27 août 2013

King Tong

tongs en ville
L'homme qui a dit non

A une réunion au sommet en Algérie, par un été torride, le Général de Gaulle aurait lancé à un ministre qui s’était pointé en bermuda à cause de la chaleur : « il ne vous manque plus qu’un bâton et un cerceau ! ». Il y a dans ce jugement certes une rigidité un peu con de vieil emmerdeur, mais également une grande part de vérité : on cède au confort par laisser-aller, et ce laisser-aller vestimentaire est le point de départ d'un laisser-aller moral.

On peut penser au bon mot du Général chaque fois que l'on aperçoit, à Paris, ces personnes si pressées de ressembler à un Tropézien à peine les premiers rayons printaniers effleurent la capitale grise : aussitôt, ils tombent la chemise, sortent les lunettes, le short, et bien sûr les ignominieuses tongs.

La tong, portée en milieu urbain, est le signe immanquable d’un affaissement moral. C’est la victoire du soi-disant confort sur la Raison (car évidemment, il n’y a aucun confort à traîner des semelles plastifiées sur le bitume, c’est un confort tout psychologique qui consiste à croire que l’été est là et la plage pas loin). La tong portée en milieu urbain est l’équipement inapproprié par excellence : elle va à l’encontre de l’Evolution et de l’instinct de vie. Le citadin qui n’a à ses pieds que cette semelle ne peut ni courir, ni se défendre ; en somme il est voué à la mort et à la prédation. La tong portée en milieu urbain, celle qui ne tient que suspendue à un orteil, est un effondrement, un lâcher prise. Sous le prétexte que « rhôff… c’est l’été ! », on sacrifie la bonne tenue et la convenance. On laisse sauter une soupape. C’est particulièrement palpable lorsque c’est une connaissance que vous croisez par surprise dans cet état de relâchement estival : une personne que vous croyiez connaître mais que vous croisez ce jour-là hors contexte : la voilà débraillée, plus moche qu’à l’accoutumée, mal rasée, vêtue sans soin… et traînant derrière elle les fameuses tongs ! C’est comme si elle vous disait :
« Me voici sous mon vrai jour. Toutes les autres fois où tu m’as vu autrement, il m’en a coûté. S’il n’y avait pas ce travail, ces obligations, ces personnes et ces codes à respecter, je vivrais ainsi négligé, vulgaire, traîne-savates, déambulant à l’état sauvage, mine blafarde et tongs aux pieds, emballé dans un T-shirt informe… Je ne garantis pas non plus que je continuerais à me brosser les dents ».
On laisse sauter une soupape, et qui sait ? Celui qui prête le flanc aux tongs en ville est le premier qui cédera sur d’autres plans moraux : il est passé outre la pression sociale liée à la décence vestimentaire, qui peut dire combien de temps il voudra bien continuer à ne point voler, ne point tuer, ne point convoiter la femme de son voisin ? Il faudrait une étude sérieuse sur les tueurs de masse, ces « loups solitaires » qui se pointent un jour avec un fusil et des munitions et font feu dans une école, une mairie, un centre commercial… : on mettrait peut-être en évidence que tous se sont laissés aller à porter des tongs les semaines qui ont précédé leur forfait. Signe précurseur de leur pétage de plombs.

Car c’est un fait : aussi fort que l’on pense être, la tenue, l’élégance, la discipline à laquelle on s’astreint tient avant tout à la pression de l’environnement extérieur. Savez-vous pourquoi les expéditions scientifiques, polaires, spatiales… prennent toujours soin d’inclure une femme dans l’équipage ? Parce qu’on a observé que c’était mieux ainsi, et que si on laisse des hommes seuls entre eux, isolés de longs mois hors de toute société, de tout regard, ils se laissent aller à une vitesse vertigineuse, délaissent les conventions, arrêtent de se raser ou de se tenir propre, jurent, crachent, entamant une descente sûre vers le bourdon et finalement la dépression.

   expédition laisser aller 
« 'Culé d'merde, fait chier putain ! » - Paul Emile Victor

