18 mai 2018

11 choses qu'une personne intelligente ne dit jamais

Jack Lang, parrain du CGB, nous l'avait dit dès le début : « quand vous commencerez à écrire des "tops", c'est que vous aurez touché le fond ». Le saint homme... Pourtant, quoi de plus utile que de rassembler les tournures de phrases qui aident à détecter le con parmi vos interlocuteurs, et à désespérer sans plus attendre de l'issue positive de la discussion ?



Les intelligents qui ont l'air con seront toujours 

moins nombreux que les cons qui ont l'air intelligent



Ernst Jünger le notait avec justesse dans son journal, à la suite d'une conversation qu'il avait entamée avec son voisin de train : « après les trois premiers jugements de valeur, on sait que l’interlocuteur appartient à l’autre camp, et l’on se cantonne dans de courtois lieux communs ». On en a tous fait l'expérience un jour : au cours d'une discussion, l'emploi d'un mot, d'une formule, d'une réflexion, qui résonne comme un coup de pistolet et nous fait nous exclamer intérieurement : « voilà typiquement une remarque de con ! ».

Nul besoin, parfois, d’en arriver à l'examen du fond de l’argument : c’est le mot, la tournure choisie, qui porte le sceau reconnaissable de la connerie authentique. Magnifiquement, l'homme intelligent les évite d'instinct. Le CGB a répertorié ces phrases pour vous :



***

1. « Magique ! »« Que du bonheur ! », ou toute autre expression prête-à-l’emploi et fournie avec l’intonation caractéristique, toute faite elle aussi
Ce genre d'expressions à la mode qui se répandent comme une peste et qui à peine inventées, sentent déjà la date limite de péremption. Quel mécanisme oblige le con à reprendre ces tics de langage emplis d’air du temps ? Pas son indépendance d’esprit en tout cas. « Que du bonheur », et il est temps de faire volte-face, de trouver une autre compagnie ou de retourner au buffet se faire servir un scotch bien frappé.

2. « Tu peux pas généraliser »
Arrive en général à l’issue d’une observation de votre part, assez bénigne qui plus est. Exemple : - Les chiens aiment ronger les os. – Whâ, tout de suite les généralisations ! C’est faux, petit j’avais un chien qui détestait ça. Seul un con peut penser que vous prétendez à chaque instant faire des remarques totalisantes, vérifiées dans 100,99 % des cas. Seul un con peut ne pas comprendre qu'une remarque peut contenir du vrai sans s'appliquer systématiquement, qu'il existe des tendances, des équilibres généraux qui n'empêchent pas les cas particuliers. « La montagne c'est beau », même si tu vas certainement m'en trouver une hideuse ou sans intérêt, fils de pute ! « Les Italiens parlent fort », et ne viens pas me parler de ta tante italienne qui justement est aphone. Faut pas généraliser : voilà une chose qui ne peut sortir que de la bouche d'un con.

3. « C’est quoi tes sources ? » 
Vous discutez courtoisement sans prendre garde et au détour d’une phrase (par exemple : « les loyers étaient moins chers il y a 25 ans »), un type bondit : « Ah ouais, quelles sont tes sources ? ». Voilà que le mec se prend pour un rédac chef, un directeur de thèse ! Lui, l’aficionado du Petit Journal, le lecteur de gratuits du métro, l’avaleur de show télé, voici qu’il lui faut des sources, des références, des notes en bas de page ! Il pense qu’une conversation à table se fait avec un appareil critique façon PUF ! Et pire que tout, il croit que les sources sont une parole divine, parfaite et définitive, qui permettent de faire taire la controverse : « c’est vrai, je l’ai lu dans le Nouvel Obs ! ». Ce genre de con marche au fact-checking ! Il est devenu incapable de laisser une conversation se déployer. Il ne peut plus accepter d’entendre s’exprimer autre chose que le baratin journalistique dominant ! La réponse qu'il attend, ce n'est pas la source, le fait, le chiffre qui permettrait d'asseoir la discussion sur une base plus solide, non : c’est simplement que tu répondes « j’ai pas de source » et que tu la fermes à jamais !

4. « Je suis de droite » 
Et à plus forte raison : « Je suis de gauche ». Une personne intelligente ne peut décidément pas dire un truc comme ça. Dans la même veine : « Je suis lacanien » ; « Je suis Charlie » ; « Je suis community manager » ; « Je suis pour la détaxation des plus-values boursières ». Si vous êtes un homme de goût, vous ne pouvez prononcer ces affirmations sans qu'au moins un soupçon de honte vous coule le long de l’échine.

