13 février 2013

Les gens qu'on aime : Jules Berry


Jules Berry était né le 9 février 1883, une date pas plus mauvaise qu’une autre pour venir au monde. Si la médecine avait fait de réels progrès, il aurait fêté ses 130 ans parmi nous il y a trois jours.


Anecdote vécue la semaine dernière : je suis dans un groupe de 8 personnes, dont l’âge moyen tourne autour de 45 ans. J’évoque Jules Berry (me demandez pas pourquoi) : personne n’avait même entendu parler de lui. Je m’étonne. J’explique vite fait qui fut Jules Berry. On me rétorque que pour connaître un type mort en 1951, il faudrait vraiment avoir de la culture ! Je laisse tomber. (je précise que dans ce groupe, TOUTES les personnes sont diplômées de l’enseignement supérieur).

Jules Berry est le fantôme de ces cancres. Il vient ici, sous ma modeste plume, les tirer non par les pieds, mais par les oreilles, pour les mener de force au ciné club du coin. Ah, misère, on me parle de « culture » quand je pensais amour ! Amour du cinéma d’avant-guerre, cinéma populaire comme on n’en fit jamais plus, avec ses personnages ridicules, ses cocus, ses vieilles ganaches, ses types à moustaches, ses petits gros engoncés, ses enfants en culottes courtes, ses jeunes femmes aux sourcils épilés ! Et surtout, avec ses comédiens inoubliables. Ah, la diction des acteurs d’avant le charabia ! Tous formés au théâtre, où on ne plaisantait pas avec le public…


Jules Berry n’a pas fait que des chefs d’œuvre, loin s’en faut. Mais, comme dirait Jésus Christ, quel mérite y aurait-il à n’aimer que les types sans défaut ? En revanche, il fait partie de ceux qui illuminent par leur charisme personnel, de pauvres films justement oubliés. Il bouge, il parle, et ça fonctionne : allez expliquer ça ! Jules Berry est l’image d’une certaine flamboyance drôle et inquiétante. Il a créé le personnage du type louche mais beau parleur, souriant mais faux, qui trompe les hommes et dont toutes les femmes se méfient d’instinct. Chez Jules Berry, c’est tout le corps qui parle, les mains surtout, dans la gestuelle d’un saltimbanque qui aurait commencé sa vie professionnelle comme pickpocket. Elles sont là, ces mains, vivantes comme celles d’un chef d’orchestre, décrivant des lignes incompréhensibles, légères et nerveuses, caressantes, glissées soudain dans la poche d’un veston, tenant une cigarette en gardant toute leur liberté. Elles soulignent la nervosité du personnage qui n'est jamais au repos, qui donne furtivement des coups d’œil à droite et à gauche, tournant la tête à chaque instant comme pour s’assurer que personne d’autre n’écoute. Jules Berry, c’est l’orateur fascinant qui cherche à hypnotiser son interlocuteur, entre charme et embrouille.

Il faut savoir que bien avant les expérimentateurs à la Cassavetes, l’improvisation tint un grand rôle dans les interprétations de Jules Berry. Il faisait « du Berry » même quand ce n’était pas prévu, jouant avec son texte, ce qui explique que d’un film à l’autre, on a l’impression d’avoir déjà vu certaines scènes !
Son physique, son œil, son pif, son sourire et son phrasé l’ont souvent conduit à tenir des rôles d’ordures. Il a même joué le diable en personne dans Les visiteurs du soir : pour une ordure, jouer le diable, c’est un peu comme être élu à la présidence de la République, pour un ambitieux. Je recommande aussi son rôle d’ignoble dans Le crime de monsieur Lange, de Jean Renoir, dont voici un court extrait.



4 commentaires:

  1. Il faut un diable exceptionnel ("il bat !"), qui marqua mon enfance.
    Beboper, merci pour ces textes tout en amour.
    (même si ça paraît un remerciement ridicule)

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  2. Jules berry fut un des tous meilleurs acteurs (dans les 10 premiers) du cinéma français entre 1930 et 45, il est malheureusement injustement méconnu, on l'as surtout remarquer dans 3 films "Les Visiteurs du Soir" Carné, "Le jour se lève" Carné & "Le crime de monsieur Lange" de Renoir, pourtant plusieurs stars de l'époque comme Jean Gabin et Francois Perier ont avouer que c'était l'acteur qui les as le plus impressionner!

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  3. Jules BERRY était un de splus grand acteurs français (du même niveau que Pierre Fresnay ou michel Simon, jean Gabin, raimu.) Il a eu une fille : Michelle Paufichet (née en 1939) qui doit surement être encore en vie ? C'est elle qu'il faudrait contacter pour recueillir des anecdotes sur l'immense artiste qu'était son père , injustement oublié au 21ème siècle. Vu hier soir le film de Yves Mirande : CAFE DE PARIS, chef d'oeuvre de 1938 où reconnait l'interpétation magistrale de Jules Berry mais aussi de Carette, Pierre Brasseur, Rignault etc , Berry a tourné 89 films dont une bonne douzaine de chefs d'oeuvres du cinéma classique.

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