18 novembre 2006

Les Aigles décorent un Loup


Pour changer des oubliés de l’histoire voilà une petite anecdote de la seconde guerre mondiale pêchée dans l’excellent Les Loups de l’Amiral de Jean Noli. Voilà donc ce qui arriva à Wolf Shafer, jeune lieutenant de Vaisseau sous-marinier de 21 ans, alors qu’il essayait de partir en permission en août 1943.


Fin août 1943, Wolf Shafer, 21 ans, arpente la petite gare de La Baule et cherche du regard le train réservé aux sous-mariniers permissionnaires. Il fait une chaleur à crever et le jeune lieutenant de vaisseau de la Kriegsmarine est de fort méchante humeur. Non seulement son sous-marin a été coulé à deux jours de Saint Nazaire par la Royal Air Force mais en plus il a perdu trois jours de perm car il a été mis au arrêt par le second. Motif de la punition : avoir détérioré volontairement le matériel de la Marine en découpant et en transformant un caleçon long de laine en bonnet pour le porter sur le kiosque.


U-Boot Type VII


Ensuite, cinq chasseurs bombardier de la RAF étaient tombés sur le U-Boot qui attendait son escorte de contre-torpilleurs et l’avaient troué comme un gruyère. L’équipage avait eu 11 tués, autant de blessés et avait du abandonner le bateau qui prenait l’eau de toutes parts. Le second qui avait puni Wolf avait le bras cassé et du mal à sortir la tête du bouillon malgré sa Schimmweste. Pas rancunier, Shafer le soutint durant cinq heures en attendant l’escorteur qui finit par venir les sortir de l’Atlantique.

Alors que Wolf descendait son second à l’infirmerie ce dernier lui dit sans rire :
- Merci Shafer, mais ne croyez pas que vous allez passer à travers votre punition.

Et il a tenu parole. Il faut dire que pour une raison inconnue le second n’a jamais pu piffrer Shafer à qui il a fait toutes les vacheries possibles et imaginables. Wolf l’avait d’ailleurs croisé, le bras en bandoulière, avant de partir en permission. Il n’avait pas pu s’empêcher de l’interpeller.

- La prochaine fois, lui dit-il, il faudra vous chercher un autre pigeon. Parce que moi je vous laisserai crever !

Le second, qui souffrait le martyre à cause de son bras brisé, avait blêmi avant de répondre :

- Vous me paierez ça Shafer. Malheur à vous si je vous retrouve sur mon chemin.

Mais le jeune lieutenant savait que tout cela n’était que menace en l’air. Le temps que le second guérisse, lui aurai déjà rembarqué avec un nouvel équipage.


Insigne des sous-mariniers de la Kriegsmarine


En attendant le jeune Wolf montait dans un train magnifique bondé de marins. Une fois dans le compartiment réservé aux officiers il comprit pourquoi ce train était si beau. C’était celui du Grand Maréchal de l’Air Hermann Goering en visite à ses bases de l’Atlantique ! Confortablement installé sur sa banquette Shafer finit par s’endormir.

Près d’Angers, voilà le train de Goering attaqué par des chasseurs anglais qui le prennent en enfilade en vidant leurs mitrailleuses. Après quelques kilomètres, le train doit s’arrêter. Des tombes tombent de tous les côtés et la voie a été coupée. Avec tous les marins, Shafer saute du train par la fenêtre de son compartiment et court chercher un abri sur la contre-voie. Pourquoi la Flak ne riposte pas ?

Il lève prudemment la tête pour voir que sur le wagon de queue, plateforme sur laquelle a été fixé un affût double de 20mm, tous les servants de la batterie anti-aérienne ont été tués. Les chasseurs anglais, qui ne souffrent aucune résistance s’en donnent à cœur joie. Alors Shafer, sent une profonde haine monter en lui. Sans réfléchir il s’élance vers la plateforme, évitant les balles des chasseurs et saute sur la mitrailleuse dont la bande, par chance, est déjà enclenchée. Les bombes tombent très près de lui et font vaciller le train.

Shafer a appris à utiliser la Flak à l’Ecole des Cadets de la Baltique. Il fait pivoter le double affût et le braque sur les deux chasseurs qui reviennent sur le train. Wolf tire une longue ravale sur le second qui laisse aussitôt échapper une fumée noire de son ventre avant d’aller s’écraser 500 mètres plus loin dans un bruit terrifiant. Devant cet exemple, trois matelots s’élancent vers la plateforme avant, où se trouve la DCA de tête, et commencent eux aussi à arroser les Anglais. Les marins parviendront à repousser l’attaque et Shafer descendra même un deuxième avion.


Après quelques heures, la voie est réparée et le train miraculé se remet en route. Quelques minutes avant l’arrivée à Paris, la porte du compartiment où s’est réinstallé Shafer s’ouvre avec force. Wolf se réveille en sursaut pour voir devant lui un général et deux colonels de la Luftwaffe.

- Vous êtes le lieutenant de vaisseau Wolf Shafer, je suppose ?
- Oui mon général.
- Parfait. Lieutenant, le Grand Maréchal de l’Air a beaucoup apprécié votre courage lors de l’attaque aérienne. Grâce à votre initiative le train a pu être sauvé. Aussi, le Grand Maréchal vous décerne la Crois de Fer de la Luftwaffe. Il m’a prié de vous décorer ici même.

Et il lui attache aussitôt le ruban de la croix autour du cou avant de lui annoncer :

- Vous êtes le premier sous-marinier à recevoir une décoration de la Luftwaffe.


Le Grand Amiral de l'Air Hermann Goering


Trois semaines plus tard, sa permission terminée, Shafer retourne à Saint Nazaire. La première personne qu’il rencontre est le second dont le bras n’est plus en écharpe et dont le regard parait plus noir qu’à l’ordinaire.

- Lieutenant, annonce t-il à Shafer avec une voix rude, j’ai une nouvelle pour vous.

Shafer avale sa salive. Il sent que rien de bon ne peut sortir de la bouche de cet homme.

- Nous embarquons dans trois jours, poursuivit le second avec un mauvais sourire. Et je suis votre nouveau commandant. Je tenais à vous le dire moi-même.
- A vos ordres… commandant, parvient à balbutier Shafer assommé par la nouvelle.

Puis soudain, le regard du nouveau Pacha se fixe sur la croix qui pend au cou du lieutenant de vaisseau et ses yeux s’écarquille de stupeur.

- Qu’est-ce que c’est que ça ? demande t-il les dents serrés.
- Une croix de fer, commandant.
- Et qui vous a donné ça ?
- Le Grand maréchal de l’Air Goering, commandant.
- Quoi ! Depuis quand un officier sous-marinier accepte des décorations de la Luftwaffe ? Vous ne porterez la croix de fer que lorsque vous l’aurez gagnée à bord d’un U-Boot. Et vous me ferez onze jours d’arrêts au retour de votre mission. Ca vous apprendra à exhiber des quincailleries qui déshonorent les Loups gris !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire