20 juin 2010

France tabloïd


« Où est Nicolas Anelka ? »
Ouverture dramatique du journal d’information continue d’ITV du jour. La question Anelka occupe tout l’espace médiatique. La traque, la chasse à courre a commencé. Anelka, c’est l’OJ Simpson du moment ! Tout le microcosme journalistique buzze la rumeur sortie du vestiaire des Bleus, qui était censé, ô chimère, resté hermétique, étanche, isostationnaire, un sanctuaire impénétrable, un blockhaus, un abri, contre les assauts de la société de l’information : « Va te faire enculer, sale fils de pute ! » Le feu aux poudres médiatiques après la « débâcle » footballistique. Pour Patrice Evra, le capitaine de l’équipe de France, il faut « trouver le traître », soit le sale collabo qui a balancé le pioupiou Anelka aux chiens de la preSSe. Alors qu’il y a bien des problèmes en France, que les sinistrés du Var pataugent dans la boue et les cadavres, les charognards à carte de presse nous font une nouvelle fois la démonstration de leur soumission au pouvoir marchand, en se repaissant d’une histoire narcotique et stupéfiante presque sans importance…


Retrouvez la playmate en page 3 du tabloïd


Presque sans importance, car le foot, c’est l’opium du peuple postmoderne. Panem et circensens ! Le stade de foot, cette simulation d’arène, dans laquelle n’entrent pas des gladiateurs, malgré ce que veulent nous faire croire les bandes originales à tambours et trompettes et les simulacres textiles d’armures, maillots moulants à virgule ou bandes parallèles, mais bien des acteurs, des acteurs du Spectacle marchand. Les joueurs de foot sont un premier rôle sur la scène de notre réalité théâtralisée. Tous les 2 ans, particulièrement tous les 4 ans, ils sont les têtes d’affiche de blockbusters mondiaux.


Casting


En France, le foot est devenu un instrument politique très puissant. Date clé : le 12 juillet 98, le jour du sacre, de la première étoile de champion du monde. 98, puis 2000 et la victoire au championnat d’Europe des Nations. C’était la France black blanc beur, celle qui gagne. Pour tous les amoureux du foot, 98 résonnait pourtant autrement. C’était la vengeance de France 82, la justice pour la génération Platini, Giresse, Tigana, Battiston. France Allemagne 82 : une cicatrice dans l’inconscient collectif français, un choc pour toute la Nation, comme la 3ème mi-temps des deux guerres mondiales ayant dévasté le XXème siècle (attention lyrisme !). Pourtant, France 98 se révéla tout de suite comme un écho dégradé de Séville 82. France 98 ne consacrait par la Nation française, mais un amalgame cosmopolite de communautés vivant en France...


Les derniers hérauts de la Nation


Le foot est l’une des dernières occasions où l'on tolère un peuple français chantant la Marseillaise et brandissant des drapeaux tricolores, les symboles de la Nation, celle qui s’est battue pour et bâtie sur des idéaux nobles de liberté, d’égalité et de fraternité (dont on sait ce qu’ils sont devenus), censée survivre transhistoriquement par l’hymne et les couleurs. Pourquoi ? Car le peuple a été privé de l’usage de ces symboles par toute une classe politique dont le fonds de commerce est une stigmatisation systématique, fasciste, nationaliste, populiste, des emblèmes nationaux, à fins de séparation, afin d’asseoir son pouvoir et le règne de l’argent et du profit. Dès 98, tous ces symboles n’étaient plus que les colifichets de véritables kermesses nationales. La France black blanc beur, c’est l’enterrement de la France par la promotion de la diversité, c’est la Nation introuvable, car définie par un amalgame de communautés sans unité et sans plus aucun symbole pour se rallier. Petit clin d’œil : la France black blanc beur, c’est la colonisation qui finalement avait bien des avantages… La promotion de la diversité est un racisme comme les autres. Non, il est bien pire, car insidieux et intouchable. Pourtant, 98 est bien la théorisation entérinée de l’identification par la différence, de la séparation par la différence. La France black blanc beur, c’est une construction qui prenait acte de la déconstruction ; il est bien normal, qu'à l’ère des minorités visibles, la majorité devait forcément, elle, devenir invisible...


