9 novembre 2012

Téléfilms Historiques Français


Parmi les agacements de la vie, il y a ces téléfilms historiques que nous sert de temps à autres France Télévisions, qui commencent par se présenter comme le fruit d'un travail sérieux (nous sommes le service public), insistent dans leur bande-annonce sur la fidélité de la reconstitution, prétendent « enfin lever le rideau sur une période trouble », pour au final ne valoir guère mieux qu’une bluette, un Terre indigo transposé dans un contexte historique… Et tous les poncifs qu'on croyait déjà connaître sont visités un par un.

Dans cette catégorie, la palme revient au téléfilm sur l’Algérie, passé il y a quelques années, où les pieds noirs étaient infâmes, invectivant leur boniche algérienne et ne pouvant prononcer le mot « aRRRabe » sans grimacer, tandis que le héros, bel et jeune officier, s’étant engagé dans l’aventure de l’Algérie française par idéal avec le rêve d'un monde nouveau à bâtir où ouvriers des deux peuples se donneraient la main, tombait de haut en découvrant l’affreuse réalité de la Kolonization

Le plus stupide en fin de compte, dans ces films de mauvaise facture, le plus antihistorique, c’est la figure du héros, qui a toujours l’heur et le bon goût de réfléchir en homme de notre temps. Blum, Zola, Camus, Jean Moulin… Quelle que soit la période, ce héros a toujours l’Histoire avec lui. Il a été à bonne école, contrairement à toute son époque ! Il agit comme s’il avait la science de ce qui s’est finalement passé.
  • Si c'est un officier de 14-18, il voit dans la guerre une boucherie, et dans les Allemands d’en face de pauvres bougres qui n’ont rien demandé. Il est militaire, mais le nationalisme lui semble une belle connerie.
  • Si c'est un jeune homme sous l'Occupation, il n’y réfléchit pas à deux fois. Pas une seconde il ne doute de l'issue de la guerre : ce ne sont que quelques années à tenir avant que les Américains débarquent, ça vaut carrément le coup de prendre le maquis !
  • Si le héros est une femme du XIXème siècle, elle est bien entendu libérée avant l'heure : outrée qu’on n’en soit pas encore aux 35 heures, suffoquée par la morale étriquée de ses amies bourgeoises, au fond dans sa tête c'est une femme des années 80...
Et ainsi défile la ribambelle de héros, anachroniques, complètement extérieurs à leur époque, qui ont la Vérité avec eux et qui l’ont seuls, seuls s’il ne se trouvait une petite Mélanie Doutey à leurs côtés, infirmière, institutrice, pour les encourager et leur confirmer qu’ils s’apprêtent à devenir de grands personnages de l’Histoire.


« Bonjour. Nous avons raison. »

Ce qui est profondément faux dans cette approche, c’est de ne pas comprendre que telle ou telle opinion qui a cours aujourd’hui puisse être anthropologiquement impossible à avoir à une autre époque. Ce qui est fallacieux est cette façon d’aplanir la complexité du passé, de la gommer sous l’évidence des positions morales d’aujourd’hui. Ces téléfilms pensent peut-être honorer les personnages dont ils traitent en leur donnant raison contre tous, mais ils les amoindrissent au contraire : en laissant entendre que c’était là ce qu’il fallait faire, que c’était la seule posture à adopter pour un homme digne tant soit peu, ils ôtent aux actions de ces hommes leur force, à leurs choix leur difficulté, à leurs jugements leur singularité, aux événements dans lesquels ils étaient plongés leur caractère chaotique... En fin de compte ils ôtent à l’Histoire tout son vertige et tout son sel.

Curieusement, l’attitude moraliste sur l’Histoire devrait s’estomper avec le temps et la distance, évoluer vers une plus grande sérénité, mais à travers ce genre de téléfilms elle fait chemin inverse : sur des évènements parfois vieux d’un siècle, elle pointe du doigt, distribue les bons et mauvais points, oppose de façon plus implacable les parties d’alors… Elle condamne à nouveau, déforme et exagère, appelant ainsi les contradicteurs potentiels à exagérer à leur tour dans l’autre sens... C'est ainsi qu'on n'y voit pas nécessairement plus clair et que la dispute peut continuer.

12 commentaires:

  1. Parce que ce sont des interprétations idéologiques de l'histoire.

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  2. très bon, la petite légende...

    la rencontre entre la dimension péremptoire de la leçon d'"histoire" et la niaiserie de la relecture des faits au travers d'un prisme d'anachronismes simplistes... priceless.

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  3. Si ces prétendues reconstitutions historiques continuent à vous horripiler, je vous recommande de regarder la série Mad Men dont les scénaristes font exactement le contraire de leurs homologues français.
    En effet, dans cette série de fort bonne facture le concept de bien pensance rétrospective estpour ainsi dire inexistant.
    Je pourrais éventuellement tenter de faire la liste exhaustive de toutes les scènes et lignes de dialogues dont le contenu va à l'encontre de la doxa contemporaine, mais je crains fort que cette liste ne dépasse en longueur l'article d'origine de M. Xix.

