31 janvier 2010
Common Decency
Marianne2, financier occulte du CGB, nous propose une interview de l'homme à l'affect négatif derrière chaque syllabe (concurrent humain de Haarp qui grâce à cette technique est capable de déclencher une impulsion électromagnétique orale et d'en canaliser le flux sur n'importe qui). Alain Finkiki revient sur le concept orwellien de la décence commune.
Quelle est votre perception de cette crise économique…
Cette crise traduit la défaite du laisser-faire, la défaite d’Alan Greenspan. La période ouverte par Margaret Thatcher et Ronald Reagan se ferme sous nos yeux, quelque chose se passe de tout à fait extraordinaire, un grand événement idéologique, la victoire inattendue de la social-démocratie…
La social-démocratie, pensait-on dans les années 1980, est dépassée, le communisme s’effondre, l’heure est à la dérégulation ou plus exactement à l’auto régulation des marchés… Eh bien maintenant, c’est l’inverse : l’État reprend la main redevient un acteur économique à part entière, la régulation s’impose, la social-démocratie l’emporte sur tous les fronts. L’Amérique elle-même, championne du libéralisme à tous crins, nationalise les banques…
Tout le monde est d’accord sur l’échec de l’ultra libéralisme, mais en quoi est-ce, selon vous, pour autant une victoire de la social-démocratie ?
Parce que ce sont maintenant des recettes social-démocrates qui sont appliquées par tout le monde et qui nous ont permis d’échapper au pire… Les gouvernements ont réagi, finalement les classes politiques européennes dans leur ensemble, quelle que soit leur couleur politique de départ, ont été à la hauteur et aujourd’hui, elles essayent d’instaurer, en moralisant le capitalisme comme elles disent, un ordre mondial plutôt social-démocrate.
Cela met évidemment la gauche française, puisqu’elle n’est pas aux affaires, en porte-à-faux : ses recettes triomphent, mais si elle le reconnaît, elle n’a plus rien à faire… elle choisit donc et c’est vraiment dommage, la voie de la surenchère démagogique, que ce soit celle du gauchisme ou d’une espèce de débilité fraternitaire qui n’est pas tout à fait à la mesure de la situation que nous vivons…
Alors, vous faites confiance à ce qui s’est passé au G20, vous avez l’impression que ces mesures-là sont de nature à contenir cette crise ?
Je n’aime pas la réaction qui consiste à désigner les responsables politiques comme les coupables de la crise… Cette crise nous est tombée dessus, ils n’en sont pas les déclencheurs, ils y réagissent… ils y réagissent comme ils peuvent et en faire des coupables c’est les transformer en bouc-émissaires…
Les périodes de crise créent cette régression psychologique : on cherche une victime sacrificielle et en l’occurrence, ce sera le président de la République… Celui-ci a des défauts, personnels sans doute, politiques aussi, mais il est clair que si crise il y a, ce n’est pas sa faute et je crois en effet que la réaction du G20 est appropriée, et nous avons la chance dans ce malheur que le président actuel des États-Unis ne soit plus George Bush mais Barack Obama…
Ce laisser-faire était perceptible dans beaucoup d’autres domaines, et notamment peut-être dans celui qui vous est cher : la culture, l’éducation… Est-ce que vous pensez qu’il y a un rapport entre cette crise et la situation que vous dénoncez souvent ?
Il faudrait réfléchir de manière globale et se dire que la social-démocratie c’est l’instauration de limites. La régulation s’impose- aux existences elles-mêmes, et l’appât du gain ne peut pas nous fournir un idéal moral, ni même constituer le seul fondement de l’économie…
Et si l’on remet en cause le libéralisme économique, il faut être capable également de critiquer cette véhémence avide des individus qui veulent aujourd’hui n’en faire qu’à leur tête et qui avancent comme « une force qui va ».
Cela vaut pour les traders, cela vaut aussi pour les gens accrochés à leur portable qui ne voient pas les autres, cela vaut pour les libres enfants du numérique qui considèrent la prédation comme un nouveau droit de l’homme. Il faut revenir à ce qu’Orwell appelait en effet, la « common decency », « la décence ordinaire », « la décence commune »…
La "common decency" se transmet
Cette décence commune, quelles sont les conditions de son existence ?
Eh bien, il faut d’abord la défendre, il faut l’enseigner cette « common decency », il faut considérer qu’elle n’est pas innée chez les individus, qu’elle doit être transmise et pour qu’elle soit transmise, il faut cesser de faire preuve de complaisance à l’égard d’une jeunesse dont on nous explique que la pétulance, la fougue, le dynamisme sont absolument merveilleux…
Crise il y a parce qu’il devient de plus en plus difficile et même illégitime de vouloir imposer une forme aux êtres humains. Les formes se dissolvent aujourd’hui or, l’éducation, la culture, c’est avant toute chose, l’imposition d’une forme.
Mais si vous dites que la vitalité est en elle-même une valeur, que la jeunesse est un modèle, que son énergie doit être non pas canalisée, mais sans cesse célébrée et encouragée, vous vous privez des conditions même de la transmission élémentaire des formes et de la décence commune… Aux formes ont succédé les flux, c’est pourquoi l’âge des formes doit revenir pour civiliser les flux…
Si on laisse de côté les souffrances que génère cette crise, peut-on dire, comme Yves Montand en son temps : « Vive la crise ! » Vive la crise qui va nous redonner l’idée de faire des formes ?
Non, je ne dirais pas cela… d’abord parce qu’il y a des souffrances, il y a le chômage, il y a la précarité qui se répand : cette crise est épouvantable.
Mais au lieu de réfléchir avec humilité à la nature du problème, on cherche des coupables et on s’enivre de raisonnements binaires, on retombe dans le schéma progressiste, puis gauchiste, de l’unique alternative… Il y a les dominants, il y a les dominés… les dominants toujours coupables même quand ils sont innocents, et les dominés toujours innocents même quand ils sont coupables… La crise demande davantage que ce manichéisme.
J’aimerais bien que vous nous expliquiez comment est-ce qu’on peut arriver à trouver une forme suffisamment puissante pour le monde d’aujourd’hui, sans être une forme autoritaire…D’abord une réponse à une question que vous n’aviez pas posée, mais à une allusion que vous avez faite, je ne me qualifierais pas de libéral, et si je devais me définir, je le ferais en référence à un article de 1978, d’un grand philosophe polonais, un philosophe de la dissidence, Leszek Kolakowski, un homme qui vit aujourd’hui à Oxford, et qui a fait paraître un texte dans « Commentaire » intitulé : « Comment être conservateur-libéral-socialiste ? » Il expliquait qu’à la fin du XXe siècle, on ne pouvait être que les trois ensembles.
Il y avait toutes sortes de raisons d’être conservateur, non pas au sens d’une volonté du maintien du statu quo social, non, mais pour la raison qu’existent des choses à préserver… Si on affirme, par exemple, que pour des raisons utilitaires, il faut en finir avec les cimetières, Kolakowski répond en substance : « non, les cimetières ne sont pas rationnellement explicables, mais humare humanum est » l’inhumation est un invariant de la condition humaine. L’humanité a ses raisons que la raison instrumentale ne connaît pas.
Autrement dit… face à une philosophie des Lumières qui ne tiendrait pas assez compte de la dimension symbolique de l’existence, il faut savoir être conservateur. Libéral aussi, parce que l’initiative privée doit être soutenue, on sait ce qu’il en coûte de la supprimer, le socialisme réel nous l’a prouvé…
Et puis socialiste, parce que l’impôt sur le revenu, n’est pas l’antichambre du goulag, et qu’il importe de compenser, par la redistribution, les inégalités. J’ajoute que l’aspiration au changement est importante, mais que la stabilité du monde doit être également maintenue et préservée, et qu’il y a quelque chose d’absurde à vouloir séparer ces deux aspirations et les opposer comme une droite et une gauche absolument inconciliables…
Vous avez dit que la social-démocratie revient en force, comme un système qui permettrait de canaliser les problèmes engendrés par le laisser-faire, mais cette social-démocratie n’a-t-elle pas déjà échouée en tant que projet politique, en tant qu’elle apporterait une vision, un progrès, une perspective pour les gens…Non, je pense que l’un des avantages de la social-démocratie, c’est qu’elle n’est pas un projet final. Elle n’est pas habitée par l’obsession du définitif… Il s’agit de réformer l’état des choses pour l’améliorer, il ne s’agit pas de conclure… La bêtise consiste à vouloir conclure, disait Flaubert… il n’y a pas que la bêtise, le totalitarisme aussi consiste à vouloir conclure…
La social-démocratie a ce mérite de ne pas vouloir conclure, mais cela étant, quand je dis « social-démocratie », je ne pense pas nécessairement au modèle suédois, ni même au modèle rhénan, je pense simplement à la régulation nécessaire du capitalisme et cette régulation a été contestée dans les années 1980-1990… Alan Greenspan a incarné cette contestation, il l’a poussée très loin, maintenant on revient à des sentiments beaucoup plus justes et beaucoup plus raisonnables.
Cependant, je constate que c’est au moment où la social-démocratie l’emporte dans les faits en Europe que les socialistes français eux-mêmes se détournent de leur propre tradition social-démocrate et j’en veux pour preuve le sort réservé à Michel Rocard… Michel Rocard a abandonné toute responsabilité dans le Parti socialiste, ça n’a ému strictement personne, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur du parti… on s’en fout, on préfère les déclamations d’Arnaud Montebourg…
C’est affreux, la tradition mendésiste disparaît complètement, et elle disparaît dans l’indifférence générale parce que Rocard ce n’était pas seulement la deuxième gauche, c’était le mendésisme, c’était ce qui restait du mendésisme… Et on est dans autre chose, on est dans le « télévangélisme » fraternitaire d’un côté, ou dans la surenchère Besancenot de l’autre… C’est vraiment dommage !
Mais la social-démocratie offrait une perspective politique d’amélioration effectivement du sort de chacun… Aujourd’hui, cette perspective-là n’existe plus. De plus, il y a l’idée que le progrès a échoué malgré tout… Est-ce que cela ne manque pas à la perspective politique d’aujourd’hui ?
Ce qui en effet nourrit l’inquiétude, c’est l’idée que nos enfants seront peut-être moins bien lotis que nous, et cela, c’est un sentiment très neuf…
Au fond, au moment des « Trente glorieuses », l’idée prévalait que les enfants vivraient mieux que leurs parents, auraient plus d’opportunités… maintenant, on n’en est pas sûr, parce que l’économie se durcit avec bien sûr les délocalisations, les effets extrêmement négatifs d’une certaine mondialisation, le dumping social… mais aussi parce que le progrès technique a complètement divorcé du progrès tout court… c’est une situation à laquelle nous n’étions pas du tout préparés.
Dans votre génération comme dans la mienne, il allait de soi de lire. Moi je lisais plus que mes parents parce que mon père qui était propriétaire, avec un frère, d’un atelier de petite maroquinerie n’avait pas fait d’études et ma mère avait dû interrompre les siennes…
Maintenant, avec les nouvelles technologies, dans toutes les classes sociales, la lecture ne va plus de soi, et donc vous avez des parents complètement démunis devant des enfants qui vivent autrement qu’eux, qui ont choisi de s’ébattre sur Internet, de naviguer sur la toile plutôt que de lire, et il faut être complètement idiot – mais cette idiotie est très répandue dans certains milieux intellectuels- pour penser que c’est un progrès, ce n’est évidemment pas un progrès, c’est évidemment exactement le contraire !
