5 novembre 2010

Extraits du « Devoir de vérité », essai du défunt Général Pierre-Marie Gallois


Général Pierre-Marie Gallois
Officier de la Royal Air Force pendant la Deuxième guerre mondiale, dans la section des bombardements stratégiques sur l'Allemagne.
L'un des premiers fondateurs de la force nucléaire française. Souverainiste.
Auteur notamment de Stratégie de l'âge nucléaire, Calmann-Lévy, Paris, 1960, et de Devoir de vérité, Cerf, Paris, 2003.
Source : Denis Touret

1
Paradoxalement, le libéralisme anglo-saxon rivalise avec l'ex-internationale marxiste-léniniste dans la mesure où il a pour objectif l'affaiblissement des États, la suppression des frontières, l'effacement des particularismes nationaux en vue d'élargir au maximum l'étendue du marché, l'économie remplaçant, par ses exigences, l'idéologie, et les profits d'une minorité, la répartition générale des produits du travail.

Ce n'est plus l'objectif social et politique qui est visé mais la réussite financière de l'entreprise, celle-ci se substituant au « parti » et à son rayonnement international. La souveraineté des États-nations veillant au mieux-être de leurs populations respectives est, évidemment, un obstacle à la généralisation de cette forme agressive du libéralisme. Elle n'a que faire des intérêts nationaux.
Devoir de vérité, p. 31

2
La maîtrise du marché mondial - à des fins plus politiques, d'ailleurs, qu'économiques - est un objectif lointain, mais évident de la politique des États-Unis. Ce grand dessein implique la fin des particularismes économiques et sociaux formés au cours des siècles dans le cadre général de la nation, selon la volonté des hommes et la nécessité de vivre ensemble, sous les mêmes lois, sur un territoire souvent délimité par la nature. « Une grande agrégation d'hommes [...] crée une conscience morale qui s'appelle une nation », a écrit Ernest Renan.

La mondialisation de la connaissance a imposé à l'État-nation, entre autres missions, de créer pour ses ressortissants les conditions d'un « mieux-vivre » progressif, rapprochant la sienne des quelques sociétés où les citoyens vivent libres et prospères. Jusqu'à ces derniers temps la pratique de la démocratie n'avait pas été entravée par cette forme de structure politique et sociale. Bien au contraire l'État-nation avait été à l'origine de la démocratie et il en demeurait le gardien. Rassemblant les ressources nationales pour les répartir au profit de tous les siens, il protégeait leurs activités à ses frontières, qu'elles soient militaires ou, s'il arrive que leur intérêt le commande, économiques.

Vue par ses bénéficiaires, la mondialisation n'admet pas de se heurter à de tels obstacles et, s'en prenant à l'État-nation, elle s'attaque à la souveraineté populaire. Ses partisans substitueraient volontiers aux États-nations - déclarés d'un autre âge - des territoires de consommateurs dociles, ne produisant que pour être en mesure de se porter acquéreurs. Aussi l'État est-il vilipendé. Son omnipotence lui est reprochée dans le même temps que ses carences. Et aussi ses limitations et son coût, ses empiétements et ses défaillances.
Ibidem, p. 35-36

3
Passant en revue les causes du dépeuplement de la France Solène Doucet mentionne, à juste titre, l' allongement de la durée des études, la chute du nombre des mariages et l'instabilité qui en résulte, les naissances hors mariage limitées par la précarité du couple, et la légalisation de l'avortement, probablement plusieurs centaines de milliers par an, l'ensemble amenuisant la descendance. Si depuis 1975, les femmes ont acquis 3 millions d'emplois, les hommes en perdant 1 million, en revanche, le taux d'activité des femmes passe de 75 % à moins de 40 % lorsqu'elles ont chacune deux à trois enfants à charge, estime Béatrice Majnoni d'Intignano. La collectivité nationale - dans la mesure où elle existe encore - n'a rien à gagner à une pareille généralisation du travail à temps partiel. Les femmes au travail non plus, si bien que s'impose l'impasse aux naissances.