Homme sandwich


Le foot est le sport le plus populaire du monde. C’est donc le sport qui brasse le plus d’argent : audimat, merchandising, prix des transferts, salaires des joueurs, contrats publicitaires, ce sport est depuis vingt ans livré en pâture aux faiseurs d’argent. Il est irrémédiablement corrompu, laissé à l’abandon des antivaleurs de l’argent en inflation constante. Les Bleus de 2010 en sont la plus parfaite expression : hommes sandwichs, champions de la liberté de circulation des travailleurs et des capitaux, véritables rockstars aux tronches gonflées à l’hélium, coupés du réel et des gens du quotidien, proies des tabloïds, des putains de pipoles milliardaires comme les autres, des apatrides fiscaux !
Faites l’addition : extermiNation et règne de l’argent, ne peuvent que mettre en exergue l’abominable hypocrisie de tout le consortium médiaticomalpolitique, qui demande tous les 2 ans, à l’occasion des tournois internationaux de foot, une démonstration de patriotisme et une mise en marche des valeurs assassinées d’une Nation française en état de décomposition avancée.


"On joue pour l'amour du produit"


Le foot est donc important, et intéressant à plus d’un titre. On ne peut le nier, quand on constate à quel point nos Bleus 2010 sont tout bonnement haïs par l’homme de la rue. Mais tout cela est-il suffisant pour expliquer le véritable délire médiatique actuel ? Les journalistes, dont l’un des nouveaux marronniers est le problème Internet avec ses rumeurs lancées par les délinquants anonymes et ses buzz, ont manifestement perdu tout sens de la mesure et du raisonnable, au point de ne pas avoir conscience d’avoir entièrement basculé dans l’hystérie tabloïd, celle des rumeurs, des scandales, des trottoirs et des poubelles, des feuilletons à peine dignes du pire soap opera guatémaltèque, du buzz. La grosse différence, c’est que le buzz journalistique fait fi de l’importance de l’information (on ne parle pas des buzz de vidéos de petits chats sur Internet hein). Plus elle est insignifiante et plus elle est buzzée d’une seule voix. Le buzz journalistique est relativiste et il bloque systématiquement tout surgissement potentiel des réelles questions de société. « Où est Nicolas Anelka ? » On s’en bat l’œil ! Le Mondial et les scandales des Bleus, qui viennent de se mettre en grève d’entraînement (ils étaient déjà manifestement en grève de jeu), sont servis sans retenue à une opinion publique grabataire d’être ainsi gavée de vide. Les journalistes buzzent et allument grossièrement feux et contre feux pour alimenter la chaleur des ventes, le tintinnabulement des pièces qui rentrent dans le tiroir-caisse, et affermir toujours plus avant les conditions du vacarme, propice à parasiter et enfumer les cerveaux devenus lents. Nous devrions recevoir des leçons de morale de ces tristes pitres ? On reste coi devant la hiérarchisation actuelle et le traitement de l’information, qui manifestent clairement la soumission, la servilité, la prostitution, de tout le 4ème pouvoir au Marché et à ses lois. Les journalistes à carte de presse sont des tapins. Ils se sont vendus corps et âmes. Eux n’ont sûrement pas la légitimité pour critiquer un Ribéry qui va aux putes, ou pour nous jouer les airs d'opéra du prolétariat.


A l'époque des sphères imparfaites, ça tournait rond


Anelka, c’est l’affaire du collier d’la Reine, c’est le Watergate ? Comprenez, un joueur de foot est un exemple pour la jeunesse ! celle des banlieues naturellement, celle qu'on drague. A ce titre, il doit être exclu à vie du groupe France pour manque de respect caractérisé, langage grossier, incivilité ? Mais quel était cet exemple d’individualisme, de narcissisme, de choix de l’exil fiscal, de conversion à l’exogène français ? Il serait peut-être temps de faire de vrais exemples, mais dans le Réel (casser les délinquants dans les prétoires par exemple).
L’équipe de France est bien à l’image de sa société : c’est un théâtre des opérations microcosmique qui cristallise les conflits qui gangrènent la France. Eric Zemmour refuse le raisonnement a contrario de la France black blanc beur qui gagne : la France black blanc converti qui perd. C’est pourtant peut être bien là l’occasion de se poser les bonnes questions sur la véritable faillite de la France.

