30 mars 2010

L'esprit de la rue


Il y a deux ans, Frank Miller a fait une adaptation du Spirit, de Will Eisner, au cinéma. La mort avait cueilli Will Eisner peu de temps avant, et lui aura épargné, bonne fille, de découvrir ce qu’un esprit malade pouvait faire de son œuvre. Rien, absolument rien de l’humour et de la poésie du grand Will n’a été compris par Miller, ni sauvé du naufrage. Mais l’auteur d’un tel film ne mérite pas la moindre chronique : il mérite la guillotine.

Will Eisner n’a pas dessiné que le Spirit, même si c’est son œuvre la plus connue. Il a aussi, entre autres choses, inventé le roman graphique, tout simplement. En 1978, il fait paraître A contract with God, qui montrera la voie d’un genre enfin mature à ces attardés de dessinateurs de B.D. et qui leur permettra enfin de revendiquer le titre d’artistes majeurs sans trop de vergogne.
Pour moi, il est surtout un graphiste fascinant, celui qui a su fixer le mieux l’ambiance de la rue new yorkaise, du moins celle de son époque, notamment dans son Big City en cinq tomes. La rue populaire, sale, animée en permanence, lieu de scènes banales ou de drames, des jeux d’enfants et du quotidien, la rue des foules besogneuses avec ses papiers gras, ses poubelles débordantes, ses escaliers refuges pour des vies ancrées au bitume.
Pour illustrer l’univers de Will Eisner, je choisis un autre chef-d’œuvre, qu’Eisner n’a pu ignorer, In the Streets (1948), tourné dans le Spanish Harlem par Helen Lewitt (assistée de Janice Loeb et James Agee), morte il y a tout juste un an, le 29 mars 2009, presque centenaire. Comme Will Eisner, Helen Lewitt décrit un petit monde particulier avec tant de sincérité qu’il en devient universel. Et le dernier plan en dit long sur ce qu’elle avait compris, alors, du temps qui passe.



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