28 juillet 2009

Carnets de voyage


Vacances, break, repos, farniente, sea sex and sun… La blague ! Toutes les petites créatures aigries et nyctalopes savent bien que les vacances sont, à peu de choses près, un travail comme un autre…
Cette année, étant, à l’instar d’un Franck Lepage, allergique au mot projet en particulier, et en général, à toute sorte de projection dans l’avenir, étant convaincu que ce qu’on espère n’arrive jamais mais que ce que l’on redoute se produit toujours, je me retrouvai début juillet sans destination et pressurisé de manière redoutable par ma chère moitié, routarde professionnelle, backpackeuse à sac étiqueté « Le vieux campeur »… Chacun sait que la femme, d’une espèce différente de celle de l’homme, a par nature l’instinct de prévoir, de projeter, d’arrêter.
Poussé alors par mon instinct de survie, je décidai de prendre ma belle-mère au mot et ma belle par la main, destination une agence de voyage Nouvelles Frontières. Queshua, hein ? Queshua me restait-il ?!


Arrivés à l’agence de voyage au drapeau rouge, nous prîmes place et expliquâmes nos ambitions à l’espèce de Monstroplante au regard extatique de derrière des lunettes loupes, qui nous faisait face : « Nous exigeons de partir en Grèce, sur les terres qui ont vu naître la démocratie et… et Sparte ! Nous voulons établir notre base arrière dans l’un de vos hôtels, l’idée étant ensuite de bouger à travers le Péloponnèse. Nous souhaitons allier la tranquillité d’un hôtel-station à un mouvement quasiment perpétuel de sight-seeing. »


L'homme à rétrécir, d'après Matheson...


Le Monstroplante nous sortit alors un hôtel bien situé de son chapeau, insistant bien sur le fait qu'il était desservi tous les jours par une navette ralliant un bled équipé d’un port, d’une gare routière et même d’une gare ferroviaire. Elle nous enjoignit de nous acquitter sur le champ des 3 600 euros de cette formule de rêve « all inclusive » : billets d’avion, « transferts » en cars, bouffe et booze à volonté. Nous pianotâmes donc nos codes pin et touchâmes sa bosse, les yeux et les cœurs emplis d’espoir, et pour moi, en plus, de bonne conscience inhérente au sentiment du devoir accompli… Naturellement, je vous passe la péripétie du retour à la casa pour aller récupérer la carte bleue de ma femme : les femmes sont souvent tête en l’air, occupées qu’elles sont à vous faire culpabiliser en permanence, à vous castrer continuellement en vous disant que vous n’êtes qu’un gamin irresponsable…
Le retour à la maison ne fut cependant pas euphorique. Bien vite, je me rendis compte que le regard de ma dulcinée s’était assombri. Pour ma part, quelques mots du Monstroplante me revinrent en tête : « L’équipe d’animation est super ! ». Mon Dieu, ces mots ne pouvaient pas alors prendre sens dans ma tête : je connais les Bronzés par cœur, mais enfin, je croyais que les pratiques moyenâgeuses d’infantilisation, pardon, d’animation qui y sont décrites n’avaient cours qu’au Club Med. Je tiens à préciser que je n’avais mis les pieds qu’une fois dans ce lieu de perdition cérébrale, et encore, à peine trois heures, lors d’un séjour en Guadeloupe. Je vous épargne les détails de cette courte expérience en club, mais tiens à dire que j’y avais magistralement tenu mon rang, le chef du village ayant menacé d’appeler la police locale si je ne déguerpissais pas sur-le-champ…
Les jours passèrent dans un cocktail de stress à parapluie rose Stabilo, l’idée de la mer en perspective. Car à la fin oui, je le clame haut et fort : je suis un homme de plage ! Le jour J approchait donc. Nous avions décidé de nous résigner à l’idée de partir dans ce que je comprenais enfin être un club de vacances…

Day one : je déteste l’avion.
Oui, j’abhorre l’avion. Mais pas pour de mesquines raisons genre j’ai peur de mourir, qu’il s’écrase, m’écrase, me broie, me désintègre, et dans l’indifférence la plus totale, tout le monde ne se focalisant finalement que sur l’essentiel lors d’un krach : retrouver les boîtes noires.


