9 octobre 2013

La pensée conséquente

Si l’on s’en tenait à ce que pensent les gens, une grande partie des maux du monde serait réglée. Car les gens pensent globalement juste. Mais cela ne mène à rien puisque cette pensée est tout à fait inconséquente : non seulement on n’accomplit pas ce que l’on pense, mais on accomplit parfois l’inverse.
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Ainsi, tout le monde est d’accord pour penser du mal de la télévision (a-t-on jamais croisé une personne qui s’en fasse l’avocat inconditionnel ?), tout le monde s’entend à la calomnier mais chacun la regarde - avec une distance critique s’il le faut - et la télé et toute l’horreur qui s’y rattache continuent d’exister.

Tout le monde s’entend à déplorer le mannequinat, la sexualisation de la publicité, de la consommation, le tort que cela fait à l’image de la femme... Tout le monde pense ça mais lorsque cette « dégradation de la femme » s’incarne, lorsqu’elle se matérialise sur le trottoir d’en face sous l’apparence d’une femme obscène et bariolée, alors là n’allez surtout pas juger ! On défendra son droit le plus strict à faire ainsi. Battez-vous contre des moulins à vent (« la mode », « les marques » ou « la société marchande »…) mais pour rien au monde ne portez atteinte à la liberté de chacun de faire exactement ce qu’il veut. Moralisez « l’entreprise », « la société », « le capitalisme » si vous voulez, mais pas les hommes et les femmes que nous sommes.

C’est avec cette même inconséquence que, si vous tendez l’oreille, tout le monde se dit prêt à « changer de système ». La ménagère vote Mélenchon, le JT de TF1 répète qu’il serait bon de purger le capitalisme de ses excès, et chacun finit par reconnaître que le modèle de consommation, de production, de gaspillage outranciers… doit être mis en question. Mais ces mêmes qui se prononcent pour une certaine forme de croissance nulle, in the other hand, n’imaginent pas devoir renoncer à leur modèle de Progrès pour autant : ils sont ok pour réduire les profits, la croissance, le gaspillage, ils sont ok mais à condition de maintenir toutes les autres choses égales par ailleurs ! Hormis quelques exceptions qui seront allés au bout de leur réflexion et se seront sans doute faits berger dans le Tarn, tous ces gens de bonne volonté qui ne demandent pas mieux de... ne réalisent pas ce que cela implique vraiment, au-delà de la formule.

Limiter la croissance, ce serait aussi limiter l'idéologie du Progrès. Accepter de revenir à une société stationnaire, où l'on apprécie de s’ennuyer, de stagner, où l’on ne progresse pas, ni dans son emploi, ni dans son salaire, ni dans son statut. Pas d’ascension, pas d’acquisitions, moins de confort, moins de santé, moins de science, moins de spectacle et de fanfreluche. Plus de travail. Qui est partant ? Qui vote pour ? Qui saurait trouver là son bonheur ? Certainement pas la masse.
Qui attend de la vie une moisson de bonheur et de bien-être n’aura qu’à prendre un autre chemin que celui de la culture supérieure. - Nietzsche

1 commentaire:

  1. Ouais... Enfin, si mes ancêtres n'avaient pas voulu/pu se dépasser et se sortir les doigts du cul - vous diriez être prométhéens -, je serais a la mine comme eux. Au lieu de cela, je suis pété de tunes, j'ai lu des milliers de livres et ai une superbe femme, dans l'ordre que vous voulez.

    Autre chose: Les Chinois n'ont qu'a réduire leur croissance avant nous. Vous voudriez les faire passer directement du bol de riz sans rien a la nourriture organique, sans passer par la case "hamburger bien gras"? Cela ne marchera pas.

    Nietzsche, qui me fait du bien comme a vous, était tout de même un grand bourgeois, non?
    Croyez-moi, il faut l'aisance que procure la richesse prométhéenne, pour s'en lasser - caprice de riche que tout cela... Jouissez, prospérez! Carpe diem!

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