10 février 2011

L'humanisme est dans la rue (planquez vos filles!)




Suite à une erreur de manipulation, ajout ici du texte de Lé(s)tat.
Le non lieu de la justice française



La « fronde » est finie. Les syndicats de magistrat ont appelé hier à reprendre normalement les audiences, « par souci du justiciable », justiciable qui peut donc recommencer à se faire du souci... Les magistrats sont sortis « blanchis » des enquêtes internes menées par l’Inspection générale des services dans le cadre de l’affaire Tony Meilhon, mais Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature menace déjà : « Le mouvement continue sous d'autres formes », arguant notamment d’une « solidarité » avec les services pénitentiaires fortement mis en cause en l’espèce (propos recueillis par Le Parisien). Les magistrats n’ont pas fauté. Les rapports ont juste révélé toute une série de « carences manifestes » dans le suivi de Tony Meilhon, concédait, mardi 15 février dernier, le garde des Sceaux Michel Mercier, « carences » qu’il faudra manifestement se décider à qualifier de systémiques… C’est la faute à personne. Il faudra faire avec. Les magistrats sont relaxés, excusés pour cause d’irresponsabilité absolue : ils n’ont pas les moyens de faire leur travail. L’armée mexicaine de la justice française est irréprochable et par-delà même ce non lieu, la justice française se pose une nouvelle fois en entité incritiquable : elle n’a juste pas les moyens de fonctionner. Le débat a trouvé sa porte d’entrée sur la scène médiatique. Aucune effraction constatée, mais comme des taches de propre aux murs, voyez l’tableau ? Il n’y a décidément plus rien d’anormal à s’asseoir sur les assises au pays des droits de l’homme...



A quand une opération de la cornée ?


Il ne s’agit pas de condamner les magistrats pour le meurtre de Laetitia Perrais (qui arrive juste derrière Laetitia Casta en propositions de surf, quand on google ce prénom). Le meurtre, l’assassinat, sont une affaire de causalité adéquate et pas d’équivalence des conditions. Il ne s’agit pas de stigmatiser toute une profession dans son ensemble, sans lui accorder qu’elle est effectivement débordée au quotidien. Manque d’hommes, manque de moyens, la justice semble avancer au jugé. Et l’esquif juridique français de brinquebaler à chaque écueil affleurant dans les colonnes des faits divers. L’Unité Police SGP-FO dénonçait d’ailleurs dans un communiqué commun avec FO-magistrats et FO-Justice « Cette mise en accusation systématique, cette mode qui consiste à rechercher à l'occasion d'événements médiatisés, pour satisfaire l'opinion publique, la responsabilité des serviteurs de l'Etat. » Les magistrats et les policiers ne seraient que des boucs émissaires. Le réel part-il tout entier à la renverse ?
Il ne s’agit pas non plus de relayer un discours purement populiste, pas mieux connecté au réel qu’un jugement emportant blanchiment de toute la corporation juridique. Car qui est dupe de la stratégie de gonflement pectoral de Nicolas Sarkozy, ce Président qui s’est bâti sur la lutte sécuritaire, reprenant à son compte le flicage intégral de la société, la surveillance de masse (objectif qui, à sa décharge, semble lié à la progression de toute société progressiste), tout en réduisant les moyens de lutter contre l’insécurité réelle (baisse significative des effectifs de police, stratégie de la coupe sombre des budgets des collectivités territoriales, politique inexistante en matière pénitentiaire, problème dans la hiérarchisation des infractions, le citoyen lambda jurerait que tous les flics de France le traquent pour le serrer au moindre stationnement en double file). « Cela fait des années qu'on dit qu'on n'a pas les moyens de fonctionner normalement, cela ne date pas de Nicolas Sarkozy, témoignait le juge antiterroriste Marc Trévidic, lundi 7 février dernier. Mais la différence, c'est que maintenant, en plus, c'est de notre faute. (…) On vote plein de lois pour satisfaire les citoyens qui réclament de plus en plus de sécurité, et dès qu'on a voté une loi, on se moque complètement de son application », le magistrat regrettant par là même une absence de « politique à long terme » (propos recueillis par Libération). Que de « l'affichage », que du « pipeau » la politique de Sarko ? Nous n’avons évidemment pas attendu Marc Trévidic pour entendre la stridente mélodie de cette nouvelle incarnation du joueur de flûte d’Hamelin…

« Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il sera suivi par un conseiller d'insertion, c'est une faute. Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute seront sanctionnés, c'est la règle. » Le feu aux poudres dans cette mise en accusation des présumés complices des présumés coupables, violant manifestement le principe de la présomption d’innocence. Coupez ! Derrière la polémique, le vrai débat, en poussières, a été balayé sous le tapis. Coupure, coupons : « Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable,(…) c'est une faute. »…


"Ne me jugez pas mal !"


