27 septembre 2019

Faire chier


Pourquoi une personne irait revendiquer le droit au burkini à la piscine quand elle a déjà le loisir d’évoluer librement en voile dans la rue, au travail, quand elle vit ses manières radicales où ça lui chante sans courroucer la police ni les citoyens, quand elle bénéficie d’horaires de piscine aménagés pour barboter à son aise, pourquoi irait-elle encore réclamer davantage alors que tout se passe déjà au mieux ?

Pour faire chier.

Et pourquoi, en réponse à ces provocations adressées entre deux attentats au couteau, vous mettez-vous à riposter ? Pourquoi délaissez-vous la nuance, les pincettes, et tirez-vous comme un âne dans le sens opposé ? Pourquoi vous faites-vous plus con que vous n’êtes et jouez-vous de l’amalgame et de l’injure, alors qu’en vérité vous cernez les enjeux plus finement que ne le feront jamais les bienpensants qui vous réprouvent ?

Simplement pour faire chier.

Comment arrive-t-on, en tant que férue féministe, à fermer les yeux sur les agressions sexuelles qui jonchent l’actualité migratoire, alors que le reste du temps on ne badine pas avec le viol, ni même avec le frôlement de fesses dans le métro ? Pourquoi laisse-t-on passer ça, quand le reste du temps on perçoit l’oppression masculine derrière le moindre mot ? Et si l’on prétend tenir là un sujet extrêmement grave, pourquoi l’accommoder ainsi à toutes les sauces, sur tous les tons, en toutes occasions surtout les plus grotesques, finissant par le rendre dérisoire ?

Parce qu’on veut surtout faire chier.

Et ne vous leurrez pas : c’est pour faire chier en retour que vous vous faites taquin sur l’égalité salariale, mitigé sur les violences fétofam, dubitatif sur la nécessité de la parité... C’est pour faire chier et seulement pour cela que vous vous emparez de ces sujets sur lesquels vous vous seriez autrement montré plus coopératif. Faire chier à même hauteur que Marlène Schiappa. Œil pour œil. Dent pour dent. Bec pour ongle. Faire chier.



C'est dans cet unique but que vous aimez égratigner l'écologie, alors qu’au fond vous aimez l’air frais et les petits oiseaux comme tout le monde. C'est pour faire chier que vous emmerdouillez Greta et consorts, alors qu’au fond deux ou trois mesures fondées pour pourrir un peu moins l’atmosphère ne vous déplairaient pas. C'est pour faire chier que vous applaudissez Trump, alors que très franchement, en homme de goût, le personnage vous déconcerte autant que n’importe qui.

Faire chier. C’est devenu le seul mobile, caché derrière les opinions et revendications. Y compris celles des défenseurs de causes les plus apparemment sincères. Ici une Queen LGBT qui depuis toujours vous suit à la trace pour dénoncer votre intolérance maladive, mais qui absout l’homophobie la plus crasse le jour où elle tombe nez-à-nez avec dans une manif d’Algériens. C’est qu’elle ne jugeait pas l’homophobie si grave ; c’est qu’elle faisait surtout ça pour vous faire chier ! Ici un Bernard-Henri Lévy intransigeant et grand contempteur de bourdes antisémites, avec effets de manche et tremollo dans la voix, mais qui, on l’apprend, fait ses affaires depuis des années avec un négationniste carabiné de la plus noire espèce (Yann Moix). C’est qu’il n'était pas si douillet ; c’est qu’il prend tous ces airs avant tout pour faire chier ! L’homophobie, l’odieux antisémitisme : ils s’en foutent un peu, en vrai. Purs anathèmes pour emmerder le prochain, le paralyser ou le faire taire. C’est pour emmerder le Français qu'ils agitent ces épouvantails depuis toutes ces années. Cinéma ! Panopticon ! Panneau, p’tit con ! Du cinéma à seule optique : faire chier.

Et c’est pareil pour tous les autres. Ne croyez pas que quiconque parmi les indignés, innocents professionnels, fragilités télévisuelles, victimaires à orgueils blessés - ne croyez pas qu’aucun d'eux puissent être réellement heurtés. Ils font ça pour faire chier. Et vous-mêmes : ne croyez pas que vous soyez guidé en toutes circonstances par d’honnêtes valeurs et de sincères combats : il y a beaucoup de vous qui pense de façon à faire chier ceux qui vous font chier.

