8 novembre 2010

La carte du Goncourt


Dans le dernier roman de Houellebecq, ce qui étonne le plus est ce qui ne s’y trouve pas. D’abord, le bon accueil de la presse.
Après avoir tout cassé sur son passage avec ses Particules élémentaires, Houellebecq s’était progressivement rendu tricard auprès des Intelligences médiatiques qui règnent ici-bas. Pourquoi ? Sans doute pour un défaut d’humanisme déclamatoire, pour une carence de citoyenneté, un restant de pessimisme qui fait honte, au pays des droidlome et du parc Eurodisney.
Déjà, au moment des Particules, on avait ici ou là déploré qu’un écrivain envisage sans broncher les manipulations génétiques et les tripatouillages de la Vie comme la solution aux malheurs des hommes et notamment à celui-ci : la mort. Le ton d’évidence pris pour annoncer la fin de ce qui nous définit tous en tant qu’êtres humains avait braqué contre lui ceux qui attendent de la littérature le repos traditionnellement dévolu aux charentaises. Et surtout, crime d’entre les crimes, Houellebecq ne faisait aucune réserve sur le sujet, n’émettait aucun doute sur son caractère inéluctable et ne permettait à aucun de ses personnages de se plaindre de la disparition de « l’ancien monde », le nôtre. Qu’un écrivain ne soit pas béat d’admiration devant l’homme nouveau qui peuple nos rues, et annonce sa nécessaire amélioration biologique pour bientôt, voilà une attitude antimoderne qui ne sentait pas bon. Il n’est pas impossible que ce soient ces accents nietzschéens du roman, promettant le « dépassement » de l’Homme et l’avènement apaisé d’une race de surhommes, qui provoquèrent l’hostilité la plus durable contre l’auteur. Et son eugénisme avait un inconvénient impardonnable, presque inconcevable aujourd’hui : celui d’être assumé.
Puis vint Plateforme et le déclenchement de la polémique. Tant qu’il traitait de broutilles comme le sort de l’humanité ou l’accession à l’immortalité des corps, Houellebecq ne gênait pas réellement les médias sur leur terrain. Mais s’immiscer dans leur pré carré sociétal et aborder des questions d’actualité, c’était prétendre parler du peuple au peuple alors que les journalistes se croient seuls légitimes dans ce rôle. Avec Plateforme, il commit l’erreur d’émettre une opinion très terre à terre sur les religions, et notamment l’islamique : il n’en fallait pas plus pour que la meute se lâche contre la baitimonde. Pour Houellebecq, il ne fut plus question alors de répondre à une interview sans d’abord avoir à se justifier de sa mauvaise pensée à l’égard de l’islam. Pire : comme il avait eu la bonne idée de « prophétiser » les attentats de Bali, on substitua très vite le fait divers à la littérature dans la façon commune d’appréhender le bonhomme.
Toute la beauté de La possibilité d’une île ne suffit pas pour qu’on reparle de littérature. Désormais, Houellebecq était devenu ce fautif qu’on tient à la gorge parce qu’il a un jour obtenu le certificat implacable de salaud (C.I.S.) : il a dérapé. On pouvait alors se contenter de rappeler qu’il trouvait l’islam con au lieu de parler de son oeuvre. Autre indice d’une position solidement établie dans l’ignominie, on pouvait dorénavant dénigrer le mec sans prendre la peine de lire son livre. On lui reprocha donc d’avoir boudé la presse et d’avoir mis sur pied pour la sortie du roman, une campagne marketing qu’on présenta comme sans précédent. Crime ! Si l’on dépensait autant d’argent dans le marketing, c’est que le livre ne valait rien ! Ce genre de tautologie fut encore une bonne occasion de ne pas voir ce qui pourtant crève les yeux : le génie littéraire. Il est probablement devenu si invraisemblable qu’un français puisse avoir du génie (en dehors d’un judoka, bien sûr, ou d’un parfumeur embagouzé) et cela contrevient tant à l’acharnement auto flagellatoire qui nous a pris, qu’on utilise les prétextes les plus navrants pour pouvoir détourner le regard.
C’est peut-être parce qu’il est lassé de tant déplaire et parce qu’il veut tenter le coup parfait que Houellebecq a écrit La carte et le territoire. Et la presse, pour l’instant, semble être tombée dans le panneau, ce qui est son rôle. On a dit que le roman est un peu mou, un peu lisse, un peu soporifique : c’est donc certain, il aura le Goncourt. Être goncouré pour son livre le plus moyen, c’est non seulement un joli coup stratégique, mais c’est aussi la moindre des choses. Le livre brille par ce qu’il ne contient pas : plus aucune allusion aux questions sociales, aux problèmes mondiaux, aux sujets brûlants. Plus de cul, non plus. La seule déclaration scandaleuse qu’il contient ne ferait pas dévier une mouche : il taille un costard à Picasso, un peintre qui a un nom de voiture et dont tout le monde se branle. On ne s’étripe plus pour la peinture depuis longtemps et il y a moins de risque à dégommer un peintre colossal qu’à vouer un rappeur aux cagouinces. Non, décidemment, si les épiciers de l’académie Goncourt veulent éviter de passer encore une fois à côté d’un écrivain considérable, ils feraient bien de donner leur prix à La carte, parce qu’il n’est pas sûr que dans l’avenir, Houellebecq refasse l’effort de descendre son art à leur niveau.