8 commentaires:

  1. rien à redire
    ha si !
    j'ai pas la télé
    j'aime pas le foot
    j'emmerde les sporteux (courtesy from winston churchill)
    je lis pas les journaux
    je suis associal et psychiatrique
    et je m'en trouve fort bien

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  2. b, dubitatif (mais tenace)20 juin 2010 à 23:06

    Ce qui me chiffonne dans cette (analyse ? Prise de position ? Dithyrambe ? ) c'est que vous oubliez de préciser que le footbal est ici plus un symptôme qu'une cause ; et que les "pauvres" joueurs n'en sont que des instruments.
    Que finalement ceux qui vont promouvoir l'état-nation sont les mêmes qui vendent les joyaux de la couronne à leurs amis aux affaires. Que Anelka et ses parents sont parfaitement français, de Martinique. Il n'est pas beur. Ni Ribery. C'est quoi, alors, qu'il faut ? Le teindre en blond ?

    Après, certes, le brassage médiatique est risible, et se dégonflera vite en trouvant un autre prétexte. Mais qui a jamais vraiment cru à la découverte de la vérité, ou même d'un fragment de la réalité, dans un journal ? Qui vit de publicité ?
    Ce n'est pas un complot, mais, globalement, la presse et le politique fonctionnent complémentairement à entretenir le status quo, pour que jamais l'équilibre des forces politique et économiques ne change vraiment.
    Et la séparation est un des outils : on sépare les informations, on les tronçonne à les rendre illisibles (vous suivez le procès Kerviel ?) ; on détourne du réel, on dévalue et on réévalue au fil du temps pour que l'évaluation elle-même perde son sens.

    Et en plus, on, c'est personne et c'est tout le monde.

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  3. Perso, le 12 juillet 1998, j'ai su à quoi ressemblait l'enfer, une horde de neu-neux avec des drapeaux, des klaxons et un sourire extatique, ad libitum

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  4. il est intéressant ton com Dubitatif. ta réflexion concernant Anelka, ça m'a fait réfléchir, sachant que j'ai pas vraiment développé ce point. Je pense que le problème vient du concept de France black blanc beur. J'ai ajouté quelques précisions concernant mon propos à ce texte dans le 4ème paragraphe et la conclusion.
    Et en plus : "Et en plus, on, c'est personne et c'est tout le monde.", ben ouais.

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  5. C'est sûr que la France black blanc beur, c'était tout sauf un rassemblement.

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  6. Ah on ne cesse de toucher le fond : y vont jusqu'à parler de la question Bleus à l'Assemblée nationale ! Ah la belle affaire d'Etat ! Et ça propose une commission de déontologie ! Tu m'étonnes, savent faire que ça faire des commissions ! une commission de déontologie putain, c'est incroyable d'insanité... Tout ceci est obscène. Citons Roselyne : "c'est un désastre".

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  7. Une petite ou une grosse commission?

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  8. une grosse ! Entendre Bachelot fustiger la langue de bois des footeux, c'est savoureux ! Mais ils n'arrivent pas à la cheville du ministre umpien lambda !
    L'entendre justifier la position de l'absence d'ingérence politique dans les affaires de la FFF, vraiment indigeste par contre : "J'ai dit que Jean Pierre Escalope devait démissionner, comme tout le monde ici aurait pu le dire". Encore une qui se rappelle qu'elle est ministre quand ça l'arrange, plutôt à chaque fois qu'elle a bouclé le tour de son bocal. Prions pour que la FIFA exclut l'équipe de France pour 4 ans. ça nous délassera de toutes ces conneries.

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