29 novembre 2011

Simone Weil, l'obligation et les besoins

Il y a des milliers d'années, les Égyptiens pensaient qu'une âme ne peut pas être justifiée après la mort si elle ne peut pas dire « Je n'ai laissé personne souffrir de la faim. » Tous les chrétiens se savent exposés à entendre un jour le Christ lui-même leur dire : « J'ai eu faim et tu ne m'as pas donné à manger. » Tout le monde se représente le progrès comme étant d'abord le passage à un état de la société humaine où les gens ne souffriront pas de la faim. Si on pose la question en termes généraux à n'importe qui, personne ne pense qu'un homme soit innocent si, ayant de la nourriture en abondance et trouvant sur le pas de sa porte quelqu'un aux trois quarts mort de faim, il passe sans rien lui donner.

C'est donc une obligation éternelle envers l'être humain que de ne pas le laisser souffrir de la faim quand on a l'occasion de le secourir. Cette obligation étant la plus évidente, elle doit servir de modèle pour dresser la liste des devoirs éternels envers tout être humain. Pour être établie en toute rigueur, cette liste doit procéder de ce premier exemple par voie d'analogie.

Par conséquent, la liste des obligations envers l'être humain doit correspondre à la liste de ceux des besoins humains qui sont vitaux, analogues à la faim. Parmi ces besoins, certains sont physiques, comme la faim elle-même. Ils sont assez faciles à énumérer. Ils concernent la protection contre la violence, le logement, les vêtements, la chaleur, l'hygiène, les soins en cas de maladie. D'autres, parmi ces besoins, n'ont pas rapport avec la vie physique, mais avec la vie morale. Comme les premiers cependant ils sont terrestres, et n'ont pas de relation directe qui soit accessible à notre intelligence avec la destinée éternelle de l'homme. Ce sont, comme les besoins physiques, des nécessités de la vie d'ici-bas. C'est-à-dire que s'ils ne sont pas satisfaits, l'homme tombe peu à peu dans un état plus ou moins analogue à la mort, plus ou moins proche d'une vie purement végétative.

Ils sont beaucoup plus difficiles à reconnaître et à énumérer que les besoins du corps. Mais tout le monde reconnaît qu'ils existent. Toutes les cruautés qu'un conquérant peut exercer sur des populations soumises, massacres, mutilations, famine organisée, mise en esclavage ou déportations massives, sont généralement considérées comme des mesures de même espèce, quoique la liberté ou le pays natal ne soient pas des nécessités physiques. Tout le monde a conscience qu'il y a des cruautés qui portent atteinte à la vie de l'homme sans porter atteinte à son corps. Ce sont celles qui privent l'homme d'une certaine nourriture nécessaire à la vie de l'âme.

L'Enracinement, Gallimard point, p. 13-14.

11 commentaires:

  1. tu parles de sexe là bien sur ? de l'invincible besoin de se les vider de temps en temps dans une (voire 'un' pour certain, blaah) congénaire c'est ça ?
    ...
    je me demande si Simone Weil avait ça en tete :

    http://www.prostitutionetsociete.fr/eclairage/comprendre/handicap-accompagnement-sexuel-ou#autrenom

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  2. Toujours pertinente, la Simone.

    Et par vie de l'âme, on peut sûrement entendre la culture (la vraie, pas Canal+), l'accès au langage, aux idées. Qu'on laisse une génération entière (et les prochaines) dans un état d'hébétude consumériste aussi complet, ça devrait aussi déplaire au petit Jésus...

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  3. Et le besoin de religieux bordel !

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  4. Tu trouves la même chose chez les franciscains, notamment le très grand Pierre de Jean Olivi. Dans son dernier ouvrage Giorgio Agamben revient sur cette pensée de la pauvreté

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  5. « Pendant les années qu’il avait passées dans les camps, Ivan Grigoriévitch avait appris à connaître les faiblesses humaines. Maintenant, il voyait qu’elles étaient fort nombreuses des deux côtés des barbelés. Les souffrances ne faisaient pas que purifier. La lutte pour obtenir une gorgée supplémentaire de soupe ou pour se faire exempter d’une corvée était féroce et les faibles s’abaissaient à un niveau pitoyable. Maintenant qu’il était en liberté, Ivan Grogorévitch cherchait à deviner comment tel ou tel personnage hautain et fort soigné dans sa mise raclerait de sa cuiller les écuelles vides des autres ou trotterait autour des cuisines à la recherche d’épluchures et de feuilles de chou pourries, à la façon d’un chacal...

    Foulés, écrasés par la violence, la sous-alimentation, le froid, la privation de tabac, les hommes métamorphosés en chacals des camps, cherchant de leurs yeux hagards des miettes de pain et des mégots couverts de bave, éveillaient en lui la pitié.

    Les hommes des camps l’aidaient à comprendre les hommes en liberté. Il discernait chez les uns et chez les autres une même faiblesse, une même cruauté et une même peur.

    Les hommes étaient partout les mêmes et il les plaignait. »

    Vassili Grossman, Tout passe

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  6. "Quand on ne se sent pas capable de rester sur son appétit, on reste sur sa faim et on ne demande pas l'aumône à dix heures du soir. Je me regarderais comme un criminel, si je vous donnais un centime."

    Léon Bloy, Exégèse des lieux communs (CLXII), 1902

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  7. la simone ,cette grosse gavée par fauchon et fagottée par chanel , comme disait choron
    il parlait pas de la même

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  8. Choron et les 2 Weil c'est un peu comme la rencontre entre un comique-troupier et de vraies combattantes. Bon on te l'accorde Kobus, il en faut aussi des clowns, mais y a un temps pour tout.

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  9. le terme chimiquement pur m'est étranger
    dans la nature , cette salope , tout est mélangé
    et donc , je mélange choron et les deux simones
    et même les trois , si on y adjoint la moukère de gbagbo

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  10. Elle s'appelle Weil maintenant la Gbagbo ?

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  11. bien sûr
    gbabgbo-weill , un patronyme qui en jette !
    façon imprécation républiconne au panthéon "entrissi jean moulingue avecque ton terribleu cortègeu...3
    là c'est "tabassée, violée, moquée par les sbires de ouatara , simone g-w releva la têteu et ne perdit point sa dignité"

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