6 janvier 2022

Boomers de 2ème génération

En classe, on nous enseignait que le “babyboum” était ce phénomène démographique qui avait vu pousser, en même temps que les bâtiments neufs en béton normé d'après-guerre, une palanquée de Français sous la houlette de responsables politiques qui croyaient encore, à cette époque, que ces gens valaient bien les millions de mètres cube de goudron, d’autoroutes, d’hypermarchés, de centrales nucléaires, que l’on coulait pour eux. On nous enseignait aussi que ces gens avaient, comme aucune génération avant eux, grandi dans le plein emploi, la cage de l’ascenseur social, l’accès facile à la propriété, durant trente années d'une alliance glorieuse entre croissance, loisirs et transgression morale. 

Chacun pouvait de plus compléter cet enseignement par lui-même, par le constat de ses yeux que ces gens, arrivés aux plus hauts étages de la pyramide économique, sociale et médiatique, jouissaient d’une forme de jeunesse éternelle : celle des idées qui les avaient portées ici. Ouverture, Liberté, Générosité de l’Etat-Providence, Irrévérence intellectuelle, Accueil de l’Autre avec un grand A et avec toute sa smala... Quant à eux ils se marièrent de moins en moins et n’eurent que peu d’enfants, mais ils constituèrent pour leurs vieux jours un joli pécule composé d’une rente locative, d’une maison dans les Cévennes et du cumul de toutes leurs annuités. 

En 2019, l’irruption de l’expression “OK boomer”, désormais célèbre, fit revisiter le concept. Remise à l’heure de la pendule : le portrait du babyboumeur fut agrémenté et complété. Il n’était plus seulement un petit veinard passé entre les gouttes, passé entre les guerres, un gentil mariole parvenu à être en même temps fumeur de spliff et cadre d’entreprise ; il devenait aussi, accessoirement, le légataire d’une planète jonchée de déchets, d’une dette publique record, d’un chômage endémique, d’une immigration bas-de-gamme et revêche, d’un sinistre éducatif incontestable, d’une société du Spectacle désolant - le tout sans se sentir désolé le moins du monde. Bien au contraire, il avait conservé tout l’aplomb pour professer ce qu’il convenait de faire et de penser, et n’en distribuait pas moins les bons et mauvais points à ses aïeux, ses descendants et ses contemporains. OK Boomer. 


Quand le Sage montre le Doigt, l'Imbécile regarde la Lune.

Ce bilan du boomer avait lieu parce qu’alors on pensait que l’heure des comptes était venue, que celui-ci avait fait tout le mal qu’il pouvait faire... Mais ça c’était avant le monde d’après : on ne pouvait pas deviner qu'il nous réservait encore un pangolin de sa chienne, qu'il planifiait un dernier hold-up avant la cavale. On ne savait pas encore qu’il exigerait l’arrêt net de l’économie du pays un trimestre entier, le masque sur 70 millions de bouches (“et le nez, et le nez !” trépignait Attali) en intérieur, en extérieur, à l’école maternelle, à Pâques et à Noël, cumulé ou non avec l’assignation à résidence, le vaccin expérimental en premier lieu à ceux qui ne craignent rien, sous peine de déchéance citoyenne ou scolaire. Les femmes et les enfants d’abord ? Oui, tout ce qui pourra empêcher que Boomer parte un an plus tôt que ce que l’INSEE lui a prédit. Pas de raison de supporter seul une mise en quarantaine. C’est que Boomer veut retourner au restaurant sans le masque, le plus tôt possible. Et ce ne sont pas les autres qui vont l’en empêcher ! Il y a des choses qui n’ont pas de prix. Pour le reste il y a Mastercard. 

Non, personne ne s’attendait à ce que le boomer laisse après lui, en plus de tout le merdier, les germes d’une société de surveillance avec pass de citoyenneté à points. C’est qu’il avait plus d’une révolution culturelle dans son sac, le boomer ! Et si au moins nous pouvions être certains d’en avoir terminé... Mais le boomer n’a pas d'âge, il va transcender sa génération. Voici venu le temps des boomers de deuxième génération. Ils ont trente ou quarante ans, ils sont fils de boomers comme nous. Ils ont vécu les mêmes choses, regardé les mêmes chaînes, ont bénéficié d’internet comme nous. Ils ont assisté aux mêmes couillonnades de l’époque, et qui plus est ils s’y croient hyper-branchés, à l’époque, hyper-connectés, bien mieux que les rabat-joie qui trouvent que tout était mieux avant. Ils ont gardé leurs abonnements à la presse, ils suivent l’actualité de près, “Le monde change !, qu’y disent, en permanence ! Il faut suivre, s’adapter sinon on est mort, old fashioned ! Canceled !”. 