Il y a un laisser-faire d’Internet, un laisser-aller des pulsions
Ce qui est peut-être vrai aussi Alain Finkielkraut, c’est que la lecture, les études, les efforts dans ce domaine-là, ne sont plus une garantie précisément d’avancer…
Ils ne l’ont jamais été !…
Quand même, avant, quand on faisait des études, on savait qu’on allait malgré tout trouver une possibilité de gagner sa vie…On savait, quand on faisait des études qu’on allait vraisemblablement trouver un débouché professionnel parce que nous vivions dans une période bénie de prospérité et de plein-emploi… Mais les études, et notamment l’enseignement secondaire, étaient totalement déconnectées de la question de l’emploi, et devraient le demeurer… On ne peut pas dire qu’aujourd’hui les gens vont au lycée pour avoir un emploi, ça n’était pas vrai hier, ce ne peut pas être vrai aujourd’hui, sauf évidemment pour ceux qui sont amenés à choisir l’enseignement professionnel…
Le lycée, c’est le lieu de transmission de la culture générale… Or aujourd’hui on a oublié cette finalité au seul profit d’une finalité utilitaire. Et comme il y a la crise, on dit que le lycée ne remplit plus sa mission et les élèves des zones d’éducation prioritaire se croient fondés à dire : « De toute façon, l’école ne me garantit pas d’emploi, alors pourquoi je me casserais la tête ? Et puis en plus, je préfère de toute façon, l’accès immédiat aux choses »…
Le problème est là, quand je dis qu’Internet n’est pas un progrès, cela vient du fait que justement Internet supprime les médiations. Il y a un laisser-faire d’Internet, un laisser-aller des pulsions : tout ce dont j’ai envie, je peux l’avoir à la seconde, en temps réel. Eh bien non, la culture c’est le contraire du temps réel, c’est le temps différé… Et si en effet, on veut sortir d’une culture du laisser-aller, du laisser-faire, de la pulsion immédiate, alors en effet, il faut redonner toute sa valeur à la médiation, à la culture et à la patience, c’est-à-dire à la longueur du temps.
Et est-ce que vous avez le sentiment qu’à l’occasion de cette crise, une réflexion de cette nature peut surgir ?
Non, non… je pense qu’elle existait antérieurement à la crise et qu’elle va se développer, mais il y aura toujours assez de gens pour vous traiter de réactionnaire quand vous la défendrez… Enfin, si vous voulez, le seul espoir qu’on peut avoir, mais ce n’est pas un espoir…
Rassurez-moi !
Non, non, ce n’est pas un espoir… Je défends justement cette idée d’une médiation nécessaire depuis longtemps, et la médiation de la langue, et de la belle langue. On me dit « mais c’est idiot, la langue vit, il ne faut pas corseter la langue, il ne faut pas l’enfermer, il y a une telle énergie déployée dans l’inventivité verbale du parler banlieue, etc. c’est absolument extraordinaire… Quant à la culture, autant se rapprocher justement de la culture des jeunes, etc. »…
Les mêmes qui me disent cela, entrent en transe quand le président de la République fait des fautes de français !… et quand il en vient à dire du mal de « La Princesse de Clèves », tout d’un coup, ils trouvent à « La Princesse de Clèves », des vertus citoyennes. Ils en font un livre de gauche…
Alors peut-être que grâce aux fautes de français du président de la République et à son antipathie pour le roman du renoncement à l’amour on va ré-enseigner la pratique du bon usage et redonner la place qui lui revient à la littérature classique dans l’enseignement secondaire.
Je dis « peut-être » mais je n’y crois pas un seul instant… Je pense qu’on va mener les deux discours de front : éloge systématique, démagogique, complètement idiot du parler banlieue, et critique ulcérée du parler présidentiel… Il faudrait être capable d’un peu de cohérence, et si cette cohérence surgissait, alors un véritable espoir serait permis…
Cette disparition des formes dont vous parlez, qui est l’une des explications, l’un des signes de cette crise, pourrait durer. Comme si nous n’avions plus les moyens d’en sortir…
Je ne donne pas cher en effet de la vie des formes parce que j’ai l’impression qu’il y a un grand mouvement démocratique, et que si les formes sont aujourd’hui à ce point fragiles, si même elles s’éclipsent, c’est parce qu’elles apparaissent comme une atteinte à la liberté : carcan, convention… et à l’égalité… qu’est-ce que c’est que ce vestige des sociétés hiérarchiques ?
Donc, elles ont les Droits de l’Homme contre elles, ces pauvres formes ! Or je crois qu’une démocratie vivante, c’est une démocratie qui est capable d’être accueillante à autre chose qu’elle-même, à ce qui vient d’ailleurs, et d’avant…
Je pense que la démocratie contemporaine est toujours plus inhospitalière et elle n’est capable de célébrer que ses propres valeurs, alors quand elle s’en prend au laisser-faire, au laisser-aller économique sans prendre acte justement du laisser-faire et du laisser-aller qu’elle laisse se démultiplier dans tous les autres domaines, je trouve que c’est dommage, mais c’est malheureusement dans la nature des choses…
Pensez-vous qu’il y ait un rapport entre l’existence de formes et la possibilité d’accueillir ce qui vient de l’extérieur ?
Absolument. Je pense que l’informe ce n’est pas l’accueil. Et même ce qu’on appelle le métissage ou le multiculturalisme, ce n’est pas l’accueil, c’est la morale même de la société de consommation… qu’y a-t-il de plus métissé, de plus multiculturaliste que le marché lui-même ?
La forme, la limite, c’est ce qui permet aussi d’introduire une distinction entre moi et l’autre… et c’est à partir de cette distinction, une fois conjuré le principe d’interchangeabilité de toutes choses, que l’hospitalité est possible. Pour qu’hospitalité il y ait, il faut que chacun soit dans son rôle, l’hôte et l’hôte, ceui qui reçoit et celui qui est reçu.
Il se passe tout de même sur Internet un certain nombre d’expériences, de rencontres entre des groupes de personnes, notamment en province, qui permettent de redécouvrir quelque chose de l’ordre de la proximité, de l’échange direct… Est-ce que cela vous paraît devoir être mis dans le même sac de l’idéologie précédente ?
Non, peut-être pas, et vous avez raison de me mettre en garde contre une vision trop unilatéralement négative… J’imagine qu’il y aura demain, et il y a peut-être aujourd’hui aussi un bon usage d’Internet… et il y a intérêt puisqu’on ne désinventera pas ces technologies, on ne désinvente rien, on ne désinventera pas le portable, y aura-t-il demain un bon usage du portable ? Peut-être…
À ce moment-là vous en aurez un peut-être ?
Non, mais c’est une décision… J’en ai eu un lorsque j’ai été hospitalisé, mais depuis que je suis sorti de l’hôpital, je n’en ai plus… Je précise que c’est aussi un luxe pour moi parce que j’ai un travail très sédentaire et, si j’avais une autre profession, une profession libérale, je serais peut-être l’esclave de cet objet nomade…
Pour ce qui est d’Internet, il y a ces liens qui peuvent se tisser entre les gens, mais ce que je dénonce c’est le danger de l’immédiateté, et je ne vois pas comment Internet pourra le combattre… le même instrument ne peut pas lutter contre ce qu’il rend possible. Ne nous faisons pas d’illusions : les dégâts moraux et culturels seront absolument terribles…
Sauf si précisément la crise que nous vivons donne lieu à une prise de conscience véritable, si l’on est capable de prendre acte des défauts, et même des tares, du laisser-faire et du laisser-aller, si on se dit que dans tous les domaines, cette tentation doit être domptée, et que dans tous les domaines, une éducation s’impose, alors-là, oui peut-être, mais je ne suis pas sûr qu’on en prenne le chemin…
Il faut retrouver un autre rapport au temps, il faut reconquérir le temps…
Biographie : Alain Finkielkraut est un philosophe français né en 1949. Il est professeur à l'école Polytechnique. Son dernier ouvrage est Un coeur intelligent.
Regards sur la crise, réflexions pour comprendre la crise… et en sortir, ouvrage collectif dirigé par Antoine Mercier avec Alain Badiou, Miguel Benasayag, Rémi Brague, Dany-Robert Dufour, Alain Finkielkraut…, Paris, Éditions Hermann, 2010.
Quelle est votre perception de cette crise économique…
Cette crise traduit la défaite du laisser-faire, la défaite d’Alan Greenspan. La période ouverte par Margaret Thatcher et Ronald Reagan se ferme sous nos yeux, quelque chose se passe de tout à fait extraordinaire, un grand événement idéologique, la victoire inattendue de la social-démocratie…
La social-démocratie, pensait-on dans les années 1980, est dépassée, le communisme s’effondre, l’heure est à la dérégulation ou plus exactement à l’auto régulation des marchés… Eh bien maintenant, c’est l’inverse : l’État reprend la main redevient un acteur économique à part entière, la régulation s’impose, la social-démocratie l’emporte sur tous les fronts. L’Amérique elle-même, championne du libéralisme à tous crins, nationalise les banques…
Tout le monde est d’accord sur l’échec de l’ultra libéralisme, mais en quoi est-ce, selon vous, pour autant une victoire de la social-démocratie ?
Parce que ce sont maintenant des recettes social-démocrates qui sont appliquées par tout le monde et qui nous ont permis d’échapper au pire… Les gouvernements ont réagi, finalement les classes politiques européennes dans leur ensemble, quelle que soit leur couleur politique de départ, ont été à la hauteur et aujourd’hui, elles essayent d’instaurer, en moralisant le capitalisme comme elles disent, un ordre mondial plutôt social-démocrate.
Cela met évidemment la gauche française, puisqu’elle n’est pas aux affaires, en porte-à-faux : ses recettes triomphent, mais si elle le reconnaît, elle n’a plus rien à faire… elle choisit donc et c’est vraiment dommage, la voie de la surenchère démagogique, que ce soit celle du gauchisme ou d’une espèce de débilité fraternitaire qui n’est pas tout à fait à la mesure de la situation que nous vivons…
Alors, vous faites confiance à ce qui s’est passé au G20, vous avez l’impression que ces mesures-là sont de nature à contenir cette crise ?
Je n’aime pas la réaction qui consiste à désigner les responsables politiques comme les coupables de la crise… Cette crise nous est tombée dessus, ils n’en sont pas les déclencheurs, ils y réagissent… ils y réagissent comme ils peuvent et en faire des coupables c’est les transformer en bouc-émissaires…
Les périodes de crise créent cette régression psychologique : on cherche une victime sacrificielle et en l’occurrence, ce sera le président de la République… Celui-ci a des défauts, personnels sans doute, politiques aussi, mais il est clair que si crise il y a, ce n’est pas sa faute et je crois en effet que la réaction du G20 est appropriée, et nous avons la chance dans ce malheur que le président actuel des États-Unis ne soit plus George Bush mais Barack Obama…
Ce laisser-faire était perceptible dans beaucoup d’autres domaines, et notamment peut-être dans celui qui vous est cher : la culture, l’éducation… Est-ce que vous pensez qu’il y a un rapport entre cette crise et la situation que vous dénoncez souvent ?
Il faudrait réfléchir de manière globale et se dire que la social-démocratie c’est l’instauration de limites. La régulation s’impose- aux existences elles-mêmes, et l’appât du gain ne peut pas nous fournir un idéal moral, ni même constituer le seul fondement de l’économie…
Et si l’on remet en cause le libéralisme économique, il faut être capable également de critiquer cette véhémence avide des individus qui veulent aujourd’hui n’en faire qu’à leur tête et qui avancent comme « une force qui va ».
Cela vaut pour les traders, cela vaut aussi pour les gens accrochés à leur portable qui ne voient pas les autres, cela vaut pour les libres enfants du numérique qui considèrent la prédation comme un nouveau droit de l’homme. Il faut revenir à ce qu’Orwell appelait en effet, la « common decency », « la décence ordinaire », « la décence commune »…
La "common decency" se transmet
Cette décence commune, quelles sont les conditions de son existence ?
