17 février 2018

L'éternel féminin


Selon une formule ancienne mais promise à un avenir considérable, on ne lit plus Rémy de Gourmont. Ce nom propre placé en fin de phrase peut naturellement être remplacé par une liste impressionnante d’équivalents. Rémy de Gourmont fait partie de ces littérateurs du XIXème siècle, à la fois érudits, romanciers, poètes, chroniqueurs, critiques, incarnant ce que les humanités ont pu produire de plus solide. Chez Rémy de Gourmont, c’est le chroniqueur qui a ma préférence. Rassemblées en volume sous le titre Epilogues, ses chroniques des années 1895 à 1898 nous renseignent parfois sur notre époque. Au chapitre traitant des féministes, on trouve :

« (…) En certains États de l’Amérique du nord, où elles sont maîtresses, elles ont fait fermer les cabarets, les bars, les cafés, les cercles, les théâtres. Bibliques, elles ont ordonné la stricte observance dominicale, défendu les bals, les jeux - et les mauvaises mœurs. Une police immense surveille tout. Pour se faire délivrer un grog – même américain – il faut une ordonnance de médecin et les manipulations de l’apothicaire, qui seul peut vendre les alcooliques poisons. C’est le moyen-âge de la légende ; ce serait l’opéra-bouffe, si ce n’était l’enfer. Elles ont ainsi obtenu une société idéale où tout est sacrifié à la famille, à la femme, à l’enfant, - société toute théorique, car l’Anglo-saxon est hypocrite et nul, pas même sa femme, ne peut l’empêcher de se saouler à domicile, mais société légale qui a épouvanté les voyageurs européens. (…) »



Une police immense surveille tout ! Cette description, orwellienne avant l'heure, touche au cœur de l'esprit féministe tel qu’on l’observe depuis qu’il a conquis le devant de la scène spectaculaire. Pourquoi cette police ? Parce qu'il ne suffit pas de voter des lois, on l'a abondamment vu, il ne suffit pas de donner un droit de vote, de permettre que les femmes rejoignent les hommes dans les usines, sur les chantiers, dans les stades olympiques, il faut aussi surveiller que tout cela n'aboutisse pas, en fin de compte, à la perpétuation d'un ordre ancien où les hommes continueraient de parader. Il faut ce que tous les Gourmont d'antan n'auraient jamais imaginé : la discrimination positive. Ainsi, en ce moment même à l’université d’Oxford, on donne plus de temps qu’avant aux candidats des épreuves écrites de mathématiques. Pourquoi ? Parce qu’on s’est aperçu que les filles y réussissaient moins bien que les gars. En allongeant le temps imparti pour l’examen, on fait le pari que tout le monde y arrivera, même les filles ! Il est très incorrect que, dans un domaine quelconque, les dames fassent moins bien que les messieurs, et si l’on tolère encore cette inégalité dans le domaine sportif, c’est qu’on n’a pas osé prendre des mesures radicales à l’encontre des champions velus (pose d’entraves, joug chargé, amputation, etc.) Évidemment, il n'est pas question de dire que les matheuses sont plus lentes que les matheux, il convient juste de noter la chose et de changer les règles dans leur seul intérêt, sous les applaudissements des tartuffes. Quand ces demoiselles auront (enfin) obtenu leur diplôme, elles pourront alors damer le pion à leurs concurrents masculins dans les entreprises, en profitant, cette fois-ci, de quotas ad hoc imposant artificiellement la parité dans les équipes.


On le comprend facilement, ce type de machinerie infernale suppose le secours d’une police permanente, portant son regard et son nez partout, dans les salles de classe et dans les rouages des cabinets R.H, heureusement disposés par nature à l’exercice policier (la proportion de femmes dans les services RH est très supérieure à la moyenne, peut-être faudrait-il une loi pour y rétablir une parité sexuelle si fermement exigée ailleurs ?). Et si les résultats de ces tripatouillages n’étaient pas à la hauteur des espoirs féministes, on trouverait d’autres accommodements avec les fondements de l’égalité (attacher une main dans le dos des étudiants mâles, leur mettre un bandeau sur les yeux, leur passer de la variété française dans le casque, etc.).