Et voici ce qu’est devenue la France : une grande colocation où différents groupes ont juré de se rendre la vie impossible. Ils se guettent, s’observent, auscultent leurs habitudes, tâchent de comprendre ce qu’aime celui d’en face pour le lui gâcher, ce qu'il déteste pour le lui mettre sous le nez... Chacun se tient prêt, à tout moment, à abandonner son ouvrage pour se ruer au premier mouvement et contredire, gâcher, priver, ôter, bousiller, contrecarrer, sagouiner, gêner. Entraver la satisfaction. Troubler la quiétude. C'est une haine inouïe qui s’installe entre nous. Elle s’exprime en agression, en mépris, en harcèlement, en mensonges éhontés, en comportements aberrants, en dénégations... De mille manières. La France est une colocation bordélique. La voilà passée à table. Au menu : ce n’est plus la grande soupière familiale et partagée, ce sont les tupper, étiquetés du frigo, chacun le sien. Ce sont les régimes spéciaux, les intolérances alimentaires, les goûts particuliers. Ce sont les horaires aménagés, les exceptions, les comparaisons d'assiettes, les inconvenances. Ce n’est pas qu’il n’y a pas assez, c’est qu’il y en a partout.

Nous en sommes au moment du repas où l’on s’envoie à la figure tout ce que l'on peut trouver sur la nappe. Tant qu’il reste une salière ou un quignon à se lancer, tout ne va pas si mal. Il faut s’inquiéter quand les projectiles viennent à manquer. Il ne reste plus, alors, qu’à se lever et s’empoigner. Fait chier.



22 commentaires:

  1. Faire chier un emmerdeur est une de mes activités favorites. J'attends avec une certaine impatience l'arrivée probable des burkinis dans ma piscine habituelle. Pour avoir le plaisir de leur annoncer ceci : -"Mesdames, sachez que je sors d'un barbeuc bien arrosé, et je vous signale que je vais roter de la bière et péter des saucisses dans l'eau pendant 45 minutes."

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  2. Le Pinailleur sénégalais28 septembre 2019 à 19:31

    Dites, les cégébistes, vous n'allez pas vous y mettre, à dire où plutôt écrire « en vrai ». Et ensuite, « de base » ?

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  3. Ce n'est pas pour faire chier qu'on résiste à toutes les merdes dites progressistes. C'est simplement qu'il est intenable pour un homme normalement constitué, de s'y soumettre. La tolérance et la patience ont des limites, qu'on arrête d'insulter notre intelligence à tout bout de champ et j'arrêterai de râler.

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    1. de toutes façons, la tolérance il y a des maisons pour cela
      alors qu'on puisse penser que la vronze est une maison du même métal , pourquoi pas, mais faudrait demander aux occupants, non?
      les solliciter pour savoir s'ils sont d'accord pour se laisser emmerder matin, midi et soir
      pour que les médias leur dégueulent sur la trogne à toute heure du jour et de la nuit
      perso , je suis contre
      ou alors il me faudrait un droit de réponse
      or je n'ai ni le loisir ni l'énergie de répondre
      donc....arretez de faire chier, merde!

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  4. Il y a aussi une utilité physiologique : si on garde sa rage en soi, elle se retourne contre nous. C'est un fluide à faire sortir parmi d'autres.

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  5. c'est surtout "eux" qui nous font chier avec leur lois-projets liberticide voire totalitaire, avec leur idéologie quasi uniforme diffusée partout (Hitler en a revé de nos moyens de communication actuels) Après c'est sur que l'on est rarement "sport" avec nos ennemis surtout les pires mais comme disait Muray "si vous traitez quelqu'un de vipère lubrique, il ne faut pas s'attendre a ce que celui ci fasse ensuite une confèrence sur la lubricité des vipères"

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  6. J'aime bien ce texte, occupé de voir la poutre dans notre oeil et celui du voisin. On dirait un genre de déclaration d'amour au genre humain.

    Une déclaration riche d'un regret, que les projectiles soient si personnels (et bientôt manquant ?). XIX, je suis sûr que tu rêves d'un bon débat sur un poème, une chanson, un film ou un bouquin. Histoire que faire chier devienne aussi aimer.