Eh bien, il faut d’abord la défendre, il faut l’enseigner cette « common decency », il faut considérer qu’elle n’est pas innée chez les individus, qu’elle doit être transmise et pour qu’elle soit transmise, il faut cesser de faire preuve de complaisance à l’égard d’une jeunesse dont on nous explique que la pétulance, la fougue, le dynamisme sont absolument merveilleux…
Crise il y a parce qu’il devient de plus en plus difficile et même illégitime de vouloir imposer une forme aux êtres humains. Les formes se dissolvent aujourd’hui or, l’éducation, la culture, c’est avant toute chose, l’imposition d’une forme.
Mais si vous dites que la vitalité est en elle-même une valeur, que la jeunesse est un modèle, que son énergie doit être non pas canalisée, mais sans cesse célébrée et encouragée, vous vous privez des conditions même de la transmission élémentaire des formes et de la décence commune… Aux formes ont succédé les flux, c’est pourquoi l’âge des formes doit revenir pour civiliser les flux…
Si on laisse de côté les souffrances que génère cette crise, peut-on dire, comme Yves Montand en son temps : « Vive la crise ! » Vive la crise qui va nous redonner l’idée de faire des formes ?
Non, je ne dirais pas cela… d’abord parce qu’il y a des souffrances, il y a le chômage, il y a la précarité qui se répand : cette crise est épouvantable.
Mais au lieu de réfléchir avec humilité à la nature du problème, on cherche des coupables et on s’enivre de raisonnements binaires, on retombe dans le schéma progressiste, puis gauchiste, de l’unique alternative… Il y a les dominants, il y a les dominés… les dominants toujours coupables même quand ils sont innocents, et les dominés toujours innocents même quand ils sont coupables… La crise demande davantage que ce manichéisme.
J’aimerais bien que vous nous expliquiez comment est-ce qu’on peut arriver à trouver une forme suffisamment puissante pour le monde d’aujourd’hui, sans être une forme autoritaire…D’abord une réponse à une question que vous n’aviez pas posée, mais à une allusion que vous avez faite, je ne me qualifierais pas de libéral, et si je devais me définir, je le ferais en référence à un article de 1978, d’un grand philosophe polonais, un philosophe de la dissidence, Leszek Kolakowski, un homme qui vit aujourd’hui à Oxford, et qui a fait paraître un texte dans « Commentaire » intitulé : « Comment être conservateur-libéral-socialiste ? » Il expliquait qu’à la fin du XXe siècle, on ne pouvait être que les trois ensembles.
Il y avait toutes sortes de raisons d’être conservateur, non pas au sens d’une volonté du maintien du statu quo social, non, mais pour la raison qu’existent des choses à préserver… Si on affirme, par exemple, que pour des raisons utilitaires, il faut en finir avec les cimetières, Kolakowski répond en substance : « non, les cimetières ne sont pas rationnellement explicables, mais humare humanum est » l’inhumation est un invariant de la condition humaine. L’humanité a ses raisons que la raison instrumentale ne connaît pas.
Autrement dit… face à une philosophie des Lumières qui ne tiendrait pas assez compte de la dimension symbolique de l’existence, il faut savoir être conservateur. Libéral aussi, parce que l’initiative privée doit être soutenue, on sait ce qu’il en coûte de la supprimer, le socialisme réel nous l’a prouvé…
Et puis socialiste, parce que l’impôt sur le revenu, n’est pas l’antichambre du goulag, et qu’il importe de compenser, par la redistribution, les inégalités. J’ajoute que l’aspiration au changement est importante, mais que la stabilité du monde doit être également maintenue et préservée, et qu’il y a quelque chose d’absurde à vouloir séparer ces deux aspirations et les opposer comme une droite et une gauche absolument inconciliables…
Vous avez dit que la social-démocratie revient en force, comme un système qui permettrait de canaliser les problèmes engendrés par le laisser-faire, mais cette social-démocratie n’a-t-elle pas déjà échouée en tant que projet politique, en tant qu’elle apporterait une vision, un progrès, une perspective pour les gens…Non, je pense que l’un des avantages de la social-démocratie, c’est qu’elle n’est pas un projet final. Elle n’est pas habitée par l’obsession du définitif… Il s’agit de réformer l’état des choses pour l’améliorer, il ne s’agit pas de conclure… La bêtise consiste à vouloir conclure, disait Flaubert… il n’y a pas que la bêtise, le totalitarisme aussi consiste à vouloir conclure…
La social-démocratie a ce mérite de ne pas vouloir conclure, mais cela étant, quand je dis « social-démocratie », je ne pense pas nécessairement au modèle suédois, ni même au modèle rhénan, je pense simplement à la régulation nécessaire du capitalisme et cette régulation a été contestée dans les années 1980-1990… Alan Greenspan a incarné cette contestation, il l’a poussée très loin, maintenant on revient à des sentiments beaucoup plus justes et beaucoup plus raisonnables.
Cependant, je constate que c’est au moment où la social-démocratie l’emporte dans les faits en Europe que les socialistes français eux-mêmes se détournent de leur propre tradition social-démocrate et j’en veux pour preuve le sort réservé à Michel Rocard… Michel Rocard a abandonné toute responsabilité dans le Parti socialiste, ça n’a ému strictement personne, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur du parti… on s’en fout, on préfère les déclamations d’Arnaud Montebourg…
C’est affreux, la tradition mendésiste disparaît complètement, et elle disparaît dans l’indifférence générale parce que Rocard ce n’était pas seulement la deuxième gauche, c’était le mendésisme, c’était ce qui restait du mendésisme… Et on est dans autre chose, on est dans le « télévangélisme » fraternitaire d’un côté, ou dans la surenchère Besancenot de l’autre… C’est vraiment dommage !
Mais la social-démocratie offrait une perspective politique d’amélioration effectivement du sort de chacun… Aujourd’hui, cette perspective-là n’existe plus. De plus, il y a l’idée que le progrès a échoué malgré tout… Est-ce que cela ne manque pas à la perspective politique d’aujourd’hui ?
Ce qui en effet nourrit l’inquiétude, c’est l’idée que nos enfants seront peut-être moins bien lotis que nous, et cela, c’est un sentiment très neuf…
Au fond, au moment des « Trente glorieuses », l’idée prévalait que les enfants vivraient mieux que leurs parents, auraient plus d’opportunités… maintenant, on n’en est pas sûr, parce que l’économie se durcit avec bien sûr les délocalisations, les effets extrêmement négatifs d’une certaine mondialisation, le dumping social… mais aussi parce que le progrès technique a complètement divorcé du progrès tout court… c’est une situation à laquelle nous n’étions pas du tout préparés.
Dans votre génération comme dans la mienne, il allait de soi de lire. Moi je lisais plus que mes parents parce que mon père qui était propriétaire, avec un frère, d’un atelier de petite maroquinerie n’avait pas fait d’études et ma mère avait dû interrompre les siennes…
Maintenant, avec les nouvelles technologies, dans toutes les classes sociales, la lecture ne va plus de soi, et donc vous avez des parents complètement démunis devant des enfants qui vivent autrement qu’eux, qui ont choisi de s’ébattre sur Internet, de naviguer sur la toile plutôt que de lire, et il faut être complètement idiot – mais cette idiotie est très répandue dans certains milieux intellectuels- pour penser que c’est un progrès, ce n’est évidemment pas un progrès, c’est évidemment exactement le contraire !
Il y a un laisser-faire d’Internet, un laisser-aller des pulsions
Ce qui est peut-être vrai aussi Alain Finkielkraut, c’est que la lecture, les études, les efforts dans ce domaine-là, ne sont plus une garantie précisément d’avancer…
Ils ne l’ont jamais été !…
Quand même, avant, quand on faisait des études, on savait qu’on allait malgré tout trouver une possibilité de gagner sa vie…On savait, quand on faisait des études qu’on allait vraisemblablement trouver un débouché professionnel parce que nous vivions dans une période bénie de prospérité et de plein-emploi… Mais les études, et notamment l’enseignement secondaire, étaient totalement déconnectées de la question de l’emploi, et devraient le demeurer… On ne peut pas dire qu’aujourd’hui les gens vont au lycée pour avoir un emploi, ça n’était pas vrai hier, ce ne peut pas être vrai aujourd’hui, sauf évidemment pour ceux qui sont amenés à choisir l’enseignement professionnel…
Le lycée, c’est le lieu de transmission de la culture générale… Or aujourd’hui on a oublié cette finalité au seul profit d’une finalité utilitaire. Et comme il y a la crise, on dit que le lycée ne remplit plus sa mission et les élèves des zones d’éducation prioritaire se croient fondés à dire : « De toute façon, l’école ne me garantit pas d’emploi, alors pourquoi je me casserais la tête ? Et puis en plus, je préfère de toute façon, l’accès immédiat aux choses »…
Le problème est là, quand je dis qu’Internet n’est pas un progrès, cela vient du fait que justement Internet supprime les médiations. Il y a un laisser-faire d’Internet, un laisser-aller des pulsions : tout ce dont j’ai envie, je peux l’avoir à la seconde, en temps réel. Eh bien non, la culture c’est le contraire du temps réel, c’est le temps différé… Et si en effet, on veut sortir d’une culture du laisser-aller, du laisser-faire, de la pulsion immédiate, alors en effet, il faut redonner toute sa valeur à la médiation, à la culture et à la patience, c’est-à-dire à la longueur du temps.
Et est-ce que vous avez le sentiment qu’à l’occasion de cette crise, une réflexion de cette nature peut surgir ?
Non, non… je pense qu’elle existait antérieurement à la crise et qu’elle va se développer, mais il y aura toujours assez de gens pour vous traiter de réactionnaire quand vous la défendrez… Enfin, si vous voulez, le seul espoir qu’on peut avoir, mais ce n’est pas un espoir…
Rassurez-moi !
Non, non, ce n’est pas un espoir… Je défends justement cette idée d’une médiation nécessaire depuis longtemps, et la médiation de la langue, et de la belle langue. On me dit « mais c’est idiot, la langue vit, il ne faut pas corseter la langue, il ne faut pas l’enfermer, il y a une telle énergie déployée dans l’inventivité verbale du parler banlieue, etc. c’est absolument extraordinaire… Quant à la culture, autant se rapprocher justement de la culture des jeunes, etc. »…
Les mêmes qui me disent cela, entrent en transe quand le président de la République fait des fautes de français !… et quand il en vient à dire du mal de « La Princesse de Clèves », tout d’un coup, ils trouvent à « La Princesse de Clèves », des vertus citoyennes. Ils en font un livre de gauche…
Alors peut-être que grâce aux fautes de français du président de la République et à son antipathie pour le roman du renoncement à l’amour on va ré-enseigner la pratique du bon usage et redonner la place qui lui revient à la littérature classique dans l’enseignement secondaire.
Je dis « peut-être » mais je n’y crois pas un seul instant… Je pense qu’on va mener les deux discours de front : éloge systématique, démagogique, complètement idiot du parler banlieue, et critique ulcérée du parler présidentiel… Il faudrait être capable d’un peu de cohérence, et si cette cohérence surgissait, alors un véritable espoir serait permis…
Cette disparition des formes dont vous parlez, qui est l’une des explications, l’un des signes de cette crise, pourrait durer. Comme si nous n’avions plus les moyens d’en sortir…
Je ne donne pas cher en effet de la vie des formes parce que j’ai l’impression qu’il y a un grand mouvement démocratique, et que si les formes sont aujourd’hui à ce point fragiles, si même elles s’éclipsent, c’est parce qu’elles apparaissent comme une atteinte à la liberté : carcan, convention… et à l’égalité… qu’est-ce que c’est que ce vestige des sociétés hiérarchiques ?
