27 mars 2007

Gott der Untermenschen

Rendons à César ce qui est à César, ou plutôt à Gottfried ce qui appartient à Helnwein. Eh oui, le magnifique avatar derrière lequel je cache comme un pleutre ma face veule et fallote de bloggeur anonyme n'est autre qu'un auto-portrait du délirant artiste austro-irlandais Gottfried Helnwein intutilé Night in Shangri-La I.

Le Maître en 2004

Vous me direz sans doute : "ton Gottfried Helnwein a l'air d'un vieux soixante-huitard désabusé et froissé". Et je vous répondrai : normal, puisque c'en est un! Il naquit en 1948 à Vienne, capitale culturelle s'il en est, ce qui faisait de lui une proie particulièrement facile, 20 ans plus tard, pour les idées progressistes, la révolution sexuelle et toutes ces insouciantes conneries au patchouli. D'autant plus que le jeune homme suivit à la fin des anneés 60 une formation à l'université d'Art Visuel de Vienne, d'où il ressortit tout de même avec un prestigieux prix. La pente était fatale : il devait devenir un artiste azimuté. Fidèle au précepte socratique d'un fameux philosophe teuton à moustaches, il devint donc ce qu'il était, ce qui est toujours plus facile à dire qu'à faire. Mais Gottfried n'était pas du genre à faire du macramé ou à peindre des grosses fleurs dégueus sur des vans Volkswagen! Non, lui son trip du moment, c'était plutôt les peintures hyper-réalistes représentant des enfants mutilés. Chacun son truc, hein...

Toile sobrement intitulée "Petite correction" (1971)


Alors bien sûr, en voyant ce genre d'oeuvre, on ne peut pas s'empêcher de penser que Herr Helnwein a sans doute passé sa vie d'adulte à engraisser toute la psychiatrie autrichienne (la vraie, quoi). Que nenni, petits naïfs que vous êtes, car celui qui s'auto-proclama Gott der Untermenschen (dieu des sous-hommes, pour nos lecteurs germanophobes primaires) a trouvé bien mieux pour atteindre la quiétude spirituelle! Depuis 1978, il fait partie de l'Eglise de Scientologie (nul n'est parfait) et a même participé activement au programme Narconon et aux "services spéciaux" de la secte... Ce qui ne l'a pas empêché, depuis une trentaine d'années, de s'épanouir artistiquement, au contact de grands noms comme William S. Burroughs ou Tomi Ungerer, admirateurs de son oeuvre. Et le sous-homme est aussi insaisissable dans son art que dans ses curieux auto-portraits, où il apparaît toujours peinturluré (nostalgie pour le body art hippie?), mutilé, bandé, masqué, grimaçant, ricanant, hurlant, bref, méconnaissable.

"Black mirror V", tiré de la série d'auto-portraits du même nom (1987)

Ses oeuvres vont du classicisme le plus pur (de grands paysages panoramiques hyper-réalistes) aux installations et performances post-modernes les plus douteuses, de la peinture à la photo en passant par la vidéo et le numérique, mais elles travaillent toujours les mêmes matériaux de base : art sacré, pop art, et culture européenne, avec adjonction d'obsessions personnelles comme la difformité, Disney ou le IIIème Reich. Aujourd'hui, après avoir vécu à Vienne, puis dans un château de Cologne aux bords du Rhin et à Los Angeles, Gottfried le pince-sans-rire coule des jours heureux de citoyen irlandais dans son château de Kilsheelan avec sa femme Renate et leurs quatre enfants (dont Wolfgang Amadeus Helnwein, si si juré). Accessoirement, ils sont tous artistes, et plus accessoirement encore, je referais bien la carrosserie de sa fille Mercedes! (excusez-moi, j'ai un faible pour les rouquines et les jeux de mots)

Dans la famille Helnwein, je demande la fille. Je demande sa main, même.

Désormais, le châtelain organise de petites sauteries du plus grand chic, comme notamment en décembre 2005 lorsqu'il fit procédér en ses modestes pénates à l'union de son ami Marilyn Manson avec la srip-teaseuse Dita von Teese, sous l'oeil électrique d'Alejandro Jodorowsky et en compagnie de gens tout aussi siphonnés, comme l'ineffable David Lynch. Eh oui, il est comme ça, Gottfried, il a plein d'amis connus, comme Sean Penn et Arnold Schwartznegger (solidarité autrichienne?), acquéreurs réguliers de ses oeuvres! Bon, c'était ma minute Stéphane Bern, pardonnez-moi, j'ai pas pu m'en empêcher. Bref, pour conclure, on peut dire que s'il a quelques défauts, Herr Helnwein n'en est pas moins un putain de bon artiste n'usurpant pas pour un sou son statut de rock 'n' roll star! Comme le dit Robert Crumb himself : "Helnwein is a very fine artist and one sick motherfucker." Jugez par vous-même.

Self-portrait (1984)


Night IV - Man Without a Face (1991)


Expulsion from Paradise (1985)


Dark Hour (2003)


Kiss of Judas II (1985)


Night in Shangri-La II (1987)


Temptation (1985)


Madonna I (1996)


Epiphany I - Adoration of the Magi (2003)


Evidemment, toutes ces images sont la propriété intellectuelle de leur auteur, copyright reserved, etc. Si vous voulez tout voir et savoir du Maître, une seul adresse, exhaustive au possible : http://www.helnwein.com/

6 commentaires:

  1. Personnellement j’ai toujours douté de la valeur artistique et/ou intellectuelle du bad-trip, et encore plus depuis la lecture forcée du Festin Nu, mais bon…

    C’est encore sa fille qu’il a le mieux réussi.

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  2. Excellent ce type ! Merci d'éclairer quelque peu ma lanterne culturelle.

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  3. Ouais, ouais, merci TNW pour le mec avec les fourchettes dans les yeux qui fait bader... Je suis en plein flip maintenant.

    Atlantis, à quand vos nouveaux mots? Le client réclame.

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  4. Pas le temps. Je termine mon pavé historique sur la campagne de Russie de 1812. Aller et retour dans le 1er bataillon du 4ème régiment d'infanterie de ligne. Et contrairement à Patrick Rambaud vous ne verrez pas Napoléon (ou alors de très loin) mais seulement vos ancêtres.
    Les petits, les sans grades comme disait Edmond dans l'Aiglon (pièce trente fois mieux que Cyrano selon mon humble avis).

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  5. Message personnel : Cher Guard, je vous trouve assez mal placé pour réclamer d'un bloggeur de plus fréquentes contributions, non? Sinon, on est quand même d'accord, le chef d'oeuvre d'Helnwein s'appelle bien Mercedes.

    Atlantis : je n'ai jamais lu Rambaud et me demandais justement si sa série napoléonienne valait le détour. Pour les faits et le style, ça se tient bien?

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  6. question: pourquoi porte t il toujours un bandeau sur le front ?
    En dehors du concept uniforme/bandage/masque mortuaire je veux dire.
    Doit bien y avoir une raison...

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