17 août 2010

Christian Estrosi : histoire d'un dérapage carriériste contrôlé


Christian Estrosi n’en finit plus de faire des siennes. Manifestement sur le pont pour récupérer le fauteuil place Beauvau, il siège d’ores et déjà à la place médiatique qu’occupait jusqu’alors Frédéric Lefèvre, le porte-parole de l’UMP. Mué en porte-flingue déjanté, notre ministre de l’Industrie fait siffler les balles et allume les contre-feux pour étouffer dans un nuage de fumée âcre les « affaires » et surtout cette publicité potentiellement contre productive pour Nicolas Sarkozy ayant déferlé à la suite des propos du Président sur la déchéance de nationalité des délinquants. « Français ou voyou, il faut choisir », déclara-t-il sans ciller, histoire de faire buzzer en positif pour l’UMP les thèmes de l’insécurité et de l’immigration, très lucratifs pour la droite, et exploités par elle en continu en ces temps de campagnes électorales perpétuelles. Dans une interview accordée au JDD du 15 août, le hitman a continué son entreprise d’étouffement, de diversion, en nous donnant les fautifs, les coupables, les boucs émissaires de circonstance ( ?). « Il faut sanctionner financièrement les municipalités qui ne font pas leur travail de prévention en matière de sécurité. » Un vrai régal ! Une authentique plaidoirie réclamant déclaration d’irresponsabilité pour l’Etat dans l’espèce de la non exécution de l’une de ses missions régaliennes. Un vrai régal et nous lâchons le mot, une véritable entreprise de décentralisation. Nous on préfère le mot déconstruction...


Un justicier de la 7ème compagnie dans la collectivité territoriale


« Christian Estrosi perd les pédales, fulmine David Assouline. Il est devenu le chauffard numéro 1 de la politique ! » (Le Parisien du 17 août). Car il n’a pas échappé au sénateur de Paris socialiste, que « La sécurité reste avant tout une mission régalienne. » Et c’est toute la classe politique française qui rue dans les brancards. Les socialistes sont « indignés", tandis qu’au centre, Marc Fresneau, secrétaire général du MODEM se veut pédagogique, dans le cas où le ministre de l’Industrie aurait besoin d’une leçon de droit public : « Les collectivités locales viennent en appui et non en remplacement de l’Etat. » Jusque dans le camp d’Estrosi, Yannick Favennec, député de la Mayenne UMP, tempête catégorique : « C’est une atteinte à la libre administration des communes. » Les soutiens se font rares pour le ministre cumulard, également maire de Nice, Eric Raoult, maire du Raincy, qui dénonce la « cécité » des maires socialistes « face aux nouvelles réalités de la violence », ou encore François Grosdidier, maire de Woippy (Moselle), qui accuse, « Les maires socialistes refusent délibérément de lutter contre l’insécurité. » Deux commandos de choc, bons clients des médias, qui volent au secours de Christian Estrosi, qui indiquait dès ce matin sur son blog que ses propos avaient été « déformés » par le JDD. En effet, le ministre de l’Industrie y précise qu’il ne voulait pas « stigmatiser les élus locaux et surtout pas apparaître comme leur père fouettard. » Selon lui, il n’y aurait que 2 000 communes sur 36 000, « qui ne veulent pas jouer pleinement leur rôle en matière de prévention". Et Christian Estrosi en rajoute derrière une couche dans la précision : « Je maintiens que certains maires de gauche refusent par pure idéologie d’appliquer des moyens mis en place par un Gouvernement de droite. Où est alors l’intérêt général ? » En effet, la question est posée Monsieur le ministre de l’Industrie : où est l’intérêt général dans cette pantalonnade ?


Détournement d'son : "Donne-moi des balles pour la police municipale"


Il est sûr que la délinquance n’est pas qu’affaire de répression. Nadine Morano, secrétaire d’Etat chargée de la Famille, vient d’ailleurs de réclamer, par un courrier adressé à l’ensemble des parlementaires, la mise en place dans chaque commune des conseils des droits et des devoirs des familles, prévus par loi 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance. Ces conseils sont une instance consultative présidée par le maire, qui se veut une structure de concertation et d’écoute pour les familles en difficulté, réunissant l’ensemble des intervenants en matière d’action sociale, d’insertion, d’action éducative, de logement social, et de traitement de la délinquance. Notons qu’il n’y en a actuellement que 36 en France, un chiffre qui cadre mal avec ces 34 000 communes qui feraient le boulot au niveau de la sécurisation de l’espace public… Passons. Que sont ces conseils ? Un nouvel outil de concertation, de négociation, de dialogue social, de palabres en somme. Il est sûr que la délinquance n’est pas qu’affaire de répression… Cela dit, à l’heure où des policiers de la BAC indiquent recevoir des ordres leur interdisant de faire leur travail, et où chaque fait divers émergeant sur la scène médiatique met en lumière un désengagement certain de l’appareil judiciaire, on ne peut que frémir de ces nouveaux entrechats politiciens appelant à la prévention. La prévention, c’est très bien et nécessaire, mais il faudrait cesser de stigmatiser la répression et lui redonner toutes ses lettres de noblesse en matière de dissuasion, dont nous savons certes, que la sociologie a toujours clamé, statistiques à l’appui, qu’elle n’avait dans cette matière aucun traître effet… La raison d'une justice à trente deniers.


