9 octobre 2011

Michéa, le peupeuple et autres considérations dans ce billet au titre mal inspiré


Je vis dans une résidence sociale qui n'attend pas la teufeu des voisins une fois par an pour organiser des repas ou des barbecues. L'idée est louable et mes voisins sont assez potos entre eux, qu’ils soient souchiens, arabisés ou portuguailisés (l’origine d’appellation contrôlée de mon quartier la plus importante en numéraire). Cependant, à chaque fois je souffre du diable.
Ça déconne sec, et c’est toujours ça de pris, mais les sujets de conversations sont déplorables et il n’y a pas de pâquerettes dans mon secteur pour vous faire comprendre jusqu’à quel point j’ai envie de razzier les deux merguez qui me sont dues et me nachav loin de là à chaque fois. Soit ça jactasse pour ne rien dire, soit ça bavasse de politique et ça peste contre les étoiles. Le niveau de mes voisins, ça tient du discours pseudopolitique de Patrick Sébastien. Et si par grand malheur, tu oses faire celui qui se cultive le minimum syndical, tu es l’intello ringard du coin et un extraterrestre en orbite. Par exemple, je les ai souvent entendus dire de Zemmour qu'à la fois il avait entièrement raison, mais sans savoir pourquoi, et qu'il était insupportable de suffisance. J’ai aussi des objections contre Zemmour, mais par pour des raisons stupides du genre « il a la grosse tête » ou « pour qui il se prend avec sa science ». Ce sont des critères de médiocre que j’entends tout le temps, dès qu’une personne tient un discours un peu plus profond que la moyenne.
Le populaire cultivé, ça existe, mais alors c’est aussi rare que de tomber sur un trèfle à quatre feuilles ou sur un vagin propre au Cap d’Agde. C’est une pépite rare. Savant comme un bourgeois à l’ancienne et de plain-pied dans la réalité comme un « gens du peuple » qu’il est, mais sans être un paroissien de l’abbaye des Abrutis Céleste, là ou les siens veulent le confiner, car ils y sont bien à la douillette.
Pour en venir à Michéa, je pense qu'il se berce d'illusions sur le peuple. Les gens aiment plus l'argent et la mentalité du calcul qu'il ne le croit. Et ils n’en sont pas que victimes. On leur a proposé, et par des moyens pas bien propres c’est sûr, mais ils l’ont consciemment incorporé. On n’a pas fait que leur imposer ce Nouveau Monde.
Nos concitoyens ne pensent pas que l'époque est médiocre, parce qu'ils sont cette médiocrité. Tenez un discours contre la télé et vous allez peut-être réveiller un sursaut éphémère chez quelqu’un, mais alors l'ensemble de votre bon voisinage va vous rire au nez. Leur opium, il l'adore. Leur principale grogne est que tout devient trop cher, le loyer, l’électricité, le gaz, les putes du boulevard Ney, les panzani, le couscous, etc., mais redonnez leur du pognon et ils le dépenseront dans des enjoliveurs chromés et en parfum « Paco Rabatte » pour faire leur roue de paon, leur splendeur. Ce n’est pas que les Français n’aiment pas l’argent comme le disent les libéraux, mais c’est qu’ils n’aiment pas que ça se sache. Leur rapport à l’argent est d’ordre schizophrénique. C’est la chose qui me frappe le plus souvent quand je rencontre un nouveau « gens du peuple », c’est sa psychologie en dissonance cognitive entre ce qu’il désire et ce qui sort de sa bouche, entrenant le paradoxe dans un même paragraphe oral.
Ils vous diront que l’argent pourrit tout, mais n’attendront que ça d’en être gangrené jusqu’à la moelle. La télé, c’est pareil. Ce sont les mêmes qui la regardent quatre heures par jour et te diront que ça rend idiot. Et que si, tu leur proposais enfin de l’intelligence câblée, ils iront tous s’enfuir en masse sur internet pour taper sur Google « Scarlett Johansson + cul + à poil » ou « Arthur + enfants télé + mémé se casse la gueule dans l’escalier ». Le temps libre « culturel » du peuple se résume à se décrotter le nez. C’est cela que Michéa ne voit pas dans le peuple, son hypocrisie, sa capacité à se mentir à lui-même pour que son honneur soit sauf.
Je veux bien croire qu’à l’époque d’Orwell, c’était différend, que le peuple bien qu’inculte ait été terre-à-terre, d’un bon sens du tragique. Mais cette époque est finie et j’ai bien peur que Michéa croie, soit qu’il en existe encore un grand nombre pour renverser la vapeur, soit qu’il prend le peuple de maintenant pour celui d’avant. Parce que faut bien se mettre dans la tête que la société de consommation sur le peuple est aussi puissante qu’une secte sur ses disciples et ceci d’autant qu’elle utilise les mêmes procédés d’ingénierie du consentement.
Et que ça ne va pas être simple de les dématrixiser, car, et je le répète encore fois, le peuple gueule quand la quantité de sa dose de drogue s’évapore à vue d’œil et aussi parce qu’il faut sauver l’honneur (qui a envie de dire publiquement qu’il est un jouet ravi aux ordres de la publicité ?), mais il raffole de sa servitude volontaire. Bourgeois, comme cadres, comme Français moyens, comme paysans. Même les clochards ont souvent l’amour de leur déchéance.
Michéa, brillant éducateur d’une trop petite masse, n’a pas fini de ramer.
Par contre, j’aime bien l’exemple humain que donne Michéa. On ne perçoit en lui aucun ressentiment (Pascal Bruckner me fait aussi cet effet. Et ne me parler pas de son soutien à Bush pour la guerre en Irak quand je le cite. J’en ai rien à foutre.). Il a l’air d’être l’homme de joie, au contraire de l’homme du bonheur « consommus consommus ».
Michéa chez Finky

