30 mars 2013

Fureurs et Mystères

Qu'est-ce qui t'a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre ?

Assis dans une bibliothèque municipale. Déconcentré par l'observation perverse. Une fille passe, et plus rien ne se met à penser. Regarder des gens s'arrêter devant les étagères de philosophie. Qu'ils semblent perdus... Un lycéen ou un prépa littéraire bloque devant les bouquins, la liste donnée par son professeur pour une dissertation à la main, cherchant minutieusement les titres comme on cherche une réponse à un problème de maths sur la copie du voisin. Le face à face avec ces livres, c'est un visage dessinant une angoisse teintée d'incompréhension admirative. Le "peuple" est hermétique à la philosophie car il tient la philosophie pour hermétique. Un blockbuster sans making-of. Un autre monde. Mythique. Sacré.

Kierkegaard a d'ailleurs un nom qui porte déjà en lui une aura particulière. On lit sa philosophie dans la constrution de son nom, ces doubles voyelles emprisonnées par des consonnes aggressives, un son mécanique... Une autre fille passe... Pour quelle raison ?

Perfection in every details
Fabricated from
the curl of the hair
To the tip of the nail
Because our units never fail
We know you'll be happy.

I need a unit to sample and hold.
But not the lonely one
A new design, new design

Don't hesitate to give us a call
We know you'll be satisfied
When you energize
And see your unit come alive
We know you'll be happy.

I need a unit to sample and hold.
But not the lonely one
A new design, new design

Les filles sont belles parce qu'on peut les résumer en une chanson, un poème, un film, voire une phrase. On ne peut pas résumer Kierkegaard en une phrase. Même un seul de ses livres. On ne peut même pas résumer son nom, à vrai dire.

Il semble qu'il ne ratait pas une représentation du Don Giovanni de Mozart quand celle-ci se présentait à lui. Son Journal du Séducteur ne fera pas dire le contraire. Le personnage décrit sous un pseudonyme en forme d'alter-ego (on se demande alors : un ego n'est-il pas toujours alter ?), Johannes, est bien proche de cette réplique du héros de Molière : "tout le plaisir de l’amour est dans le changement." (Acte I, scène 2).

Qui mieux que ce personnage inspiré de Don Juan et de la vie du philosophe pourrait rendre compte de ce stade où l'homme vit dans une sorte de "carpe diem" dans sa signification la plus triviale, où l'on vit de l'instant présent et de toutes ses jouissances ? Le narrateur note : "toute sa [Johannes] vie avait pour but la jouissance".
Quand ce même narrateur avoue "ah ! une mauvaise conscience peut rendre la vie intéressante", on voit poindre un sous-entendu quant à la vie "esthétique" du séducteur. Une introduction ambiguë car le narrateur veut assouvir son désir de connaissance quitte à payer le prix de la mauvaise conscience entraînée par la façon dont il se procure cette connaissance, de la même façon qu'un séducteur veut assouvir son désir.

“La femme inspire l’homme tant qu’il ne la possède pas” et c'est pourquoi l'homme sauve la femme (mais la sauve uniquement pour lui. La femme, elle, ne considère pas avoir à être sauvée, et elle a sans doute raison) par l'art, puisque ce dernier, en revanche, l'homme ne pourra jamais le "posséder". "Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d'être" écrivait Pascal dans les Pensées.
Mais en essayant de sauver la femme, l'homme se perd...

Si la vie de Johannes est qualifiée de "trop intellectuelle", il finira donc dans le désespoir qu'il essayait de fuir, égaré entre "le monde dans lequel nous vivons" et celui "loin à l'arrière-plan". Et oui, tout près, là, derrière la vie, il y a l'idéal... A moins que ce ne soit l'inverse... Le narrateur finit son portrait : "cela sera plus horrible encore pour lui""moi aussi j'ai été entraîné dans ce monde nébuleux, dans ce monde des rêves où à chaque instant on prend peur de sa propre ombre. Souvent j'essaie en vain de m'en arracher".

Tiens, ça fait penser à Nerval...

Je suis le ténébreux - le veuf, - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie;
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Une fille encore. Dans les escaliers cette fois. Descente et sortie des lieux ralenties pour optimiser l'observation de ses formes. Dans la rue, une autre vient vers moi, déballant un speech "humanitaire." Tout chez elle est d'une laideur... "On ne réfute pas un Allemand avec un argument, mais avec de la rhubarbe", disait Nietzsche.