20 commentaires:

  1. C'est une blague potache cet article ?

    Relisons "Le vingt-septième livre" de Nabe, l'analyse des différentes raisons qui ont fait l'immense succès -- ostracisé Houellebecq ? hahaha ! -- de ses livres y est analysé en détail. Et c'est l'exact inverse de toutes les affirmations qui sont ici : littérairement : c'est NUL ! Politiquement : c'est NUL ! Moralement : c'est NUL ! Et surtout ça enfonce tout le monde encore plus dans la haine de la vie. On peut difficilement plus en phase avec l'Époque.

    RépondreSupprimer
  2. ladydy de nantes8 novembre 2010 à 14:13

    Inattendu mais tellement mérite: Vincent Cespedes vient de remporter le goncourt 2010. Un grand bravo au vainqueur!

    RépondreSupprimer
  3. Moi j'y crois pas trop, au Goncourt de Houellebecq : il a des ennemis, notamment un certain Tahar ben Jelloun, juré Goncourt et auteur du "Racisme expliqué à ma fille" pour qui Houellebecq a insulté l'Islam, il a traité sa mère, quoi.
    Par ailleurs, excellente critique du roman par un gars qui connaît bien le milieu de l'art contemporain (Présence Pantchounette, pour ceux qui ont suivi) ici, à la date du 7/11 :

    http://red-dog.pagesperso-orange.fr/journalier-actu.html

    RépondreSupprimer
  4. Il est content le Houellebecq ? Il est content ? Gouzi, gouzi ! Il a eu son Goncourt, le Houellebecq ! C’est bien, maman est fière de toi ! Allez, un petit Lexomil dans le biberon et au lit maintenant !... Et pas de cochonceté, tout seul, sous la couette, hein ?

    Non mais je te jure ! Le Goncourt à Houellebecq… on aura tout vu !

    RépondreSupprimer
  5. Rastapopoulos, où l'archétype même du fanboy monomaniaque créé par internet. Avoir Nabe comme point de référence du sérieux politique et moral ça fait doucement rigoler.

    Nabe est gentil, ses bouquins sont marrant et bien écrit, mais Nabe ça reste de la littérature franco franchouillarde à tout point de vue. Très mondano parisien. Ce qui est assez marrant quand Nabe se pose comme un nègre, anti occidental, alors qu'il est l'archétype même de l'écrivain Parisien qui vit dans son microcosme de parasites privilégiés. Si on lit bien J'ai arrêté d'écrire, on comprend que Nabe ne souhaite, au fond, que rien ne change.

    Si Houellbecq est le seul écrivain français à connaître un succé mondiale aujourd'hui, il y a une raison. Il écrit des livres qui parlent de vrai sujet, et non pas des bottin mondain au vitriole.

    J'imagine déjà ta réponse à base de "MAIS J'AI LU TOUT HOUELLBECQ", tu sous entendra par là les résumés sur Wikipedia, car même dans l'hypothèse ou tu l'avais lu et "pas aimé", tu n'aurais jamais sortie une phrase aussi conne.

    Vivre au 21eme siècle et ne pas avoir lu La possibilité d'une île c'est comme vivre au 20ème siècle sans avoir lu Voyage au bout de la nuit, c'est rater le seul livre français de son siècle.

    RépondreSupprimer
  6. Le racisme expliqué à ma femme à coup de pierre dans la gueule.

    Houelli a eu sont Goncourt.