Donc, elles ont les Droits de l’Homme contre elles, ces pauvres formes ! Or je crois qu’une démocratie vivante, c’est une démocratie qui est capable d’être accueillante à autre chose qu’elle-même, à ce qui vient d’ailleurs, et d’avant…
Je pense que la démocratie contemporaine est toujours plus inhospitalière et elle n’est capable de célébrer que ses propres valeurs, alors quand elle s’en prend au laisser-faire, au laisser-aller économique sans prendre acte justement du laisser-faire et du laisser-aller qu’elle laisse se démultiplier dans tous les autres domaines, je trouve que c’est dommage, mais c’est malheureusement dans la nature des choses…
Pensez-vous qu’il y ait un rapport entre l’existence de formes et la possibilité d’accueillir ce qui vient de l’extérieur ?
Absolument. Je pense que l’informe ce n’est pas l’accueil. Et même ce qu’on appelle le métissage ou le multiculturalisme, ce n’est pas l’accueil, c’est la morale même de la société de consommation… qu’y a-t-il de plus métissé, de plus multiculturaliste que le marché lui-même ?
La forme, la limite, c’est ce qui permet aussi d’introduire une distinction entre moi et l’autre… et c’est à partir de cette distinction, une fois conjuré le principe d’interchangeabilité de toutes choses, que l’hospitalité est possible. Pour qu’hospitalité il y ait, il faut que chacun soit dans son rôle, l’hôte et l’hôte, ceui qui reçoit et celui qui est reçu.
Il se passe tout de même sur Internet un certain nombre d’expériences, de rencontres entre des groupes de personnes, notamment en province, qui permettent de redécouvrir quelque chose de l’ordre de la proximité, de l’échange direct… Est-ce que cela vous paraît devoir être mis dans le même sac de l’idéologie précédente ?
Non, peut-être pas, et vous avez raison de me mettre en garde contre une vision trop unilatéralement négative… J’imagine qu’il y aura demain, et il y a peut-être aujourd’hui aussi un bon usage d’Internet… et il y a intérêt puisqu’on ne désinventera pas ces technologies, on ne désinvente rien, on ne désinventera pas le portable, y aura-t-il demain un bon usage du portable ? Peut-être…
À ce moment-là vous en aurez un peut-être ?
Non, mais c’est une décision… J’en ai eu un lorsque j’ai été hospitalisé, mais depuis que je suis sorti de l’hôpital, je n’en ai plus… Je précise que c’est aussi un luxe pour moi parce que j’ai un travail très sédentaire et, si j’avais une autre profession, une profession libérale, je serais peut-être l’esclave de cet objet nomade…
Pour ce qui est d’Internet, il y a ces liens qui peuvent se tisser entre les gens, mais ce que je dénonce c’est le danger de l’immédiateté, et je ne vois pas comment Internet pourra le combattre… le même instrument ne peut pas lutter contre ce qu’il rend possible. Ne nous faisons pas d’illusions : les dégâts moraux et culturels seront absolument terribles…
Sauf si précisément la crise que nous vivons donne lieu à une prise de conscience véritable, si l’on est capable de prendre acte des défauts, et même des tares, du laisser-faire et du laisser-aller, si on se dit que dans tous les domaines, cette tentation doit être domptée, et que dans tous les domaines, une éducation s’impose, alors-là, oui peut-être, mais je ne suis pas sûr qu’on en prenne le chemin…
Il faut retrouver un autre rapport au temps, il faut reconquérir le temps…
Biographie : Alain Finkielkraut est un philosophe français né en 1949. Il est professeur à l'école Polytechnique. Son dernier ouvrage est Un coeur intelligent.
Regards sur la crise, réflexions pour comprendre la crise… et en sortir, ouvrage collectif dirigé par Antoine Mercier avec Alain Badiou, Miguel Benasayag, Rémi Brague, Dany-Robert Dufour, Alain Finkielkraut…, Paris, Éditions Hermann, 2010.
Femmes en burqua, encore un effort!
Il vous manque encore un petit accessoire pour plaire vraiment à votre mari et au grand Allah. Heureusement petites coquines, le CGB pense à vous !
29 janvier 2010
28 janvier 2010
Soldes, les bons plans du CGB
On a pas l'habitude de faire de la pub, mais alors là... Une occasion pareille!!!
Pensez-donc, un canapé en carton recyclé à 399€ au lieu de 899€!!
Précipitez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde (bon, si vous arrivez trop tard, vous pourrez toujours vous rabattre sur le fait main).
Pensez-donc, un canapé en carton recyclé à 399€ au lieu de 899€!!
Précipitez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde (bon, si vous arrivez trop tard, vous pourrez toujours vous rabattre sur le fait main).
La pédagogie monde
Pour ceux qui ne le connaissent pas, voici Philippe Meirieu, l'ancien penseur de l'éducation nationale recyclé depuis en candidat vert aux régionales.
Au CGB nous rendons hommage au créateur des mirifiques IUFM, celui dont les concepts géniaux règnent sans partage sur la nouvelle pédagogie... L'active, pas la facho, celle qui partde la classe des apprenants et pas du maître de l'enchanteur.
Nous disait ce Gauchet optimiste juste avant d'obtenir le statut d'intermittent du spectacle pour les pédagogues, auprès de notre parrain Jack Lang.
Le début de cette vidéo est parfait pour comprendre ce grand homme. Il prêche la citoyennerie du monde, entouré de beaux tableaux d'artistes contemporains (ou d'enfants trisomiques)... on a envie de lui faire des câlins, non?
Au CGB nous rendons hommage au créateur des mirifiques IUFM, celui dont les concepts géniaux règnent sans partage sur la nouvelle pédagogie... L'active, pas la facho, celle qui part
Pour « restaurer l'autorité », il faut d'abord réenchanter le monde.
Nous disait ce Gauchet optimiste juste avant d'obtenir le statut d'intermittent du spectacle pour les pédagogues, auprès de notre parrain Jack Lang.
Le début de cette vidéo est parfait pour comprendre ce grand homme. Il prêche la citoyennerie du monde, entouré de beaux tableaux d'artistes contemporains (ou d'enfants trisomiques)... on a envie de lui faire des câlins, non?
27 janvier 2010
25 janvier 2010
24 janvier 2010
Les catastrophes naturelles n'existent pas !
Scoop de dernière bourre :
L’armée américaine serait en train de procéder, dans la zone 51, à la fabrication d’une bombe révolutionnaire capable d’engendrer une Supernova dans le but d’anéantir l’Iran.
Alex Jones, correspondant du CGB
L’armée américaine serait en train de procéder, dans la zone 51, à la fabrication d’une bombe révolutionnaire capable d’engendrer une Supernova dans le but d’anéantir l’Iran.
Alex Jones, correspondant du CGB
Monumenta(le ar(t)naque) 2010 au Grand Palais par Boltanski
Christian Boltanski est un artiste de "renommée mondiale"... Entendez par là qu'il est inconnu au bataillon pour la masse. Un illustre inconnu ? Le CGB, dans le sillage des officiers du ministère du Divertissement et de l'abrutissement généralisé, notamment ses troupes d'élite, les Ali Baddou et consorts canalpluciens, a décidé d'aider ce grand artiste pas "content pour rien", étant donné qu'on s'achète ses merdes une fortune (j'ajouterais qu'y serait vraiment con, demeuré de se casser l'cul), dans sa quête de notoriété. Alors, précipitez-vous au Grand Palais pour la grande exposition Monumenta 2010 ! Ou, faites comme nous : prenez votre linge sale en photo...
Les œuvres de Christian Boltanski sont adressées à tous (C'est clair qu'y a pas besoin de sortir des Beaux Arts là, pour comprendre que c'est que du linge sale qu'est exposé), elles interpellent et ébranlent (Tout ce repassage en perspective !). Sous la Nef du Grand Palais, le visiteur oublie toute référence muséale (Tu m'étonnes, on se croirait au Lavomatic du coin d'la rue !), il fait corps avec la scène vivante de l'art et de la mémoire (Lessivage de cerveau). L'artiste, selon Boltanski, est celui qui dévoile au spectateur « une chose qui était déjà en lui, qu'il sait profondément ; il la fait venir à hauteur de la conscience » (Faut que je fasse la lessive en rentrant ?). Théâtre de la remémoration, MONUMENTA 2010 questionne le sens de la destinée humaine (Laver son linge sale en public ?) et affirme la place faite à chacun dans la mémoire collective (Nous sommes tous des ménagères ! Merci Christian !).
Dans le cadre de MONUMENTA, Christian Boltanski poursuit la collecte d’enregistrements de battements de cœurs qu’il a engagée pour réaliser les Archives du cœur : les visiteurs sont invités à enregistrer le son des battements de leur cœur et à en faire don à l’artiste. (ça marche aussi si comme nous, vous avez un AK 47 à la place du coeur...)
Nous avons bien essayé d'interviewer par téléphone une chaussette, actrice dans l'exposition Monumenta 2010, mais elle avait déjà pris la grosse tête...
NB :
Pour décrire le monde globalisé, que l'on peut tout aussi bien qualifier de "monde synchrone", nous nous basons sur l'image du palais de cristal forgée par Fiodor Dostoïevski dans son roman Mémoires écrits dans un souterrain en 1864 - une métaphore qui renvoie au fameux GRAND PALAIS (modification cégébienne du texte). Dans cette image, l'écrivain russe croyait voir, comme dans un ultime condensat, l'essence de la civilisation occidentale. Dans cet édifice monstrueux il discernait un Baal moderne, une structure dévoreuse d'êtres humains - un conteneur-culte dans lequel les gens rendent hommage aux démons de l'Occident : au pouvoir de l'argent, au mouvement pur, aux jouissances excitantes et anesthésiantes.
Peter Sloterdijk. Le Palais de Cristal. 2006.
Rien n'est contraire au Spectacle pour le Spectacle. La preuve apportée par Baltanski. L'élite nous vend des tickets d'entrée à des événementiels où notre mort est seule en scène. Il y a effectivement de quoi jubiler.
Diam's : Suicide en direct !!!
La colle à rustine devait bien tourner hier soir dans les coulisses des NRJ Awards. Prestation psychédélique de Diam's qui a décidé de reprendre le rôle de Marie Rose. A quand la séquence "pétage de plomb en direct de Jeux de la Vérité" ??
Le refrain le seul moment de lucidité ...
Moi je veux pas etre grande nan nan nan nan car faudrait tout comprendre nan nan nan nan
moi je veux pas etre grande nan nan nan nan car je comprend rien pour l'instant
23 janvier 2010
Le petit Dany Illustré
Vu que Marianne 2 publie des entrevues du CGB piquées dans l'hebdo propro Réforme... c'est à notre tour de faire passer une entrevue de Dany Robert-Dufour, elle-même tirée d'un bouquin compilant des émissions France-Culture: "D'autres regards sur la Crise".
DRD nous explique l'homme psychique nouveau à l'heure du capitalisme total.
Notons que cette entrevue a eu lieu avant la sortie de la "Cité Perverse" et "Le sacré, cet obscur objet du désir".
La fin du grand récit libéral
Dany-Robert Dufour - philosophe | Samedi 23 Janvier 2010
Marianne2, avec France Culture, présente des extraits de Regards sur la crise, ouvrage d’entretiens d’Antoine Mercier avec divers intellectuels (d’Alain Badiou à Alain Finkielkraut) sur la crise économique. Cette semaine, le philosophe Dany-Robert Dufour revient notamment sur la révolution psychique entraînée le libéralisme.
Il y a seulement un peu plus d’un an, vous aviez publié un livre qui s’intitulait « Le divin marché » et qui était sous-titré « La révolution culturelle libérale », une révolution dont vous vous demandiez alors, jusqu’où elle nous mènerait. Cette révolution culturelle libérale, dont vous parliez, nous mène-t-elle à la crise d’aujourd’hui ?
Elle nous y mène directement. On assiste effectivement à une crise gravissime qui est causée par la mise en œuvre d’un principe toxique qui a été appliqué partout dans le monde depuis une trentaine d’années, c’est-à-dire en gros depuis Reagan/Thatcher.