De la même façon, l’aspiration à ne rien laisser passer aux hommes (violences diverses mais aussi gestes déplacés, propos, regards, jambes un peu trop écartées dans le métro, stéréotypes de pensée, etc.) prépare inévitablement des jours fastes aux flicards, aux avocats et à toute la sainte famille Répressovitch. Quand une starlette balance son porc (et relance derechef une carrière menacée par l’anonymat), elle justifie un flic, qui devra farfouiller dans le labyrinthe de sa vie sexuelle pour y distinguer les fois où elle criait sincèrement « hardi ! hardi ! » de celles où elle n’a pas écarté de gaité de cœur ! Un flic pour une main sur une cuisse, un flic pour le regard appuyé d’un inconnu lors d’un séjour à Disneyland déclenchant un mal-être digne des cellules de soutien psychologique, un flic pour un mot échangé dans une boucherie hallal, un flic pour un haussement de sourcil agressif chez le gyneco ! Ajoutons un flic pour surveiller que les flics, dont la mission est pourtant d’enquêter, le fassent sans jamais mettre en doute les affirmations des plaignantes (car la parole des femmes ne saurait être relativisée)… Pendant que ces armées de flics chasseront les broutilles, les vrais violeurs auront peut-être la paix pour pratiquer dans le calme et la sécurité.


Bien sûr, les États modernes ne vont pas se mettre, tout à coup, à embaucher des centaines de milliers de policiers avec mission de filer chaque citoyen. Inutile : entre les applications facilitant la délation, les sites pour balancer des porcs en tout anonymat et les tablettes pour obtenir un consentement écrit avant tout acte sexuel, les progrès fulgurants du numérique donneront à chacun les moyens de pratiquer un flicage DIY (Do It Yourself) d’une ampleur jamais vue dans l’histoire. L’idéologie politiquement correcte et la morale qu’elle forge s’allieront mécaniquement pour produire une humanité nouvelle pour qui la délation, la dénonciation, la surveillance et la punition seront très naturelles, très utiles, très vertueuses, qui aura un œil et une oreille à tout, une humanité que l’esprit policier aura tellement façonnée qu’elle pourra se passer du secours de la police. La police désertera enfin les rues puisqu’elle règnera seule dans les cœurs.


13 commentaires:

  1. les DRH sont des sales putes !
    j'ai rendez vous lundi avec la mienne et je suis blanc, hétéro,père de famille la cinquantaine et catho ,même si ma première phrase n'est guère chrétienne. prions le seigneur!!

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  2. L'extrait que vous citez me fait fortement penser au roman d'Henry James "Les Bostoniennes" dans lequel il expose toute l'austérité du mouvement féministe qui fait fureur en Amérique et le charlatanisme de la cause où viennent s'entremêler protestantisme prude et mysticisme avant-gardiste (on est à la toute fin du 19ème siècle). Tout le sel du roman vient de cet homme gentleman, charmant, amusé et un peu cavalier qui arrivant directement du Sud, découvre toute cette escroquerie...

    Il y a eu une adaptation ciné avec cette harpie de Vanessa Redgrave qui joua la sufraggette enragée, et avec Christopher Reeve comme Sudiste (je digresse mais on a oublié que le premier homme qui interpréta Superman était un vrai beau gars et avait une belle distinction naturelle).

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    1. Je ne connais pas Les Bostoniennes, mais c'est (presque) comme si je l'avais lu ! En passant, ça confirme ce que dit Gourmont, quand il rapporte que ce spectacle "effraya les voyageurs européens" : si plusieurs littérateurs ont rapporté ou transposé la chose, c'est qu'elle devait être remarquable.
      Ce qui m'intéresse bigrement, c'est le mot "escroquerie". Je sens que j'ai un livre à me procurer...
      Tous mes voeux avant l'épreuve des fourches caudines de la DRH, cher anonyme de 11.08 ! Un conseil, pour éviter l'effet de cumul : vous ne pouvez pas nier être blanc, ni père de famille (la DRH a ses fiches) mais faites un effort pour sembler un peu tapette, bouddhiste, voire protestant...

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    2. @BEBOPER https://www.youtube.com/watch?v=ll_kH75eAvE
      ecrit ton livre ;)

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    3. Je n'entends pas l'arabe, j'ai donc du mal à comprendre ce que dit Cheb Mami dans ce clip... Vu ce que chante l'autre chanteur, il doit être question d'égalité des chances, un truc de ce goût-là ? Comme disait de Gaulle: vaste sujet !

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    4. encore moi et et je pense a vous je sais pas pour quoi en lisant ce fait divers... http://www.bfmtv.com/breves-et-depeches/charente-maritime-mystere-autour-d-un-corps-retrouve-dans-un-train-vide-de-la-sncf-1385751.html bisous :)

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  3. Dans le domaine sportif :

    "No. 203 sweeps Williams

    At the height of the Williams boom in 1998, an unofficial game took place in Australia after Serena and Venus claimed that no male player outside the top 200 could beat them.Up stepped a German known as Karsten Braasch who was ranked 203rd in the world and after first beating Serena 6-1, he then disposed of Venus 6-2."I didn't know it would be that difficult. I played shots that would have been winners on the women's circuit and he got to them very easily," said Serena."They wouldn't have had a chance against anyone inside the top 500 because today I played like someone ranked 600th to keep it fun," was Braasch's assessment."