16 commentaires:

  1. Très bon article, cela me fait penser à cet extrait de "De la démocratie en Amérique" de Tocqueville où il parle d'une espèce d'oppression qui nous garde irrévocablement dans l'enfance.

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  2. Jacques Chancel 20009 octobre 2011 à 21:00

    Bordel je passe ma vie chez vous. Je crois que vous confondez les valeurs du peuple et sa culture. Pour ce qui est de la culture, on est d'accord, c'est souvent affligeant, et les responsables de ça on les connait (classe sociale + Spectacle + enseignement de l'ignorance, pour reprendre un titre de Michéa). Mais les valeurs de décence commune sont encore largement répandues, même si, et Michéa le dit dans ses livres, elles sont en recul constant : exigeance du travail bien fait, politesse, ponctualité, etc.

    D'ailleurs, même si Michéa se trompait là-dessus, ce serait anecdotique puisqu'on ne l'entend pas dire que parce que le peuple a toujours ses capacités de décence commune, il va un jour se rebeller, cramer les locaux du Siècle et de TF1, et fonder un petit paradis fondé sur le don et l'autonomie alimentaire. Pour cela il faudrait, justement, de l'intelligence politique. Il dit simplement, qu'en plus de la domination "classique" par l'extorsion de la plus-value, contre laquelle la décence commune ne peut DEJA rien en soi, le capitalisme en tant que fait social total s'est étendu à tous les domaines de la vie quotidienne et a fait muter la "société" en "système" qui par essence ne repose plus sur ces valeurs. Marx l'avait dit dans les grandes lignes, Michéa affine et met à jour l'analyse marxiste, comme les situationnistes, puis Clouscard, etc. avaient pu le faire.

    Pour l'homme qu'est Michéa, je suis d'accord : pas de ressentiment puisqu'à mon avis, il est déjà largement impliqué dans un mode de vie alternatif, plus ou moins déconnecté du système mais pas opposé frontalement à lui. De ce point de vue il n'a pas l'immaturité de ceux qui cherche à tout changer.

