24 novembre 2008

Après la mondialisation



Les simagrées de nos gouvernants, les rodomontades de nos médiacrates institutionnels n'y changeront, nous sommes bien entrés dans l'ère de « L'après mondialisation » comme faux-nez de l'américanisation de la planète.



A l'instar d'enfants perdus dans un supermarché, nos superbes élites persistent à croire aux vertus du libre-échange alors qu'ils feraient mieux de lire les rapports de leur service de Renseignements. A ce titre, la lecture du rapport du NIC (National Intelligence Council) « Global Trends 2025 : a transformed world » qui est sensé « préparer » le futur président des USA aux enjeux à venir est plutôt roboratif… Pire pour nos oligarques, ce rapport confirme les intuitions d'un Emmanuel Todd ou d'un Jacques Sapir !

En premier lieu, le Global Trends 2025 prend acte de la fin de l'hégémonie américaine (oui, les services de renseignements US !) et de l'évolution vers un modèle plus « multilatéral », cette prise de conscience est une première et signe la fin de la foi yankee dans sa « destinée manifeste »…


Crise oblige, les services de renseignements américains prévoient évidemment l'avènement des BRIC (Brésil, Russie, inde, Chine) dont les PIB devraient équivalent à celui des pays du « vieux » G7 d'ici à 2040-2050, et la Chine aura plus d'impact sur le monde dans les 20 prochaines années que n'importe quel autre pays. En 2025 ce devrait être selon les projections la seconde économie mondiale, la première puissance militaire et le plus gros pollueur (mais envoyez-leur Hulot et Cohn-Bendit bordel !)


Horreur suprême, nos experts en prospective annoncent carrément la fin du « laisser-faire » et le retour d'un « capitalisme d'Etat ». On retrouve là la thématique des « démocraties souveraines » chère à Jacques Sapir qui met la puissance nationale au cœur des stratégies économiques.


En réponse à ce contexte, le rapport envisage prévoit ainsi la prise de mesures protectionnistes pour contrer ces nouvelles puissances (et donc de la conversion de nos oligarques aux thèses toddiennes… bref un miracle).


Mais 2025 c'est loin et le NIC envisage toute sorte de catastrophes et autres joyeusetés comme la possible guerre nucléaire entre Inde et Pakistan et toute la prolifération nucléaire qui en suivra, les conflits pour les ressources vitales (accès à l'eau, agriculture) sur fond d'explosion de la demande alimentaire et de risques accrus de pandémies (h5n1 mutant)…


Le spectre du terrorisme n'est pas non plus écarté s'il prévoit plus « classiquement » l'usage d'armes bactériologiques et atomiques et l'émergence d'une organisation post-al Qaida, il évoque pour la première fois un reflux de l'activité terroriste si la croissance et une amélioration de l'emploi sont au rendez-vous au Moyen-Orient.


Et l'Europe me direz-vous ? Dans le monde de l'après-mondialisation l'Union européenne paraît un petit peu dépassée avec son « post-national » et sa « gouvernance ». Outre la baisse constante de sa démographie (l'immigration massive n'y changera rien) et une dépendance énergétique accrue à la Russie. L'UE se caractérisera surtout par une difficulté croissante à parler d'une seule fois. « L'Europe par l'épée » de Jean Quatremer n'est pas non plus pour demain et l'Histoire risque de continuer sans le vieux continent (pour paraphraser Védrine).


La rumeur dit déjà que ce rapport constitue le livre de chevet de Barack Obama… grand bien lui fasse !

Or, la question sociale apparaît plutôt marginale au regard de cette somme de conjectures alors que la réémergence de conflits de classes et le basculement des classes moyennes dans un contexte prérévolutionnaire.

Par contre, l'éloignement relatif de « conflits identitaires » ou la transition tranquille vers l'après-pétrole apparaît dans ce rapport comme une bonne nouvelle, en cela, il est en cela bien différent du rapport de la Délégation aux affaires stratégiques françaises qui prédisait en février 2008:

"L’émiettement identitaire, qui délégitime les solidarités au sein des sociétés, pourrait déboucher sur la remise en question de la notion même de défense. Dans des sociétés morcelées ou communautarisées à l’extrême, qui voudra bien défendre quoi ? ."

Le rapport du NIC est finalement optimiste...

2 commentaires:

  1. "Le rapport du NIC est finalement optimiste..."
    Et donc, aujourd'hui fait beau, c'est déjà ça...

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  2. Question: pour que les pays du BRIC se développent à l'occidentale, il faudrait les ressources de combien de planètes? Alors c'est bien joli ces projections, mais il faudrait peut-être penser à ce genre de fondamentaux. L'économie n'est pas un système en vase clos. Maintenant si l'on mesure la puissance en terme purement relatif, et c'est ce qui compte finalement dans l'histoire, pourquoi pas?

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