8 juillet 2018

L'oeil et le coeur de Willy Ronis



Pour les parisiens. En ce moment a lieu une exposition (gratis) des photos de Willy Ronis au Pavillon carré de Baudoin, rue de Ménilmontant, dans le XXème arrondissement de Paris. J’incite fortement les lecteurs qui le peuvent à s’y rendre avant le 29 septembre. Après, ce sera trop tard.

Ceux qui ne connaissent pas Willy Ronis y trouveront une façon efficace de le découvrir (c’est un des plus grands photographes français du XXème siècle, tout simplement, et mon préféré) ; ceux qui le connaissent déjà pourront peut-être goûter, comme moi, l’effet que Ronis produit sur l’esprit.

Ronis appartient à la famille des humanistes. Il utilise les moyens de son art pour raconter sa passion des gens (des petites gens surtout) et de la vie qu’ils mènent. Avec une prédilection pour Paris, il a témoigné du monde qu’il avait sous les yeux, avec ceci de particulier qu’à travers son regard, tout, sans exception, devient beau. C’est un classique, la beauté le concerne. Qu’il saisisse un couple de bohémiennes, un embouteillage place de la Concorde, une grève dans une usine de tissage, une veillée funèbre, le travail d’un élagueur, la trogne d’un vigneron fantastique, qu’il illustre la pauvreté des vieilles personnes ou l’activité ordinaire d’un marché popu, il a le génie de révéler la beauté qui s’y trouve, et que nous avions oubliée.

Une des plus belles illustrations de cette faculté incroyable nous est donnée par son propre commentaire d’une photo prise à Joinville le Pont en 1947 lors d’un bal en plein air. Il raconte qu’il avait remarqué la virtuosité d’un danseur faisant tourner deux filles en même temps. Il se place pour saisir la scène, il fait son cliché (qui est parfait) et nous précise enfin que le danseur, la danse terminée, s’en est allé en boitant : « il avait un pied-bot ». Au moment où il prend sa photo, il n’en sait rien, mais le hasard est de son côté, comme par hasard.


Sortant de là, j’ai rejoint la rue des Pyrénées toute proche, que j’ai descendue sur toute sa longueur. N’habitant pas Paris, j’ai tendance à supporter de plus en plus mal ses laideurs, qui sont comme une caricature de celles qu’on rencontre un peu partout en France. Eh bien là, dans cette rue des Pyrénées si populeuse, comptoir d’Afrique et du Moyen orient, je fus littéralement assailli par la beauté générale, ou au moins par les charmes, la joliesse des situations, l’intérêt intarissable des façades, le ballet des passants, la course des attrapeurs de bus, la chorégraphie des pisseuses à smartphones, la glande des gens en terrasse, le faciès des garçons de café, les mémères à chienchiens. Grâce à l’effet Ronis, le coin était devenu chouette comme une photo en noir et blanc ! Dans ce moment en suspension, il n’y avait guère que les femmes voilées, heureusement beaucoup moins nombreuses que celles en short, pour rappeler à mon hébétude satisfaite que la laideur existe, qu’elle a le vent en poupe, et qu’elle nous emmerde.

2 commentaires:

  1. Aujourd'hui les fronçais font des selfies dans des McDo...
    Merci pour l'info, je vais faire de la pub.

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