Stage Air France de gestion du stress en avion


Non, je déteste l’avion parce que je déteste les transports en commun. Francilien, j’ai arrêté de prendre métro et RER depuis que je suis titulaire du permis de conduire. Curieusement, en même temps que ma liberté de mouvement prenait corps, je développai une espèce d’agoraphobie, de claustrophobie. En vérité, ma misanthropie qui pouvait enfin s’exprimer à plein... Au summum de son développement, je dus donc m’astreindre à gober du Lexomil à chacun de mes vols. Pour cette année, décollant de Roissy à 5 heures du matin, je décidai de me bourrer consciencieusement la gueule… Résultat probant : pas l’ombre d’un stress ressenti !
Arrivés à Athènes sans encombre, nous aperçûmes le fameux drapeau rouge Nouvelles Frontières. Prise en charge immédiate. Nous fûmes kidnappés, sucres d’orge en bouche pour nous faire taire, et conduits manu mains de fer à ongles vernis, dans des cars climatisés pour l’opération « transfert ». Une odieuse animatrice déversait déjà ses inepties au micro : « Je suis tombée amoureuse du Péloponnèse il y a maintenant dix ans. Regardez par la fenêtre comme c’est beau la Grèce… » Le piège se refermait…
Au terme d’un périple de près de 4 heures, à travers les routes montagneuses du Pélopo, nous arrivâmes sains et saufs à destination... C'est-à-dire malgré un chauffeur ayant réalisé la prouesse de maintenir une vitesse de croisière de 100 km/h dans les virages et lacets, avec téléphone en main et cigare en bouche...
Toute l’équipe d’animation attendait les nouveaux nigauds de la semaine avec sourire pro et obligeance déférée et agressive : « Putain mais laissez-moi porter votre valise merde ! » Envie d'évasion ?


Mon arrivée à l'hôtel-club Nouvelles frontières


Nous décidâmes de nous renseigner de suite sur les horaires des navettes ; elles nous permettraient d'échapper à ce club de dingos et d'enfin mettre un pied en Grèce... Oui, car il faut bien vous dire qu'outre le fait que le club soit un territoire relativement replié sur lui, le nôtre était rempli quasiment à 100 % de français. Réponse : « L’hôtel ne dispose d’aucun service de navettes. » Première idée en tête : « Deux semaines ferme ! » Après plus de 30 heures de veille, un temps de voyage digne du ralliement d’Ushuaïa, nos nerfs parlèrent cash façon sulfateuse. Le chef des animateurs, que j’appellerai Pascalopoulos, tenta alors illico le désamorçage. Il échoua ; nous rentrâmes cependant tête basse direction la chambre, puis allâmes noyer chagrin et espoirs dans la belle mer Egée... Les excursions seraient estampillées Nouvelles frontières. Nous dormirions, mangerions, picolerions et visiterions la Grèce avec une flopée d'inconnus dont nous n’avions a priori pas du tout l’intention de partager les vacances…


Hôtel-club Nouvelles frontières


Day 2 : Nouvelles frontières, ce blockhaus
Après une bonne nuit de sommeil, préparée avec soin, notamment par l’absorption de moult bières et cocktails à l’alcool bridé, gratuits, nous nous réveillâmes déterminés à mener à bien le plan évasion. Nous n’avions qu’une alternative : rallier tous les jours à pied le village ouvert sur le monde, situé à quelques 7 km de là, ou louer une caisse. Le choix fut difficile, comme vous pouvez l'imaginer. Et ces 35° celcius dès 9 heures du matin... Une fois les clés en main, soulagement, bonheur et calamars frits... Libres, nous étions libres ! Même si cette liberté avait un coût a priori surnuméraire (presque 400 euros pour 12 jours de loc), l’heure n’était pas aux comptes d’apothicaire : quitter cette espèce de prison avec vue sur piscine, cette véritable ambassade de France à la plage, ça, ça n’avait carrément pas de prix !


Les animatrices du club...


Week one : kif, totalitarisme et grégarité
Les routes du Péloponnèse… De la montagne donc et de la voiture allemande accrochée en permanence à votre pare choc. Moi qui ne suis pas un chantre du respect des limitations de vitesse, cela me fit tout drôle de me faire doubler par un van à moins de 20 mètres d’un virage, alors que je roulais moi-même à près de 100 km/h… Je pris cependant bien vite le pli grec et m’adaptai finalement relativement vite, le turbo de mon nouveau destrier aidant… J’en étais quitte pour deux semaines de liberté au volant ! Bien sûr, les mauvais esprits ne manqueront guère de faire remarquer que les chapelles dédiées aux morts sur la route fleurissent tous les cinq cents mètres chez nos amis orthodoxes mais néanmoins européens…
Etant donné le territoire, je me félicitais finalement de la configuration du voyage : bouger en car dans le Péloponnèse ? Oubliez tout de suite. Ah, les tombeaux de Clitoris et le palais d’Armageddon ! Arrêtez-moi si je me trompe… Caliméro, caliméro...


