5 novembre 2006

Faut pas poussette papa dans les orties


Le titre est laborieux certes mais illustre bien le travail de titan du mathématicien Olivier Rey dans son chef d'oeuvre, Une folle solitude: le fantasme de l'homme autoconstruit (Seuil).

«Jusqu'à la fin des années 1960, les enfants avaient toujours fait face, dans leurs poussettes, à la personne qui les poussait. Puis, subitement, un retournement massif s'est opéré : dans les poussettes, les enfants ont été orientés vers l'avant.»



De ce détail, pourtant déterminant Olivier Rey nous livre une réflexion globale sur notre bougisme moderne et sur le fantasme d'auto-engendrement qui habite toute la pensée contemporaine (maternification délirante, effacement progressif du tabou de l'inceste, indifferenciation) sur les ruines du patriarcat.

«Devoir accepter n'importe quel changement au nom du fait que, si les hommes avaient refusé le changement, ils en seraient restés à l'âge des cavernes, est absurde.»


«La tendance à effacer le parcours, en proclamant l'enfant autonome et en voulant le vieillard toujours jeune, rapproche bizarrement l'humanité de l'animalité»

Doté d'une plume alerte, Olivier Rey tel que le préconisait Gombrowicz écrit un livre de philosophie qui parle des pantalons et des téléphones, de la Science-Fiction et des poussettes. Puisant ses références chez Orwell, Lasch, JC Michéa, Illitch, Dany Robert-Dufour; Olivier Rey dissèque nos mythes contemporains.

Le grand fantasme d'aujourd'hui est que l'homme désire plus que tout être cause de soi.

Ce grand dessein n'aurait pas été possible sans le travail de concert de la science et de la politique: la droite s'étant chargée de la modernisation économique tandis que la gauche s’occupait de la modernisation sociétale. Quant à la science et la technique, elles ont remis en question des limites qui, dans la pensée classique à partir des Grecs, séparaient les trois modalités de l’être : le possible, le réel et le nécessaire. Désormais, ce qui est possible finit fatalement par être réalisé et le réalisé impose inévitablement sa nécessité.

Où s'arrêtera cette course folle?


2 commentaires:

  1. Reune tu lis trop Muray, ton post fourmille de références (conscientes ou non) au maître... ;-)
    merci encore une fois pour les ouvrages que tu me fais découvrir, parce que d'ici j'entends juste la plainte de minarets... et le mec à tendance à tourner un peu toujours autour du même bouquin....

    RépondreSupprimer
  2. Pas faux ce que tu dis Antiphon...

    Et surtout n'oubliez pas qu'au prochain appel (sondages, enquête de satisfaction, vente) que vous recevrez chez vous... Un barbu en djellaba sera au bout du fil...

    RépondreSupprimer