    Ainsi me contenterai-je d'évoquer la scène dans laquelle le personnage de Betty Draper, l'un des personnages principaux de la série, déclare de but en blanc à sa femme de ménage noire qu'elle ne pense pas que les noirs ne devraient pas avoir davantage de droits.
    Le principal intérêt de cette scène est avant tout sa gratuité : elle ne sert à absolument rien dans l'intrigue. Cette scène ne nous explique nullement pourquoi cette névrosée de Betty est si malheureuse dans la vie. Elle ne sert pas non plus à avilir un personnage que la morale actuelle qualifierait spontanément de "méchant-pas-beau-villain-raciste" ( ex. : le fonctionnaire vichyste ou le colon pied-noir ). Cette scène sert juste à montrer ce que pouvait penser une mère de famille de l'Amérique des années 1960 qui, malgré toute la sympathie que l'on peut avoir pour elle, n'aime pas les noirs. Tout simplement, sans chichis.

    Bonus : la meilleure scène de pique-nique de toute l'histoire de la fiction télévisuelle ( écolos s'abstenir ).

    http://www.youtube.com/watch?v=rhcKuMjvcCk

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  4. Ce qui est marrant, c'est de voir à chaque téléfilm historique le lendemain un article d'un expert sur le sujet dégonfler totalement tout le téléfilm tant ils sont remplis d'anachronisme et même de mensonges purement ! Ça donne du grain à moudre aux complotistes mais c'est à se demander si c'est pas fait exprès carrément !

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  5. Pas très nouveau tout ça. On a bien vu Kirk Douglas interpréter Spartacus comme un humaniste droit-de-l'hommiste ou Milla Jovovitch jouer une Jeanne d'Arc pratiquant l'introspection psychanalytique. Finalement, les films historiques ne parviennent à parler que de ceux qui les font. Triste à constater.

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    1. déjà spartacus , ce qui a donné l'origine du script , c'est une romance étasunienne de 1950 (je croive) qui sentait très fort les luttes civiques de l'époque
      spartacus n'y avait pas les traits de kirk douglass ( quel prénom à la con , kirk , d'autant qu'il se nommait abramowski ou approchant )mais , ainsi qu'il est écrit "un air doux, un peu un air de mouton avec ses cheveux bouclés..." métaphore avant l'heure de trévor martin, le gentil blaque tué par un méchant latino , milicien d'une banlieue waciste ...
      il prenait d'ailleurs dans ses bras un mourant pour le consoler , en lui disant que tout ça ne resterait pas impuni ( le christianisme avant l'heure? le communisme ? va savoir....)
      et ce que l'on n'a pas vu dans le film, c'est le méchant romain qui prétendait avoir acheté tous les esclaves crucifiés ( après la répression de la révolte servile ) pour en faire de la chair à saucisse et que moive , j'ai lu dans le bouquin original
      mais pourquoi pas après tout?
      si on juge à l'aune de nos droits de l'homme, l'esclavagiste antique ne pouvait être qu'un canibale
      dans le meilleur des cas....car dans le pire des cas, je n'ose imaginer ce qu'il pouvait être...
      hu hu hu

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  6. Et que dire du dernier navet censé représenter la vie de Cartouche!
    sa vrai histoire, conférence longue et ennuyeuse mais au combien instructive!!! 8)

    http://www.youtube.com/watch?v=pgtL2XC7xgc

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  7. C'est trop niais pour se laisser regarder.

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  8. Tout le temps en train de râler ici, bien sur que tout ça est vrai, les français ne mentent et ne se trompe jamais en matière d'histoire, en science fiction non plus l'autre jours j'ai vu un film avec un noir qui poussait un fauteuil roulant avec un blanc français dessus, j'avais l'alarme à l’œil tellement j'étais émouvé, j'suis allé le revoir au moins 15 fois, comme Grease dans le temps.

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    1. ha maverdave !
      j'l'ai pas vu , cui là !
      ce qui prouve que chuis pas facile à émouvoir
      en tout cas pas par un blaque qui pousse un whitie dans un fauteuil ....
      peut être plus par une baisse de mes revenus, va savoir ....
      ou par une belle fumelle appétissante....

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  9. dans la collection de tronche d'acteurs engagés dans ces mièvreries pseudo historiques , on a l'air farouche de daniel auteuil ( mais j'aurais plutôt tendance à l'aimer , genre "sois fier de ta laideur !" , car je suis moi même assez laid )et surtout la trogne de l'infirmière , avec la croix rouge sur le bandeau ( bavordavel ! kes ça fout là ? on est en ripoublik laïk , merde !) et surtout , les traits lisses, sans poches sous les yeux , sans anti cernes , sans rides

    alors là , je m'insurge !


    j'en connais assez, j'en vois tous les jours , y en a pas une qui ait pas le visage marqué !

    remarquez , y a pas un médecin qui ait pas le visage marqué non plus, hein

    si

    les chirurgiens plasticiens

    cahuzac , par exemple , a le museau lisse comme un cul de bébé

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  10. Un article plus âgé qui se faisait aussi la réflexion :D
    http://leblogdumoulin.wordpress.com/2010/10/20/un-semaine-sur-france-televisions/

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