En chantier...


Côté club, nous rencontrâmes deux ou trois réfractaires de la plus belle espèce, tous échoués ici pour diverses raisons ayant trait à des contingences personnelles : instance de séparation et premier voyage en solo avec gamin dans les ballots, voyage gratos car copine bossant à « NF », etc…
Cette première semaine, placée sous le signe de l’esquive coûte que coûte de toute espèce d’animation, mise à part la discothèque et son bar ouvert jusqu’à deux heures du mat, fut une réussite. Les animateurs s'avérèrent finalement être doués de raison ; sympathiques, compréhensifs même, mais agaçants, revenant régulièrement à la charge pour cause d’esprit de groupe à construire, de grégarité volontaire de la majorité et subséquemment de questionnement existentiel sur les brebis galeuses, en bref, pour cause de totalitarisme en short et tongs… Mais les dieux étaient finalement avec nous.

Week 2 : à 5 000 tours minute
La deuxième semaine, nous mîmes le turbo côté excursions, avec retour de l’esprit backpacking. Evidemment, qui reste deux semaines en club à part de pauvres olibrius comme moi et ma pauvre femme que j’avais traînée là, dans mon aveugle bêtise. Les copains étaient partis... Nos stations à l’hôtel-club se firent donc plus courtes. Nous nous intégrions paradoxalement d’autant plus. La détente gagnait. Pas au point de participer aux jeux apéro…


Vous êtes plus antique, ou...


La majorité des gens qui partent en club ne bougent pas du club. Aucun intérêt pour eux. Ils ne voient absolument rien du pays dans lequel ils sont, n’ont affaire qu’à des autochtones maîtrisant peu ou prou leur langue. Ces veaux restent dans ces nouvelles frontières tracées pour eux, explorant les mystérieux territoires menant de la piscine à la plage, du buffet à volonté à la discothèque, du terrain de boule à celui du tir à l’arc... Ils sont là pour se faire animer. Naturellement, parfois, un petit sentiment de culpabilité peut venir étreindre une entité. Mais il n'y aura jamais de contamination de masse. C’est alors la course à la location de voitures, impossible à la dernière minute avec un parc de dix caisses, et aux excursions estampillées NF, au cours desquelles vous faites surtout du car et dans lesquelles vous ne compterez que 30 à 45 minutes d'autonomie totale, c'est à dire, si vous avez la chance de ne pas être perdu par le guide... Dans un hôtel-club, tout est pensé pour que vous ne sortiez pas d'là. En tout cas, pas tout seul... Tout est monopolisé : guides NF, faux prestataires extérieurs. Nouvelles Frontières, a kind of octopussy, a kind of monotonie sur fond de musique techno, a kind of racket avec cours de tennis...


...ou byzantin ?


Les clubistes ne sont là que pour se lâcher, plutôt se relâcher, et notamment rapport à leurs abominables rejetons… Effet de l'infantilisation, de cette micro société de services : la déresponsabilisation. Ça participe aux jeux apéritifs débilitants concoctés par les animateurs, ces esclaves aux sourires impeccables, tout en couvant du regard ses enfants se noyer dans la piscine, ou ses ado foutre le souk dans l’hôtel, parler impoliment aux employés et autres clients… Pour les clubistes, les vacances ne sont qu'une occasion de régresser, d'exprimer à plein leur nature d'âne, de veau, de mouton qui fait bêêê ! Des touristes des vacances ! Une débauche de temps de voyage et d'argent inepte au regard de cet état de fait.


Barman formule all inclusive...