Ce principe, c’est celui de l’auto-harmonisation des intérêts privés. Or c’est un mythe. Un mythe qui colporte un principe mensonger, ce qui veut dire qu’on nous a raconté des histoires. On nous a resservi une histoire ancienne, qui a été inventée au XVIIIe siècle par des gens comme Mandeville – qui, par exemple, disait que les vices privés font la fortune publique – ou Adam Smith – qui avait postulé l’existence d’une Providence supérieure qui veillait à cette homogénéisation des intérêts privés : la fameuse « main invisible ».
Ce que l’on constate aujourd’hui clairement, c’est que tout cela ne peut pas s’auto-harmoniser, tout simplement parce qu’il existe des intérêts qui sont plus forts que d’autres et qui emportent toujours toutes les décisions. On assiste donc à l’effondrement extrêmement douloureux d’un mythe qui produit des effets dévastateurs, désastreux, dans toutes les grandes économies humaines. Car je crois qu’il ne faut pas seulement considérer l’économie marchande, mais il faut considérer aussi toutes les grandes économies humaines dans lesquelles nous vivons.
Pour en rester d’abord à ce mythe dont vous parlez, est-ce que vous avez l’impression que la page est tournée maintenant… ou que tout va pouvoir recommencer comme avant ?
On voudrait bien que la page soit tournée. Cela dépendra des décisions qui seront prises. Mais on peut d’ores et déjà s’inquiéter du fait que ce sont souvent les décideurs qui ont mis en œuvre ce principe qui sont eux-mêmes chargés de sa réforme.
On voit très bien vers quelle stratégie ils vont : mobiliser l’argent public pour le diriger vers le privé en crise. Ainsi, après n’avoir juré que par la privatisation des bénéfices, voilà qu’ils prêchent en faveur de la socialisation des pertes financières, nécessaire selon eux pour rétablir le système financier et relancer la machine.
Ce sont les États, hier priés de cesser toute forme d’intervention, qui sont aujourd’hui intensément sollicités pour éponger les milliards évaporés dans la finance, dans l’attente que tout redevienne comme avant. Mais, comme entre-temps il faudra bien calmer les foules mises à contribution, il devra bien prendre des mesures, mêmes cosmétiques, par exemple à l’encontre des paradis fiscaux.
Or, ce qu’on oublie volontiers, c’est que la crise est plus grave qu’on ne le croie puisque les effets ont été désastreux, pas seulement dans l’économie financière, mais dans toutes les économies humaines, par exemple dans l’économie réelle avec la destruction du tissu industriel, qui s’est produite à la suite du passage du capitalisme industriel au capitalisme financier.
Les actionnaires ont, en quelque sorte, acheté des dirigeants des entreprises pour qu’ils suivent des objectifs financiers et non plus industriels. Je dis bien « acheté », en leur fournissant des salaires mirobolants, des stock-options à bas prix, des retraites chapeau exorbitantes. Ces actionnaires se sont mis à vendre tout, y compris ce qu’ils n’avaient pas.
Par exemple, ils ont prêté encore plus d’argent qu’ils n’en avaient à des gens qui n’en avaient pas pour le leur rembourser, c’est la fameuse affaire des subprimes. Ils ont ensuite caché ces créances pourries, ils les ont revendues. Ils se sont mis à spéculer à la hausse, comme à la baisse. Mais ce n’est pas tout, il y a eu des systèmes dits « de pyramide » à la façon de Bernard Madoff, des abus de position dominante, des faux bilans, des évasions fiscales…
Vous avez récemment écrit que nous sommes sortis du cadre freudien classique de la névrose pour entrer dans un cadre post-névrotique où c’est la perversion, la dépression, l’addiction qui prédominent… Cette économie psychique où en est-elle aujourd’hui à travers cette crise ?
Je crois que ce libéralisme financier a sapé, non seulement les bases de la finance, mais aussi toutes les grandes économies humaines. On pourrait parler de l’économie politique, on pourrait parler de l’économie symbolique, on pourrait parler de l’économie sémiotique, mais on pourrait aussi parler, ce qui m’intéresse particulièrement, de l’économie psychique parce qu’effectivement, il existe des effets directs de cette économie marchande sur l’économie psychique.
Précisez d’abord ce que vous entendez par « économie psychique » ?
L’économie psychique, c’est précisément la façon dont sont gérées, chez un individu, les passions et les pulsions. Dans la névrose classique, il s’agissait de réprimer un certain nombre de passions et de pulsions pour qu’une économie dite du désir puisse se mettre en place. Bref, pour que je désire, il faut que tout ne me soit pas donné. Avec l’économie marchande, c’est un autre cadre psychique qui se met en place. Celui de la jouissance.
Le libéralisme, c’est en effet avant tout la libération des passions et des pulsions. C’est ce que dit si bien la formule de Mandeville énoncée en 1704 à quoi je faisais allusion : « les vices privées font la vertu publique », autrement dit, il ne faut entraver en rien la recherche égoïste de l’intérêt- personnel au motif que c’est elle qui produit la richesse publique.
L’un des effets inattendus de cette maxime, c’est qu’elle conduit à la sortie du cadre névrotique et à l’entrée dans un cadre qui est dominé par trois formes : celles de la perversion, de la dépression et de l’addiction.
Pourquoi la perversion ? Eh bien parce que c’est tout simplement la pathologie la plus adaptée quand il s’agit de viser partout le coup gagnant car il s’agit de toujours circonvenir l’autre, de toujours s’en méfier ou de l’instrumentaliser pour réussir son coup. On assiste ainsi à des pulsions d’emprise sur l’autre, à des formes d’infatuations suggestives qui se manifestent parfois jusque dans les plus hautes sphères de l’État.
La dépression ?
La dépression, en un mot, c’est ce qui arrive quand les individus n’ont pas les moyens de la perversion requise et se mettent à déchoir à leurs propres yeux. On sait que la dépression aujourd’hui, peut atteindre par roulement, 20 à 30 % de la population. On sait par ailleurs, les profits que tire l’industrie pharmaceutique de cette pathologie. Et l’addiction…
Oui l’addiction…
Et l’addiction, c’est tout ce qui ressort d’un monde qui promet la satisfaction pulsionnelle généralisée. C’est exactement ça l’économie de marché, puisque le marché est ce qui propose toujours un produit, un objet, un service, un phantasme, susceptible de combler toute appétence quelle qu’elle soit.
Pensez-vous que cette économie psychique puisse, petit à petit, se remettre en ordre, sans forcément retrouver les névroses d’antan ?
Ce qu’on voit, c’est que tous ces effets sont liés les uns aux autres. Il y a un principe transductif qui lie toutes ces économies entre elles si bien qu’on ne peut pas étudier seulement- l’économie psychique, comme on ne peut pas étudier seulement- l’économie politique, comme on ne peut pas étudier l’économie marchande à part. C’est ça mon travail de philosophe : essayer de montrer tous les points de passage entre ces économies.
Et par quoi il faut commencer ?
Par cartographier les passages afin de sortir du sentiment de malaise et de confusion. On assiste en ce moment à un étrange spectacle puisque les effets toxiques dont je parlais commencent à se faire sentir dans ces différentes économies et risquent bientôt d’être extrêmement mal supportées par les populations.
On voit déjà des signes de désarroi dans de nombreux domaines, dans les populations qui travaillent dans la santé en général, et dans la santé mentale en particulier. On voit aussi de grands signes de désarroi dans la culture, dans la justice, dans l’éducation dont on veut soumettre les institutions aux lois du Marché alors même que ses principes sont en train de se révéler catastrophiques dans le milieu des affaires où ils ont été appliqués…
On pourrait aussi parler des effets de la dérégulation de l’économie marchande dans l’économie politique avec par exemple, l’obsolescence du gouvernement et l’apparition, dont on nous a rebattu les oreilles depuis maintenant une vingtaine d’années, d’une forme venant se substituer à celle du « gouvernement » : la « gouvernance ».
Tous les gouvernements se sont relayés depuis une vingtaine d’années pour nous dire que l’État ne pouvait pas tout, qu’il fallait moins d’État et qu’il était absolument nécessaire de déréguler. On a même assisté à des numéros de bravoure où le prestige symbolique de l’État était utilisé pour détruire la fonction régulatrice de l’État…
Le « troupeau égo-grégaire »
Arrêtons-nous sur ce terme de « gouvernance ». De quoi est-il le nom ?
Le terme de « gouvernance » vient très directement de la corporate gouvernance, c’est-à-dire de la prise du pouvoir des actionnaires dans la gestion du capital. Auparavant, nous avions affaire à un capitalisme industriel qui était tenu de trouver des arrangements avec le salariat.
Or, c’est la troisième composante, les actionnaires, représentant le capitalisme financier, qui a pris le pouvoir et qui a, d’une part, éloigné le salariat de la gestion des affaires au point de le considérer comme une variable d’ajustement et qui a, d’autre part, acheté les dirigeants des grandes entreprises industrielles avec les moyens que j’évoquais à l’instant pour qu’ils suivent des objectifs non plus industriels mais financiers.
La gouvernance, c’est le libre affrontement des intérêts privés sans instance régulatrice. Quand on joue à ce jeu, c’est toujours les intérêts les plus forts qui remportent la mise. C’est pourquoi, on a tort de se représenter la gouvernance comme un approfondissement démocratique.
À l’origine, la gouvernance n’est rien d’autre en effet que la mise en place d’une dictature des actionnaires. C’est partant de là que la gouvernance a été étendue à l’ensemble de la forme politique qui est ainsi tombée en désuétude puisque le gouvernement a été battu en brèche au profit d’une société civile sensée pouvoir s’autoréguler toute seule alors que, là aussi, la régulation se fait au profit des plus puissants.
Voilà pour la sphère du politique… on peut peut-être aborder la sphère suivante ?
On pourrait parler de l’économie symbolique puisque l’économie symbolique, c’est le lieu où le corps social s’entend sur un certain nombre de valeurs. Or, là, nous assistons à la disparition de la forme classique que nous avons connue en France, en particulier ce qu’on appelait, depuis Rousseau, le pacte social républicain.
On assiste à l’apparition de nouvelles formes de lien social, comme ce type de lien que j’ai appelé le lien égo-grégaire. Des individus sont conduits par leur égoïsme en recherche de satisfactions consommatoires. C’est alors facile de les capter ou capturer pour les mettre en troupeaux, en troupeaux de consommateurs qu’on promène ainsi d’objet en objet.
Le « troupeau égo-grégaire »… on en fait tous partie plus ou moins…
On en fait tous plus ou moins partie dans la mesure où on accepte d’être promené d’objet en objet. Ce n’est pas inéluctable. Auparavant, dans le lien social, nous étions dans une disposition où nous devions rabattre d’une partie de notre jouissance pour la mettre au compte d’un tiers qui faisait loi commune et que nous appelions le gouvernement. Nous étions alors tenus par le haut.
Maintenant, nous sommes en quelque sorte tenus par le bas. Nous sommes tenus par les objets que le marché ne cesse de nous présenter dans une multitude de petits récits édifiants sur les murs de la cité, à la télévision, etc. et qui sont les récits de la marchandise qui est sensée pouvoir nous sauver.
Est-ce que ce n’est pas cela qui est en train de s’effriter aujourd’hui ?
Je l’espère bien ! On assiste effectivement à l’effondrement absolument douloureux de ce mythe. On pourrait voir ses effets dans une autre économie très importante puisqu’elle a à voir ce qui nous spécifie en propre à savoir le fait que nous sommes des êtres parlants. Je veux parler de l’économie sémiotique qui s’intéresse à nos façons de parler. On remarque l’apparition de ce que j’ai appelé, une novlangue ultralibérale, qui est marquée par des transformations de la grammaire et par des transformations sémantiques.