5. « Brut de pomme »
« J'dis les choses moi, j'suis comme ça, brut de pomme ! ». Déjà, les gens qui annoncent d'entrée de jeu qu'ils sont sincères, francs du collier, qu'attention ils ont une grande gueule, qu'ils sont comme ça et pas autrement... c'est suspect. Quelqu'un de franc ne passe pas sa vie à t'expliquer combien il est quelqu'un de caractère, non : il te dit cash que t'as une morve qui pend sous la narine et il s'en va. Mais surtout : une personne intelligente ne s'exprimerait jamais par slogan publicitaire, c'est un principe qui n'a jamais été démenti par l'expérience. Que la pub détourne une expression courante à son compte, on le comprend, mais qu'on utilise celle-ci sans la détourner à son tour, pour dire ce que l'expression initiale signifiait, c'est comme utiliser un billet de Monopoly pour aller payer son PV à la Préfecture. Ou bien c'est comme un « chef de projet », un « chargé d’affaires » ou un « chief trou du cul » qui annoncerait : « Les 267 millions d’euros de budget permettront en sus de créer une structure pour grands brûlés, ce qui est le deuxième effet kiss-cool ! ». C'est non. Prononcer « brut de pomme » devant des gens les ramène de force à la vulgarité invraisemblable de la publicité de Brut, alors que leurs cerveaux essayaient depuis 25 ans d'en effacer le traumatisme ! 



6. « Toutes les religions c’est pareil d'toute façon » 
Phrase du con qui s’aperçoit trop tard qu’il vient de débiner l’islam façon puzzle et qui flatule de peur à l’idée qu’on le taxe d'izlamofobie. Exemple : « T’ain j’ai vu au Maroc les mecs qu'ont lapidé une femme parce qu’elle a trompé son mari ? C'est des barbares ! ». Puis à la réflexion, de peur que l’on comprenne que tous les Marocains sont génétiquement programmés pour la barbarie, il ajoute : « L'Inquisition, r'marque, c'était pas mieux ! Les religions d'façon... ». Variante : le gars qui pense « qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », immédiatement suivi de « comme disait Rocard ». C'est pas Hitler, c'est Rocard. J'ai le droit ! Non mec. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde tout court.

7. « Ça c’est ton opinion »
Vient clore la tirade de votre part qui ne laissait pourtant place à aucune contestation possible. « Ouais enfin c’est ce que TU penses, c'est ton opinion ». C’est mon opinion, ouais. Et quand tu parles c’est ton opinion. C’est la base. On va dire que c’est admis et qu’on ne le précise plus jusqu'à ce que la discussion s'arrête, ce qui ne devrait pas tarder ! Par bonheur, le con applique cette phrase idiote également à lui-même, la faisant précéder son propos comme un avertissement : « Ce que je vais dire là, c’est mon opinion hein, seulement mon opinion » - ouf ! j'ai cru que Dieu avait emprunté ta bouche de merde et que c'était directement la Vérité qui en jaillissait ! Cette précaution oratoire n'a qu'un but : permettre au con de se dérober d’avance face à la salve d'objections que vous vous apprêtez à tirer. Ce qu'il insinue, c'est que les 12 minutes de discours qu'il va t'infliger ne sont qu’une opinion, et qu'il pourrait en avoir une autre si tu lui allongeais une baffe, ou 2 000 €. Le truc, c'est que les 2 000 €, tu ne les as pas.

8. « Les Droits de l’Homme » 
C’est officiel : on n’a plus le droit d’invoquer sérieusement les Droits de l’Homme dans une conversation depuis que Kouchner a bombardé la Yougoslavie avec. A moins bien sûr d’être un fieffé couillon. On les sent d’instinct, ces choses-là, ne serait-ce que parce que Bernard-Henri Lévy en a plein la bouche. Les-Droits-d’l’Homme est une illusion qu’une intelligence pouvait se permettre de 1789 à 1955 environ. Après cette date, l’expression n’est plus à utiliser qu’avec cynisme. Un homme intelligent ne vous bassine jamais avec les Droits de l’Homme.

9. « Manspreading », « Fake news », « Batchcooking »...
Ou tout autre anglicisme superfétatoire, dont il n’est que le couillon pour ne pas réaliser que le nouveau concept ainsi désigné est une fumisterie qui n’a rien de nouveau ni de conceptuel. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on laisse à ces choses leur mystère anglophone et qu’on se garde de leur trouver une équivalence française : toute traduction révélerait immédiatement le vide, le fait qu’on parle ici exactement de Rien. Si votre interlocuteur était intelligent, tout d’abord il s’étonnerait de ce que ce nouveau phénomène en anglais dont tout le monde parle et dont on dit qu’il est partout, n’existait pas hier soir encore, et de deux il consacrerait une part de son attention à ne jamais reprendre ces expressions à son compte, à ne pas les propager, à les éviter avec la même urgence qu’on évite une merde de chien sous son pied. 

