12 mai 2016

Mettons les points sur les FQSTLARAFTEUC !


Certains de vous se rappellent peut-être le débat qui avait tant animé notre petite communauté à l’époque, autour des Films Que Si Tu Les Aimes, Rien A Faire, T’es Un Con (FQSTLARAFTEUC).

Je réalise qu’il est nécessaire d’y revenir. D’abord parce que la notion est extrêmement subtile et délicate. Ensuite parce que Beboper, à l’époque, s’y était pris comme un manche pour la définir (mais qui lui en voudrait ?). Enfin parce que, de nouveaux commentaires ayant fait remonter l’article, force est de constater que la notion n’est pas unanimement acquise.


Ainsi, Anonyme, commentateur n°1 du CGB, est furieux de trouver Le mécano de la Générale dans la liste des films que si tu les aimes t’es un con, et souligne la prouesse technique et narrative du film. Plus intéressant encore, il affirme :
« Je trouve ça étrange d'aimer Fight Club (cousu de fil blanc, stéréotypé, déjà ringard et poseur au possible) et de détester Matrix alors que c'est de toute évidence le même genre de film. » 
Soyons bien clair : personne n’a jamais dit qu’il aimait Fight Club ou qu’il détestait Matrix. Nous nous contentons de dire que Matrix est un FQSTLARAFTEUC tandis que Fight Club est un FQSTLAPTRQUC ! La question n’est pas de savoir quel film est bon ou pas. La question est de savoir lequel de ces deux films, porté aux nues par un inconnu qui s’avance vers nous, saurait nous indiquer avec le plus de précision que ce type a toutes les chances d’être un con.

Notez bien qu’à ce stade, cela ne veut pas dire qu’il l’est ; cela veut dire qu’en citant ce film parmi ses préférés, il vient de faire chuter ses chances d’être un type bien de 80 %, et par la même occasion de mettre en alerte notre système interne de détecteur à connard. Rien de plus. Tenez, mettons que vous faites connaissance avec un type lors d’une soirée et que celui-ci vous lâche qu’il adore le kite surf. Vous n’allez pas lui jeter immédiatement votre poing sur le nez. Il a peut-être une chance d’être intéressant ou remarquable par ailleurs. Mais cet aveu pose le personnage et vous savez déjà à ce stade de la discussion qu’il y a une quantité de choses que vous ne pourrez jamais partager avec lui. Eh bien c’est exactement pareil pour les films que si tu les aimes t’es rien qu’un con !

Matrix est un film qui fait contraster merveilleusement sa boursouflure intellectuelle avec son fond absolument creux. En cela, il plaît particulièrement aux crétins qui croient y avoir trouvé un sens caché. C’est un film de rebelles au premier degré. Un gars vous cite Matrix comme film préféré ? Ne me dites pas que ce n’est pas un connard ! Pour Fight Club c’est différent : le film offre une lecture plus complexe, il va plus loin en ce qu’il démonte le système mais aussi la rébellion contre le système. Un complet crétin pourra être séduit par la première partie du film mais décontenancé par la seconde. Un gars vous dit qu’il aime Fight Club ? Il est trop tôt pour en tirer une conclusion !

Voilà ce qu’est un FQSTLARAFTEUC. C’est un film qui vous en dit sur le niveau moral de votre interlocuteur. Il a aimé Irréversible, et mieux encore, il en fait grand cas devant vous ? C’est un trou de balle, à 99 %. Il ose vous demander si vous avez vu Les Rivières pourpres ? Sale enculé ! Il ne comprend pas pourquoi vous avez détesté Inception, et remue à présent ciel et terre pour vous expliquer pourquoi c’était bien, comme si une subtilité vous avait échappé et fait malencontreusement passé à côté du film ? Non connard, j’ai très bien compris et je te dis que c’est à chier !

Car c’est là le caractère le mieux partagé par les films que si tu les aimes t’es rien qu’un con : tous ont une certaine forme de prétention usurpée : fausse complexité, fausse profondeur, fausse provocation... Et en les aimant, le con se pare de cette prétention. Il est tombé dans le panneau, il a sauté à pieds joints dans la merde, mais à tel point et de manière si parfaite qu’il se demande pourquoi il y est seul. Pourquoi ceux qui se sont tenus à l'écart et qui, navrés pour lui, le regardent depuis la berge, ne l’ont pas déjà rejoint.