    Son prédécesseur Marie Ndiaye en a profité pour protester contre la discrimination et chier sur un drapeau de la France en beuglant, je cite : "les français sont des merdes"!

    RépondreSupprimer
  7. Dépêche AFP de dernière minute :
    Suite à l'attribution du Goncourt à l'écrivain Michel Houellebecq pour son roman " la carte et le territoire ", le polémiste Eric Naulleau se serait tailladé les veines en guise de protestation.

    RépondreSupprimer
  8. Haha Anusidéral où l'archétype du mec qui invente des vies à ses interlocuteurs pour avoir une chance de taper dans le mille ensuite. Ben oui, on tape toujours dans le mille d'un ennemi qu'on a soi-même inventé.

    Je suis loin d'être un fan de Nabe (enfin artistiquement parlant si, je te l'accorde), et je ne le pose pas en référence morale, loin de là encore. Je pointe juste que son analyse du *pourquoi* du succès, français ou planétaire comme tu veux, de Houellebecq, est fort pertinente.

    Houellebecq a du succès non pas parce qu'il *décrit* bien son époque, mais parce que la *substance* même de son écriture est faite avec du jus de ce qu'il y a de pire dans l'époque : c'est fade, c'est mou, c'est rock-n-roll (oui les deux). Ça ne montre que le Laid et la manière dont il le décrit rend les gens *encore plus* laids dans la vie réelle. Et ça c'est criminel en plus d'être artistiquement discutable. Bref, c'est de la merde. Ou "je ne trouve pas ça à mon goût", pour faire plus relativiste.

    Sinon pour tes commentaires à la va-vite du dernier livre nabesque... Hum... C'est toi qui me pourfendait pour balancer un résumé wikipédia ? Le livre est un brin (un TRÈS gros brin) plus complexe qu'un recueil de mondanités.

    M'enfin bonsoir quand même.

    RépondreSupprimer
  9. Nuleau, Naze, Houebzgueg, Piaye...

    Qui sont ces gens ?

    RépondreSupprimer
  10. Bon, c'est bien tout çà, mais quand est-ce que sort le prochain "Fantômette"?

    Séb

    RépondreSupprimer
  11. Oui c'est vrai, son livre est plus qu'un bottin mondain, c'est presque un hymne à l'époque de l'enculade plume dans le cul généralisé des 70ies/debut 80, avec un coté presque Soralesque du genre "moi je me fais enculer par les noires et les arabes et j'en suis fière!".

    Quel Ecrivain ce Nabe, le nouveau Céline, vraiment.

    Dans L'homme qui arrêta d'écrire, Nabe écrit un truc du genre: "Entre les cons d'hier et les cons d'aujourd'hui, je choisis les cons d'aujourd'hui, au moins ils ont l'avenir devant eux."

    C'est assez comique qu'il ne se soit pas rendu compte qu'il fait intégralement partie des vieux cons.

    Mais sinon en gros, pour en revenir à Houellbecq, tu lui reproche de ne pas être assez festif (festif comme Nabe). Et ça c'est pas du tout la laideur de l'époque par contre.


    Sacré toi.

    RépondreSupprimer
  12. T'es obligé de tout lire avec le prisme des mêmes mots-concepts répétés à l'infini ? Dans telle sphère on répète à l'envie "fasciste", "lézeurléplusombres", etc. Mais dans une autre ce sera "festif", "mondain", "patin à roulette". Bref.

    Si tu as bien lu Murray, tu auras compris que le festif actuel n'a rien d'une fête, que l'humour actuel n'est pas drôle, que l'écologie actuelle est conçue de manière totalitaire, etc. En clair : ce sont des ersatz. Il ne dit rien d'autre que ce que disait Debord avant lui, et que ce que disait Günther Anders avant Debord, et que...

    Cela ne signifie *en rien* qu'il ne peut y avoir de vraies fêtes, de vrais rires, de Beau et de Joyeux. De vie quoi ! lol, mdr, ptdr, hihihi, kikou.

    Mais c'est tellement plus facile d'être manichéen. Soit festif, soit anti-festif, soit optimiste, soit pessimiste, soit jeune, soit vieux, soit Ancien, soit Moderne,...

    C'est creux.

    L'enfonçage de tête dans la merde, le jeté de lecteur au plus profond des Enfers, n'a d'intérêt que si on sait dans le même temps sortir la tête haute et montrer d'un doigt ferme et sincère, ce que l'on pense être le Vrai et Beau. C'est tout le propos, tout du moins un des principaux, de la Divine comédie : élever les gens, pas les enfoncer.