Aux utilisateurs de Facebook : ceci n'est pas une webcam


Le maire est le premier magistrat de sa commune. A ce titre, il est garant de la sécurité au niveau local envers ses administrés. Il dispose pour remplir sa mission de certains outils, au premier rang desquels la police municipale, et la vidéo surveillance. Dans les pages du Parisien de ce matin, on pouvait lire la profession de foi du Président de l’association des maires de France, Jacques Pélissard, qui indiquait qu’il ne veut pas faire du chef de sa police municipale un « shérif » et que le maire est le « garant de la cohésion sociale en France ». Le maire a une place de choix dans le tissage d’un textile social propre à garder pacifique son territoire communal. Mais c’est un travail de longue haleine et une bataille bergeraquesque perdue d’avance contre des moulins à vent (dérapage incontrôlé), tant le système pousse avec célérité la déconstruction sociale à un point critique. Comment endiguer la délinquance dans ce contexte ? Avec des caméras de vidéosurveillance, gadget qui ne cesse de démontrer toute l’étendue de son inefficacité en matière de dissuasion, mais dont la présence explose par la grâce des lois d’un marché très lucratif et du fantasme kaléidoscopique d’une société Panopticon qu'ont les tenants du totalitarisme allégé, qui se contenteront bien d’une société de téléréalité totale ? Avec une police municipale armée ? Mais voulez-vous vraiment armer des catégories C, une police sous-entraînée, police du quotidien, de proximité, du stationnement, spécialisée dans la sécurisation des défilés d'écoliers lors des fêtes scolaires ? Et avec la suppression de la taxe professionnelle, ayant opéré des coupes sombres dantesques dans le budget de nombreuses municipalités, comment réclamer à une collectivité territoriale qu’elle fasse le job sécuritaire ?


On a les chevaliers de la table ronde qu'on mérite


La décentralisation, sous l’égide de Mitterrand est apparue comme un fier mouvement de gauche, antijacobin. Elle est aujourd’hui malicieusement mise en avant, de fait, par un Gouvernement qui avoue en se défaussant de ses responsabilités sur des personnes morales incapables d’en assumer la charge, son inaptitude, voire son absence de volonté durable de pacifier l’espace public. Le but ? Que la parole du peuple balbutie pour l’éternité. Christian Estrosi ferait bien de s’occuper de son portefeuille ministériel. Avec son bilan en 2009 de 250 000 emplois détruits dans l'industrie, il n’apporte par ses saillies médiatiques qu’une nouvelle preuve que les gouvernants ne veulent plus assumer leur pouvoir, voire crescendo, qu’ils n’y ont pas d’intérêt, plus d'intérêt, ou pire, qu’ils en sont dépourvus. Lorsqu’on a une crise économique mondiale derrière laquelle se planquer, cela dit, quoi de plus naturel que de ne même plus faire semblant de bosser ?

Tout le monde se renvoie la balle... perdue. Nous continuons à compter les poings.

6 commentaires:

  1. Ne pas oublier que votre Kärcher sera toujours plus performant si vous l'utilisez de HAUT en BAS.

    Bon voyage sur Kärch'Air Lines.

    Sébastien

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  2. b, dubitatif (mais tenace)17 août 2010 à 23:37

    Finalement, le plus étonnant dans cette histoire est qu'on s'en étonne.
    Et il serait négligemment vain d'approcher ces menaces de sanctions locales avec la loi négligée qui oblige l'aménagement des aires d'accueil des novo-épouvantails en caravane, n'est-il pas ? Accusons d'une chose pour en faire oublier une autre.
    Le spectacle continue, dans sa monotone litanie qui oscille entre carotte et bâton, miam !

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  3. Avec Fredo, ils sont ceux de l'UMP que je déteste le plus. Escroc et lobbyiste.

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  4. Capitaine Spaulding18 août 2010 à 12:12

    Mouais, il faut surtout se demander pourquoi un ministre de l'Industrie ouvre sa grande gueule en matière de sécurité (?). Et pourquoi un maire de Nice cherche des noises à un maire de Grenoble. Ou de Lille. Ou de Nantes.

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  5. b, dubitatif (mais tenace)19 août 2010 à 09:18

    Dans le Canard Enchaîné, ils évoquent la satisfaction de Sarkozy aux propositions d'Escrosi. En fait, il (et Fredo, et Copé, et Balkani) sont exactement ce qui se fait de mieux à droite actuellement.

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  6. qu'estrosi tacle un peu la gauche ; rien d'étonnant c'est son job
    qu'estrosi fasse de l'esbroufe alors que nos industries délocalisent ; rien d'étonnant c'est la règle du jeu faudrait durement réformer la fiscalité le droit du travail la rémunération des travailleurs et des dirigeants la politique sociale et toute la lyre
    autant dire qu'après pas loin d'un demi siècle de je m'en foutisme et de compromis ( chose due ) ça relève à la fois du voeux pieux de la mission suicide et de la croyance surranée en l'intelligence d'autrui ( je sais pas si vous m'avez bien suivi là . au besoin je vous passe le replay )
    non y a un truc qui me gêne chez estrosi c'est son blase ; en effet il y a une assonnance avec "estrasse" qui en niçard signifie guenille et par extension mal habillé ratamar
    y a aussi sa tête ( mais dieu sait s'il n'en est pas responsable) et son accent
    ça fait beaucoup

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