contre l'opinion : il écarte Papin, Cantona et Ginola de l'Equipe de France dès 1996. C'est un peu comme si Domenech avait écarté Ribery, Gourcuff et Benzema... Non le pauvre Raymond est vraiment naze. Parce que si on peut dire que Jacquet a manifestement été très fort durant son exercice avec une demi-finale d'Euro et une victoire de Coupe du Monde en faisant jouer à la France un football révolutionnairement chiant, on peut surtout s'accorder sur le fait que le football de Domenech est non seulement plus chiant, mais surtout beaucoup moins efficace. Et tout ceci avec à sa disposition un effectif bien supérieur.

Au final la seule chose sur laquelle a raison Domenech est que les Français sont hypocrites. Ils trouvent le jeu de Jacquet lourd et ennuyeux à mourir, puis quand celui-ci gagne la Coupe du Monde ils en font un demi-Dieu. Ils trouvent Domenech encore plus chiant et plus nul et quand ce dernier au vu de son incompétence (euh non pardon Raymond, t'as raison, au vu du fait que "maintenant toutes les équipes sont fortes, et les Iles Féroés faut pas les prendre à la légère ils sont pas si mauvais, etc"...) fout l'Equipe de France dans le trou et à la limite de ne pas jouer la Coupe du Monde 2010 ils forment une sorte d'union sacrée autour de lui et de l'équipe pour décrocher le billet pour l'Afrique du Sud...comble de l'hypocrisie, ils retournent encore leur veste pour crier au scandale quand la qualification déifiée pointe le bout de son nez. A mort la France, vive l'Irlande, ça c'est des vrais. Ca doit être ça l'identité nationale française, une sorte d'humanisme lointain qui consiste à préfèrer les clochards qui vivent à l'autre bout de la planète que ceux qui font la manche sur le pas de notre porte.

Sinon, Jacques, j'ai des invitations à offrir pour GoogleWave.