16 octobre 2018

Metal hurlant de rire

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Il est très rare que la musique soit uniquement de la musique. La plupart du temps, elle est l’attribut d’un ensemble plus vaste, la bande son de tout un "univers", de toute une esthétique, de tout un style vestimentaire quand ce n’est pas d'une philosophie. Ainsi : le rock’n’roll ne se résume pas à une musique mais est un art de vivre ; le punk-rock, si on lui retranche les crêtes iroquoises et les épingles à nourrice et qu'on l'allonge sur une partition, ne représente plus qu'un faible intérêt ; la disco sans les fanfreluches et les clips n’aurait pas la même saveur ; et dans le rap : paroles, gesticulations de doigts, vêtements, bijoux, fessiers de danseuses... tout ou presque passe avant la musique.

Il en est ainsi de toutes les musiques modernes : il est très difficile d’apprécier la seule musicalité d'un genre en faisant abstraction de toute la "culture" qui va avec. Pourtant, il est prétendu, dans cette amusante vidéo que je dégote, qu'il n'en va pas ainsi pour les amateurs de metal.



D'après cette jeune mélomane, les fans de metal n'accorderaient d'importance qu'à la musique, la pure musique, le reste - l'attrait pour le cirque cadavérique qui va autour : culte de la mort, satanisme, occultisme... n'étant que des clichés qu'on leur colle à la peau et dont ils ne rêvent que de se défaire. C'est donc une inouïe coïncidence si tous ces musicologues partagent aussi, par la même occasion, une même passion pour les t-shirts à zombies, les chaînes dans le nez, les signes de diable avec la langue et les doigts, les longues tignasses, les bracelets à clous et les amulettes à cornes et têtes de mort. Car le metal, c'est uniquement de la musique, et la plus variée qui soit par dessus le marché.

Il y en aurait, à en croire cette demoiselle, pour tous les goûts. Et en effet, la fiche Wikipédia expose une variété hallucinante de styles, de ramifications de genres et sous-genres de metal. Pour être tout à fait honnête, il semble qu'un rien suffise à une chapelle du metal pour faire sécession et fondre une nouvelle école à part. Jouer un peu plus rapidement que les prédécesseurs occasionne l'émergence d'un nouveau style ; associer un instrument auquel ses camarades n’avaient pas pensé inaugure carrément un nouveau champ des possibles. Hurler ou pas, avec une voix caverneuse ou pas, engendre autant de genres différents... On se retrouve ainsi avec du black metal (qui n’est pas le dark metal), du war metal (aux antipodes du metalcore), du metalcore symphonique (variété de metalcore où le guitariste détient des rudiments de solfège), du cello metal (lorsqu’on joue Metallica sur un violoncelle plutôt qu’une guitare), du death'n'roll, du death-doom (je l'imagine comme un savant mélange de death metal et de doom metal), du sludge metal ou encore du grindcore : ensemble éclectique qui englobe deathgrind, goregrind et pornogrind).

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Difficile de ne pas éprouver de tendresse à l’écoute de cette juvénile plaidoirie. Qu’on soit passé par le metal au cours de sa jeunesse ou par un autre genre, on s'est tous complus et enfermés, un jour et plusieurs années durant, dans une bulle musicale objectivement pauvre, étroite, terriblement balisée, mais qui nous paraissait alors un champ infini se suffisant à lui-même.

Ce qui est plus mystérieux en revanche, c’est de déplorer les clichés dont on est victime tout en les collectionnant sur soi un par un sans exception. Les punks d’hier cultivaient l'outrance et la provocation dans le but précis d'être jugés, et mal jugés. Ceux d’aujourd’hui font de même, mais revendiquent le droit à une certaine présomption d’innocence. "Ce n’est pas parce que je porte une croix renversée que je ne suis pas un concitoyen charmant qui participera volontiers à la Fête des voisins". Pas parce que je suis habillé en cuir de pied en cape qu’il faut me réduire à quelqu’un d’habillé en cuir de pied en cape. Pas parce que j’arbore un tatouage “Fuck the system” qu’il faut écarter ma candidature au poste d’employé des Postes. Pas parce que je choisis délibérément la marge qu’il faut me marginaliser.

3 commentaires:

  1. J'ai assisté à quelques concerts de metal avec des amis. A chaque fois j'étais le seul gars pas en T-shirt noir sur 300 personnes, et malgré tout, j'ai toujours été bien reçu, on ne m'a pas dévisagé comme une bête, on ne m'a pas volé la place dans la file du bar ou des chiottes. Parfois quelques morceaux valent le coup musicalement. Au fond, le metal, du point de vue du plaisir et de la satisfaction donnée à l'auditeur, correspond un peu au blues. Ca apporte cette vibration animale sans dimension intellectuelle. Ca fait le même boulot que John Lee Hooker en plus bruyant.

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    1. Ça me fait le même effet dans les bars de métalleux. Ils sont objectivement très charmants.

      Moi, c'était la chanson française. Et suis encore très attaché à mes rapprochements d'antan.

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  2. Alphonso Pistachi Danse au Son de son Aspirateur17 octobre 2018 à 12:19

    La gourdasse est désormais une espèce en pleine expansion, pas de raisons que nous autres metalleux soyons épargnés... Padamalgam! C est sûr que lorsqu'on a la personnalité d un gant de toilette, il est bien pratique de s en approprier une qui a l avantage d être préfabriquée...

    Les musiques saturées (métal entre autres) rencontrent un grand succès (je fais mon Borat là) pour une raison profonde à mon humble avis: elles sont la BO folle d une époque qui ne l est pas moins.

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