7 juillet 2018

Les films synthétiques

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Rien ne vaut la stupeur du fan de trilogies hollywoodiennes, au moment où vous lui annoncez qu’à vos yeux, tout cela ne vaut rien ! Il peine à le concevoir. C’est que ces choses, les StarWars, Seigneur des Anneaux et tous ces grands machins épiques, sont réputés emballer le plus grand nombre, être “cultes, avoir “bercé notre enfance”, transporter dans "un univers incroyablement imaginatif " etc.

D'une, je ne crois pas qu’il soit encore possible d’être imaginatif aujourd'hui dans le registre "dragons, femmes en peaux de bête et pouvoirs magiques ". De deux, même en fixant bas son seuil d'exigence, même conscient que l'on se rend au cinéma pour un divertissement sans prétention, il faut vraiment être très indulgent pour trouver son compte dans ces fables intergalactiques. Mais bon, les gens, aujourd'hui, sont gentils : ils ont intégré que chaque nouvelle grosse production était une “franchise” potentielle et serait suivie l’année prochaine et celle d’après d’un épisode II, III, IV ni meilleur ni moins bon que le précédent, d’un “prequel” qui leur prendrait sans complexe 2 heures et 12 euros (14 avec les lunettes 3D) pour leur conter l'enfance de la cousine du héros, d’un “sequel” ou d’un “crossover” qui mixerait tout ça en belle bouillie pour ceux qui ont encore faim, etc. Les gens ont, implanté dans l'esprit, le cahier des charges de ce cinéma industriel et sont satisfaits dès lors que le film respecte le quota de cascades, d’effets spéciaux, de clins d’oeil de références... Ils en ont pour leur argent, ils peuvent rentrer à la maison.

La stupeur du fan, donc, qui ne conçoit pas que tu aies vécu dans le même pays que lui jusqu'à tes 40 ans sans avoir cédé à la purée. “T’as pas aimé ? Mais le 5, tu l’as vu le 5 ?? Tu l’as pas aimé non plus ?!” . J'ai pas vu le 5, non. J’avoue que mon désintérêt pour le genre me tient loin de tout cela. Et je peine à comprendre, par exemple, ces gens qui reviennent "déçus" de Batman contre Superman, déclarant qu'il aurait pu être plus ceci ou moins cela. Les gars attendaient quelque chose de Batman contre Superman ! Mais quoi bordel ? QUOI ?! Pour ma part, je suis complètement incapable de me représenter ce que devrait être un Batman contre Superman pour qu'il me plaise, pour que je l’estime réussi. C’est simplement, pour moi, un matériau dont on ne peut pas faire quelque chose.



Bon bougre, il m'arrive néanmoins de faire l'effort, de regarder le film quand il passe à la télé ou dans l'avion. Et ce que j’ai vu était toujours affligeant. Ces films sont « hyper bien faits », mais alors pourquoi tout transpire le toc dans le moindre recoin ? Ce casque et cette armure sont manifestement en plastique. Pas une lumière qui soit naturelle ni vraisemblable. Pas un brin d'herbe qui ne soit retouché, "magnifié" par un filtre de contraste, un ralenti... Là c'est du numérique. Là et là aussi. Ou encore, pardon, mais ces grands singes en SFX armés de fusils et montés sur des mustangs tel Géronimo, c'est absolument en vain qu'ils se démènent pour produire toute la palette des mimiques faciales typiquement humaines dans le but (j'imagine) de m'aider à m'émouvoir. Ce qu'ils produisent chez moi, ce n'est qu'un effondrant sentiment de ridicule. Je dois tourner la tête et regarder autour en espérant que personne ne me voie en train de mater ça.

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"Et vous me tueriez si de cette hauteur 
 Vous me laissiez tomber un mot dur sur le cœur !" 


En réalité, c'est l'esthétique générale de ces films qui d'entrée de jeu laisse à la porte malgré sa bonne volonté. Très rapidement, ce que je vois à l'écran, au lieu de personnages et d'une histoire qui tient debout, ce sont de pauvres acteurs qui se débattent, enchaînés au projet pour les cinq prochaines années par un contrat en béton, vêtus d'un déguisement synthétique et hautement inflammable, chevauchant un tréteau sur fond vert qui sera transformé en noble monture ou en vaisseau spatial lors de la post-production... Et je tressaille de honte en imaginant ce gars de 57 ans coiffé d'un plumeau, contraint de hurler devant toute une équipe de tournage des trucs comme " Naooon ! Frodooooon ! "... Ou pire  : l’une de ces phrases-sagesse sur la Vie, le Bien, le Mal, dites après une longue inspiration. " La Vérité est par-delà ta Liberté, Luke, tu le sais..." 

