12 juillet 2018

Bouvard et Pécuchet

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La Comédie humaine, c'est Balzac. La Conditon humaine, c'est Malraux. La Connerie humaine, c'est Flaubert.

Bouvard et Pécuchet est, littéralement, le récit des tribulations de deux cons, et de la plus belle espèce : le con instruit. Mieux que ça, c’est l’épopée de cette sorte de bêtise bien particulière : celle de l'homme pétri de positivisme et drapé de la certitude que le présent et sa technique met tous les mystères à sa portée.

Médiocres citadins, Bouvard et Pécuchet surgissent au début du livre, débarqués de nulle part, comme deux atomes issus du néant, s'attirent et s’entendent aussitôt par une sorte de hasard magique. Ils sont deux mais pourraient parfaitement n’être qu’un tant ils sont jumeaux, siamois dans la connerie, sans trait de personnalité ou d’indépendance qui les distingue l’un de l’autre. Leur duo n’a de nécessité que mécanique, centrifuge, l'un l'autre s’entraînant comme deux tourneurs se tenant par les mains, à travers les sciences de leur temps.

Très rapidement, ils échafaudent le plan de quitter la ville pour la campagne et de partir vivre dans une ferme. Là, ils s’essaient à tenir une exploitation en parfaits dilettantes, à cultiver, avec l’optimisme de celui qui pense que tout s’apprend dans les livres, que tout s’obtient pourvu qu’on s'équipe du bon matériel. Evidemment c’est l’échec, on leur avait bien dit mais ils n’ont rien écouté. Ils se lassent, abandonnent et passent à une autre lubie avec un entrain intact. Ainsi voyagent-ils de l’agriculture à l’horticulture, de la para-médecine à l’archéologie, de la chimie à l’astronomie, puis au spiritisme, à la tragédie, à la philosophie, à la religion… Tout finit dans l'eau, sous les yeux circonspects de leurs domestiques ou du village. Jamais ils ne se découragent, toujours ils renouvellent leur disposition à triompher d’un champ de la connaissance humaine.

On retrouve de Bouvard et Pécuchet dans ces gens d’aujourd’hui qui se félicitent de leur matérialisme, de leur progressisme, de leur républicanisme, certains qu’il les protège de l’ignorance ; qui croient détenir un sens infaillible de la Raison puisqu’ils ont su ingurgiter la science vulgarisée de leur temps, dont ils épousent automatiquement les conclusions comme si elles étaient l'évidence et qu'ils devaient y arriver de toute façon ; qui s’attendrissent des superstitions de leurs aïeux, quand ils y songent, sans réaliser que leurs savoirs actuels sont leurs superstitions à eux.

8 commentaires:

  1. Ne manquez pas l'abécédaire raisonné du néo-crétinisme...Une sorte de Dictionnaire des idées reçues" moderne...

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  2. C'est mieux avec le lien : http://www.barbarisme.com/

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  3. Message mis au pif, ici !
    Merci pour votre courage estival.

    Sur Flaubert, je me remémore l'anecdote suivante : en seconde, ma professeur de français nous fit un cours fantastique, sur comment lire Mme Bovary avec du recul, sur Charles Bovary qui est un peu plat, etc. Le sommet était le cours sur la scène d'Amour entre Emma et son amant, ponctuée des onomatopées de la foire.

    Et bien, à l'époque, je ne comprenais rien. Je trouvais Charles sympa, m'ennuyait aux paysages... jusqu'à la réconciliation par Bouvard et Pécuchet, perdu (ou placé par mystère divin) au milieu d'une bibliothèque de philo allemande. J'avais grandi. Depuis, je repense à ces cours de Français, et me dis que prof de lettres n'est pas un métier facile.

    En tout cas, Merci de me relancer : je vais lire la suite. (Dans mon souvenir -de premières pages-, à côté de la moquerie des Homais, il y a tout de même le spectacle d'une gentille amitié...)

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  4. Luccio, honnête comme d'hab. Je suis de la même race : bien benêt en fait quand j'étais jeune, bien incapable de comprendre des choses pourtant simples... J'y repense souvent quand je m'afflige de la sottise des jeunots, je me revois.

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  5. Merci.
    Personnellement, je suis encore très benêt, du moins très naïf. Mais j'ai décidé qu'il s'agissait d'une qualité.

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  6. Lecture de Bouvard & Pécuchet (faire abstraction du nom de l'émission) : https://www.franceinter.fr/emissions/ca-peut-pas-faire-de-mal/ca-peut-pas-faire-de-mal-25-avril-2015 .

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