30 mai 2018

Le retour du clivage : Tonton Cristobal est revenu !


Depuis 20 ans, il s’étiolait. On disait même qu’il était porté disparu. Jusque sur BFM on commençait à l’admettre : la grille gauche/droite était caduque, devenue inopérante pour lire la société. A gauche, plus rien de gauche ; la droite quant à elle n’avait pour seule constance que la trahison de la droite. Le « Tous pourris » était devenu si flagrant que personne n’osait plus le nier ! Le paradigme avait changé, la vérité était tailleur. Big up rétrospectif aux Michéa, Guilluy, Soral, Todd & co.

Le clivage. On s’en croyait débarrassés et puis patatras : il est revenu. En force. Plus prégnant que jamais. Les de droite / Les de gauche. Re-polarisation politique, qu’il serait tentant d’expliquer par la polarisation sociale et l’érosion de la classe moyenne au profit de plus riches et de plus pauvres, mais cela va plus loin, en réalité.

Le clivage. Ça se cramponne, ça s’arqueboute. Même là où d’évidents intérêts communs devraient rassembler, ça s’oppose, ça se confronte, envers et contre le plus simple bon sens. Tu pensais pouvoir te mettre les féministes dans la poche en dénonçant les mentalités sexuelles d’arriérés, les viols et attouchements en bande ? Mais elles se sont tues. Elles aiment mieux tolérer un barbu prêcheur de coups dans la gueule que de partager une seule opinion avec toi. Tu pensais que ta touche gentleman te rapporterait des points en cette époque où siffler les filles dans la rue est un acte de violence ? Mais les mêmes qui le reprochent dédient par derrière Ma chatte à Booba. T’as cru que les corps d’élite de l’anti-racisme, qui te parlent de ça tous les midis depuis 30 ans, allaient s’émouvoir à l’écoute des nauséabonderies de Houria, de Rokhaya, d’Obono, et se ranger à tes côtés ? Mais non. Ta copine Insoumise s’est mise à trouver ça trendy, la race, quand c’est bien fait, bien expliqué.

Le clivage, j’te dis. Tout plutôt que de tomber d’accord. Tout plutôt que de concéder à l’autre bord le moindre point. Le Grand Fossé.
Désormais, quand quelqu’un ouvre la bouche sur les ondes, il importe avant toute chose de savoir qui parle, « d’où il parle », à qui on a à faire, avant de s’autoriser à écouter son propos et à juger de la pertinence de son discours. On veut défendre son frère, sa boutique, son clocher, avant de défendre une idée. Et cela coûte que coûte et à tout prix.

Cf. « l’affaire Usul ». Il y a quelques mois, quelques jours après avoir hurlé avec les loups en plein #BalanceTonPorc en expliquant comment il ne fallait pas importuner les femmes dans la rue, le yutubeur gauchiste se faisait gauler dans une vidéo porno amateur anonyme, éjaculant son respect au visage de la demoiselle. En temps normal, le type est hors-jeu, grillé, touché-coulé. Head shot. Il doit quitter la ville. Mais à la surprise générale, lui rebondit : la presse de gauche ne le radie pas et vole au contraire à sa rescousse, lui fournissant un argumentaire brinquebalant selon lequel il vient d’inventer là le « porno de gauche » ! Parce que sa semence est de gauche, 100 % bio et naturellement riche en oligo-éléments, c’est en réalité à la figure de la bourgeoisie que par ce cinéma d’un genre nouveau, il éjacule ! C’est un génie !

- Allö les Hendeks ? Passez-moi Libé, c'est pour une urgence !

Couillonnage éhonté, justification à la mords-moi-le-nœud, éthique à géométrie variable… Pouce, on recommence. Ça tient pas debout mais on s’en fout. Tour de passe-passe. Tour dans le sac. Plus besoin de préserver une apparence de dignité, de faire mine d’avoir un argument qui tient, de chercher à vaincre sur le terrain des idées : il suffit de savoir que nous sommes entre nous, du bon côté du clivage, c’est-à-dire du bon côté du bâton. Entre droite et gauche, la raison n’a bientôt plus droit de cité. Les règles de salon n’ont plus cours. L’art du duel est aboli. On range les pistolets, on sort les coutelas cachés dans le revers de manche. Tous les coups sont permis ! Tu me torpilles mon DSK ? Je te sabote ton Fillon ! Oublié le « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je donnerai ma vie pour que vous ayez le droit de le dire ». Désormais ce sera « Dis ce que tu veux, j’aurai ta peau ! ». Signé Volthaine. A plus long terme, c’est le fair-play qu’on assassine, le présupposé, minimal pour le débat, que nous discutons entre esprits rationnels à coups d’arguments dont l’enchaînement doit amener à un semblant d’équilibre.

Comment trouver cet équilibre, en effet, quand les « idées » deviennent une course à l’outrance ? Quand chacun exagère, exacerbe ses sentiments précisément pour ne pas tomber d’accord, pour se prémunir de l’autre comme on s’éloigne de quelqu’un qui a la grippe ? Dans ce clivage gauche/droite, on ne débat plus pour savoir s’il faut une politique de relance ou d’austérité, si les richesses sont suffisamment distribuées… mais de l’existence des sexes. On a face à soi des gens qui pensent qu’il n’y en a pas, ou qu’il y en a 30, mais certainement pas deux ! Dans ce clivage gauche/droite, on assène des choses sans plus de considération pour leur plausibilité. Une Caroline de Haas décrète qu’un homme sur trois est un agresseur, et il n’y a rien faire contre cela. Ce n’est plus un mensonge, c’est une manifestation de toute-puissance. Donnez-lui tort sur Twitter et ce sera du « cyber-harcèlement ». Dans ce clivage gauche/droite, la question n’est plus de savoir si l’on peut accueillir toute la misère du monde, mais s’il ne faudrait pas la recevoir à l’Elysée. Rien à faire contre ça. Le débat est clos. Ce n’est pas à votre âge que vous allez expliquer à un adulte, à renfort de cubes et de triangles, qu’il existe des différences entre hommes et femmes ou qu’un clandestin qui brûle son refuge à Calais ne prend pas la voie de l’intégration.

Le revoilà, le clivage, de nouveau dressé de tout son long, barricades élevées, tranchées creusées. Trop pratique, le clivage. On ne pouvait décidément pas s’en passer. Il fallait le faire revenir. On y tient trop, sans lui on s’ennuyait.

2 commentaires:

  1. Idéal le clivage.

    Y pas beaucoup de partis bankables en France, pays qui donne des leçons de démocratie à la Russie, aux USA (vous savez, ceux qui ont sauvé la démocratie française quand elle servait le champagne aux nazis) et aux anciens pays du Pacte de Varsovie (vous savez, ceux qui se sont retrouvé sous la coupe de l'ancien allié des nazis, alors que leur engagement militaire ne prête guère à discussion).

    Non, en France, y a l'extrême-gauche, l'extrême-droite et Macron. Les deux extrêmes font du bruit ; s'ils risquaient de gagner une élection, une coalition bon ton s'imposeraient. Plus de PS, RPR.
    En France, on a inventé la démocratie à parti unique. Le régime totalitaire idéal, où les totalitaires n'ont même pas besoin d'inventer de dictature (du prolétariat ou autre).

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  2. Mon foutre a moi est d'extrem' droite,c' c'est pour ça que je le repand avec parcimonie
    Faut pas gâcher !

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