15 juillet 2019

Kloug ou le racisme très ordinaire


Ah, la réjouissance excessive des collègues de bureau quand le musulman de l’open-space arrive au bout de son ramadan ! C’est la fête, Champagne ! - enfin Champomy ! Bravo Mourad, tu l’as fait ! C’est super, on est content pour toi ! Les femmes gloussent, on dirait que le mec a traversé l’Atlantique à la rame, qu’il a accompli quelque chose de grand et d’une certaine manière, qu’il l’a fait un peu pour nous tous. L’extase.

Pour fêter ça, il a ramené des cornes de gazelle ; le bruit se répand, chacun laisse son ouvrage sur le métier et se précipite jusqu’au carton à pâtisseries, déjà translucide. Là, on en fait des caisses : "MmmmMMMMMh! Ah mais j’adOORE ! C’est trop BOOON !! Mais c'est quoi la recette ?
- Je peux prendre le dernier ? Attends, jette pas le carton, t’es dingue ! Laisse-moi laper le miel qui a coulé au fond, c’est ce qu’il y a de meilleur !” m’écrie-je pour donner le change, avec un grand sourire terrorisé. Terrorisé qu’on me diagnostique un enthousiasme insuffisant.



Cette euphorie générale tranche radicalement avec un autre cinéma social, excessif lui aussi, qui se produit à l’approche de l’Ascension, l’Assomption, ou la Pentecôte. Il consiste, pour l’employé de bureau passionné de ramadan, à déclarer cette fois son ignorance totale et son désintérêt pour ce que signifient ces jours fériés - il les célèbre néanmoins par la prise d’un week-end de trois jours.

Ascension, Assomption... J’oublie tout le temps ce que c’est ! J’y connais qu'dalle ! Ça correspond à quoi, tu le sais toi ?”. A la machine à café, tout le monde se refile la patate chaude. Le premier de nous deux qui saura aura une tapette ! Il sera aussitôt catalogué comme une sorte de séminariste d'un autre temps. Il s’agit de montrer qu’on est celui du groupe qui s’y connaît le moins. C’est d’ailleurs un phénomène unique : dans aucun autre domaine de la culture générale, on peut porter ainsi son ignorance en parure, et la renforcer par dessus le marché par une volonté affichée de ne pas en savoir plus.

Il est doué, Mourad : il peut intéresser l’auditoire à sa spiritualité pendant 40 jours, qui plus est avec une spiritualité en contradiction totale avec les valeurs que ces mêmes personnes chérissent au quotidien. Vous, avec vos trois jours fériés par an, vous faites chier tout le monde. Comment se fait-il ? Goût immodéré pour l’exotisme ? Houellebecq et d’autres vous expliqueraient que les femmes modernes, en fin de compte, aiment profondément ce qu’elles nous ont patiemment désappris à être. Et si plutôt, c’était là l’une des multiples facettes du doux racisme du moderne ordinaire ? Ce doux racisme fait de pitié et d’arrogance.

Ils applaudissent Mourad et en rajoutent des tonnes comme une mère marque ses félicitations à l'enfant qui a fait dans le pot. “Oh, mais qu’est-ce que tu m’as dessiné, c’est ravissant ! Un chien ? Une maison ? Une fusée ? Oooh... une corne de gazeeelle !” Mourad, c’est Tarzan que la bonne société victorienne aime regarder se mouvoir dans ses salons. On lui passe les pratiques archaïques qu’on ne se permet pas à soi. On lui passe le rap et la confection de rimes pauvres, qu’on écoute par délassement, à côté de sa vraie musique de blanc. On lui passe l’incivilité et l’abjection. Parce qu’il était pauvre, parce qu’il était exclu, parce qu’il était, parce qu’il était...

A moi les robes de soirées, à toi les casquettes sur le côté !

De lui nous n’allons tout de même pas exiger ce que nous exigeons de nous. Nous n’allons pas le juger à l’aulne des critères auxquels on s’astreint. Nous lui accorderons systématiquement l’excuse, lui pardonnerons tout d’emblée, fermerons les yeux sur toutes ses bévues… Le voilà dispensé de cette rigueur dont, fondamentalement, on ne le croit ni capable, ni digne.

Mourad, au fond je crois que c’est toi qui as raison : la France compte un sacré paquet de racistes.

8 commentaires:

  1. de sans couilles aussi et surtout

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  2. Très bon. Ils nous emmerdent tous ces obsédés des races. Ils n'existent que s'ils ont un damné de la terre à défendre quitte à l'inventer ou à le cultiver sous serre.

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  3. Et pour leur développement artistique personnel, on les aide dans les cités en leur fournissant quoi ? Des djembés et autres tam-tam. On doit pas les juger capables d'apprendre le piano ou le saxo, sans doute. Quand on pense à Charlie Parker ou Duke Ellington, mais comment ils ont fait pour se procurer et apprendre leur instrument ? Qui leur a mis ça dans les pattes dans les ghettos où ils vivaient ? Tout ça dans les années 30. Après, on n'a pas le droit de dire que c'était mieux avant.

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    1. N'invoquez pas les années 30 ! Elles n'attendent que ça pour revenir !

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    2. Environ une dizaine d'années.

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    3. Les années 30 l équivalent de Dracula ou de Bigfoot pour le moderne il était temps de trouver de nouveaux objet de terreur la déchristianisation ayant rendu ceux la un tantinet ridicules et désuets

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  4. "Hypocrite"
    C'est signé

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