28 janvier 2013

Les gens qu'on aime : Ernst Lubitsch


Ernst Lubitsch est né le 29 janvier 1892, une date pas plus mauvaise qu’une autre pour venir au monde. En revanche, il est mort le 30 novembre 1947, date pas terrible pour mourir, chacun en conviendra.


Ernst Lubitsch est un génie de la comédie, c'est-à-dire qu’il est un maître du dialogue et du rythme, ce qui fait beaucoup pour un seul homme. Ses dialogues mettent en avant la vanité de personnages puissants, la ringardise des petits, le malheur des faibles. Les maris sont cocus, les acteurs sont avides de gloire, les politiciens sont des filous, et plus les aristocrates sont guindés, plus ils attirent sur eux le désordre. Avec Lubitsch, on rit de tout le monde, et en toutes circonstances. A l’extrême fin du XXème siècle, on reprochera à Roberto Begnini de tourner en comédie la vie dans les camps de concentration (dans son navet intersidéral La vie est belle). Lubitsch tourna pourtant To be or not to be en 1942, en pleine incertitude sur la guerre. Dans cette farce énorme sur le nazisme et la résistance polonaise, il plaisanta sur les camps de concentration et les bombardements au moment même où des gens en souffraient. Autre époque, moins fragile des nerfs…
To be or not to be est un festival de bons mots, de scènes loufoques (comme cet acteur jouant la grande scène d’Hamlet, prenant un instant avant de dire sa tirade, et à qui le souffleur, croyant à un trou, dit « Être ou ne pas être… »), c’est une mine de portraits dérisoires sur fond de drame. Dans ce film, tout le monde est ridicule, résistants comme bourreaux, ce qui n’empêche ni les résistants de résister, ni les bourreaux d’être des monstres. Pour rendre le drame plus réel, il n’est donc pas nécessaire d’oublier que la vie bouffonne ; leçon oubliée qui permettrait aujourd'hui à nos réalisateurs français d’alléger leur catéchisme.

Chose curieuse quand on parle cinéma, il est assez courant de rencontrer de véritables cinéphiles qui n’ont presque aucune connaissance du cinéma d’avant-guerre. Ils peuvent être incollables sur Sam Peckinpah mais ne rien savoir de Jean Renoir, être calés sur le New Hollywood en ignorant tout de Lubitsch ou, plus fréquent encore, ils peuvent avoir une connaissance encyclopédique des séries B, des nanars sympathiques, mais n’avoir jamais rien vu de Murnau. Et puis on trouve aussi des gens trop jeunes pour avoir eu le temps de s’occuper de ces vieilleries. J’ai même rencontré des gens avouant avoir un problème avec les films en noir et blanc… Qu’importe ! Qu’ils se penchent un peu sur le grand Lubitsch, sur To be or not to be (Jeux dangereux, en français), sur La huitième femme de Barbe bleue, sur The shop around the corner ou sur La folle ingénue, ils auront du mal à ne pas succomber à la virtuosité de ce grand francophile, à son charme, à la légèreté de sa folie douce, à sa vision comique du monde et, pour le résumer en un mot, à sa loufoquerie.


1 commentaire:

  1. Le ciel peut attendre m'avait littéralement happé, j'y ai découvert Gene Tierney et puis Ninotchka est au moins aussi drôle que To be or not to be, beau portrait Beboper

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