Par exemple, je vois chez mes étudiants qu’ils pratiquent de plus en plus la pensée par association et non plus la pensée par démonstration. On n’a plus affaire au « est »… e/s/t., mais au « et », e/t, avec des énoncés qui disent « il y a ceci, et cela, et cela… ». Ceci est favorisé par les technologies actuelles où on produit volontiers du texte en coupé-collé à partir de l’Internet. On ajoute sans jamais qu’il y ait jamais de forme propositionnelle parce que la forme propositionnelle qui procède de marqueurs logiques apparaît comme trop autoritaire. Si bien que ces marqueurs, les « car », les « donc », les « parce que », disparaissent au profit du « et ».
Cela marque-t-il une difficulté à élaborer une pensée articulée ?
Oui, absolument. Je crois que nos façons de parler sont atteintes. Cela se manifeste aussi par des altérations sémantiques, par exemple par la disparition de toute forme d’autorité même laïque qui est bannie : par exemple, on ne parlera plus aujourd’hui d’« instituteurs », mais d’« accompagnateurs de savoir ».
Au total, il faut que les individus puissent mettre en avant leur ego partout, faute de quoi ils se sentent assujettis, ils se trouvent dans des formes qu’ils pensent être autoritaires. Et puis, évidemment, le dernier plan, c’est l’économie psychique dont j’ai parlé plus haut, avec la transformation du cadre névrotique en un cadre post-névrotique marqué par le triptyque : perversion, dépression et addiction…
Peut-on comprendre pourquoi ce système-là était finalement voué à être en crise à un moment donné ?
Tout simplement parce que le récit qu’on nous a raconté fonctionne sur un principe faux. Les intérêts privés ne peuvent pas s’auto-organiser. Il était inéluctable qu’un système fondé sur un principe faux s’effondre un jour. Cela commence même à se savoir au niveau des plus hauts responsables !
Relisez l’interview d’Alan Greenspan, l’ancien président de la Réserve Fédérale américaine surnommé le « Maestro », qui était interrogé par la commission des États-Unis chargée du contrôle de l’action gouvernementale, et qui disait en gros : « J’ai fait une erreur en croyant que le sens de leurs intérêts particuliers chez les banquiers était la meilleure protection qui soit pour tout le monde ». Le récit mis en place partout dans le monde a eu des effets délétères et des conséquences douloureuses parce que ce principe est tout simplement mensonger.
C’est probablement pourquoi on assiste maintenant à la recherche d’un autre récit, un récit de remplacement par rapport à ce grand récit de l’auto-harmonisation des intérêts privés. J’ai le sentiment qu’il y a quelque chose qui se présente du côté d’une autre économie dont je n’ai pas encore parlé, bien qu’elle soit également malade.
Il s’agit de l’économie dans laquelle s’insèrent toutes les autres économies. C’est tout simplement l’économie du vivant qui est victime d’une contradiction majeure entre le capitalisme (qui promet la production infinie de la richesse) et la finitude des ressources vitales qui sont offertes par la terre dans tous les grands domaines : en énergie fossile, en air, en eau… On annonce d’ailleurs, pour le XXIe siècle, de nouveaux grands enjeux stratégiques, concernant, par exemple, les ressources en eau.
Y a-t-il d’autres solutions que de retrouver un récit relativement à un « grand autre » ?
Manifestement oui. On assiste à une tentative de mise en place d’un récit vertueux à propos de la nature. Ça peut être une alternative au récit qui faisait la promotion des égoïsmes.
Est-ce qu’une société peut vivre avec ce genre de récit qui n’est pas merveilleux ?
C’est un récit qui n’est pas merveilleux, mais avec lequel on devra bien essayer de faire parce que, sinon, on risque des conséquences extrêmement graves concernant tout simplement- la perpétuation de notre espèce et les formes de la vie sur terre. Donc je crois qu’il va bien falloir s’y faire. On cherche pour l’instant à s’y accoutumer en le mixant avec des formes du grand récit libéral – pensez par exemple à la « croissance verte » qui serait censée permettre la création de des millions d’emplois…
Les voitures vertes…
Voilà, les voitures vertes. Là, je crois qu’il faut être extrêmement prudent. Il va bien falloir un jour quand même en finir avec l’idée que nous serons sauvés en nous racontant de belles histoires, fussent-elles vertes. Il va bien falloir que les hommes cessent de miser sur un Principe parfait susceptible de les sauver, et qu’ils se mettent à intervenir, qu’ils régulent- leurs activités par eux-mêmes en fonction de leur intérêt collectif. Et je crois que c’est ce principe de réalité qui nous manque en ce moment et que nous sommes peut-être en droit d’espérer retrouver.
Vos thèses paraissaient relativement isolées ces dernières années. Aujourd’hui, on a l’impression que tout le monde vous retrouve… Cela fait quelle impression ?
C’est une impression assez bizarre parce que j’ai l’impression d’avoir prêché dans le désert. Quand Le divin marché est sorti, il y a juste un an, j’ai eu des comptes rendus de presse disant : « il n’y comprend rien », « il ne comprend rien à l’économie ».
Et puis, la crise est arrivée – et même beaucoup plus vite que je ne le croyais. Et là, on s’est tourné vers moi en me demandant comment j’avais compris que cela ne pouvait pas tenir. C’était pourtant facile : rien ne peut tenir sur un récit mensonger, cela ne peut produire que des effets délétères.
Du coup, je vois un certain nombre de gens qui aujourd’hui s’adressent à moi dans différents domaines, dans le champ politique, dans le champ esthétique, dans le champ psychique… En somme, la crise pourrait avoir du bon : elle a mis les individus en recherche. Voilà que des gens se remettent- au travail pour tenter de réénoncer quelques principes adéquats permettant un nouvel arrangement possible, un arrangement raisonnable et non plus miraculeux, d’où on tombe toujours de haut.
Pensez-vous qu’un travail collectif démarre aujourd’hui ?
Oui, je pense que c’est un travail collectif dans la mesure où l’on sort, heureusement, même si c’est avec douleur, d’un mythe et qu’il ne s’agit pas de se reprécipiter tête baissée dans un autre mythe. Il s’agit maintenant de réfléchir avec tous ceux qui, dans les différents domaines que j’ai évoqués, rencontrent des problèmes, sont souvent en grand désarroi.
J’ai l’impression que les mois qui viennent risque d’être cruciaux parce qu’on sent ce désarroi se transformer en exaspération. Et je pense qu’on ne pourra pas y répondre comme le politique y répond en ce moment, par des mesures qui ressemblent fort à des mesures d’intimidation.
On a vu les financiers entrer en panique. Il se pourrait très bien que nos populations entrent en panique aussi. Nul ne sait à quelle échéance cela pourrait arriver, mais ce n’est pas impossible. Peut-être même que cette exaspération pourrait, à terme, se cristalliser dans un grand moment collectif où chercherait à se refonder quelque chose qui nous sorte enfin des principes toxiques dans lesquels nous avons vécu pendant une trentaine d’années.
Renflouer l’économie marchande en difficulté est peut- être indispensable, mais personne ne croit que ça pourrait être une finalité en soi. Si rien ne change, comme c’est à craindre, cela ne pourra conduire, après une accalmie, qu’à une nouvelle crise, plus grave encore. Il s’agit en effet de faire naître un autre monde où nous soyons effectivement responsables. Un monde qui ne soit plus caractérisé par le laisser-faire parce que laisser-faire, c’est laisser faire les égoïsmes.
Or, nous avons besoin maintenant de la mise en place de principes collectifs pour le rétablissement de certaines formes d’équilibre dans toutes ces grandes économies humaines extrêmement menacées. Est-ce que tout cela se passera d’une façon pacifique ? On peut craindre quand même que, de ce point de vue, les années 2009-2010 soient la période de tous les dangers…
Biographie : Dany-Robert Dufour est un philosophe français, professeur à l'Université Paris VIII et membre du Collège international de philosophie. Il a notamment écrit Le divin marché en 2007.
Ego
J'ignore si cette terre sur laquelle je me trouve est le coeur de l'univers, ou si elle n'est qu'un grain de poussière perdu dans l'éternité. Je l'ignore, et cela m'est égal, car je sais quel bonheur m'est possible sur cette terre. Et mon bonheur n'a pas à se justifier. Mon bonheur n'est pas un moyen d'arriver à une quelconque fin. Il est la fin. Il est son propre but. Il est sa propre raison d'être.
Je ne suis pas non plus un moyen d'arriver à une fin que d'autres voudraient atteindre.
Je ne suis pas un instrument à leur disposition.
Je ne suis pas un serviteur de leurs exigences. Je ne suis pas un baume pour leurs plaies. Je ne suis pas un sacrifice sur leur autel.
Je suis un homme. Je me dois de posséder et conserver, de défendre, d'utiliser, de respecter et de chérir ce miracle.
Je n'abandonne ni ne partage mes trésors. La richesse de mon cerveau ne doit pas être gaspillée en pièces de bronze jetées en aumône, à tous vents, aux pauvres d'esprit. Je défends mes trésors : ma pensée, ma volonté, ma liberté. Et le plus précieux est ma liberté.
Je ne dois rien à mes frères, je ne suis pas leur créancier. Je ne demande à personne de vivre pour moi et je ne vis pas non plus pour les autres. Je ne convoite l'âme d'aucun homme, tout comme mon âme n'a pas à être convoitée.
Je ne suis ni l'ami, ni l'ennemi de mes frères, mais l'un ou l'autre, suivant ce qu'ils méritent. Pour mériter mon amour, mes frères doivent avoir fait plus que de se contenter d'être nés. Je n'accorde pas mon amour sans raison, ni à quelque passant qui se hasarderait à le réclamer. J'honore les hommes de mon amour. Mais l'honneur doit se mériter.
Je choisirai des amis parmi les hommes, mais jamais d'esclave ni de maître. Et je ne choisirai que ce qui me plairont ; à eux je montrerai amour et respect, mais jamais domination ni obéissance. Et nous joindrons nos mains lorsque nous le déciderons, ou marcherons seuls si nous le désirons. Car dans le temple de son esprit, chaque homme est seul. Que chaque homme garde son temple pur et intact. Qu'il rejoigne d'autres hommes, qu'il les prenne par la main, s'ils le désirent, mais seulement au-delà de ce seuil sacré.
Car le mot "Nous" ne doit jamais être prononcé, sauf par choix personnel et après réflexion. Ce mot ne doit jamais être privilégié dans l'âme d'un homme, ou il devient monstrueux, l'origine de tous les maux sur terre, l'origine de la torture de l'homme par l'homme et d'une innommable duperie.
Le mot "Nous" est comme de la chaux versée sur les hommes, qui se contracte et durcit comme la pierre, écrase tout ce qui se trouve au-dessous, mêlant le noir et le blanc dans son gris. C'est le mot grâce auquel les dépravés volent la vertu des hommes droits, grâce auquel les faibles volent la force des forts, grâce auquel les imbéciles volent la sagesse des sages.
Quelle joie en tirer, si toutes les mains, même impures, peuvent l'atteindre ? Quelle sagesse, si même les imbéciles peuvent me donner des ordres ? Quelle liberté, si toutes les créatures, même les incapables et les impuissants, sont mes maîtres ? Quelle vie, si je ne fais que m'incliner, approuver et obéir ?
Mais j'en ai fini de ce culte de la corruption. J'en ai fini de ce monstre du "Nous", mot de la servitude, du pillage, de la misère, du mensonge et de la honte.
Et je vois maintenant le visage de dieu, et j'élève ce dieu au-dessus de la terre, ce dieu que les hommes cherchent depuis qu'ils existent, ce dieu qui leur accordera joie, paix et fierté.
Ce dieu, ce mot unique, c'est "JE".