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    1. Et encore, il s'agit de Serena Williams, la meilleure joueuse peut-être depuis l'origine de ce sport de cons. Mais quand je pense au tennis féminin d'il y a 30 ans, avec les Chris Evert et même Navratilova, qui ressemblait à un mec qu'aurait oublié ses muscles chez le toubib, j'en frémis rétrospectivement ! Elles se seraient fait battre par un représentant en jambon qui tente le tennis pendant ses RTT ! Ceci dit, le sport, le muscle, on sait qu'elles ne peuvent pas s'aligner. ça restera peut-être le seul domaine où elles ne revendiqueront pas au-dessus de leurs fesses. Pour les autres domaines, il faut se taire, ou se préparer aux foudres de la justice ! Brrr !

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    2. Ne sois pas de mauvaise foi non plus : Jimmy Connors a un peu lutté avec Navratilova.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_des_sexes_(tennis)#1992_:_Jimmy_Connors_bat_Martina_Navr%C3%A1tilov%C3%A1

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  4. "Aux États-Unis, où la société encourage les filles à être ambitieuses et faire ce qu’elles veulent, seuls 8% des diplômés de sciences informatiques à l’université sont des femmes.

    À l’inverse, en Algérie, un pays plus inégalitaire où seulement 15% des femmes travaillent, celles-ci représentent 41% des diplômés dans les domaines des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM)."

    "Selon [les auteurs de cette étude], une des raisons de ce paraodoxe est que les femmes des pays plus inégalitaires donnent la priorité aux carrières stables et lucratives, comme peuvent l'être les STEM. Au contraire, «les pays les plus égalitaires en termes de genre sont aussi des États-providences avec un bon niveau de sécurité sociale», écrivent Stoet et Geary. C'est ce soutien qui permet aux femmes de choisir des études qui ne privilégient pas uniquement la sécurité financière."

    https://m.slate.fr/story/157888/egalite-femmes-hommes-orientation-etudes-scientifiques-stem-pays-inegalitaires-egalitaires

    Fabuleux. Ils sont presque en train de dire que "les femmes ne sont vraiment pas tournées vers les études scientifiques, surtout lorsqu'elles ont le confort matériel".
    Une conclusion brûlante MDR

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  5. Le corbeau qui chante12 mars 2018 à 22:45

    chers amis
    J'ai 46 ans et je prie le ciel ou qui veut m'entendre de n'avoir pas 16 ans en 2018. IL y'a 30 de cela quand j'ai commencé a fricoter la gente féminine , je me suis comporté commme tous les jeunes hommes des 80'S. Absolument maladroit, modérement salace, mais toujours bien testostéroné et cela leur plaisait malgré mon ratio inimaginable de rateaux. Je pense a mes ados de 2018 qui doivent tourner leur langue 18 fois dans leur bouche avant d'adresser une timide marque d'attention aux pucelles de l'époque. Chaque phrase doit etre séverement calculé car vous risquez le camouflet dans 98% des cas et dans les 2% qui restent, il faut encore marcher sur des oeufs. Après , je ne m'étonne plus que certains finissent par abandonner les chattes pour se tourner vers des derrières plus musculeux. et avec le progrès maintenant on peut tout imaginer ma brave dame !

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    1. La pédale, voilà l'avenir ? Je laisse les jeunes passer les premiers, n'ayant plus à faire mes armes dans ce domaine.
      Mais je confirme que la plupart des mecs ayant dépassé la quarantaine TREMBLENT à l'idée qu'un sortilège les ramènerait à l'âge de 20 ans, et qu'il leur faudrait partir à l'assaut des nanas dans l'ambiance qu'on nous a fabriqué depuis quelques années. Les jeunes gens d'aujourd'hui sont des héros, des vrais. Jean Moulin, à côté, c'est du cinoche!

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  6. kobus van cleef28 mars 2018 à 08:41

    Vous savez, l'api, le flicage do it yourself existe déjà
    C'est la base des sociétés patriarcales et des sociétés matriarcales
    On doit serrer les cuisses dans toutes les sociétés humaines
    Sauf dans les sociétés infantiles ou pour infantiles majeurs
    Là, on peut y aller !

    La seule différence entre le contrôle social d'avant et celui d'aujourd'hui, c'est qu'avant, l'etal ou la société ( au sens large) n'intervenait pas
    Aujourd'hui, ça lui permet de prélever une dime sur chaque acte
    Et d'augmenter le PIB
    Comme avec l'intégration du trafic de stupéfiants dans le calcul du PIB

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