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  3. Dans ces romans sur la vie ordinaire, Orwell est loin de magnifier le populo. Il le dépeint souvent comme assez minable (la loterie et les divertissements sordides ou futiles existaient déjà à l'époque), mais il montre aussi que derrière la surface des choses, il y a quelque chose de grand. Quelque chose que justement les intellectuels messianiques n'ont pas. Un certain sens du commun qui empêche de péter plus haut que son cul en la ramenant sur tout et n'importe quoi. Et ça c'est un plus, puisque, comme chacun sait, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

    Cette opposition entre le peuple et ses élites se vérifie tous les jours, le problème c'est que Michéa rabache ce que tout le monde sait, et qu'il règle d'abord ses comptes avec les autres intellectuels de gauche. Ce qui le fait identifier tous les combats dont ils s'occupent comme étant ceux d'une élite et uniquement cela. Il n'en est rien.

    Quand, par exemple, les parents d'élèves d'une école du 20 ème arrondissement se battent pour que le petit Moussa et sa famille ne soient pas expulsés, ce n'est pas qu'ils partagent les même idéaux que des libertariens ou même que Laurence Parisot, c'est juste qu'il font preuve d'une humanité qui est tout sauf abstraite, parce que basée sur le fait que le petit Moussa ils le connaisse, que pour eux, il a toujours été là et qu'il n'y a aucune raison pour qu'il en soit autrement. Que pour ça il sont prêt à en appeler à Emanuelle Béart, Marina Vlady et même à plus moches qu'elles. Ils ne voient même pas où pourrait être le problème. D'ailleurs y en a-t-il un ?

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  4. J'adhère à la fin de l'article, Michéa a l'air vraiment en accord avec lui même et c'est ce qui lui confère cette aura de joie il me semble..



    ps:
    Elle nous guide :
    TRISTANE
    Celle qui a dit : Bah, Non


    J'en ai pleuré de rire !!

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  5. Michéa est casse-couille. Il parles toujours très doctement, avec un air de supériorité tacite, genre "je connais mon sujet". Qui plus est, son discours ne casse pas trois pattes à un canard.

    Il est de ces mecs qui pensent qu'une autre histoire était possible. Il accuse le capitalisme de grands maux, en bon homme de gauche, mais le "capitalisme" n'est pas venu de l'espace. Comme tout fait social, il est le résultat d'une lente évolution, pour ainsi dire quasiment inéluctable. Chaque être vivant, chaque corps social porte en lui le germe de ce qui le remplacera ou le perpétuera, et le fruit "capitalisme" n'est pas issu de génération spontanée: il a, comme tout le reste, de bonnes raisons d'exister.

    Fin bref, Soral est chiant quand il déconne sur le sionisme ou la spiritualité, mais le reste du temps il est distrayant, Michéa est une vraie tête de mort.

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  6. Le problème est que cette sous-culture n'est pas seulement l'apanage du peuple. Je me souviens d'une prise de crémaillère il y a 3 ou 4 ans où je me suis retrouvé invité. La nénette était maitre de conf' en neuropsychologie. Le mec, lui, diplômé d'HEC, lycée Chaptal et 4 briques (je cause en FF) par mois dans un ministère. Il y avait du beau monde, même des noms à particule... on été pas chez les pauvres.

    Qu'est-ce que j'y ai vu? Des tableaux immondes, pas de bibliothèque (le bouquins étant dans des commodes tandis que le DVD de Franck Dubosc était sur l'étagère), une playstation (on parle de trentenaires sans enfants quand même), une photo de la maîtresse de maison sous verre format A2 aux cotés de Mylène Farmer avec dédicace...