Ayn Rand
Anthem
Anthem
22 janvier 2010
Le sens des limites
D'aucuns ne seront pas étonnés de voir publier une entrevue du grand Alain Supiot. Professeur de droit du travail à l'Institut d'études avancées de Nantes, éminent juriste dans la lignée de Pierre Legendre ou Rudolf von Jhering, son expérience au sein de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) lui permet de fustiger avec autorité la mise en place d'une "économie communiste de marché" au sein de l'UE. Son dernier ouvrage "L'esprit de Philadelphie, la justice sociale face au marché total" (Seuil, 178 p., 13 €) met en perspective des limites posées par le droit face à l'hybris du Marché ou comment réhabiliter un certain protectionnisme.
Voici un récent entretien au Monde des Livres (sic) sur ce thème.
Retrouver tout d'abord le sens des limites
LE MONDE DES LIVRES | 21.01.10
La déclaration de Philadelphie de 1944 a posé les bases de la justice sociale à l'échelle internationale. Ces valeurs sont remises en cause avec la globalisation. Pourquoi ?
De Verdun à Auschwitz et Hiroshima, l'homme avait été réduit à l'état de matériel humain. S'était installé, en temps de guerre comme en temps de paix, un mode de gestion industrielle des hommes, traités comme une ressource. La leçon retenue fut que, pour éviter les fureurs identitaires et favoriser la paix, il fallait affirmer la dignité humaine, se préoccuper des conditions de vie et donc de justice sociale. La déclaration de Philadelphie prescrit ainsi d'évaluer les mesures d'ordre économique et financier au regard de cet objectif. Or, depuis trente ans, on fait exactement l'inverse, on s'efforce d'adapter les êtres humains à une organisation déréglementée posée comme une fin en soi. C'est un complet renversement des moyens et des fins qui avaient été affirmés à l'époque de la Libération.
Pourquoi jugez-vous que l'accord fondateur de l'Organisation mondiale du commerce a sapé les fondements de la justice sociale ?
C'est lui donner trop d'importance... Mais le contraste entre la déclaration de Philadelphie et le préambule de cet accord est saisissant. Les objectifs qu'il fixe sont de nature purement quantitative. N'y figurent plus du tout l'épanouissement spirituel des hommes, leur sécurité économique ni la stabilité des prix des matières premières à l'échelon mondial.
Vous énoncez cinq clés pour développer la justice sociale : la limite, la mesure, l'action, la solidarité et la responsabilité. En quoi la notion de limite est-elle constitutive de la justice sociale ?
Si vous interdisez à l'Afrique d'avoir la moindre barrière commerciale, vous détruisez les conditions d'exploitation agricole ou de production artisanale locales et nourrissez le phénomène migratoire. Portée par les noces du communisme et de l'ultralibéralisme, la nouvelle doxa prône le démantèlement de toute frontière pour les marchandises et les capitaux, tandis que de nouvelles barrières sont érigées chaque jour contre la circulation des hommes. Il faudrait mettre un peu plus de barrières pour les choses et moins pour les hommes. Les frontières doivent être, à l'échelle des grandes régions du monde, ouvertes ou fermées en fonction des impératifs sociaux qui leur sont propres.
L'instrumentalisation du droit semble s'être généralisée. Vous décrivez à ce propos le rôle dévoyé de la Cour de justice des communautés européennes...
Absolument. Cette cour est un des organes-clés de l'Union européenne, car elle a le pouvoir de dire le droit. Jusqu'à une date récente, elle était demeurée fidèle à l'objectif d'"égalisation dans le progrès" inscrit dans le traité de Rome de 1957. Aujourd'hui, elle s'emploie au contraire à attiser la mise en concurrence des droits sociaux et fiscaux nationaux, et juge que la protection du pouvoir d'achat et de la paix sociale n'est pas un objectif légitime au regard de celui de la libre prestation de services. Son abandon des objectifs de justice sociale s'explique par les conditions d'entrée des pays post-communistes dans l'Union. Cette entrée aurait dû être pensée non en termes d'élargissement mais de réunification de l'Europe, les pays de l'Ouest acceptant de financer généreusement la modernisation des pays de l'Est et ces derniers acceptant en retour de ne pas pratiquer le dumping social et fiscal. Il n'est peut-être pas trop tard pour s'engager dans cette voie.
Dans le monde globalisé, quelles seraient les voies d'avenir fidèles à l'esprit de Philadelphie ?
Prétendre donner des solutions clés en main serait contraire à la déclaration de Philadelphie qui mise, non sur les experts, mais sur la démocratie sociale pour définir les meilleures voies de réalisation de la justice sociale. On peut tout au plus poser des principes de base.
Retrouver tout d'abord le sens des limites, sans lesquelles il n'est pas d'ordre juridique possible : le rule of law (l'Etat de droit) est incompatible avec le law shopping (le marché des normes). Puis retrouver le sens de la mesure au lieu de céder aux mirages de la quantification : coupée de toute délibération démocratique, la gouvernance par les nombres et les politiques d'indicateurs nous ramènent aux errements soviétiques du Gosplan. Enfin, redonner une place forte à la solidarité civile (comme les mutuelles en France), sans la vitalité desquelles la sécurité sociale est condamnée à la faillite. Plus généralement, il faut se souvenir que les hommes sont des sujets pensants avant d'être des objets de science.
Propos recueillis par Anne Rodier
Article paru dans l'édition du 22.01.10
Pupille de l'humanité
Au CGB, nous sommes des monomaniaques de l'ancien moustachu Régis... Et quand il parle d'Haïti, ce n'est pas comme les BHL, Glucksmann et autres... Régis s'intéresse depuis près de cinquante ans à l'île de Toussaint Louverture, à tel point, qu'il a pondu un rapport voici six ans pour Domino de Villepin.
Haïti, "pupille de l'humanité", par Régis Debray
LE MONDE | 19.01.10 |
A catastrophe hors norme, réponse hors norme. La remise sur pied d'un peuple entier jeté à terre n'a pas de précédent. Elle ne peut qu'outrepasser, sans bien sûr les invalider, les voies et moyens ordinaires de la solidarité multilatérale.
Mais l'extrême urgence et les meilleurs des sentiments ne doivent pas déboucher sur une prise de contrôle unilatérale d'un petit pays par un très grand, préparant peut-être une remise sous tutelle de type impérial. Une nouvelle conception de l'entraide doit émerger, à l'échelle du siècle.
Au lendemain de la première guerre mondiale, la République a forgé le statut de pupille de la nation, en vertu duquel les descendants de victimes de guerre ont droit jusqu'à leur majorité à la protection morale et à l'aide matérielle de l'Etat, en vertu d'un jugement d'adoption.
En 2010, il n'y a pas de guerre mondiale sur la planète, mais il y a, localement, des dévastations et des détresses collectives d'ampleur équivalente affectant des peuples adultes, dont la planète doit se saisir.
A l'heure de toutes les mondialisations et des "bla-bla" sur le global, il n'y a certes pas de République mondiale, mais il y a ce qu'il est convenu d'appeler une communauté internationale, symbolisée par l'Organisation des Nations unies (ONU). Pourquoi, changeant d'échelle, ne pas déclarer Haïti "pupille de l'humanité" ? Et pourquoi cette instance n'élaborerait-elle pas une nouvelle catégorie juridique de ce type, débarrassée de ses connotations condescendantes ?
Logique d'avenir
Une adoption de ce genre ferait obligation aux dix pays les plus riches du monde (ainsi qu'à ceux de la région qui en auraient la volonté et la capacité) de verser pendant cinq années une contribution financière exceptionnelle, dont le bon usage serait contrôlé par une commission mixte - donateurs et bénéficiaires.
Il va de soi que la souveraineté nationale du "pupille de l'humanité" ne devrait pas être bafouée, en reconduisant la vieille et funeste relation d'assistanat-relation, tronquée parce que sans réciprocité, et nocive parce que déresponsabilisante. Il existe heureusement en Haïti de fortes personnalités, intègres et compétentes, comme l'ancienne première ministre Michèle Pierre-Louis, et bien d'autres.
Toute nation, victime d'une catastrophe naturelle, en dessous d'un seuil de pauvreté (moins de 1 000 dollars per capita), privée de facto de gouvernement, de services publics et d'infrastructures, mise en situation temporaire d'invalidité, pourrait y prétendre.
Ne serait-ce pas à la France, concernant Haïti, de prendre l'initiative ? Non pas parce qu'Haïti, très ancienne colonie française, a fait la fortune de Nantes et de Bordeaux. Ni même parce que ce pays paria lui a versé en francs-or, chaque année et pendant plus d'un demi-siècle, jusqu'en 1883, des indemnités destinées aux anciens propriétaires d'esclaves.
Nous ne sommes pas dans une logique de dette et de réparation, tournée vers le passé, sans fondements juridiques sérieux. Il s'agirait ici d'une logique d'avenir, tournée vers l'entrecroisement des intérêts bien compris et un sens partagé des responsabilités morales.
Après tout, la République n'a-t-elle pas (encore) en 2010 le mot "fraternité" inscrit sur ses frontons ? Et ne trouve-t-on pas (encore) dans nos grimoires ces mots étranges d'un certain et bien oublié général, nommé de Gaulle : "Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde"
Régis Debray est écrivain.
Pour le Comité indépendant de réflexion et de propositions sur les relations France-Haïti.
Anales du BaChelot
Le principe de précaution doit-il s'appliquer au principe de précaution?
Vous avez trois mois et 800 millions d'euros pour traiter ce sujet (avec précaution).
Gnagahon?
Un festival de violence.
Lyon organise chaque année un festival du polar. C’est aussi inintéressant qu’un festival de littérature normale, mais là, on s’emmerde avec des polars. Rien de bien méchant. Après tout, il existe des festivals d’à peu près n’importe quoi en France, pourquoi pas un festival chiant du polar. Cette année, pour la promo du festival, les organisateurs ont prévu un jeu de rôle en pleine ville, intelligemment nommé « Streetwars ». Un nom anglais, ça fait classe, non ? Il s’agit de jouer au pistolet à eau dans les rues de Lyon et de se dégommer les uns les autres. Oui, je sais, le concept est simple… mais après tout, d’autres jeux sont simples et pourtant si charmants : le rami, la bataille navale, le colin-maillard…
Tu te demandes sûrement, lecteur débordé par un boulot passionnant, et qui prend sur ton temps de pause pour mater ce blog en douce, tu te demandes sûrement pourquoi je t’emmerde avec de telles conneries. Patience, les plus belles arrivent.
Conseil municipal de Lyon (France), 18 janvier 2010 – 10h17 (GMT + 1)
Guylaine Breby, responsable des subventions culturelles, soumet le dossier du festival Quai du polar au vote. Il s’agit d’une petite subvention : 160 000 euros. Une misère.
Les choses semblent rouler comme d’habitude : on entendrait voler une mouche, et d’ailleurs on en entend une (les locaux sont surchauffés, les mouches n’y craignent pas l’hiver).
Patrick Huguet, conseiller municipal UMP et ardent défenseur de la morale, se lève. Une grosse miette de croissant est restée collée à l’une de ses incisives. Ça fait marrer tout le monde, mais il ne s’en rend pas compte. Il croit simplement que les gens sont heureux de le voir. Il tique, le Patrick. Il tique.
- Monsieur Huguet, tonne Gérard Collomb, que pouvons-nous faire pour v (la fin de phrase est inaudible – faux contact dans le réseau des micros)
- Je vois, mesdames et messieurs les conseillers (sans oublier les demoiselles, les bi trans gay et lesbien et sans-papiers qui ont droit à notre respect), que le festival propose cette année encore ce jeu de pistolet à eau à ses participants. Je trouve scandaleux que la ville subventionne une opération où l’on incite à commettre des « meurtres virtuels », même avec des armes à eau. Je trouve que ce n’est pas convenable.
D’habitude, la plupart des conseillers n’écoutent pas les orateurs. Cette fois-ci, pareil. Le Patron, en revanche, ne laisse pas passer l’occase de sortir une vanne. Hélas, le micro déconnant de plus en plus, l’Histoire n’enregistrera pas la saillie, qui fit pourtant rire aux larmes son auteur pendant une bonne minute.
