« Happy
30 ! » peux-tu lire sur ton fil d’actualités Facebook, parmi des
dizaines de messages à ton attention, la plupart se résumant à « HB ma
biiiiche ;-) », « joyeux anniversaire guapaaa »,
« ouhouh fête ça bien ! xoxoxo », mais, passant presque
inaperçu dans ce fouillis de smileys
et d’émoticônes traduisant un
enthousiasme de circonstance, tu lis, émanant d’une copine que tu n’as plus vue
depuis longtemps : « Happy 30 ! ».
Happy
thirty. Il n’y a rien de particulièrement joyeux
dans ce nombre. Il sonne comme une échéance, une sentence, une porte qui se
ferme.
Tu as trente ans et tu
es seule, voilà la grande vérité de tes jours. Tu es seule, c’est ainsi que tu
te définis, c’est comme ça que tu te vois, constante réalisation glacée que tu
fais chaque matin devant ton miroir où tu guettes les signes de la débâcle, la
lente et inscrutable débâcle du temps qui passe, l’effondrement des chairs qui
tombent, de tes traits qui bouffissent, de ta peau qui perd progressivement son
éclat, de l’éclatante fraicheur élastique de tes vingt ans qui a à présent
totalement disparu, de tes seins qui amorcent leur chute, de la cellulite qui
guette dans tes jambes encore fines et qui pourtant semblent déjà se tasser.
Soyons de bon compte, tu es encore belle, tu es encore jeune, un homme pourrait
encore te désirer, mais tout est dans cet « encore » : tu es
belle ; tu le seras moins demain. Tes plus beaux jours, le sommet de ton
enveloppe physique est à présent derrière toi, quelque part entre seize et
vingt-cinq ans. Les jours qui viennent ne seront pas meilleurs. Ton avenir
reluit moins que ton passé. Demain contient moins de promesses que hier.
Ton univers s’est
étréci aux limites de ton appartement. Tu en as passé du temps, sur Immoweb, sur les sites des agences
immobilières, en coup de fil et en visites, à le chercher, ton deux pièces, ton
lieu de vie, ton chez-toi, ton cocon, ton petit nid, là où tu feras ta vie.
Mais un nid suppose une famille, un mari, des enfants, une mission nourricière,
la découverte de la maternité. Ton nid à toi reste stérile. Et assise dans ton
nouvel appartement, face à ta télévision écran plat, dans ce canapé dont tu as
toi-même choisi la couleur et la matière, devant cette bouteille de vin blanc
que tu boiras seule, tu réalises que la chasse à l’appartement a remplacé la
chasse à l’homme de ta vie.
De grandes possibilités
s’offrent pourtant à toi. D’argent et de temps tu ne manques pas. Ta carrière
professionnelle tu la mènes bien, ni potiche ni excessivement carriériste, tu
fais correctement ton travail et tu en es récompensée. Tu peux t’offrir des
brunchs à 60 balles au MIM, des virées shopping à Londres, des séances soins du
corps et relaxation en wellness center,
des mojitos fraise à quinze balles et plus de paires de chaussures que tu ne
pourras jamais en mettre. Tu es une femme accomplie, et pourtant tu es vide, creuse
d’une absence que nulle promotion, nulle acquisition immobilière, nulle
distraction ne peut combler.
Ce que tu voudrais, c’est
précisément ce que tu ne peux pas acheter : quelqu’un. Tu as revu tes
critères à la baisse, tu ne demandes pas l’impossible, juste quelqu’un de
gentil et pas trop moche : juste quelqu’un. Quelqu’un avec qui partir en
week-end à Milan ou à Rome ou à New-York. Quelqu’un qui t’embrasses sur Times
Square, un brunch à deux chez Bagel’s Factory, emménager ensemble, des photos
de couple à mettre sur Facebook : ta vision du bonheur, si triviale et si
universellement partagée, si simple et si répandue autour de toi, et qui t’est
pourtant inaccessible, résolument hors de portée.
Tu as pourtant tout
fait comme on te l’a dit, tu as suivi le cahier des charges dessiné par les
magazines féminins, par les séries télé, par tes amies, par tout le monde
autour de toi, enfin par la société, c’est-à-dire tout ce bruit blanc
perpétuel, cet interminable jacassement qui fait office de pensée chez toi et tes
semblables.
Tu as profité de tes
jeunes années pour prendre du bon temps, ainsi que le commandait la sagesse
populaire qui voit dans la période des études universitaires un temps
« d’expériences » : tu as fait la fête, tu as voyagé, tu es
sortie avec des mecs. Ni trop salope ni trop prude, tu as couché avec un nombre
de types relativement moyen, tu as vécu des relations sentimentales distraites
et incertaines, tu as étudié pour réussir tes examens, tu t’es fait des sorties
entre copines tu as craqué des virées shopping tu as été en vacances à Marbella
ou en sac à dos en Amérique du sud tu as fait de l’humanitaire en Afrique tu as
bu tu as ri tu as vécu les nuits tièdes et intenses à la sortie des boîtes à
cinq heures du matin, et tout cela s’est achevé.