    Alors, je me lance - sans consulter les archives et les listes beboperiennes qui foutent un peu les foies (les fameuses LBQFUPLF) - ben moi j'aime beaucoup Tarentino. Et aussi "Les Ritals", de Cavanna.

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    1. Haha Luccio !

      Je prends Tarantino ! Et je crois pouvoir, sur ce sujet, te donner l'avis collégial du CGB : Tarantino = habile petit singe qui dispense son talent absolument en vain. 

      Pour ma part, j'ai à peu près suivi jusqu'à Boulevard de la Mort, puis j'en ai eu assez sortir avec des "so what?" et d'accorder un bénéfice du doute dont manifestement il ne comptait rien faire. De retour pour les Huit salopards (j'ai un faible pour les nouveaux westerns), j'ai cru m'être trompé : tout partait très bien, chouette voire virtuose jusqu'aux premiers tiers... puis Quentin a fait caca dessus ! Ketchup, viscères, cris, haine, barbouillage... C'est du Quentin Tartino ! Aujourd'hui j'en arrive à la conclusion que je ne veux pas participer au vice d'un mec qui a trouvé le cinéma pour jouir de l'exhibition de son sadisme enfantin. Gabriel Fouquet, dans un article qu'il n'a jamais écrit, ajoute que depuis 10 ans, Tarantino fournit à la bourgeoisie blanche des films pour se flageller : éloge de la "Blacksploitation" à destination du public blanc-qui-voudrait-être-noir, histoires de noirs/femmes/Juifs qui se vengent, humilient le méchant blanc, le châtient... "Oh oui Maîtresse, j'ai été mauvais, punis-moi !" 

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    2. Tarantino aurait fait un publicitaire de génie. Ses films sont des assemblages incohérents de clips hétéroclites.

      Le mélange était plutôt réussi au début, pour Pulp Fiction ou Jackie Brown, et c'est devenu de plus en plus inregardable.

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  7. Bon, j'encaisse un petit coup, puis je reviens plus tard...

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  8. Commençons par les deux reproches circonstanciés.

    Dans le dernier Tarantino, le héros est une paire de "mâles blancs" pour tuer des hippies fous - l'archétype des héros de son enfance pour tuer les méchants et sauver la belle de son adolescence. Il n'y a donc pas sadisme enfantin, mais sa jouissance adolescence de la violence.
    Or cette violence est inutile, gratuite et explosive, comme un match de rugby. Certes elle est portée par des personnages, au service de leurs fins... mais elle ne me semble au service d'aucun désir, si ce n'est celui de rendre la violence gratuite. En outre, elles devient multiforme, ce qui permet une certaine jouissance assez bien construite, même lorsqu'on n'en comprend pas trop le sens.

    D'ailleurs ça distingue le bon cinéaste, celui qui se casse la tête plutôt qu'il nous casse les pieds. Et même, si on suppose que les USA ont 10 ans d'avance, dans Pulp-Fiction, la scène avec Z, c'est peut-être une critique de l'ambiance "porno-chic" qui régnait chez nous quelques années après le film. Ces personnages semblent à la fois hors-normes et ancré assez contemporains -- pile ne pas dériver du seul fantasme de l'auteur.

    Tarantino et Claude Sautet, même combat. [Alors, là, disons-le franchement : j'ai vu un film de Sautet l'autre jour, mais c'est bien tout]


    Enfin, Tarantino vit peut-être dans un monde où l'on traita mal les noirs/femmes/Juifs mais aussi les Bruce Willis. Il paraît que Truffaut disait qu'il ne pouvait pas filmer une bagarre car il ne se voyait pas prendre un coup ; je crois que Tarantino veut filmer des bagarres donnent des coups ceux qui en prirent. Ça n'empêche pas les autres d'aller jouer au rugby.

    Bon, pour le petit singe malin, je trouve que c'est un compliment, puisque Tarantino est malin, et le petit singe c'est mignon. Toutefois, avec ce genre de réponse, je n'ai pas encore répondu...

