La vieille église romane
aux pierres lavées par le vent gisait en ruines depuis 1956, éternellement en
chantier, jamais rénovée, et depuis plus d’un demi-siècle les paroissiens se
réunissaient dans une construction provisoire, cube de béton posé à la hâte en
face des membres grandioses et désolés de l’église, bas « lieu de
culte » trapu, nu et fonctionnel, temporaire depuis plus d’un demi-siècle.
L’intérieur était aussi froid et sale et déjeté que l’extérieur ; chaises
en plastique, tapis noyés par l’humidité, statues en plâtre de Jeanne d’Arc et
de Sainte Thérèse de Lisieux sauvées de la vieille église, deux ou trois scènes
pieuses accrochées aux murs nus et lézardés – Une fois sur dix, une fois sur
vingt, qu’on la donne, la messe, à F*** : un prêtre qui fait la tournée du
diocèse, arrive en retard, s’habille devant tout le monde, murmure quelques
mots d’excuse, et les paroissiens qui attendent gentiment, souriant, ils ne lui
en tiennent pas rigueur, ils savent que c’est dur, la route est difficile quand
on ne connait pas la région. Ils espèrent de lui la vie, littéralement, la vie
gratuite du don de Dieu, alors ils attendent patiemment dans leur « lieu de
culte » abject et humide et infiniment triste et sale. Le prêtre ne peut
pas ne pas le remarquer, c’est sans doute la pire du diocèse, la plus humble,
la plus moche, cette église de F***, on dirait les catacombes – non, pas les
catacombes, celles-ci étaient le sentier souterrain de la foi qui croissait,
jaillissait comme une source, préparait sa subversive suffusion parfaite et
épiphanique avec le monde gréco-romain. Ici à F*** les catacombes sont des tranchées
à ciel ouvert, des catacombes d’indifférence éventrées comme des
boyaux exposés à l’air libre, au mépris, au rien.
La messe commence, elle
file, imperturbable et cadencée, le curé fonctionnaire dévoué et pressé (il
n’est pas du pays, il vient d’arriver, d’une ville du nord, il connait mal le
pays, il s’est perdu, des kilomètres il en dévore depuis son exil dans ce
diocèse), il en est déjà à l’homélie, et commentant l’Evangile de Marc (la
femme répudiée), trouve excellent d’évoquer « le scandale Mitou ».
Mitou ? Me too ?
#Metoo ? A ces très vieilles paroissiennes, ancestrales vieilles femmes
qui s’habillent encore comme s’habillaient leurs grand-mères dans les années
50, à ces paysans, garagistes, exploitants, ouvriers viticoles, et aux enfants
de chœur adorables mirlitons éperdus de naïve dévotion, en effet le curé parle
de #MeToo, de Weinstein, d’Hollywood, de #balancetonporc, enfin de toutes ces
choses-là.
L’excellent curé que nous
avions là ! ne pouvais-je m’empêcher de remarquer – féministe ! au
courant ! à la page ! #MeToo !
Ils s’en passaient bien,
de l’affaire Mitou, les habitants de F***, elle leur était épargnée, cette
toute petite parcelle supplémentaire d’enflure de remugle de Babylone. Sans doute
pouvait-on les laisser vivre épargnés des pires boursouflures, des pires
enflées tumeurs qui clabotent et explosent à la surface de notre camp de
vacances obligatoire ? La modernité n’en mourrait pas ?
Si, elle en mourrait la
modernité, il en crèverait le progrès, si les gens de F*** restaient dans
l’ignorance des dernières dégueulures contemporaines, et il fallait, c’était
écrit, logique, ordonné, que ce fût leur prêtre, leur prêtre itinérant, qu’ils
attendaient de loin en loin comme un privilège inouï et gratuit, qui leur fasse
part, en passant, de cette petite dose de poison supplémentaire entre la poire
et le fromage.
Ce n’était pas
grand-chose, une anecdote entre deux bâillements, passée sans doute inaperçue, mais
entendre ça là, dans cette casemate ridicule et mal foutue au plus profond du
Gers, dans ce lieu de culte bétonné temporaire éternisé sur un demi-siècle de
désaffection, de déculturation, d’excavation de tout, de glorification de rien,
c’était à en crever. Je les regardais s’aligner pour recevoir la communion, les
gens de F***, moches, humbles, souriants, gracieux, pas très beaux, rougis,
brunis, burinés, fidèles comme des agneaux (et aussi alcooliques, obstrués,
âpres au gain, mesquins, loyaux, butés), race d’Occitans sur souche celte et
wisigothique mâtinée d’italique, incroyable vieille race humble et confiante
menée dans la modernité comme à l’abattoir, une modernité pour eux fait de
désertification, d’églises en ruine, de camelote, de toc, de ronds-points
partout et de services nulle part, de zonings commerciaux à attraper le
couillon, de réglementations et de taxes imbéciles, de supermarchés et de valeurs
de la République à toujours plus les écouvillonner, de fausse démocratie
prétentieuse à grands principes qui ne donne rien, isole tout, prend tout, et
maintenant enfin de #MeToo, cette pauvre fière race qui ne comprend rien,
accepte tout, à qui on a tout enlevé, leur foi, leurs racines, leur nation, leurs
chants
Et pourtant ce soir ils
chantent encore, de leurs voix peu nombreuses, voix fausses, et rares, et
dévouées, malgré tout, et leur chant monte, s’élève dans la nuit du Gers, F***
comme une île nocturne et solitaire, un navire ballotté fragile voguant sur la
nuit, gentils enfants extraordinairement confiants envers et contre tout,
gentils Indo-Européens de ce petit coin de France occitane allant se
dépeuplant, vieille race jeune et fidèle encore accrochée au flanc des collines
où s’étagent les tombes de leurs ancêtres comme les rangs d’une armée des morts,
morts ici, morts là-haut pour la ligne bleue, vies de la terre et du ciel, mes
chrétiens, mes gentils aryens, mes frères insouciants,
quelle apocalypse nous
vous préparons.
Tu crois qu'il passerait au forum dire bonjour ?
RépondreSupprimerde ce pas
SupprimerFrance plumée, pourrie. Peuple en souffrance qui se soumet à la démocratie généreuse envers les parasites.
RépondreSupprimerUn prêtre nul à l'image des profs et des imams.
Ça va dégénérer, Satan jubile à nous absorber.
Chaos mondialiste.