Tu as tout fait comme
il fallait, et le principe était que, après avoir ainsi profité de tes plus
belles années, tu rencontrerais, entre tes vingt-cinq et tes vingt-sept ans, celui
qui serait l’homme de ta vie. A y
repenser, personne n’expliquait clairement comment cela se passait, comment on
s’y prenait pour attraper « le bon », alors que le cercle social et
les occasions de faire la fête se réduisaient brutalement en l’espace de
quelques mois, et que cette période, absurdement courte, coïncidait avec le
début de la carrière professionnelle, chose à laquelle tu étais également tenue
d’accorder une importance primordiale.
A y réfléchir, tu
aurais dû voir qu’il y avait une faille dans la stratégie, que les magazines
féminins existaient pour une raison, que les femmes célibataires et
malheureuses étaient aussi quelque chose qui existait, à peine quelques années
au-delà de ton horizon. La prolifération des sites de rencontre et des articles
qui s’adressent clairement à cette catégorie bien particulière de lectrices
aurait dû te mettre la puce à l’oreille, mais comme toutes tes copines tu étais
aveugle à tout ce qui dépassait la portée de ton regard ivre et lumineux, à
tout ce qui dépassait ce soir, cette nuit, cette semaine. Rien de mal ne
pouvait survenir, ni déception, ni ennui, ni solitude, et tu avais toute la vie
devant toi.
*
Tu as trente ans et tu
te sens volée, victime d’une sourde injustice dont personne n’est coupable. Tu
regardes les profils Facebook des mecs que tu as connu, les coups d’un soir
comme les amourettes qui n’ont débouché sur rien, les mecs que tu as embrassé
en Erasmus ou sur la plage en vacances comme ceux avec lesquels tu es sorti
pendant plusieurs mois et qui t’ont plaquée, ou que tu as plaqué sur un coup de
tête, parce que tu voulais t’amuser, parce que tes copines te disaient qu’il
était chiant, parce que tu pouvais trouver mieux. A ceux qui ne sont pas encore
mariés, tu envoies parfois un message Facebook. Ils répondent rarement.
*
Tu as trente ans et le
temps est un couperet au-dessus de ta nuque. Tu lis encore les magazines
féminins, mais tu ne les crois plus quand ils te disent que « chaque relation est une expérience ».
La vérité, c’est qu’après vingt-cinq ans, chaque relation qui n’aboutit pas
n’est rien d’autre qu’une glaçante perte de temps, un effroyable gâchis, un
cran de plus vers la solitude. Tu plais encore aux hommes, tu es encore belle,
mais tu analyses désormais chaque relation potentielle sous cet angle, celui de
la perte de temps : le nombre d’années que tu vas perdre si tu te tentes
le coup avec ce mec et que ça foire, l’âge que tu auras quand il faudra te
remettre sur le marché, les autres mecs que tu auras raté pendant ce temps-là.
Une spirale d’hystérie, un serpent qui se mange la queue.
*
Tu as trente ans et tu deviens folle. Chaque
samedi soir, chaque sortie est une bouteille jetée à la mer, une nuit dont tu
attends tout et dont tu ne retires rien. Tu te jettes sur chaque mec un tant
soit peu correct, tu flirtes agressivement, tu les touches presque obsessivement,
tu tentes d’accrocher leur regard, tu ris trop bruyamment et trop souvent, tu
es prête à t’offrir, à faire tout ce qu’ils veulent, sans réaliser que tu as
l’air complètement hystérique, que tu as déjà un mojito de trop dans le nez, et
les mecs gentils finissent par s’enfuir, presque terrifiés, pour te laisser aux
mains des affreux que tu ramènes chez toi vers trois heures du matin,
complètement bourrée, pour quelques minutes d’un sexe éthylique et sans joie,
des mouvements pénibles et écœurants qui te laissent misérable et seule dans la
grisaille du petit matin, seule dans ton formidable appartement si bien meublé,
si bien situé.
Tu as trente ans, et tu
es seule.
Bonjour,
RépondreSupprimerJe m'interroge toujours sur ce type d´articles. Une mise en garde pour les vingt/vingt-cinq-naires ou un texte de dépit par un Roméo n'arrivant pas à trouver cette Juliette ? Que ce soit un simple conte m'étonnerait et j'ai bien peur de ne pas avoir la bonne grille de lecture.
Pas de grille de lecture particulière, ni de prétention pédagogique. Juste un texte tiré de mon observation du réel, comme on dit, c'est à dire de meufs rencontrées et observées. Aucune prétention à une règle générale.
SupprimerElle peut aller sur Elite rencontre pour ne pas perdre trop de temps. Faut se dépêcher quand même, avec les menaces terroristes, la crise des réfugiés, le climat, le chômage pour tous, la guerre nucléaire, la déconvenue suivra bien vite après que le fantasme.