Mettez une femme, et l'environnement se transforme : les hommes se sentent obligés de ne pas devenir trop moches ni trop grossiers. La force morale consiste alors à savoir maintenir sa discipline, a fortiori lorsque l’environnement n’est pas là pour vous y contraindre. Il y a ces petites règles à observer, ces contraintes que l'on met comme obstacle entre soi et le confort définitif… Règles qui sont peut-être terriblement arbitraires, terriblement obstinées et idiotes, mais qui sont un rempart contre le délabrement. Rester chic, même à Alger sous 42°C. Ne pas cracher par terre, même lorsqu’il n’y a pas de dame à proximité. On trouve dans la littérature beaucoup d'hommages à cette autocontrainte, à ce paradoxe qui veut qu’on ne soit homme et véritablement libre que lorsqu’on s’attache à une règle, et que l'on se perde au contraire définitivement lorsqu’on dispose du champ illimité du vide et de la liberté.

20 commentaires:

  1. Se donner soi-même sa propre règle, surtout s'il n'y a pas de nécessité absolue de le faire. Baudelaire y voyait l'essence du dandy : "Etre riche, et aimer le travail".

    RépondreSupprimer
  2. C'était un message de la collectivité des espadrilles ?

    Très bon texte, cela dit !

    RépondreSupprimer
  3. Dans le même genre je me méfie toujours des mecs en jean taille basse ..

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh Sky, tu déconnes ou quoi ? J'en ai jamais vu moi des mecs en jean taille basse ! Me dites pas que ça existe, me dites pas que ça existe...
      je partage tout à fait ton analyse de la tong en ville Xix. C'est pourquoi, si j'étais toi, j'encouragerais vivement le port de la tong en ville. En effet, étant donné les lois de l'évolution, et le fait que la tong est totalement inappropriée en ville... Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de conclure la démonstration, mais ça parle d'adaptation hein...

      Supprimer
  4. S’il est un objet qui rassemble ce qu’il y a de plus laid et de plus dégoûtant dans notre Société : l’avachissement, la puanteur et la vulgarité vestimentaire : c’est la tong. Cette sorte de porte pied qui ne mérite même pas le nom de sandale est l’exemple de la désinvolture et de la mollesse gluante de notre temps. Il est à remarquer que cet immonde accessoire est à la mode comme s’il incarnait tout ce que notre époque actuelle a de plus détestable : la haine de la rigueur, le mépris de la tenue et du strict !
    Une semelle de caoutchouc et un bout de plastique entre les orteils laissant le talon sans retenue et incitant à traîner les pieds donnent inévitablement une démarche de gouape mal propre avachie. Même l’indigent préfère aller pieds nus plutôt que perdre sa dignité en étant affublé de cette demi savate des plages !
    Non seulement cette horrible chose est une atteinte à la dignité humaine mais la tong est dangereuse et ses porteurs font preuve d’égoïsme :
    Dangereuse : le plastique entre les orteils irrite la peau très fragile à cet endroit et finit par favoriser l’apparition de mycose ou d’infection. De plus la tong est dangereuse car elle empêche de courir en cas de nécessité et j’ai vu bon nombre de porteurs de tong trébucher en perdant malencontreusement la chose. Il ne pourra même pas porter secours rapidement à son prochain. Il est égoïste.
    Egoïste : le porteur de tong ne se soucie guère du bruit très agaçant produit par le clap-clap de la semelle de plastique ou de caoutchouc frappant le talon à chaque pas du malappris. Ce bruit est accentué dans les lieux clos où il résonne.
    Ajoutons qu’à la plage, lorsque l’égoïste porteur de tong marche entre les estivants allongés sur le sable sec et fin, ceux-ci reçoivent inévitablement un nuage de sable propulsé comme par une catapulte par la remontée toujours bruyante de la semelle des hideuses tongs.

    Par sa dangerosité et son égoïsme, le porteur de tongs s’apparente au viet-tong !

    Cette chose est abominable vous-dis-je …. Elle est aussi le symbole d’une mondialisation maléfique à notre économie puisque fabriquée le plus souvent en Chine, elle vient ravir la place à nos inusables espadrilles des Pyrénées.
    Tout est laid dans cette chose, et pire encore, elle lobotomise son utilisateur.
    Observer la dégaine du porteur de tongs se traînant telle une baveuse limace me procure une profonde nausée, comme si se soulevait en moi toute la bile accumulée dans laquelle baignent les laideurs d’ici bas … ! Le regard perdu dans un immense vide, la pensée du porteur de tongs est parallèle à sa démarche : molle, négligée, sans conviction… il pense avec ses pieds !
    Soulagez vous et faites comme moi la prochaine fois que vous voyez un viet-tong, criez lui :
    J’IRAI CRACHER SUR VOS TONGS !

