29 avril 2019

Notre-Dame, pas la leur

LOL ;)

Notre-Dame part en fumée. Je la regarde se consumer depuis le haut d’un toit, aussi impuissant que le reste de la ville. La flèche s’est déjà abattue. L’édifice crache des flammes de six à sept mètres. Impossible d’y croire : je regarde cela comme si c’était l’incendie d’un dépôt ordinaire. Impossible d’y croire : ce serait trop catastrophique.

Notre-Dame en flammes. Au départ j’ai cru que c’était grave. Et puis très vite, on m'a rassuré : le feu était encore en cours que le responsable du pays (un jeune de 40 ans) demandait de ne pas s’en faire. « Pleure pas, je t’en rachèterai une autre. Une encore plus belle ! ».

Aucun temps de sidération. Pas une minute d'effroi face au désastre. Pas le moindre scrupule à voir ainsi niquée notre Dame de 800 années passées. Pas penaud pour un sou d’avoir laissé évaporer ce que cinquante générations précédentes avaient su maintenir. Nous avions un flambeau à transmettre, nous l’avons jeté dans les combles. On va la reconstruire. Un concours d’architectes international. On va bien se marrer ! Comment exprimer mieux une incompréhension complète de ce que l’on vient de perdre ? Une imperméabilité totale à ce à quoi l’on est en train de rendre prétendument hommage ? La toiture de Notre-Dame de Paris a disparu de ce monde, et avec elle un millénaire de prières humaines et d’espérances qu’elle abritait. Et le Président, grand prince, sort le chéquier tel un plouc se proposant de rembourser la Vénus de Milo qu’il a renversé sur le carrelage par mégarde.

25 avril 2019

Robinson en gilet

Vous pouvez embrasser la mariée.


Tout fini en mascarade. Les chaises à porteurs sont devenues de trottinettes électriques, les mâtins de Naples mutent en chien-nus de Chine, et les curés troquent la Croisade contre le compassionnel à la sauce pleurniche.

Les gilets jaunes n’échappent pas au processus. Reconnaissons-le, ils sont partis de haut. Le mouvement a surpris ses organisateurs. A la base, ça devait être une blague potache le long de quelques péages d’autoroute, le temps de manger une chipo en descendant une timballe de gros rouge qui tâche.

17 avril 2019

Notre-Dame qui es aux cieux


Le lumière tout au bout du tunnel

Notre-Dame qui es aux cieux.
Que ton nom soit sanctifié.

#15Avril2019 : Paris brûle-t-elle ?
#16Avril2019 : oui, Notre-Dame de Paris est en cendres.

Les souvenirs font comme des poussières qui retournent à la poussière. D’étoiles. Stardust to dust.

Il y a 4 mois encore. J’y étais.
Épris de malaise. Pris dans la nasse de la masse.
Cerné par les visiteurs, les employés de sécurité, les touristes.
Leur tourbillon hallucinant.

11 avril 2019

Deux heures moins le quart avant Julia-Christ


Nous vivons, en dépit des apparences, en des temps très chrétiens. Emmanuel Todd avait parlé de “catholiques zombies” pour dénommer la France Charlie des allumeurs de cierges, au moment des attentats de 2015. Antoine Leiris avait été leur Paul de Tarse, en quelque sorte : dès le lendemain du massacre du Bataclan dans lequel il avait perdu sa femme, il s’était emparé de son bâton de pèlerin sans se décourager, pour porter la Bonne parole : “Vous n’aurez pas ma haine”. Depuis, les cas miraculeux se sont multipliés comme des petits pains. Pas un attentat islamiste sans qu’un survivant ou un proche accède à la Paix intérieure express devant les micros de BFM. Le Pardon.

Dernière incarnation christique en date : “Julia”, transsexuel parisien pris à partie en plein jour, place de la République, par la foule algérienne qui protestait contre Bouteflika. Dérangé par son apparence, un attroupement lui bloque le passage, on lui jette de la bière, on le gifle, un homme exhibe son sexe devant lui en lui demandant une gâterie... Le transsexuel essaie de rebrousser chemin, on commence à le frapper, une brigade de la RATP a tout juste le temps de l'exfiltrer pour éviter le lynchage...

Le lendemain, "Julia” témoigne sur toutes les chaînes. Non pour accabler ses agresseurs et condamner l'homophobie, mais pour transmettre un message de tolérance : “Je suis comme je suis, et ces personnes également”. Cela n’a rien à voir avec leurs drapeaux, rien à voir avec leur religion ou leur culture, rien à voir avec les agresseurs, bien au contraire ! Ce ne sont pas des homophobes, ce sont simplement “des personnes ignorantes”. Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. Vous, depuis votre canapé, étiez déjà parti en besogne à la vue des images de la vidéo, mais Julia, elle, parvient à surmonter, en plus du traumatisme de l'agression, la facilité des évidences. Elle pardonne. Mieux : elle perçoit la fraternité de sa condition avec celle des persécuteurs. Il n'y a qu'une chose qu’elle “n’accepte pas”, ce sont les messages de soutien de personnes nauséabondes qu’elle a reçus.

7 avril 2019

Anglophobie de bon aloi

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Si les Français parlent si mal anglais, ce n’est pas pour des raisons de grammaire ou de phonétique insurmontables, c’est qu’ils y mettent toute leur mauvaise volonté : celle du vaincu orgueilleux regrettant que sa langue se soit fait damer le pion.

C’est malheureusement un scrupule qui se perd : le mental des jeunes générations est bientôt entièrement colonisé, et d’ici vingt ans nous ferons tous d’excellents petits anglophones, plus vrais que nature. J’en développe une affection renforcée pour l’attitude obtuse de mon oncle, un ingénieur à la retraite, vieille école, qui mène à son échelle une lutte quotidienne et pittoresque contre l’anglais. 

Je le vois encore me montrer avec une satisfaction enfantine le trait au marqueur qu’il avait fait sur ses nouvelles chaussures, pour cacher une minuscule étiquette de tissu de quelques millimètres aux couleurs de l’Union Jack. C'était un modèle Reebok très sobre en cuir noir dont ce drapeau réduit au minimum était la seule expression de la marque. Mais mon oncle ignorait ce que c'était que "Reebok”. Il avait choisi ces chaussures par hasard, pour leur confort et leur discrétion, et ne voyait pas ce que l'étendard britannique venait faire là ni pourquoi il devait promouvoir la perfide Albion à chaque fois qu’il marcherait dans la rue. Très content de son coup, cet homme de 65 ou 70 ans, habituellement sérieux et raisonnable, croyait saboter ainsi une intrusion ennemie.