Honoré de cet article
Ce qui est bon, chez Balzac, c’est le foisonnement des personnages : il y en a bien trop dans une même histoire pour continuer à croire qu’il s’agit d’une construction, d’une fiction, d’un livre. Par sa simple profusion de détails, ce petit monde devient réalité, trop vaste et trop multiple pour avoir pu être créé de toutes pièces.
Ce qui est bon chez Balzac, c’est la simplicité de l’équation à laquelle se ramènent ces personnages. Riches ou pauvres, tous se définissent par rapport à leurs moyens de subsistance. Leur trait déterminant ne réside pas dans le portrait physio-psychologique qui en est donné, aussi détaillé soit-il, mais dans leur revenu et la rente sur laquelle ils peuvent compter. 10 000 francs de rente, un héritage en suspension, la vente d’un bien ou les largesses d’un bienfaiteur… Riche ou pauvre : tout le monde se retrouve égal devant la trivialité de l’existence. Chacun à son niveau grappille et se cramponne pour se maintenir ou s’élever.
Ce qui est bon chez Balzac, c’est la cruauté, l’acharnement, mêlés à la farce. Cruauté et acharnement poussés à un point tel que même le lecteur un tantinet sadique finit par renâcler, dire stop, n’en jetez plus ! par avoir mal au ventre de lire ce qu’il va lire.
Ce qui est bon, chez Balzac, c’est que tous les personnages sont « mauvais », ou en tout cas peu reluisants. Il n’y a pas de « gentil » fondamental. Ce n’est pas un monde de gentils et de méchants mais d’abuseurs et d’abusés. Et même les victimes de l’histoire, ceux pour qui l’on doit ressentir de la compassion, ne sont pas exempts de mesquinerie, de bassesse… Ils ne sont pas complètement sympathiques.
Cette ligne est d’ailleurs ce qui démarque l’écriture vraie de l’écriture médiocre. Il y a ceux qui écrivent par sorte d’enfantillage, pour le plaisir inconscient d’idéaliser leur personne et leurs opinions : ceux-là choisissent pour héros un Juste, un gentil ou quelqu'un dont la valeur, fut-elle négative, est toujours justifiée ; leur personnage est l'archétype de celui qui avait raison dès le départ, avant tout le monde, et dont l’aventure consiste à rallier les bonnes volontés à sa cause.
Et puis… et puis il y a Balzac !
Quel est le meilleur ouvrage pour entamer l’œuvre de Balzac ?
RépondreSupprimerMerci.
Je suis très loin d'en avoir lu suffisamment pour te répondre, mais Le Cousin Pons est le dernier lu et celui qui m'a donné envie d'écrire ça. La Cousine Bette, son jumeau, est très bon aussi.
SupprimerUn qui m'a gonflé : La femme de 30 ans.
J'ai revu aussi y'a pas si longtemps le film Colonel Chabert avec Depardieu et Luchini, qui m'a fait une bonne surprise : j'avais pas souvenir que c'était si réussi, Nonoré ne l'aurait pas renié.
Les illusions perdues.
SupprimerBah. Et Le Père Goriot et Splendeurs et Misère des Courtisanes, ça va avec merde !
Supprimer" L'inceste " ! Ensuite, tu liras " les désaxés ", puis " Le marché des amants " !
RépondreSupprimerMerci à vous deux pour vos conseils éclairés !
RépondreSupprimerDans les adaptations cinématographiques, notons "le désir dans la peau", adaptation libre de "la peau de chagrin" par Marc Dorcel avec un Christopher Clark de grande composition, tout en sobriété face à Laure Sinclair (et Roberto Malone).
RépondreSupprimerCa vaut bien le Colonel Chabert.
Tu veux parler du Colonel Chibre ?
SupprimerBien vu.
RépondreSupprimerà mon avis, le meilleur reste La Peau de Chagrin. Classique, un peu atypique dans l'ensemble de l'oeuvre, mais magistral.
Par contre, je déconseille fort La Vendetta, qui verse dans le pathos et le cliché pittoresque.
Il est possible au CGB de faire une petite battle entre Nono et Mimi Zola?
RépondreSupprimerPour la petite histoire, alors qu'un ami pénétrait chez Balzac, ce dernier s'est jeté dans ses bras, anéanti et s'est écrié: "elle est morte!"... Il parlait d'un de ses personnages...
RépondreSupprimerPutain Balzac c'est vraiment chiant, mais certaines phrases en valent largement la peine...
Allez pour le plaisir, la toute fin du Père Goriot :
"Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : « A nous deux maintenant ! » Et pour premier acte du défi qu'il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen.
Je conseille Modeste Mignon, ou La muse du département, car ils sont in media res; le feuilleton faisait rage, et la concurrence a poussé Balzac à ne pas décrire la pierre du bâtiment, sa provenance, la vie de celui qui l'avait extraite de la carrière, et de celui qui l'avait posée là... durant les trente premières pages du roman. La physiologie du mariage est probablement l'essai le plus en faveur des femmes (rare).
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