1 juillet 2018

Je suis Daniel Schneidermann


La bonne barre de rire du moment sur le web, c’est ce « plateau » où un homme barbu s’offusque qu’on l’appelle « Monsieur » sans même qu'on ait pris la peine de se renseigner sur l’identité sexuelle qu’il s’était assignée tout seul dans sa tête. Offusqué aussi, quelques secondes plus tard, qu’on décrète par-dessus le marché qu’il n’y ait sur ce plateau que des Blancs alors qu’au contraire, lui est noir comme l’ébène sous sa blancheur apparente, tout à fait apte à représenter la parole d’un Papou, d’un Antillais ou de n’importe quel black du Bronx pourvu qu’on lui demande gentiment.

La bonne nouvelle, c’est qu’à ce compte, les problèmes de parité ou de diversité à la télé, en entreprise, en politique… sont définitivement réglés : personne ne peut plus présumer qu’une assemblée d’hommes blancs ne soit pas, en réalité, constituée d’une majorité de « femmes mentales », de « non binaires mentaux », de « Noirs et d’Arabes mentaux », d’ornithorynques mentaux, etc.

La mauvaise nouvelle, c’est que d'ici la fin de l’Anthropocène, qu’on attend tous désormais avec impatience, on va peut-être devoir se fader la Dingocène : ce moment de l’Histoire où le sain d’esprit ferme sa gueule de stupeur face au délire qui se joue autour de lui. Un délire extrême et d’autant plus déroutant par son calme apparent, face à qui on n’ose même plus argumenter ni cogner sur le compteur à conneries, pour le faire redescendre à zéro.

"M'enfin !?"


Il y a ainsi quelques mois, dans le TGV, je trouve, seul dans le carré de fauteuils à côté de moi, un gars de 25 ans, sapé classiquement : pull, pantalon, légère barbe à peine pubère sur les joues, coupe de cheveux « rien à signaler »… à un détail près toutefois : ses yeux sont entièrement maquillés. Non pas à la façon d’un gothique mais à celle d’une vieille rombière bourgeoise de 70 ans. Fond de teint, faux cils à l’appui, un rendu complètement dérangeant parce qu’il ne touche que le regard et tranche avec le reste de l’allure, absolument quelconque, désespérément normale, sans fantaisie, sans fashion… Le type discret et presque introverti, téléphonant à papa-maman à voix feutrée pour leur dire à quelle heure il arrive à la gare ce soir.

Le train démarre, je file au wagon bar, et quelques minutes plus tard, voilà qu’il se pointe. Je décide de profiter que je sois déjà averti pour observer l’effet de surprise, scruter la réaction des gens. Notamment celle de la serveuse qui s’apprête à le recevoir au comptoir. Et bien elle fait comme moi : en même temps qu'elle pense « qu'est ce que c'est que ce truc putain, qu'est ce qu'il a sur la gueule !? », l’employée affiche une mine neutre, poker face. « Surtout ne pas marquer la moindre surprise, pense-t-elle, servir ce gars comme si de rien n'était. Il va prendre ses chips et s’en aller, tout va bien se passer ».

Parce qu'au fond c'est ce que demande ce type, c'est son trip : les punks cultivaient leur extravagance pour être remarqués, pour vous emmerder ; Michou la Grande goulue, lui aussi, visait l’outrance pour créer le rire ou le malaise au cabaret. Mais ce petit jeune, lui, attend des gens qu’ils fassent mine de ne pas remarquer son manège. Ce qu’il demande, c’est qu’on le prenne au sérieux. Et il a bien de la chance : il vit une époque où les gens sérieux qui nous gouvernent exigent eux aussi qu’on le prenne au sérieux.

Ainsi la serveuse s’exécute : elle prend soin de ne montrer aucune expression de surprise, à lui pas plus qu’aux AUTRES, les passagers du wagon bar : montrer qu'elle n'est pas décontenancée une seule seconde, qu'elle n'a rien remarqué de particulier, que ce n’est ni à elle ni à quiconque de juger. « Ce n'est qu'un client qui se sent mieux avec une barbe et des yeux de femme, oui, et alors ? Non Monsieur l’Inspecteur, je n’ai rien remarqué d’anormal, c’était un type charmant, très gentil ! ».

Et moi, qu’ai-je pensé ? J’ai pensé : « Comme quoi, c'est pas compliqué le bonheur : un peu de mascarat... ». J’ai pensé aussi qu’il faudrait pousser l’expérience jusqu’au bout, voir jusqu’à quel point irait notre serveuse : la prochaine fois, se pointer au wagon bar coiffé d’un entonnoir. Commander un yaourt écrasé sur un croque-monsieur. La voir nous préparer la mixture, impassible, ultra tolérante, affectant de ne pas broncher ! Eh bien quoi ? N’ai-je pas droit, moi aussi, de vivre dans votre monde avec ma propre identité ?

Allez, viens Daniel. Viens au CGB.

7 commentaires:

  1. Rien de nouveau sous le soleil. Il y a quelques années, en Australie, on assistait déjà au hold up de l'identité aborigène par des Australiens blancs bobos de type viking qui invoquaient opportunément une nano-particule de sang aborigène remontant à 3 ou 4 générations pour obtenir des privilèges officiels, au détriment des vrais Aborigènes qui en sont écartés. Cela s'appelle : "The Aboriginal Industry".

    Ces Blancs blonds aux yeux bleus qui ont opté opportunément pour l'identité aborigène, se disent "victimes de non-discrimination" ! Un nouveau concept. Victimes parce qu'ils ont été traités normalement comme n'importe quel Australien blanc. Victimes, parce qu'ils ne sont pas déculturés, obèses, alcoolos sous un abri de tôle ondulée aux abords des villes du bush.

    Je prédisais qu’en Europe on allait tôt ou tard prendre le même chemin. Le marxisme culturel a fait des ravages dans les pays anglo-saxons et des idiots utiles français sont fiers de s’en faire le relais. Ça doit bien payer.

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    1. La "french Theory" de Foucault et Deleuze (qui déjà étaient totalement à côté de la plaque) et qui a été totalement pervertie par les anglo-saxonz, notamment dans les campus américains durant les années 70.

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    2. Anonyme, tu déconnes ? Les mecs se disaient vraiment victimes de non discrimination ? Je veux une confirmation officielle avant d'aller me suicider !

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  2. Il est atteint du syndrome du 1er Avril permanent, lui.
    On a dû lui mettre une puce pendant son sommeil.

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  3. Sinon, le truc que je trouve le plus surnaturel dans la vidéo (je l'ai pas regardée entièrement non plus, il y a peut-être des surprises au-delà des deux minutes), c'est la tronche de la journaliste. Comment peut-on se faire une coupe comme celle-là ? Grâce à sa coupe de cheveux, cette nana RENFORCE sa laideur naturelle, c'est fort.

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  4. La moitié en illustration:

    http://teddijo.blogspot.com/2014/07/blog-post_7449.html?m=1

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  5. Prouvez moi que je viens pas d'afwique !
    Allez y ,prouvez le !

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