L'intervention de l'État, ou plutôt sa non-intervention, accélère le dépeuplement national. C'est ainsi qu'à des fins électorales, afin de « ratisser large », selon une expression couramment utilisée, la part des allocations accordées sous conditions de ressources - donc indépendamment des enfants à charge - qui était de 13,6 % en 1970 est passée à 66,5 % en 1998. En 1976, la part des prestations familiales qui était de 2 % du PIB est tombée à 1,4 % vingt ans plus tard.
Ibidem, p. 45-46

4
En 1997, Paul Lambert publia un ouvrage magistral sur l'immigration en France. Il était politiquement non conforme, c'est pourquoi les médias se gardèrent d'inciter les Français à en prendre connaissance. Pourtant, l'auteur exposait à la fois les causes et les conséquences de l'immigration massive et proposait des mesures capables d'y mettre un terme, dans l'intérêt de la France mais aussi à l'avantage des pays d'origine des migrants.

En Vème République dévoyée, les propositions de Paul Lambert ne pouvaient être prises en considération. C'eût été aller à l'encontre du dessein des « élites politiques » du pays cherchant à accélérer le déclin de la nation afin d'en faire une région, éventuellement elle-même morcelée, de l'Europe politique.
Le coût des mesures sociales que nécessite l'immigration et celui du chômage qui en résulte, ajouté aux charges créées par le vieillissement de la population, absorbent une part importante des ressources de la nation, réduisant d'autant celles qu'elle aurait dû consacrer au développement scientifique, industriel, commercial, la préparant ainsi à devenir une région.
Ibidem, p. 101-102

5
Divers, divisés, souvent opposés les uns aux autres, avant tout soucieux de défendre leurs intérêts individuels, les pays musulmans n'en ont pas moins une doctrine commune, confessionnelle, dans une certaine mesure plus déterminante que ne l'avait été, naguère, la chrétienté. Cette doctrine récemment (en 1970), Alija Izetbegovic, futur président de Bosnie-Herzégovine, l'avait définie dans sa Déclaration islamique :

La plus brève définition de l'ordre islamique le définit comme l'unité de la foi et de la loi... Le Musulman n'existe pas en tant qu'individu. S'il veut vivre et demeurer musulman il doit créer un milieu, une communauté, un ordre. Il doit transformer le Monde, ou alors c'est lui-même qui sera transformé. L'Islam est une croyance et en même temps une philosophie, une éthique, un Ordre des choses, un style, une atmosphère. En un mot, une manière de vivre intégrale.

L'ordre islamique, c'est l'unité de la croyance et de la politique. D'où des conclusions importantes. La première est sans doute l'impossibilité du lien entre l' Islam et d'autres systèmes non islamiques. Il n'y a pas de paix, ni de coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales et politiques non islamiques... L'Islam exclut clairement le droit et la possibilité de la mise en œuvre d'une idéologie étrangère sur son territoire. Il n'y a donc pas de principe de gouvernement laïque et l'État doit être l'expression et le soutien des concepts moraux de la religion.

Nous ne commencerons pas par la conquête du pouvoir mais par la conquête des hommes [...] nous devons être, tout d'abord, des prédicateurs et, ensuite, des soldats... Le mouvement islamique doit, et peut prendre le pouvoir dès qu'il est numériquement assez fort pour qu'il puisse non seulement détruire le pouvoir non islamique existant mais aussi être en mesure de construire ce nouveau pouvoir islamique.
Ibidem, p. 107-108

1 commentaire:

  1. Tiens ça m'a donné envie de lire ce tas de papier.

    L'idéologie néo-libérale impériale en F16 contre l'islamique planquée dans ses grottes, c'est quand même moins groovy qu'à l'époque de Brejnev, là au moins y avait du suspense sur la fin de l'histoire.

    RépondreSupprimer