Il s’agit donc de s’interroger sur l’éthique d’une corporation qui se dédouane de toute faute avec outrance, drapée dans sa dignité de robe noire à collerette, tandis qu’elle sait pertinemment participer à un système qui promeut la remise en liberté d’individus objectivement dangereux de par leur parcours, multirécidivistes en pleine escalade, en poussant la perversité jusqu’à accompagner ses décisions de mesures conditionnelles (elles portent bien leur nom), de contrôle, de probation, gadgétisées par leur inconsistance sur le terrain. Les magistrats ne sont pas coupables ? Certes, mais parce qu’ils ne sont pas ignorants des « carences manifestes » de leur système, ils sont responsables de participer à la mascarade, d’autant qu’ils ne se mobilisent qu’en cas de coup de griffe du pouvoir exécutif à l’impératif de séparation des pouvoirs. De plus, les magistrats sont bien les complices dans l’esprit des errements de cette justice qui s’obstine à rechercher l’homme dans le monstre. Emportée par cette ambition de perfection humaniste, qui garde nos juges de toute espèce de sentiment de culpabilité, elle s’en est gargarisée au point de dorénavant faire primer le bourreau sur la victime. Oui, la monstruosité peut s’expliquer, se comprendre. Mais est-ce une raison suffisante pour remettre en circulation les renards au plus vite dans le circuit du poulailler ? « Les magistrats ne sont pas des Madame Irma » pouvait-on lire sur une banderole de grévistes en robes ? Mais ce sont tous les violeurs et tueurs en série passés par les expertises psychiatriques et les prétoires qui se marrent !


Une justice qui s'assume comme elle est


Cette « fronde » s’est déroulée sur le dos d’une victime, Laetitia, 18 ans, dont on n’a retrouvé qu’une moitié de corps au fond d’un lac. En matière de dignité et de pudeur, de retenue, on aura connu mieux. Mais sur la scène médiatique, les « frondeurs » ne sont pas des fraudeurs de l’indignation. Les magistrats ne sont-ils pas les gardiens du Temple pyramidal, les derniers héros de la séparation des pouvoirs, en même temps que l’un des piliers de l’édifice démocratique, probablement le plus porteur, et le point de jonction, de rupture, entre le sommet de la société et sa base ? « Quand j'ai passé le concours de l'ENM, j'étais juste motivé par l'idée de faire un métier dont l'activité se situe au centre de la société » déclarait en gage de profession de foi, Adrien, 27 ans, magistrat en stage, à un journaliste de Rue 89. Par définition pour les médias et jusque dans l’inconscient collectif, les juges sont des justiciers et ils sont au-dessus du lot. Mais en parlant de « fronde », l’élite fait allégeance à l’élite. L’élite parle à l’élite, et l’élite sait que c’est l’élite qui lui parle. Il y a comme des grèves aristocratiques en France, qu’il s’agit de ne surtout pas mettre sous l’étouffoir, de ne pas critiquer, par crainte, par crainte que tout finisse peut-être par s’écrouler. Certains journalistes ont poussé si fort leur « couverture », qu’ils en ont déféqué du portrait de magistrat façon nature morte.
Le pilier juridique est le fer de lance de la société du Progrès, son plus beau rejeton. Sa plus absolue autojustification. Il n’est pas anormal alors de ne trouver que des « carences manifestes » à pointer du doigt après enquête. Ces « carences manifestes » qui offrent à penser qu’une solution est toujours envisageable à l’avenir et qu’une fois ces problèmes réglés, le système sera alors décidément parfait. D’ailleurs Michel Mercier évoquait mardi 15 février « un triplement du budget consacré en 2011 à la réserve judiciaire et pénitentiaire ». Quoi qu’il se passe et quoi qu’il arrive, nous serions toujours en Progrès dans notre poursuite du futur forcément évolutionniste…