29 mars 2013

Troquer la fiction pour la réalité

revolutionnaire 

Le révolutionnaire, c’est celui qui veut changer la réalité. Moi, la réalité me va plutôt bien au fond. C’est la fiction que je voudrais remplacer : celle dans laquelle on vit, celle qui enveloppe notre réalité à tous les niveaux de la société moderne. Cette pellicule de cellophane qui enrobe les choses, les mots, les coupe du réel et les anesthésie, à la fois invisible mais qu’on peut sentir partout. Cette couche de « bullshit » qui encrasse la vie.

L’évolution des voitures en est une bonne illustration : chaque fois que j’en loue une, je peux voir les petites nouveautés intervenues depuis la fois précédente. Chaque fois, le véhicule a une nouvelle raison de biper, sonner, alerter. Bip pour la ceinture pas attachée, bip pour l’obstacle détecté devant ou derrière, bip pour la clé restée dans le contact. En termes de confort, les sièges, l’habitacle, la conduite, sont toujours plus cotonneux, on est toujours mieux calé dans le siège et les accoudoirs, le silence du moteur est tel, le plastique et les petites boîtes sont tellement partout, qu’on monte à 180 sans s’en apercevoir, sans plus de vibration ni de bruit qu’à 40 km/h. Gadgets électroniques et mouchards, la voiture vous dit à quel moment il serait bon de changer de rapport, ou bien que vous roulez depuis x temps et qu’il serait temps de faire la pause réglementaire. Bientôt elle se rangera toute seule sur l’aire d’autoroute quand elle le jugera nécessaire.

Et si moi, ce que je veux, c'est une caisse neuve, mais qui vrombit, qui sent le pétrole et qui me laisse conduire comme je l'entends ? Est-ce encore possible ? Car à la fin, on n’a tout simplement plus l’impression de conduire. Ni même d’être à bord d’un engin motorisé. On est dans un cocon parfumé, coupé de toute sensation, la voiture déploie ses petites astuces de confort qui sont aussi des astuces de contrôle. Attacher sa ceinture n’est plus un choix quand un automate vous siffle comme un chien. Niquer son pare-chocs arrière n’est plus une liberté quand un sonar vous hulule aux oreilles.

Bullitt_mustang

Il en va pour l’innovation automobile comme pour l’ensemble de notre société. Le mot « aseptisé » ne dit plus suffisamment ce dont je parle. Ce n’est pas la réalité que je voudrais changer, c’est la fiction, et la fiction ce sont tous ces aspects que je vilipende à longueur de blog : l’information, le spectacle, le journalisme, le nouveau langage, ce qu’on dit et ce qu’on entend. Ce sont les fausses causes, les faux scandales, les fausses offuscations, les dérapages montés en épingle. Ce sont les nouveaux métiers du tertiaire, vidés de substance. C’est le marketing qui refonde la réalité. C’est un paquet de sucre en poudre qui se nomme « partenaire de vos gâteaux » plutôt que « paquet de sucre en poudre ». C’est une boutique Nespresso. C’est le design tout en rondeur. C’est la substitution du bon sens par le tout-judiciaire et les procès pour rien. C’est la simplification à l’extrême de la pensée, des opinions, la réduction des débats au Débat.

Pour retrouver ce dont je parle, pour se rendre compte de ce que cette atmosphère de plastique a ôté en fait de tourbillonnement et d’authenticité, il suffit parfois de regarder l’arrière-plan de films français des années 70, souvent imprégnés d’une certaine réalité sociale. Ou encore d’aller à l’étranger, là où la vie est encore mouvante. Là où la vie a encore une odeur. Marcher dans Istanbul et respirer l’atmosphère franche et légère de quotidien, les huiles qui puent la graisse, les rues poussiéreuses comme si les gens marchaient dedans, les grills luisants comme s’ils cuisaient de la viande, les chiens sales comme les briques, les boutiques de CD hurlant de la musique, les gens qui habitent littéralement la rue et y travaillent, là où à Paris, les Parisiens ne semblent là que comme figurants et comme passants. Tout cela sur la voie publique. Plus de second degré, plus de cynisme. La vie en vrai, crue, tartare. Fierté des banderoles, des affiches, des enseignes, mots et messages en turc, là où nous révérons tout ce qui est anglo-saxon. Circulation à 100 en ville sans jamais regarder le rétro : responsable de ce qui se passe devant, pas derrière. Charme du système D où chacun est responsable pour soi, et où paradoxalement, le bon sens et la confiance reprennent leur droit. Le chauffeur de bus, puisqu’il conduit, laisse au passager monté à côté de lui la tâche de faire la monnaie aux passagers de derrière, ils se passent de main en main l’argent qui paye le trajet. On est entassés, on paye en fonction de la distance qu’on veut parcourir, rien de plus facile que de tricher mais ici personne ne le fait.