Or, précisément, il semble qu’ils n’aient rien suivi du film des trente dernières années. Ils n’ont rien compris, rien appris... Ils tournent avec le même logiciel que leur Beau-Papa, que Romain Goupil ou Raphaël Glucksmann. Ils pensent comme s’il n’y avait pas eu le Kosovo, le 11 septembre, le référendum de 2005... Ils pensent que la Russie est encore l’URSS, que les Etats-Unis sont encore nos Libérateurs. Ils pensent que Macron est le candidat des jeunes et Zemmour celui des vieux cons. Ils n’ont pas vu le monde bouger, pour eux la Gauche est encore à gauche, la Droite est encore à droite, ils pensent même que le Centre est au centre ! Leur grille d’analyse n’a pas changé, leurs étiquettes sont les mêmes depuis le lycée, ils ont simplement mis dessous d'autres noms, d’autres têtes... Gandhi est devenu Cohn-Bendit, puis Hulot, puis Greta. Hitler est devenu Jean-Marie, puis Marine, puis Bigard ou Papacito. Le boomer de deuxième génération marche à tout. Surtout à la peur. Et on lui fait peur avec à peu près n'importe quoi. Les heures sombres de l’Histoire ou une nouvelle grippe. Le bug de l’an 2000 ou le réchauffement climatique. Dieudonné ou quelqu’un au fond de sa campagne qui refuse de se vacciner... On lui fait même peur avec un infectiologue réputé qui leur dirait de ne pas avoir peur. Un fou dangereux, messieurs dames !  


Vous voulez qu’on l’enferme, les enfants ? - Ouiiiiii !

Les boomers de deuxième génération marchent à tout. Au chantage et à la culpabilisation. À la Mémoire. Au racisme. Aussi bien qu’au premier jour. Refaites-leur le coup de l’UMPS, de l’euro, le coup de l’Irak, de la Lybie, de la Syrie... Le coup de l’éprouvette d’anthrax, le coup du président noir Obama... Deux fois, trois fois, autant que vous voulez : ils marchent, ils courent ! Depuis la Marche des Beurs, ils n’ont plus jamais cessé de marcher. Ils sont même devenus Marcheurs. C’est un grand mystère. Ils ont votre âge, voire un peu moins. Ils ont surtout votre expérience. Vous pensiez un peu vite que le temps les avait mûris comme il vous a mûri, qu’ils avaient traîné leurs guêtres dans des sphères qui les aidaient à comprendre le monde, pas nécessairement les mêmes que la vôtre mais d’autres sphères, au moins une autre qui leur aurait sifflé un air un peu différent... La vérité est qu’il en va en matière d’intelligence des choses comme en matière de musique : il y a ceux à qui Goldman ou Madonna suffisent, qui vivent très bien avec les sons FM qu’on joue à leurs oreilles sans qu'ils cherchent à les écouter, qui ne suspectent pas qu’il puisse se passer beaucoup de choses en dehors puisqu’ils écoutent la radio toute la journée ; et il y a ce qui demande une oreille, une seconde écoute, le rattachement à une histoire de la musique... et qui ne passionnera jamais que quelques curieux. Ce n’est pas grave au fond, c’est juste irritant. Irritant que la première catégorie ne renonce pas pour autant à se croire mélomane, ou "fan de musique", pour reprendre ses termes.

 

7 commentaires:

  1. C'est quoi le sujet ? les gloires et mérites de ceux qui n'ont encore rien branlé de leur existence sinon insulter leurs prédécesseurs, persuadé qu'à l'heure du bilan ils auront de quoi pavaner ?

    On croirait le calque d'un discours de militant "anti-raciste" pro-noir qui nous explique que l'Afrique aurait été première puissance mondiale sans les colonisation, et que c'est pour que ça que leurs seules routes et camions dignes de ce nom provenaient des terribles colons du passé et proviennent maintenant des terribles colons asiatiques qu'ils invitent.

    On est bien avancé avec ce catalogue de généralisations foireuses. Ca manque responsabilité individuelle.

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    1. Développe Marcel, c'est quoi ma responsabilité individuelle ?

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  2. Marcel, es-tu bien sûr d'avoir lu le texte en entier ?

    Sinon, à part ça, je vends un poster de Madonna et trente-quatre CD de Goldman.

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  3. Merci pour ce texte ! Dommage que ce blog ne soit pas alimenté plus souvent. Et merci Beboper pour votre réponse à Marcel. Un seul truc : se retrouver avec trente-quatre CD de Goldman (même s'il y a certainement des doublons), bel exploit. C'est la boisson, la drague low cost ou un méchant coiffeur qui fait qu'on se retrouve avec ça sur les bras :-) ?
    Merci encore !

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  4. Il n'y a qu'un seul phénomène qui puisse expliquer les 34 CD de Goldman: la surdité.
    Sinon, pour l'alimentation du blog, fallait venir entre 2006 et 2015 ! Ceci dit, il reste les archives...

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  5. La deuxième génération se caractérise surtout par la perte du sens du réel. Nos parents étaient encore capables de s'appuyer sur la réalité pour décrire leur vision des choses, même pour raconter des conneries. Les boomers 2 sont complètement hors sols, et détestent les gens qui prétendent s'appuyer sur le bon sens, par exemple. D'où, aussi, ce goût pour les chanteurs pénibles. J'ai un peu d'espoir pour les boomers 3, mes deux enfants étant moins crétins que nombre de mes collègues.

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  6. Normal que t'es de l'espoir dude57, tu viens ici. Encore une chance que ton esprit aventureux rejaillisse sur ta progéniture. Pourtant soit lucide si tes deux enfants sont moins crétins que nombre de tes collegues, je te laisse imaginer le niveau d'abrutissement que va atteindre leurs descendances... Si tu me crois pas, je suis sûr qu'en ce moment même y regarde Arthur, et que pour eux Angèle est une chanteuse aussi talentueuse qu'engagée

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