22 commentaires:

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  2. À quand deux articles équivalents pour les séries ?

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    1. Je m'avoue ignorant en la matière. Je n'ai jamais vu que the Wire, que je classerais plutôt en SQSTLAPRAFTEUC.

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    2. Non... Sacrilège. The wire met des trucs à l'image qui ne peuvent que provenir d'une immersion longue et réelle dans les milieux décrits. Rien que pour çà c'est admirable même si l'atmosphère est plus crue dans "Baltimore" le bouquin dont la série est adapté.
      A.g.

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    3. Ben oui, c'est bien ce que je dis, c'est une SQSTLAPRAFTEUC que si t'aimes pas, t'es un con.

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    4. Puisqu'on parle séries, il y en a une qui s'inspire à la fois de Fight Club et de Matrix mais avec le double (ou plutôt triple*) niveau de lecture du premier, et justement en critiquant le côté mytho/conspi du second, c'est Mr. Robot : http://www.dailymotion.com/video/x45bnc8_mr-robot-une-serie-anti-capitaliste-conference_shortfilms . Quand la révolution de « Fsociety » (un mixte d'Anonymous et Occupy Wall Street) a lieu, ça fait pas trop envie.

      * Le film de David Fincher est beaucoup plus subtil que le roman de Chuck Palahniuck dont il s'inspire ; dans le roman, le Project Mayhem aboutit à la destruction du musée des Beaux-Arts ; dans le film, les destructions d'art se limitent à l'art corporate/post-moderne et ce sont les banques qui sont visées ; et contrairement à Neo dans Matrix, « Jack » ne prétend pas sauver l'humanité mais simplement permettre un nouveau départ. C'est à la fois moins prétentieux et plus subversif, dans le sens authentique du mot et non le sens marketé et stéphanehesselisé.

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    5. kobus van cleef18 mai 2016 à 21:03

      ho putain , non , pas les séries.....vous me feriez regretter d'avoir débranché la téloche,là....
      or , je sais que j'ai eu raison de la débrancher

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  3. Anonyme, commentateur n°1 du CGB12 mai 2016 à 18:46

    C'est encore moi.

    Je ne vois pas en quoi Fight Club critiquerait les opposants au système: à la fin, l'immeuble se fait bel et bien dynamiter. Où alors, s'il les critique, il pourrait aussi bien montrer le système comme un moindre mal... et donc bien le défendre! ça ne serait pas surprenant: la mise en scène n'a rien de novateur, le processus de production non plus, j'imagine. Et puis le twist sur lequel repose le film est éculé depuis à peu près 1857.

    Je m'insurge aussi de la présence du Van Gogh de Pialat. Un film pompeux et verbeux ne nous aurai pas épargné un découpage d'oreille en règle ainsi que des poses artistes comme "Van-Gogh-incompris-par-une-sociétéréactionnaire". Dans le Pialat, les derniers mots de Van Gogh sont "j'ai faim" et il puis il cane. Pialat a sa façon de représenter la vie et- dans le vie- on meurt souvent comme une merde.

    Dans le film les personnages sont tours à tour attachants et répulsifs de façon à ce qu'on ne puisse pas délimiter par une ligne à la craie les bons des méchants. Van Gogh est aussi montré comme quelqu'un qui fait bien chier son monde.
    Pour moi, le film illustre très bien la fameuse sentence de Flaubert "Nous Sommes Tous Dans Un désert, Personne Ne Comprend Personne"... Sans pour autant nous le faire remarquer lourdement toutes les deux minutes... J'imagine que si vous l'avez mis là, c'est parce que vous estimez qu'il ne se passe rien dans ce film, alors que je pense qu'il s'y passe plein de choses.

    Ou je suis doublement un con, allez savoir...

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    1. Pour ce qui concerne Fight Club, je te renvoie à une page plutôt bien faite que j'avais trouvée il y a quelques années : http://www.maison-page.net/FC.html
      Ce que j'en retiens, c'est que dans le film, la critique du système est évidente (et peut-être même trop visible et "poseuse" comme tu dis) ainsi que celle de la subversion du système (la meute de mecs à t-shirt noir qui devient débile), comme si on nous invitait à dépasser cela. Selon cette page, ce dépassement serait une sorte de mise en retrait : je m'extraie du jeu plutôt que de participer pour ou contre. Et en effet la dernière scène est une scène d'observation : je regarde de derrière une vitre le monde s'effondrer, en toute sérénité.

