11 mai 2021

Au rapport !



SENTINELLE. n.f. « Qui a la charge de faire le guet, de protéger un lieu ».
« 
Qui permet de surveiller une situation, de témoigner d’un processus »
Le Petit Robert. 

Qu’a-t-il pris au pays qui ne veut rien voir de lancer l'opération Sentinelle ? Sept à dix mille militaires, policiers et gendarmes, arpentant le terrain depuis 2015... Forcément ils allaient finir par apercevoir quelque chose... et par en rendre compte. 

Résultat : une lettre de généraux à la retraite, et à présent une autre, de militaires bien en service, pour un état de la situation nauséabond, des nouvelles du front qui font le jeu du Front. Les gradés déclenchent la sirène à incendie à l’adresse de responsables politiques qui ne veulent jamais voir autre chose que des mégots mal éteints. 

« Si nous ne pouvons pas, réglementairement, nous exprimer à visage découvert, il nous est tout aussi impossible de nous taire », nous disent les militaires. Ruée dans les brancards parmi les médias, le gouvernement, et les mélenchonistes mentaux – quand remarqueront-ils qu'ils forment un front uni ? “Avril 61 !” “Putsch des généraux !” “Devoir de réserve !”... « Vous rendez-vous compte ? Ils parlent de “hordes” pour qualifier nos élect... les jeunes de banlieue, qui attaquent par bandes de quarante et au mortier les véhicules de services publics... enfin je veux dire, les jeunes pour qui la vie est déjà assez difficile comme ça ! ». 

La Grande Muette qui se prononce, du jamais-vu. Et au lieu d’en être interloqués, ils appellent à la sanction immédiate des rapporteurs. La Patrie reconnaissante, mais seulement aux soldats morts pour récupérer une vieille baba otage au Mali, ou un couple gay adepte du tourisme non protégé au Burkina Faso. Le reste du temps, l’Armée doit se taire. Comme nous autres d’ailleurs. Y’a pas de raison. 

Dans ces moments, tout se passe d’instinct. Nul besoin de lire la lettre à sa source, il suffit d’avoir senti dans quel sens elle pointait. Crimepensée. À ce stade, il ne s’agit même plus, je crois, de mauvaise foi. C’est automatique : quelqu’un a osé montrer l’insanité sous le tapis, c’était interdit ! Dès lors, on peut truquer, tronquer, remanier chaque mot, l'objectif étant de produire un débat fait de “oh” et de “ah”, le temps que la mayonnaise retombe. "Ce sont des cas isolés, politisés, qui ne représentent qu'eux". Les généraux préviennent ? C'est qu’ils "menacent" ! Ils disent “guerre civile” ? C’est qu’ils en planifient une ! On le sait après tout : les heures sombres et le bruit des bottes n’ont jamais cessé de rôder, le coup d’état nationaliste nous pend au nez. Si Cabu était encore en vie, nous aurions eu droit à sa Une, avec un gros sergent gueulard, brodequins tout puissants, visage de la France autoritaire qui de toute évidence n'a jamais quitté les affaires. 

Tout se passe comme si médias et responsables entendaient le mot “guerre civile” pour la première fois. Ils en tombent de leur chaise avec le talent d’un comédien de boulevard. “Guerre civile”, vous vous rendez compte ? Dans la bouche de l’Armée ça fait peur ! Pourtant, voilà quelques années déjà que les politiciens eux-mêmes, y compris les plus pleutres, soufflent ce mot en toussotant, à l’occasion d’un pot de départ ou d’un livre posthume, éditions Ce que je n’ai pas pu vous dire. Petit quiz : Qui a dit « C'est quand même ça qui est en train de se produire : la partition » ? Le Président mou. Qui a dit « On vit côte à côte et je crains que demain on ne vive face à face » ? Le vieux monsieur Ministre de l’Intérieur. Et qui n'a cesse de nous répéter tous les matins que nous sommes en guerre, qu’il faut vivre avec le terrorisme parce que c’est une situation exceptionnelle amenée à durer ? Qui interroge, sous la table, le ministère des armées sur un plan de secours pour le contrôle militaire des quartiers ? 

L’opération Sentinelle aura donc eu au moins cette utilité - outre coûter des sous et offrir des cibles mouvantes : réaliser le constat, obtenir l'avis d’expert militaire. Nous voilà officiellement prévenus, c’est-à-dire nous voilà responsables. L’Armée a fait son job, il n’est pas dit qu’elle ait l’occasion de faire plus. La lettre dit « si une guerre civile éclate, l’armée maintiendra l’ordre parce qu’on le lui demandera » - mais je ne suis pas sûr que quelqu'un lui demande. Quand on compare si facilement cette lettre au putsch de 1961, c’est que l’on est sans doute déjà occupé, dans quelque bureau, à préparer les nouveaux accords d’Evian.

Source : la tribune des militaires, à lire et à signer/

4 commentaires:

  1. encore un bon texte, merci !

    RépondreSupprimer
  2. Je remarque que le style du texte des militaires n'a rien de la verve habituelle des propos "d'extrême droite". C'est structuré, posé et pas hystérique pour un sous. De plus, quelques tournures fleurent bon la franc-maçonnerie, institution où les fachos ne sont pas majoritaires (et où tout est fait pour qu'ils ne le deviennent jamais, soit-dit en passant).

    RépondreSupprimer
  3. kobus van cleef16 mai 2021 à 21:13

    sans vouloir vous décevoir, les accords d'Evian (les nouveaux) ont déjà été rédigés et signés
    c'est la convention de Casablanca qui date de 2017(?) et qui stipulent que tout migron qui le souhaite doit pouvoir trouver paix, sécurité et défraiement aux Europes au moyen de la caf ou d'autres moyen
    et si t'es pas content, tu fermes ta gueule
    une aut' question?

    RépondreSupprimer
  4. Ça fait plaisir de retrouver des choses lisibles, par ici…

    RépondreSupprimer