Je n'ai jamais entendu de phrase qui, commencée par «
Sans vouloir faire de la psychologie de comptoir…
», ne poursuive pas immédiatement par une bonne grosse considération de psychologie de comptoir. La locution « sans vouloir » est là pour désamorcer d'avance le reproche légitime que ne doit pas manquer de faire un interlocuteur vigilant.
La locution « sans vouloir » a bien des déclinaisons (« sans vouloir te commander », « sans vouloir être désobligeant », « sans vouloir faire de raccourci »...) mais toujours la même et unique fonction : faire impunément ce qu’on dit ne pas vouloir faire, annuler l’iniquité de son raisonnement par cette mécanique tout de même assez curieuse : «
puisque je pointe moi-même mon défaut, mon adversaire ne peut plus le reprocher, je peux ainsi être désobligeant ou con en toute conscience ».
La tournure permet ainsi d'utiliser dans le débat une remarque qu'on sait médiocre, en espérant s'en tirer honorablement. C’est un peu du même ordre que le mot laissé par les voisins du dessus dans l’ascenseur, pour prévenir qu’ils sont désolés mais qu'ils se préparent à faire une fête et un boucan de tous les diables qui vous feront passer à coup sûr une mauvaise nuit : «
Sans vouloir vous empêcher de dormir, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous empêcher de dormir ».
Puisqu’on prévient qu’on est un emmerdeur ou une truffe, on peut l'être à coeur joie et sans plus aucun scrupule : que pourrait-on trouver à y redire, puisque c’était
écrit à l’avance, puisqu'on a la politesse de l'avoir
annoncé et de jouer cartes sur table ?