    Qu'est-ce que j'ai entendu durant le repas (100% tex-mex avec du Bourgogne 15 ans d'âge)? "Lepen = Hitler", "On est allé voir Benabar, on a passé une excellente soirée", "J'ai toujours rêvé de visité Las Vegas, je pense qu'on ira prochainement mais Cécile n'aime pas les jeux d'argents", "J'ai arrêté de fumer, j'en fume plus qu'une seule par jour", une discussion interminable sur la série télé "Lost" et enfin, ils ont même parlé films de cul à table.

    Je vous assure que ceci est strictement exact. Même chez les classes sociales supérieures, il n'y a rien à attendre. Donc peut-être que Michéa magnifie le "peuple" pour ne pas sombrer dans la misanthropie intégrale.

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  7. Oui, ça m'étonne pas. La culture d'aujourd'hui est le mainstream,toutes classes confondues. De toutes façons, il n'a a plus de classes. La société de consommation les torpille pour en faire une masse pavlovienne. Et le milieu rural en prend sa part, comme le bourgeois, le francaoui de souche moyen et le pur français allogène.

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  8. Je ne comprends strictement rien à ce que vous dites ! faut-il voter dupont aignan, lepen ou mélenchon? Merci d'éclairer une âme dans le brouillard....

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  9. En 2012, tu te rends à ton bureau de vote, armée d'une Kalash, et t'arroses comme une femme fontaine.

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  10. Merci Paracelse, vous êtes toujours de bon conseil, mais après avoir déchargé comme un mâle en rut, je fais quoi ?

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  11. Tu sors ton couteau de boucher et tu tailles un steak sur un gauchiste et un autre sur un droitard. Tu rentres chez toi et tu fais revenir tout ça au barbecue. Tu passes à table et tu dégustes accompagné d’un bon rosé de Provence. Selon la meilleure onctuosité gutturale, tu retournes au bureau de vote et tu fais ton devoir en conséquence.

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  12. Pour moi le vivier d'une élite ayant un minimum de bon sens et de forte valeurs : les compagnons ...

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  13. Bon, vu que les paysans et autre "peuple" ont été à la va-vite mis dans le même sac que le reste de la population, une petite précision tout de même : chez beaucoup de "vrais" ruraux (la campagne, pas la petite ville) il s'en faut de peu pour l'autonomie alimentaire soit assurée (untel a des poules, bidule des patates et tout se beau monde se rend service pour quasi pas un rond) de même que l'autonomie de bien des aspects de la vie : construction, réparations en tous genre etc, etc.
    La télé y est largement vue (hormis événements sportifs) comme un bouche-trou merdique d'emploi du temps. Les mecs qui se payent des bagnoles clinquantes, des portables de luxe ou autres font bien marrer tout le monde.
    Et ne parlons pas des recettes "toutes simples" agrémentées de petits vins, probablement 100x plus agréables à manger que ces histoires de tex-mex pour couillons de luxe. Bref.

    Et puis voir Zemmour comme un mec qui dit souvent la vérité mais a une tête à claque, sans forcément être capable de détailler le pourquoi du comment en profondeur, si ça ce n'est pas un exemple parfait de décence commune...

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  14. Je rajouterais aussi que si le peuple tout n'entier est bien un drogué qui tient à sa came, et bien oui cela risque de devenir compliqué, non pas pour "faire monter le niveau" comme dirait l'autre mais juste pour maintenir un vague ordre, car à la moindre pénurie le camé pête son câble ...

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  15. En somme, l'instinctonutrition au service del'électeur, l'idée est intéressante mais comme j'ai une sainte horreur de tripatouillé la chair vivante pour en faire sortir des râles d'agonie je me mets illico en contact avec ce chair Hannibal L.

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  16. Je m'adresse à Gotfried :
    Vous charriez un poil "camarade" ; son ton est certes pontifiant, et la débauche de références un tantinet agaçante (ça fragmente son discours, c'est professoral, ce doit être "l'effet France culture"), mais convoquer Soral comme contre-point ludique...
    C'est probablement le problème de la vidéo sur internet : quel qu'en soit le sujet, on exige toujours un peu la fonction détente.

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