Tendre l'autre joue


Etant donné les états de service de Tony Meilhon, il est inacceptable d’en rester à ces rapports qui ne pointent que des erreurs et des manques de moyens, et à cette absence totale de volonté de se remettre en question émanant des cadres de notre système psychojuridique. Le terme de cette « fronde » équivaudrait si elle en restait là, et nous en sommes persuadés, à une acceptation teintée de fatalisme des quelques imperfections systémiques du 3ème pouvoir, finalement anecdotiques, et à un adoubement inconditionnel et irréversible d’un pouvoir juridique inefficace. Ce pessimisme n’a rien d’irrationnel. Il est lucide, directement connecté à la morale judéo-chrétienne, qui place le martyr, la super victime, au pinacle. La justice met l’amendement, la rédemption, avant les bœufs, en attente qu’ils sont d’être saignés lors du jogging dominical, au premier coin de bois venu. Si la justice a été totalement déconnectée de la pure vengeance, dont nous savons qu’elle était appliquée de manière spectaculaire sous l’Ancien Régime et jusqu’au XIXème siècle, date d’émergence du questionnement philosophique sur la folie criminelle, si elle a été déconnectée de la peine de mort (dernière exécution publique en 1939 ; dernière exécution tout court en 1977), elle ne doit pas oublier sa mission originelle : punir, réprimer… châtier. La rédemption devient un objectif totalement irréel, impensable et menant tout droit à l’irresponsabilité généralisée, sans répression, d’autant plus si nos juges admettent que le dû n’est plus dû, du fait d’une simple absence de moyens. Car les juges se font alors les premiers rôles de la vaste farce, de ce vaudeville juridique finalement prétentieux et pas si impressionnant que ça. La justice a perdu son fard et son faste ; on va assister à une audience comme on va voir une pièce de théâtre sur les Grands boulevards. La répression a sûrement un coût. Ce coût est sans commune mesure avec le prix de l’impunité.


Un marteau pour des coups de théâtre


Ces « carences manifestes » sont un euphémisme bien commode qui permet de botter en touche la faute toujours introuvable du magistrat. Remember Outreau, exception toute relative du juge Burgaud, sacrifié en place publique tel le supplicié d’un roi de droit divin et dont la décision sanctionnant son incurie persécutrice de petit inquisiteur en mal d’ambition, se sera soldée par une mutation/promotion. Remember Guillaume Seznec, condamné sans preuves pour meurtre, pour toujours mis au ban de la société par une justice qui ménage ses réhabilitations et ses procès en révision, proclamant de fait et à perpète le principe de son infaillibilité. Elle écrira peut être un jour en lettres de sang : l’ADN m’a tuer. On en doute…
Les gardiens de la faute seraient au-dessus de tout soupçon, au-delà de la nature humaine, ne commettant jamais de faute ? Pourtant 62 % des Français sont favorables à des sanctions envers les juges en cas de faute ayant entraîné une erreur judiciaire. Car le peuple veut des juges responsables. Une juste réciprocité quand eux ne s’embarrassent jamais de vous toiser de haut, de vous faire la morale et de vous allumer si par malheur, le pied venait à vous glisser dans l’infraction anecdotique du quotidien. Ce sondage paru mardi 15 février dans le Figaro vient apparemment contredire celui publié dans 20 minutes, en plein cœur du psychodrame, qui révélait que 65% des Français soutenaient les juges contre les menaces de sanctions dans l'affaire de Pornic. Derrière ces deux questions, ces deux réponses, un désaveu cinglant pour faux et usage de faux de Nicolas Sarkozy dans sa lutte contre l’insécurité, en même temps qu’un appel du pied directement émis dans les tibias des magistrats propre à les rappeler à une échelle de valeurs qui soit digne de ce nom.

Quelle est cette déontologie qui pleure sans le moindre scrupule sur elle même et ses bonnes intentions criminogènes, foulant au pied les victimes expiatoires sacrifiées sur l'autel du Progrès ? Il est grand temps pour le peuple de se pourvoir en castration contre ces bouches montesquieuses devenues muettes de tant de possibilités légales de se montrer si loquaces.