10. « On se croirait au Moyen-âge » 
Peu importe votre degré de familiarité avec cette période historique : soyez sûrs que vous en connaissez plus malgré tout que le type qui vous sort cette phrase. Elle atteste d'un esprit médiocre dont on peut seulement déduire qu'il est allé à l'école jusqu'au CE2. Avec un peu de chance, a-t-il vu Le Nom de la rose, mais ce n'est pas certain. L’Histoire, faut dire, est vache avec les cons : elle rend visible immédiatement, chez quelqu'un, une déficience d’analyse, un défaut d’intelligence et de sensibilité... Je me souviens cette blonde Bac+5, majeure et vaccinée, qui une après-midi au bord du Grand canal du château de Versailles, s'était exclamée « c’est vrai que c'est beau, mais faut dire, c’est facile quand t'as une main d’œuvre gratuite et corvéable à merci » ! Dans l’esprit du con, les hommes ont enduré des époques entières d’horreur et d’absurdité sans broncher (ils attendaient Voltaire). Dans l’esprit du con, les Égyptiens ont roulé des cailloux sous le soleil et les coups de fouet pendant 3 000 ans. Dans l’esprit du con, les seigneurs du Moyen-âge ne kiffaient rien plus que piétiner les potagers des serfs sous les sabots de leurs chevaux en se rendant à la chasse. Il y a une sorte de racisme chronologique du con, qui considère naturellement inférieurs les humains nés avant lui : fallait-il que cette humanité soit un peu idiote pour subir des époques d’obscurantisme que lui-même ne supporte pas en pensée, pour conserver ces modèles de société abjects pendant des millénaires, alors que chez nous les pires totalitarismes ne résistent pas 100 ans sans être renversés...

11. « De quel droit tu juges ? »
C'est connu : il ne faut pas juger. Dommage car il semble que ce soit la fonction première du cerveau humain. Le monde vous entre dans la tête par les orbites, et l’intelligence engrange, examine, classe, range, organise, hiérarchise… et juge, donc. L’intelligence colle des étiquettes, construit des étagères, appose des hashtags… Le seul problème, c’est que les étagères du con, elles, sont mal branlées, ses catégories trop simples, ses cloisons morales trop rigides ou au contraire trop poreuses. Le seul problème, c’est qu’en dépit de toutes les qualités dont on est farci, on se propulse au cœur de la caste des cons quand on prononce, ne serait-ce qu’une seule fois, un « de quel droit tu juges ? ».


Idées : Xix, Beboper, Skymann, Léstat

10 commentaires:

  1. Pour une exegese des nouveaux lieux communs, magique! Un style brut de pomme qui derange encore plus que le manspreading. Attention toutefois a ne pas generaliser, puis certaines sources sont manquantes sur la fonction premiere du cerveau. Je ne voudrais pas juger mais... etc.
    Encore svp!

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  2. Un rayon de soleil dans ma journée !
    Vous pouvez écrire un livre svp ? On reste toujours sur notre faim... :(

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  3. Je ne souscris pas à tout (voir 2.).
    J'en rajouterais une : "C'est le paradoxe".
    Beaucoup n'ont que ce mot là à la bouche, qui drape d'une suffisance absolue (et très scolaire) les difficultés de leur esprit.

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    1. Un mien ami a osé la question suivante : Est-ce qu'une personne intelligente écrit "11 choses qu'une personne intelligente ne dit jamais ?

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    2. Balzac disait : « Les médecins comme il faut ne parlent jamais médecine, les vrais nobles ne parlent jamais ancêtres, les gens de talent ne parlent pas de leurs œuvres ». A tous les coups c'est pareil pour l'intelligence...

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  4. Je ne suis pas chiant, mais c'est plutôt clivant comme post ;-)

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  5. Au rayon des niaiseries qui nous écorchent les oreilles et la cervelle au quotidien, les "carrément" et les "non, mais tellement" occupent une belle place. Quand ça sort de la bouche d'ados, on peut, dans nos bons jours, faire preuve de patience...mais quand ça sort de trentenaires à franges ou de quadras à Stan Smith, c'est le feu vert pour aller étrangler son prochain.

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  6. Il devrait exister une peine incompressible pour les ceusses qui disent"c'est juste trop...."
    Ou"trop pas"
    Un jour, une adolescente est venue me voir pour un bobo à la main
    "Ça vous fait encore mal?"
    "Non, ça me fait trop pas mal"
    "Donc ça vous fait pas trop mal ?"
    "Non,trop pas mal"
    Mais elle se fout de ma gueule, cette petite conne ?
    Non,non, personne lui a appris à jacter le cefran
    Bien que ce fut une soucharde, hein je precise

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