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    2. Moi, c'que j'me d'mande, c'est ce qu'on peut trouver aux films de ce Fincher. Mais ce doit être mon côté vieux con qui s'exprime…

      (Sinon, je viens de revoir à l'instant La Rivière sans retour. Eh bien, vous aurez beau vous moquer, ça, c'est du vrai cinéma, élevé sous la mère et tout.)

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    3. Vous voulez sans doute parler des Rivières pourpres ?
      Je ne connais pas tout Fincher mais entre le Fight Club et l'Alien 3, je trouve que le bonhomme sait vous camper un univers tant visuel que psychologique.

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  4. La Direction du CGB tient à faire le rectificatif suivant : contrairement à ce qui est péremptoirement affirmé ci dessus, Beboper ne s'y est PAS DU TOUT pris comme un manche pour définir un FQSTLARAFTEUC. Au contraire, il s'y est pris comme un chef. Sa définition est d'ailleurs enseignée dans les meilleures universités du Canada, où elle fait à la fois autorité, unanimité et des envieux.

    Cependant, le Direction, impartiale, reconnaît que les précisions apportées ci-dessus sont de nature à éclairer les éléments les moins intellectuels de notre lectorat : un FQSTLARAFTEUC ne définit pas le film mauvais, il définit son fan comme un con.

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    1. Anonyme, commentateur n°1 du CGB12 mai 2016 à 21:08

      Côt côt côôôôt!

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  5. L'abbé Timonde13 mai 2016 à 11:24

    Le plus grand FQSTLARAFTEUC de ces dernières années reste tout de même "Cloud Atlas" des Wachowski. Après il n'a heureusement eu qu'un succès très relatif, comme tous leurs films depuis "Matrix" du reste.

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  6. Il y a aussi, un peu annexe mais lié, ces œuvres qui désignent, lorsqu'elles sont mises en avant, celui qui, en réalité, ne s'intéresse pas du tout à l'art dont il est question. Par exemple, en musique, celui qui, d'entrée, vous chante les louanges de la 5ème de Beethoven ou des Quatre saisons ; en peinture, celui qui embraie immédiatement sur les impressionnistes, etc.

    Cela, bien entendu, n'enlève rien aux qualités des œuvres en question.

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    1. Ça donnerait quoi en acronyme ?

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    2. Une fois, une nana m'a dit "j'adore le jazz" ! J'y ai demandé "quel jazz"? Le jazz en général, quoi, qu'elle m'a répondu.
      J'ai pas emballé ce soir-là.

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    3. Cher CGB et commentateurs,
      particulièrement férus de concepts (fussent-ils injustes et violents), je viens de penser à vous.
      Alors que ma vanité et moi-même contemplions nos vieilles œuvres, nous pûmes à l'instant lire cette magnifique sentence :
      « Il n’empêche, qui déclare "être gourmet mais pas gourmand" mérite la suspicion. »

      Comble du bonheur, faîte de l'esprit, phœnix de l'Internet, voici une nouvelle catégorie : les Dictons Que Si Tu Les Aimes, Rien à Faire, T'Es Un Bouffon. Les DQSTLARAFTEUB. Mais peut-être m'emporte-je un peu. (Même si je pique plus ou moins l'idée à un ami, et sais par conséquent combien elle est appréciable).

      En attendant, laissez-moi vous suggérer, et tout particulièrement à M. Goux, les OeuvresQSTLMetsEnAavantRAFTUC.

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    4. En effet, les dictons peuvent bien marcher. Ils permettent à un type totalement con de lancer des assertions en ayant avec lui le poids de la sagesse séculaire de ces dictions qu'on ne remet plus en cause.
      Au premier rang : "L'habit ne fait pas le moine". En réalité, l'habit fait le moine dans 99 % des cas et la sagesse est de s'y fier quitte à s'y tromper 1 fois sur 100.

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  7. ça, bordel, CA, c'est précisément le genre d'article àcozdequel je serais fidèle à vie au CGB.

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  8. La connerie humaine ne s'arrête pas au clap de fin, ce n'est qu'un début et des films provoquent parfois des "débats houleux"comme dirait David Pujadas. Il faut voir Matrix pour se faire une opinion mais cette opinion dépend de beaucoup d'éléments qui dépendent eux aussi de beaucoup d'autres éléments...
    Et Kill Bill?

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