Voilà. Philippe Muray nous a assez démontré que la France est devenue un terrain de jeu. De grands gosses y jouent à aller écouter du jazz, de la dub, du rock, de la bonne vieille merde festive ou n’importe quoi d’autre, mais en groupe, en nombre, en masse. On peut même y voir des adultes, bravant le ridicule, se flinguant à coup de pistolet à eau en pleine rue. D’un autre côté, pour faire comme si tout ça était encore sérieux, un tartuffe s’offusque (spécialité française) du mauvais exemple donné à une jeunesse déboussolée. Va-t-il faire remarquer qu'on dépense bien du pognon pour des enfantillages? Non! il trouve ça encore trop dangereux! « Simuler des meurtres » ? vous n’y pensez pas ! Le principe de précaution est entré si profondément dans nos fesses qu’il nous empêche tout mouvement, toute fantaisie, même les plus idiotes. Patrick Huguet n’ose imaginer qu’on puisse jouer à se tuer pour de faux, même avec des pistolets à eau. Quand on pense qu’il y a moins de dix ans, par le service militaire, on permettait à des centaines de milliers de petits gars de s’amuser à tirer réellement des vraies balles qui font des trous, à lancer des grenades, et qu’aujourd’hui, on craint publiquement de les exposer au spectacle atroce de quelques trentenaires bedonnant se tirant dessus avec des pompes à eau… On craint que ça leur donne des idées…
Le plus joli, dans cette pantalonnade, c’est que la majorité socialiste, débordée sur le point de la bien-pensance responsable par un droitard plus puritain qu’elle, a immédiatement précisé que les mots « meurtre » et « pistolet » seraient retirés des documents présentant le jeu.
Avis à vous tous : du 9 au 11 avril prochain, Lyon invente le polar sans meurtre et sans pistolet. On est loin d’Ellroy…
21 janvier 2010
Junk Bond
2010 s’ouvre décidément sous les meilleurs auspices. Haïti dans sa douleur permet aux nations occidentales de surenchérir dans le volontariat et de verser dans une charitable pitié de l’adoption. Un rôle de composition qui nous sied à ravir. Quant à nos « amis » à la bannière étoilée, ils semblent bien décidé à montrer à la planète leur main-mise sur le rôle de gendarme-sauveteur du monde dans une gigantesque opération de com' dont ils ont le secret. Peut être que Barack pourra accessoirement légitimer son Nobel. On attend plus qu’Angelina Jolie et Brad Pitt en secouristes.
Et pendant ce temps-là, l’économie américaine est au bord du précipice.
America, Fuck yeah !
Les 4000
Comme un jockey chevauchant une vieille carne au seuil de la mort, la poussant sans ménagement pour atteindre la ligne d’arrivée, les marchés eux, capitalisent frénétiquement de leurs côtés, totalement sourd et insensibles au dégueulis économique ambiant.
Mais à peine la ligne de résistance vaincue, et c’est la course au paddock, vers le bookie, pour la prise de gains, avant d’anticiper l’inévitable chute qui ne saurait tarder.
On cherchera de toutes façons à chevaucher un canasson asiatique dans la prochaine course. Il paraît qu’il y en aurait de formidables.
Et puis qui serait assez con pour pleurer la petite mort de l’économie réelle ?
Une question à laquelle nos politiques pourraient aisément répondre, autant qu’Henri Proglio.
"L’émotion est nègre, la raison hellène" Léopold Sédar Senghor
La raison a quitté l’esprit de nos contemporains et l’émotion règne partout. Surtout quand des jeunes font du rodéo en scooter.
C’était pourtant pas faute d’avoir dansé le sirtaki…
"The problems of Greece are extreme, because it alone of the vulnerable eurozone member countries has both high fiscal deficits and high debt." Martin Wolf
On aurait voulu avoir l’avis éclairé d’Emmanuel Todd sur le risque systémique représenté par la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, la Hongrie, les pays Baltes, la Grande Bretagne, etc, etc, et plus loin sur l’avenir européen. Mais on se contentera tout autant de rigoler aux déclarations de Jean-Claude Trichet.
Remarquez qu’il y en a encore pour vous faire l’éloge de la social-démocratie. Si si.
Seulement à force d’avoir absorbé et lessivé de gargantuesques liquidités toxiques en assistant les banques (dont le passif n’est pas apuré, loin s’en faut), intervenant à coup de plans budgétaires, d’aides indifférenciées, d’exonérations fiscales de pans entiers de l’industrie et de secteurs économiques qui n’en demandaient pas tant, nos états, nouveaux chantres du déficit à la Zimbabwéenne, viennent de prouver une nouvelle fois que l’économie est une science trop importante pour la laisser aux mains du politique et d’économistes surfaits.
En grevant davantage un système social déficitaire, et proprement défaillant dont on veut finalement se débarrasser autant que de sa propre identité, nos responsables adorés de l’UMP nous ont sciemment mis dans la merde jusqu’au cou.
En même temps, c’est pas ce qui en empêchera certains de boire à votre santé.
"Chaque année, Copé a coutume d’inviter ses amis à dîner dans les palais nationaux. Ainsi, lorsqu’il était ministre du Budget, recevait-il au ministère de l’Economie et des Finances aux frais du contribuable : « Le dîner, donné dans l’immense salle à manger de Bercy, située au septième étage, est particulièrement fastueux. Il reste en tout cas gravé dans la mémoire de la centaine de convives qui y participent. Un dîner assis, servi par une armada en grande tenue. Champagne. Et feu d’artifice du 13 juillet en prime, derrière les larges baies vitrées offrant une vue imprenable sur Paris. Ce soir-là, Copé se montre enjoué, il passe de table en table, un mot pour chacun. Le ministre du Budget lève son verre : A la santé du contribuable !"
20 janvier 2010
Serge Brussolo sur Mai 68
Je ne prenais au sérieux ni la Gauche ni la Droite. J’étais très lucide en fait, et en avance sur mon temps. Je ne croyais pas à la révolution et au “bonheur du peuple” prêchés dans les drugstores chics du coin par des fils de la bourgeoisie qui ne nous disaient pas bonjour sous le prétexte que nous étions fils d’ouvrier. Pour moi c’était une farce, une autre sorte de “boum” inventée par des gosses de riches. Mon père était en grève, nous n’avions plus un sou et plus rien à bouffer. Les supermarchés étaient vides, les gens se battaient entre les rayons pour un sac de farine ou un litre de lait. Il faut se rappeler l’hystérie qui s’était emparée de la population. On croyait que la guerre civile allait éclater d’un jour à l’autre. On racontait que De Gaulle allait lancer les blindés sur Paris... Certains juraient avoir vu ces chars d’assaut manœuvrant dans la nuit aux abords de chez nous ! Le PC distribuait des vivres à l’intérieur de la cité dortoir. Un copain de mon père, militant communiste de choc, est venu nous apporter d’office un peu de nourriture parce qu’il savait que mon père aurait honte de se pointer à la distribution, il nous a répété que le PC pouvait nous aider, mais ma mère, que le Communisme terrifiait, ne voulait rien entendre. Bien des années plus tôt, elle avait forcé mon père à déchirer sa carte du Parti. Je n’étais pas sensible à l’illusion générale qui s’était emparée des minets du lycée. Ces gosses faisaient la révolution dans le confort, sous des posters d’un Che Guevara divinisé, en sirotant le Chivas Regal piqué dans le bar de leurs parents, cadres sup’ dans la pub, en fumant des Dunhill qu’ils allumaient avec des briquets Dupont plaqué or. J’avais la haine, comme on dit aujourd’hui... Mon scepticisme était mal vu, on me croyait d'Extrême Droite alors que je mettais justement l'Extrême Droite et L'Extrême Gauche dans le même sac ! C’était une époque où, pour la première fois depuis des générations, les gens se laissaient emporter par leur imagination. On cédait au vertige, et cela n’était pas sans risques ni mirages de toutes sortes. Certains — qui y ont cru — ne s’en sont jamais remis et continuent, trente ans après, à fantasmer sur une soi-disant révolution qui n’a existé que dans leur imagination !
Air France : les gros moyens.
Tous ceux qui ont déjà pris l’avion savent que les passagers y sont traités comme de la merde. A moins de voyager en première classe ou, plus encore, en business class, les clampins sont assis sur des sièges étroits, installés aussi près que possible les uns des autres. Quand un type devant toi se met en tête d’incliner son dossier pour piquer un somme ou pour faire un putain de sudoku, il ne reste généralement que quelques centimètres entre l’arrière de son dossier et ton pif. Il ne s’agit plus d’avoir envie d’éternuer, ou c’est l’incident.
Air France a choisi de franchir une étape supplémentaire dans la déshumanisation totale de ces connards de touristes : désormais, les gros payeront deux places. La manœuvre est simple : on généralise des sièges étroits, sans espace entre eux ; puis ont décrète que les gens ne pouvant pas y insérer leurs fesses devront en louer deux. C’est arithmétique, c’est simple, ça rapporte.
Messieurs les terroristes ont beaucoup œuvré pour que les contrôles d’accès aux avions deviennent de plus en plus inquisitoriaux. De la fouille des bagages aux mains baladeuses, du portique anti-ferraille au scanner corporel, les mesures prises pour éviter leurs conneries explosives se sont progressivement rapprochées de celles réservées d’ordinaire au bétail. Mais, me diras-tu, lecteur globe-trotteur, c’est pour une raison de sécurité collective. Oui, c’est vrai. En revanche, l’idée de faire payer le voyage au poids, elle, n’a rien à voir avec la sécurité, quoi qu’en disent ces faux derches d’Air France. Il y a deux ans, d'ailleurs, l’avide compagnie aérienne avait dû lâcher de l’oseille à un passager qui avait le tort de peser 160 kilos, et qui avait dû acheter deux places pour y poser son prose encombrant. Les juges avaient condamné Air France à des broutilles.
Le métro parisien a été construit à une époque où les gens étaient petits. Bon. Les rames sont étroites, elles vont et viennent dans des tunnels étroits, et les sièges sont ridicules. On comprend qu’on a du mal à percer partout des tunnels plus larges pour le confort de nos popotins : OK. Mais les métros qui se construisent depuis, ailleurs qu’à Paris, pardon ! C’est du large. On ne lésine pas pour trois centimètres, on prévoit maousse. On fait, en somme, ce qui est normal dans une société civilisée : on adapte la machine à l’homme, et non l’inverse.
Jusqu’à ces dernières semaines, il était à peu près convenu à la surface de la Terre que la dignité d’homme (et de femme, je cause ici pour toute l’humanité !) était attribuée à chaque individu, ni plus ni moins. Un homme = un vote, par exemple, est l’application de ce principe. Air France voit les choses autrement : un individu ? Combien de kilos ? Comme un viandard compte le bœuf à la tonne, la compagnie française discrimine à tout va en fonction de ton tour de cul ! Si on y réfléchit un peu, l’idée est opportune : il paraît que la population grossit, et que le pire est à venir. Les difficultés financières d’Air France sont peut-être en passe de s’alléger, à mesure que le poids moyen du passager s’accroît. Et, comme les individus grandissent aussi, si Air France trouvait le moyen de réduire encore la distance séparant les rangées de sièges, d’ici vingt ans, elle pourra exiger que les grands achètent deux places : l’une devant, l’autre derrière ! Mieux : pour rationaliser encore plus le stockage des voyageurs, l’idée ultime serait de supprimer complètement les sièges pour ne garder que les accoudoirs : les passagers seraient clipsés directement dessus, avec consigne de ne pas desserrer les fesses avant l’arrêt total en bout de piste !
Jusqu’à présent, l’idée de vendre un billet pour le prix de deux était cantonnée aux comédies burlesques ou aux blagues pied-noires : qu’on se le dise, Air France ne rigole plus.
Inscription à :
Articles (Atom)