    " Chroniques radioactives " Page 15 Chez Godefroy de Bouillon par Charles-Henri d'Elloy

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ouais, en recherchant des illustrations de tongs sur le net, j'ai réalisé que la saillie anti-tongs est en fait une "figure imposée" : il en existe plusieurs sur le net, de plus ou moins bonne facture mais avec presque les mêmes arguments.

      Supprimer
  5. Un jour, dans un siècle peut-être, on se comportera comme des chiens. On baisera dans la rue devant tout le monde et on chiera sur le bitume comme si de rien n'était.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu... Tu veux dire toi et moi ?

      Supprimer
    2. Je ne baise pas avec des poulpes !

      Supprimer
    3. Pourquoi attendrait-on un siècle alors que c'est exactement le projet des socialistes pour 2025 ?

      Supprimer
    4. Parce que les socialistes peinent à avancer !

      Supprimer
  6. Y'a deux jours j'ai vu un SDF chier en pleine rue à Rennes. Mais c'est Rennes.

    RépondreSupprimer
  7. Va falloir des motocrottes qui trient les merdes de chiens et les merdes humaines.
    Faut respecter la dignité humaine.
    Ca va encore faire des frais supplémentaires sur nos impôts locaux tout ça.

    RépondreSupprimer
  8. L'exception qui confirme la règle ? :
    http://www.europe1.fr/Faits-divers/En-tongs-il-sauve-six-personnes-des-flammes-1615749/

    RépondreSupprimer
  9. Rennes j'y ai vécu 16 ans.... Y a longtemps....
    Ça chiait déjà en pleine rue, à l'époque, mais pas en plein jour....
    Pour le dépaquetage diurne, je conseille Brest, depuis 17ans....au moins, de mon expérience perso de témoin héberlue....mais de plus vieux brestois me disent qu'il n'en est rien et que ça remonte à beaucoup plus longtemps

    RépondreSupprimer
  10. Rennes Rennes, mais tous les jours ça chie en pleine rue et en plein jour à Paris ! Tiens, pas plus tard qu'hier à l'arrêt de bus ! Et encore, ça compte pas, le mec était complètement carbonisé, il s'était chié dessus, ça se voyait rien qu'à l'odeur...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et s'il faut marcher dedans, mieux vaut ne pas être en tongs.

      Supprimer
    2. d'un aut' coté , c'est plus fastoche de marcher dans une merde en tong, fut elle de la merde de clochard , que de marcher sur un journaloppe ou un homm' politique

      quand à savoir ce qui porte le plus bonheur , de la crotte de chien ou du menteur professionnel , je laisse à votre sagacité le soin de démèller cet écheveau....

      Supprimer
  11. CCulFD mon cher Xix. Montons de suite une association de prévention pédestre pour sensibiliser l'opinion publique sur les dangers du marcher en tongs et surtout pour faire augmenter le prix des tongs. Il en va du trou du cul de la Sécurité sociale, de l'avenir de nos enfants et de la dignité de la France.

    PS : penser à développer la tong électronique, une tong entièrement carénée avec LED basse consommation sur les ailes.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. penser aussi à pénaliser fortement les importateurs pirates de tongs non homologuées au catalogue des douanes vronzaises...
      exiger des normes, encore des normes
      réprimer les fauteurs d'accidents de tongs
      édicter des lois scélérates contre les porteurs compulsifs genre "fumer tue" ou "tonguer peut nuire gravement à votre santé et à celle des jeunes enfants"
      tiens, hors sujet , en fait pas tant que ça , saviez vous que le lien tabac/cancer du poumon a été fait pour la première fois par des Hallemands sous le 3ème reich, et que ça a donné lieu à une campagne anti-tabac assez rude dans la germanie d'alors?

      bref,tout l'arsenal de répression étatique qu'on connaît si bien

      Supprimer