C'est foutu. Je crains qu'il faille me considérer perdu pour ce cinéma-là. Ces machins-là ne peuvent sans doute marcher qu’à la nostalgie : il faut être tombé dedans tout petit pour ne pas être rebuté. Quand on en est extérieur, qu’on raccroche les wagons en route, qu’on s’y met passés 18 ou 19 ans, on ne peut qu’être extrêmement navré : le kitsch, le cu-cul, le mauvais, vous sautent au visage. Oui, pour qui n'a pas sniffé ces meringues à l'âge le plus tendre, c'est impossible et complètement foutu.

11 commentaires:

  1. Scènes de la vie future, Georges Duhamel (1930) :

    "C'est un divertissement d'ilotes, un passe-temps d'illettrés, de créatures misérables, ahuries par leur besogne et leurs soucis. C'est, savamment empoisonnée, la nourriture d'une multitude que les Puissances de Moloch ont jugée, condamnée et qu'elles achèvent d'avilir."

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  2. Totirakapon : Bim, Scènes de la vie future commandé !

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    1. Mais bordel, il est cité en 4eme de couv de mon Restriction Durable (et autres scènes de la quoi ? de la quoi ? De la vie future parbleu !

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    2. Je ne sais si c'est pour rassurer ou rendre triste : je l'ai prêté mais ne sait plus à qui ; c'est arrivé à de grands livres. Il me reste les greffes à la Orlan, ou l'idée de mûrs habillés de pubs. A un ajout près : en fait nous paierons des lunettes pour ôter les publicités de notre regard.

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  3. C'est bien ça : comme ce n'est pas la première fois qu'on me cite ce bouquin, j'attendais qu'il y ait une autre personne de qualité que toi qui le fasse, pour l'acheter. Enthousiaste mais méthodique, le Beboper !

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  4. Les films de super-héros sont atroces. J'aime Sam Raimi mais Spiderman m'a toujours emmerdé au plus haut point. Néanmoins, je confesse une tendresse indéfectible pour Indiana Jones (sauf l'épouvantable quatrième épisode) : un plaisir d'ilote teinté de nostalgie, peut-être, mais je peux encore regarder La Dernière croisade avec joie, trente ans après. Et ce n'est même pas un plaisir coupable.

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  5. Paul Kersey, j'envie ta candeur ! Je suis retombé sur le premier Indiana Jones, qui avait dû me plaire à sa sortie : woputain le coup de vieux... ça vole quand même pas bien haut, c'est de la groooosse industrie. Enfin, ça se regarde si on n'a rien à faire d'autre, hein?
    Quant aux films de superhéros, connais pas. Il faudrait ouvrir le cerveau d'un amateur du genre, pour voir ce qu'il y a dedans et ce qui arrive pendant la diffusion des images frénétiques zim boum paf !

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  6. A une époque, le cinéma français produisait aussi des sagas : 5 Dom Camillo, 3 Fantomas, par exemple. Tous les 7-8 ans je me regarde l'un ou l'autre épisode. C'est vachement plaisant, et je ne tiens pas compte de l'effet nostalgie. La musique est excellente, les dialogues sont très bien écrits et intelligibles, le montage est au service du scénario, les acteurs sont pro, les seconds rôles sont travaillés. Ça vieillit comme le vieux piano qu'on garde dans la famille : le son est pourri mais le meuble est joli.

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  7. C' est curieux;j' ai toujours eu un mal fou à terminer un seul épisode de ces "échappe-réalité" pour adolescent attardé.
    Pour moi, catholique,je vis une réalité où la transsubstantiation et les sacrements sont tangibles, où l' exorciste n' est pas le titre d' un film mais un prêtre désigné dans chaque diocèse et qui bosse dur ,par exemple.
    Ainsi, sans mépris aucun, je comprends difficilement cette recherche d' un univers fantastique en plastique quand, en cherchant un peu chez soi,le réel offre largement mieux quand il n' est pas méprisé ou ignoré...

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  8. on voit bien que ce genre de films est a l'image de l'amérique (en tout cas l'image qu'elle se fait d'elle meme et du monde) Toujours cette histoire de messies dont la mission divine est de sauver le monde-l'univers et secondairement de propager les valeurs américaines, valeurs américaines qui permettent ou permettront a elles seules de vaincre le mal La pop culture se gave de cela (la caricature extrème étant les films de super héros) ce qui finit par avoir des conséquences dans le monde réel (interventionnisme américain, sentiment de toute puissance, soft power, lobbies) Et bien sur cons comme nous le sommes, nous pensons que notre salut ne peut advenir qu'en "singeant" les américains ou encore en essayant de les battre a leur propre jeu (union européenne, euro, financiarisation de l'économie, promotion aveugle du "libéralisme", immigration massive et promotion "de la diversité", etc)Bullshit

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  9. Une notable exception : la trilogie Batman de Nolan.

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