9 commentaires:

  1. C'est à tribord qu'on gueule qu'on11 février 2011 à 00:36

    Je vais voir de suite si Bravepatrie a fait mieux. Sinon Bravo !

    RépondreSupprimer
  2. Ces messieurs se plaignent d'un manque de moyen. Il suffisait de décider de mettre ce type en prison. Il avait 13 condamnations au compteur, il fallait le boucler pour de bon bien avant. Mais non...on proteste parce qu'il n'y a pas eu assez de moyen pour mettre en place une "procédure d'accompagnement" efficace.
    On en vient à souhaiter rapidement la faillite d'état totale et déclarée. Il suffira de faire un noeud à une corde. Plus de problème de "moyen".
    En tout cas, bravo aussi à k.

    RépondreSupprimer
  3. ça m'a fait rire mais j'ai envi de rajouter ceci
    vous sous-entendez que ce ne sont que des avocats qui houspillent. C'est l'ensemble d'un corpus professionnel qui rassemble avocats, juge, greffier, procureur...

    Pour le coup, pour le quidam ça rend le montage un peu démago. Parce que ça rend comme du sarko dans le texte : je joue sur l'émotion et te laisse avec tes projections et tes propres craintes qu'un fait divers de ce type arrive à tes proches.

    Il n'y a pas d'émotion en justice, il y a la Loi point. Après on peut débattre mais les magistrats ne sont que des techniciens qui appliquent un cadre.


    Par contre je suis tout à fait d'accord sur cette chasse à la clientèle de la part des avocats. Pour en avoir vu à l'oeuvre de nombreuse fois; ils sont nombreux que je soupçonne de malhonnêteté, en tout cas d'un sérieux défaut d'éthique professionelle; affinant leur rhétorique de façon à s'assurer une bonne évaluation de leur client et par là même un bouche à bouche permettant un fond de caisse confortable.



    joseph

    RépondreSupprimer
  4. On peut très bien saboter la justice en faisant semblant de l'appliquer.
    Allez voir ce que disent les textes de loi sur les incendies volontaires et examinons ensuite les peines prononcées à l'encontre des crameurs de bagnoles (histoire de se marrer).

    Ce phénomène a pris une telle ampleur qu'à présent un type avec un casier judiciaire vierge peut sereinement envisager de buter un proche qui le gène. Passionnel+remise de peine+bonne conduite etc.. Sept ans plus tard il est sorti.

    C'est la démocratisation du meurtre!

    RépondreSupprimer
  5. Quelle espèce de ramolli du bulbe "risquerait" 7 ans de sa vie pour une vendetta. Pas moi, même si j'avoue avoir parfois de sérieuse envi de meurtre, je retiens quand même de ma culture d'humain qu'il existe 2 interdits : jouer à touche pipi avec maman; et effacer mon prochain.

    Aussi, dans le cas de crime impulsif, le dit criminel ne raisonne pas en terme de temps mais en terme d'apaisement de la tension intérieur (faut réfléchir avant d'agir Tony, putain mais de quoi t'as causé avec ton psychiatre !?).

    Toujours est il que les sociopathes concernés représentent une infime minorité.

    Enfin, tout ça pour dire que quel que soit le compromis juridique : coercition extreme (responsabilité pénale à 13 ans, perpétué incompressible pour tout crime) ou idéologie outrageusement humaniste (il n'est jamais trop tard; cet individu a le droit à une 2e chance; cet homme relève du soin); ces faits divers sont le lot quotidien de toute société, qu'elle soie civilisé ou non.

    Humain trop humain disait ce bon frédo.



    joseph

    RépondreSupprimer
  6. vu que j'en suis à au moins 10 commentaires, je me permet de faire mon coming in avec l'octroi de couleur pour introduire mes propos.
    En fait, je viens juste de me rendre compte de cette possibilité là.

    RépondreSupprimer
  7. Joseph, demande-toi ce que font ta femme Marie et Gaby...




    et hop, sept ans.

    RépondreSupprimer
  8. Depuis 70, faire carrière dans la magistrature sert avant tout à défendre les pauvres victimes contre la vilaine société bourgeoise et raciste qui obligent ces malheureux à voler, violer et tuer.

    Ca sert à rien à Sarkozy de faire le mariole s'il a pas compris ça.

    RépondreSupprimer