Qui, aujourd’hui, est « l’homme sain », et qui est « l’homme malade » ? Ce n’est peut-être pas de la Turquie dans l’Union européenne, dont nous avons besoin, c’est d’une pincée de cet esprit, de ce courant d’air, dans le quotidien blafard de nos sociétés modernes.

25 mars 2013

Conspi nation




Comme le rhume, les hémorroïdes ou les échardes qui viennent se glisser sous un ongle, l’esprit de conspiration a probablement toujours existé. Quand nos ancêtres se balançaient encore dans les arbres, certains d’entre eux savaient déjà que ça ne durerait pas, et qu’un groupe de dissimulateurs projetaient de s’installer au sol, ambition lourde de menaces. Evidemment, personne ne les crut, et l’on connaît la suite. Les descendants de ces singes-méfiants-à-qui-on-ne-la-fait-pas ont longtemps végété dans des caves, d’où ils tutoyaient quand même la lumière grâce à la perspicacité de leur esprit non-conforme.
Ces temps obscurs ne sont plus, et leur génie peut s’exprimer sans limite : nous avons désormais Internet !

Il est inutile de se perdre dans l’univers infini des Conspi pour en comprendre le fonctionnement : il tient en trois règles absolues
1) A part moi, tout le monde ment
2) La vérité se cache
3) Rien n’arrête un Conspi


13 mars 2013

Ils reviennent...


*Cette cascade a été faite par un professionnel. Ne tentez pas de la reproduire à la maison.

6 mars 2013

Le contestataire qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette


Les Femen étaient hier les invitées du Grand Journal. Elles étaient habillées. Y’avait l’Ukrainienne moche, du CAnal Femen historique, et Eloïse machin, celle qui lutterait contre la marchandisation du corps de la femme tout en tarifant 800 euros la nuit. Y’a pas eu de question sur l’euphémisme escort girl, mais un magnéto incrusté dans l’image disait : Femen, contestation mode d’emploi. Moi, j’ai rien contre les frangines. J’ai même eu une tata tapin qui trouvait que c’était le parangon du féminisme la prostitution. Par contre, on me fera pas prendre de l’art contemporain pour de la contestation. Je me suis mis à craquer des allumettes…

Le goût du chocolat

Le géant du meuble suédois Ikea, qui vend également de la nourriture dans ses cafétérias, a annoncé ce mardi qu'il retirait du marché ses tartes au chocolat baptisées «chokladkrokant» car elles pourraient contenir de la matière fécale.
J'apprends donc que les gens de goût ne se contentent pas de remplir leurs intérieurs de meubles façon "sciure de bois sur tranches plastiques"... Ces esthètes font aussi bombance quand ils passent le dimanche dans ces charmantes zones commerciales où poussent les Kikéa. Un régal de tous les sens :

Après Chavez, quelle relève contre le nouvel ordre mondial ?



Suite à la mort du leader vénézuélien, le CGB appelle à l’émergence d’une nouvelle figure de l’altermondialisme capable de lutter contre le système et de proposer un autre monde possible.

Après examen des potentiels candidats, Alain So Raël semble le seul à même :

  • de rendre aux Elohims le statut de peuple élu accaparé par les Juifs et le sionisme depuis trop longtemps,
  • d'instituer une ligne politique entre gauche du travail et droite dans ta gueule. Gauche du travail pour finir les travaux de plomberie de l’Ambassade des Elohim, qui commencent à prendre un sérieux retard. Droite dans ta gueule pour refonder les valeurs morales de la société, en refusant les institutions de la finance internationale qui détournent les sous de la poche de Raël, et en luttant contre le diktat du féminisme, qui égare certaines pucelles de leur mission première : sucer la bite à Raël.
Nous voulons un Chavez français !