    Mais là encore, même si je simplifie à outrance : il est toujours plus facile de faire le mal que le bien.

    Kikou lol.

    RépondreSupprimer
  13. « Vivre au 21eme siècle et ne pas avoir lu La possibilité d'une île c'est comme vivre au 20ème siècle sans avoir lu Voyage au bout de la nuit, c'est rater le seul livre français de son siècle. »

    Houellebecq est peut-être un très fin observateur des mœurs de son temps, mais à la différence d’un Céline, il écrit à la truelle ! Il l’avoue d’ailleurs volontiers lui-même (cf entretien à la N.R.F : « J’essaie de ne pas avoir de style ; idéalement, l’écriture devrait pouvoir suivre l’auteur dans les variétés de ses états mentaux, sans se cristalliser dans des figures ou des tics »). Or, le Père Louis Ferdinand Céline se considérait avant tout comme un styliste, c’est la fameuse petite musique célinienne ( cf entretien à l’Expresse de 1957 : « Une certaine musique, une certaine petite musique introduite dans le style, et puis c’est tout. C’est tout. L’histoire, mon Dieu, elle est très accessoire. C’est le style qui est intéressant Les peintres ce sont débarrassés du sujet, une cruche, ou un pot, ou une pomme, ou n’importe quoi, c’est la façon de rendre qui compte. »)

    Je veux pas jouer les pucelles khâgneuses, celles qui se chatouillent le bonbon sur du Céline, dans les chiottes du lycée Henri IV, mais comme le disait si bien les stoïques de l’Antiquité : faut quand même pas charrier !

    Céline c’est une littérature de génie, Houellebecq... c’est de la sociologie même pas jargonnante !

    RépondreSupprimer
  14. Tellement çà!!! j'ai eut la même impression en lisant son dernier roman...
    au fait, ce type s'amuse à citer tous les lieux où j'ai vécu, sort avec des filles qui ont toutes les mêmes noms que mes ex (sauf pour le dernier roman, ou ce n'est vrai que pour une sur deux)...

    RépondreSupprimer
  15. Je lis Nabe et Houellbecq en les appréciant pour ce qu'ils sont mais je suis manichéen? Ok.

    Mais le coup du "Moi le lecteur je l'élève je le transporte vers la beauté" je l'ai entendu aussi, ben j'attends toujours vois tu. Autant je trouve ça marrant de lire son livre, autant la beauté, l'élévation tout ça, c'est un peu hors sujet.

    @Floriant: Honnêtement qui peut prendre au sérieux Céline quand il parle dans ses interview délicieuse de mauvaise foi? Quand le père Ferdinand dit "Je suis juste un styliste", c'est comme lorsqu'il dit "J'ai commencé d'écrire par ce que j'avais besoin de m'acheter une maison": il se fout de ta gueule.

    RépondreSupprimer
  16. RastaPopoulos a dit...
    "montrer d'un doigt ferme et sincère, ce que l'on pense être le Vrai et Beau."

    quel doigt?

    RépondreSupprimer
  17. Sens un par un chacun de tes dix doigts. Celui qui aura l'odeur de ton anus sera le bon.

    RépondreSupprimer
  18. Deux pois, deux mesures10 novembre 2010 à 07:35

    Ça ne montre que le Laid et la manière dont il le décrit rend les gens *encore plus* laids dans la vie réelle. Et ça c'est criminel en plus d'être artistiquement discutable. Bref, c'est de la merde.

    Céline c’est une littérature de génie, Houellebecq... c’est de la sociologie même pas jargonnante !

    RépondreSupprimer
  19. quel doigt?

    http://www.guillaume-art-gallery.com/Logos/lien.jpg

    http://www.paulvernonchester.com/images/Django/DjangoFret.gif

    http://30.media.tumblr.com/tumblr_ktmt00zK931qa6m7zo1_500.jpg

    http://farm4.static.flickr.com/3203/3062967893_667d64f06b_m.jpg

    Faut wigoler, faut wigoler, pou' empêcher le ciel de tomber.

    RépondreSupprimer
  20. @anusiseral : Et quand Rocco Siffredi se vante d'en avoir plus grosse que la mienne, tu crois aussi qu'il se fout de ma gueule ?

    RépondreSupprimer