Last day : dans transports en commun, il y a en commun…
Décollage d’Athènes à 10 h. Réveil à 3h30 du mat, transfert et compagnie. Et on ne change pas une recette qui marche : discothèque, cuitage en règle, une petite heure de sommeil avant l’attaque de l’horrible périple en car et du vol en avion.
Derniers pas sur la terre des athéniens. Nous prîmes place dans l’avion. Tout roulait. Tout roulait, jusqu’à l’arrivée de nos voisins de derrière : une blondasse au teint progressiste et son Golgoth d’ado à mèche blonde. Cinq minutes de coups de genoux dans mon dossier, des bips des bops émanant de sa nauséabonde Nintendo DS, je me levai et jetai un œil derrière. Je dis, l’air menaçant, de derrière ma tête de zombi à cernes : « Okay ? » Et naturellement, ça ne suffit pas… J’appuyai donc sur le bouton de mon acoudoir pour débloquer le dossier de mon siège et pris une profonde inspiration avant d’impulser un mouvement brusque propre à broyer les genoux du petit morbac. Je relevai aussitôt le dossier pour ne laisser aucune place à l’équivoque. Une heure 30 de tranquillité gagnée… Ma moitié prit alors les choses en main. Le Golgoth implora sa mère du regard. Cette dernière répondit et reçut finalement le coup de grâce : conditionnée façon Frolic premier âge la grognasse. Mais encore une fois, les bourreaux étaient devenus les victimes, les agresseurs, ces agressés.
L’immonde bécasse à pédagogie ouverte avait enfoncé le clou de nos observations au club sur l’éducation : de nos jours, les parents ne fabriquent plus que du consommateur hyper narcissisque, des autistes à Nintendo DS, qui ne déboucheront que sur des citoyens basse consommation.
Le citoyen basse consommation parlera écologie tout en roulant en BM, respect de l’autre tout en étant seul au monde partout, solidarité et compassion quand il ne manquera jamais une occasion de faire parler son égoïsme égémonique. Il partira en club, et vous dira qu’il revient du monde, qu’il a vu le monde, qu’il connaît le monde… Une version déjà en cours me direz-vous ? Oui, mais elle est en cours de normalisation. Nous ne sommes pas prêts de sortir de nos conditions de monstres. Pour l’heure, nous revenons de l’été. Yassas à tous !

7 commentaires:

  1. Ce que tu dis en fin de texte est on ne peut plus juste...

    Ces tartufes qui, bien souvent, adoooorent U2 et ce pitoyable Bono sont à vomir et à pendre sans autre forme de procès...

    Je me doute que tu as du mettre le feu au dancefloor et te déhancher comme un malade sur Nena, un verre de Cacolac à la main...

    Je note, à regret, que tu as délaissé le Cruz Castillo style pour la Mitch Bucannon attitude....
    Te faut rectifier ça...

    Que diable as-tu pu bien faire pour te faire jeter du Club Med ? Aurais-tu tenté de mettre le feu au village ?

    Avec, entre autres, les prochains retours de l'Amiral P et du Lapin Sanguinaire, ça va swinguer un max...

    Ça devrait donner matière à Rosselin à remettre le couvert....

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  2. héhéhéhéhé.
    Les santiags sur la plage, par 43° à l'ombre, c'est pas évident mon bon monsieur.
    Mais je réendosse l'identité vestimentaire Cruz dès samedi : opéra dans les arènes d'Orange. A mon avis, quand Roberto Alagna verra mon perf au cocktail d'après concert, il me sautera littéralement dessus... T'as vu sa coupe ? Il en est ! Des fans de Castillo s'entend...

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  3. Roberto avec nous !! Roberto avec nous !!

    Tu es définitivement un esthète...

    N'oublie pas de lui proposer d'être le parrain des "Amis de Cruz Castillo"

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  4. Ah la crise ! Naturellement, je pars avec mon tube de Lexo... J'ai jamais mis les pieds dans un théâtre à Avignon, mais je sens que l'opéra dans les arènes, ça va être une sacrée expérience...

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  5. Un club Med, Pouah ! Je préfèrerais louer un hôtel miteux que de végéter dans cet antre à bobo.

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  6. Les hôtels clubs sont avilissants ! Tous ces porcs en pleine régression et que ça se bouscule au buffet, et que ça réserve son transat à la piscine pour la semaine, Pouah ! Self service illusoire : vous êtes pris en charge de A à Z. Très bon la photo de McQueen de la Grande Evasion...

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  7. Je n'y étais pas allé pour passer mes vacances au Club Med. On m'avait traîné là juste le temps de l'apéro, éventuellement pour bouffer. Bon, c'est parti en live assez rapidement, fort heureusement.

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