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  9. Il faut vraiment n'avoir rien à foutre de son week-end pour se mettre à faire des phrases à propos d'un Tarentino, ce néant pelliculé ! Pourquoi pas Mocky ou Tavernier, pendant que vous y êtes, hmm ?

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  10. Comment en est-on venu à parler de Tarantino ici ? mystère. Un mystère que ton dernier commentaire, Luccio, ne lèvera pas, tant il est obscur (ton commentaire, pas le mystère!). J'ai RIEN compris à ce que tu veux dire. je vieillis.

    Tarantino, c'est le Lilian Thuram du cinéma : le mec qui se mêle de choses qui le dépassent de beaucoup, qui ne s'en rend pas compte, et qui persiste à l'ouvrir alors que le ridicule l'a déjà tué trente fois. Thuram prétend parler de Delacroix; Tarantino de la seconde guerre mondiale : les deux n'ont aucune connaissance un peu profonde, un peu solide, des sujets où ils barbotent. Tarantino est un as du divertissement, ok, mais on n'est pas obligé d'applaudir son mauvais goût.

    Quant à la théorie du "faire chier", qui est le sujet de ce billet bordel de merde, je la trouve très fine. Faire chier ceux qui nous font chier, voilà un résumé giradien de derrière les fagots, ou je m'y connais pas! Son mérite essentiel, c'est de relativiser les postures offensées dont nous assomment vingt fois par jour les Grandes âmes.

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    1. Raison gardons ! Il y a Pulp Fiction et Jackie Brown. À partir de Kill Bill ça commence à se discuter. Mais ce que je ne lui passe vraiment pas c'est ce sadisme malade. Je mets un billet qu'on lui découvrira tôt ou tard des crimes sexuels.

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    2. Pour le dire clairement. Je ne pense pas qu'il s'agisse de sadisme. Pour employer un langage de psychanalyste : si pulsion il y a, elle est sublimée. Je crois que lui, à la fois il y croit et à la fois il y croit, comme un adolescent. Je serais très étonné, pour le coup, qu'on lui découvre quelque crime que ce soit.

      En tout cas tu peux regarder Django, c'est bien construit, et y'a même un personnage qui théorise le film au sein du film, certes c'est un peu bourrin mais c'est bien fait. La fin est très violente et, si l'on est choqué, il suffit de ne pas la voir.

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    3. La vengeance : c'est la visée de toute son oeuvre, le seul sens qui se dégage, mais il n'a rien à en dire d'autre que l'image jouissive d'une violence retour équivalente ou supérieure à la première. Qu'est-ce d'autre que du sadisme ?
      Je me fais vieux et sensible, Luccio, les éviscerations en gros plan, les hurlements de douleur en dolby stereo surround et les doigts coupés au ralenti, je les limite aux films de yakuza !

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  11. Il est vrai que unglorious bastards a révélé au monde entier que les résistants français étaient majoritairement des femmes allemandes ou juives, et des hommes noirs.
    En gros le français moyen était forcément collabos (pour mémoire 35000 résistants français morts en déportation).
    Depuis je me suis abstenu de regarder tout film de QT.

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    1. Peut-on suggérer, sans être offensant, qu'il s'agit d'un film fait par un Américain pour des Américains, et assez conscient de jouer avec l'histoire ? En outre, la part belle et le charisme sont faits au méchant ; je ne pense pas que Tarantino veuille signifier quoique ce soit sur ce qu'on fait les gens du passé.

      Prenons un exemple, je ne crois pas que "Papy fait de la résistance" fasse quelque reproche aux Français de la Guerre, mais très certainement il se moque des sentencieux ressassant.

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    2. Tarentino, c'est le type qui aime le cinéma mais qui croit que ça suffit pour faire de bons films. Raté. Et puis comme c'est un p... d'Américain, il est nul en histoire et en géographie, ce qui lui facilite encore la tâche pour commettre ses inepties cinématographiques. Même si seuls ces c... d'Américains sont capables de croire qu'Inglorious Bastards puissent être un film historique.

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    3. Je demande pardon pour toutes les fautes d'orthographe postées sur le CGB. (Mais non pour avoir utilisé "les gens", ce péché-là je ne puis le porter seul).

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  12. Tremolo ! Sinon on pourrait croire que c'est "très mollo" (ce qui ne gâche pas le sens) :)

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