RépondreSupprimerMoi qui est passé il y a peu ce cap "fatidique", et bien physiquement je trouve que les femmes à 50 ans sont encore désirables, sans faire la comparaison avec les photos retouchées des magazines. Et puis ses copines vont bientôt perdre leur job, divorcer, s'épuiser, elle aura l'avantage de ne pas s'être fait couillonée avant les autres et se tapera des minots, fera des gang bang, ya plus qu'à profiter de cette vie "minable" de la femme libérée qui se fait baiser comme jamais!
c'est certain que , pour reprendre un auteur connu "mon cher , avec le traitement hormonal substitutif , il n'y a plus de femmes ménopausées!"
Supprimerbon, je préfère encore les jeunes
même si j'ai du mal à les convaincre
Passif agressif
RépondreSupprimerCa fout le bourdon, et ça se transpose aisément au sexe opposé.
RépondreSupprimerMIM: Musée des Instruments de Musique, BXL?
RépondreSupprimerIls servent des brunchs au dernier étage, avec vue sur la ville. Pas sûr du prix toutefois. Mais je sais de source certaine qu'une coupe de champagne est offerte lorsqu'on opte pour la formule "tout compris".
Supprimerle champe ça me fait roter
Supprimeron dit d'ailleurs "une roteuse" pour une bouteille de champe
bon, avoir vue sur la ville en grignotant des pauvretés,et en sirotant du mousseux....autant ne pas s'emmerder au dernier étage.....
c'est cher, c'est nul, et pour les rencontres, bof
trop triste!!
RépondreSupprimerune solution qu'elle m'appelle! 06 60----
ah zut j'ai 61 balais.
Si à l’adolescence on ne t’affranchit pas sur ta fonction de femelle et sur ton devoir clanique, tu passes complétement à côté de ta destinée. Mais ce rappel de la réalité ne serait pas un peu provocant de nos jours ? On assiste à des techniques de vente et de matraquage publicitaire tellement évoluées que rien ne paraît être à la hauteur d’un weekend sympa à Marrakech, stan smith aux pieds, et du sac Michael Kors en vachette à 400 euros, le tout posté sur insta avec un filtre de bonheur factice éphémère.
RépondreSupprimerCe que je trouve pénible sont les démonstrations de ce « self empowerement » ou ce « girl power » faussement gai et candide, qu’internet relaie avec abondance. Vous noterez toutefois que la réalité du Temps n’est pas inconnu – il est simplement ignoré et brassé dans cette masse de mode et de comportement identique existant entre les filles/femmes de 16-28 ans voire plus.
Il est vrai qu’une femme vieillissant seule peut paraître un peu désolant et triste, là où peut-être un homme ou un homosexuel aura une certaine majesté, un œil un peu plus acéré, une parure de liberté. Surtout quand ces dernières se mentent à elle-même et aux autres – jetez-y un œil (c’est de l’angliche et c’est excellent) : https://www.youtube.com/watch?v=kWxfn0grqkY
Entre les femmes « pour qui sonne le glas », et celles pour qui il s’agit d’une décision raisonnée et raisonnable à prendre… voir le lien ci-dessous d’un interview de Léa Seydoux : « Aujourd’hui, la question de la surpopulation me semble trop angoissante pour procréer sans se soucier du reste. A la limite, adopter me semblerait presque plus sage. »
http://www.elle.fr/People/La-vie-des-people/News/Lea-Seydoux-se-confie-sur-l-homme-de-sa-vie-2934878
C'est hardcore, cruel...Mais tellement vrai. J'aurais pu écrire la même chose en pensant à 80% des filles que j'ai rencontré. La version pour hommes n'est sans doute pas plus reluisante, m^me sin la notions du temps qui passe peut être moins présente
RépondreSupprimerTu as 30 ans et tu n'a pas fait porter le poids de ta soumission au troupeau sur tes enfants voire demi-enfants, tu as trente ans et tu as économisé 5 à 10 ans du lavage de cervelle de 20heures tapantes, tu a trente ans et tu vas faire un choix de RAISON pour ta vie maritale, tu as encore dix à quinze ans pour reproduire, tu vas tracer une route au lieu de suivre un chemin, tu va éduquer tes enfants car tu est convaincue que ceux de tes amis sont illettrés et stupides, tu va faire des choix sans demi-mesure , tu ne seras plus la cible de la pub pour la b-box, tu va choisir quelqu'un de différent de toi pour respirer à nouveau, et j'en passe tant....
RépondreSupprimerRien ne sert de courir il faut partir à point.
Bonne trentaine.
Ça va, le copier-coller de Houellebecq ?
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=5pwuCTFwxng
RépondreSupprimerla trentaine et la quarantaine sont des ages a la con car on n'est plus vraiment jeune mais pas vraiment vieux non plus La libido diminue lentement mais surement en tout cas chez les hommes, on voit la fin se rapprocher et la mort commencer a esquisser un petit sourire genre eh oui toi aussi t'y couperas pas Et la plupart des gens de cet age prennent conscience qu'il ne seront jamais des stars du foot du cinéma de la tv ou de la chanson et que selon seguela ils ont donc un peu raté leur vie, puisque la réussite est soi disant a portée de tous
RépondreSupprimerFaut vraiment être minable pour ne s'en rendre compte qu'à 40 ans.
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