22 septembre 2020
La folie croît
13 septembre 2020
Portrait du littérateur en son paletot
Cette rumeur caniculaire, c’est celle de mille jets d’eau tiède
rebondissant à travers les murs de papier, ruisselant d’appartement en
appartement sur les corps chauds des mignonnes, toute théorie de citadines
accablées, cherchant dans le pommeau salvateur le remède à l’anéantissante
pesanteur dans la nuit écrasée de chaleur –
corps d’albâtre, corps de miel, poignets délicats, toutes mille
variétés, brillants petits fessiers pommelés français, bien élevés, de race, en
coquinerie – errant dans des chambre étrangères, incapable de trouver le
sommeil au bord de lits défaits, je cherche, je palpe… des bibliothèques
inconnues. Je suis à Paris ! Paris !
Je descends, je m’aventure, les rues désertes, les bars du quartier ouverts la semaine dernière, les ravissantes clochardes attablées une clope au bec un verre de blanc à la main, je file, je marche, Strasbourg-Saint-Denis, allures de bas-empire, Babel luxuriante, tous les peuples de l’empire y dégorgés ; je suis pas dépaysé, peut-être en état d’ivresse, un peu, légèrement, je me retourne, convulsif : qui donc me colle aux basques ? Mauvais rêve, delirium peut-être… C’est Chichnarfne ? à mes trousses ! Il me suit depuis Helsingfors ! louche loufiat ! Sans passeport ! c’est ça l’Europe !
11 septembre 2020
7 septembre 2020
Élite intellectuelle
À son origine, le terme "méritocratie" est péjoratif, inventé par Michael Young pour les besoins d'une social-fiction dystopique écrite dans les années 50 : L'Ascension de la méritocratie. L'auteur imagine la dérive autoritaire d’une société où une élite de diplômés et d’experts, se considérant éclairée, ne veut plus prendre le risque de laisser les masses non savantes jouer avec la démocratie.
Le livre, que je n’ai pas lu, préfigure avec cinquante ans d'avance une certaine actualité où les pouvoirs politique et économique sont concentrés par une “élite intellectuelle” formée dans les mêmes quelques écoles, dépensant pour le capital éducatif de ses enfants afin d’assurer sa reproduction sociale, et se méfiant comme d'une lèpre de la classe des “non diplômés”. Le narrateur, commentateur réjoui et satisfait n'ayant cesse de louer le système, rappelle lui aussi non sans un certain trouble notre cher Christophe Barbier.
Aujourd'hui, la réalité de la fracture sociale et politique contre laquelle le livre mettait en garde est quasiment admise, objectivée par l'événement des gilets jaunes et les constats des meilleurs observateurs de notre temps. Il conviendrait toutefois de prendre quelques précautions en définissant plus précisément ce que l’on entend par "élite" ou "bourgeoisie intellectuelle", et de ne s'en exagérer ni l'élitisme, ni l'intellectualité.
Les happy few dont on parle sont en réalité assez nombreux, s'accumulant derrière la vaste catégorie CSP+, qui mêle à la bourgeoisie classique toute la génération montante d’une classe moyenne aisée. Ça fait du monde. Et si l'on qualifie cette élite “d’intellectuelle”, c'est davantage par opposition à “manuelle” que pour souligner une faculté d'esprit extraordinaire. Bien au contraire, il est frappant de constater combien les jeunes de cette classe “privilégiée” ont tout autant été concernés que les autres par l’effondrement de la culture générale, du savoir et de la civilité.