30 décembre 2009

Ecole buissonnière


L’imagination est au pouvoir en France. Le mot d’ordre de mai 68 est opérationnel. Sarkozy est bien « le premier Président situationniste », comme le titrait, au lendemain de son élection à la charge de Président de la République française, l’obséquieux canard à foie gras cirrhosé le Figaro. Mais de quel situationnisme s’agit-il ? De quelle imagination est-il question ? « On peut garder le nom quand la chose a été secrètement changée », avertissait Debord... L’imagination d’aujourd’hui, c’est un songe matérialiste, un rêve à étiquettes, un cauchemar de logos pour gogos ! L’imagination, amputée de la poésie ! Pour une masse de culs de jatte qui batifolent dans la boue des basses fosses ! Figures imposées, chemin balisé, esprit encadré, hameçonné, enferré. L’imagination camisolée ! Le rêve en 3D, c’est un rêve à la portée des caniches ! L’imagination est au pouvoir, par le biais du manque : c’est le règne du manque d’imagination. Et tout est mis en œuvre pour qu’on en reste là. L’imagination réifiée, c’est toute la société de consommation qui crie « Banco ! » Asimov avait flairé la mouscaille : « un robot est-il capable de rêver ? » Il n’est aujourd’hui de durable que dans la soumission…


Cauchemar de DRH


La France achève sa phase de mutation. Paris, ville lumière, ville musée. Enluminés les monuments tombés en tombeaux ! La Province, dans sa globalité, suce la roue de la capitale, avec ses régions, véritables tiroirs à terroirs. La morgue ! Les folklores sentent le formol ! Des cartes postales, en veux-tu, des destinations touristiques, en voilà ! Les industries ferment, le monde paysan crie famine : on garrotte, on étrangle, on égorge, ça dégorge dans les égouts, « on cabosse, on désosse, on tabasse », ça s’entasse dans les décharges, on débauche, en un mot : on massacre. Et tous les cris sont contrefaits en hourras ! Des vivas pour le Progrès et son hygiénisme inhérent au travail tertiaire ! La France avance les mains propres, des petits souliers vernis aux pieds ! La société de services ! Les affres de la spécialisation économique ?… La France avance, en se mettant au service ?! Une couille dans le potage, mais là est une autre histoire. Pour être efficiente, cette société de services n’a besoin que d’une seule chose outre de l’énergie : des serviteurs dévoués. On a donc donné les clés de la l’Education nationale aux DRH. Circulez, y’a plus rien à (sa)voir !


Salle des professeurs


En 2009, nous avons senti comme une nette accélération du mouvement de déconstruction de l’école de la République, déjà moribonde : payer les élèves pour qu’ils aillent à l’école, supprimer l’histoire dans les terminales scientifiques, et aujourd’hui, selon les suggestions de l’inénarrable député de Seine-Maritime Françoise Guégot, envoyer les professeurs faire des stages en entreprise (!!!)… La question sous-jacente qui transpire dans cette nouvelle provocation à l’intelligence, censée traduire un réel intérêt pour la jeunesse, victime sempiternellement sacrifiée sur l’autel du chômage : l’école est-elle la théorie de l’entreprise ? Ou bien encore, l’entreprise est-elle le lieu exclusif de la mise en pratique des connaissances théoriques acquises à l’école ?


Professeur Foldingue


L’objet de l’école républicaine, jusqu’à ce qu’on ait prochainement achevé de nous démontrer le contraire, n’est pas de former des travailleurs, mais de former des citoyens, des hommes et des femmes instruits, qui deviendront par la suite des travailleurs. Sa raison d’être est de transmettre le savoir, et non pas des « savoir faire », encore moins des « savoir être ». Naturellement, plus on est assidu à l’école, et plus on a, a priori, de chances de s’élever socialement, c'est-à-dire de gagner en perspectives professionnelles, de lorgner sur le haut du panier sociopro. L’école n’est pas hermétique à l’entreprise, mais le danger se situait là : « Si tu travailles bien à l’école… ». Le matérialisme et son cortège de cynisme sont arrivés à bon port. C’est la bonne vieille règle de Troyes : l’école est en passe de devenir la parfaite antichambre de l’entreprise.


Françoise, renvoyez Darcos à l'école apprendre sa règle de 3


Le processus de détournement joue sur la corde sensible, hyper sensibilisée en contexte de crise socioéconomique : l’emploi. L’emploi, c’est le salaire, le salaire, la condition sine qua non de sur-survie dans notre société de consommation. Sans salaire, c’est le supplice de Tantale ! Avec, c’est le tonneau des Danaïdes à vider ! De quoi vous somnambuliser la tronche ! C’est la quête cancérigène mais ludique du tarissement impossible ! Un combat perdu d’avance contre la corne d’abondance vitriolisante de la marchandise en marche de derrière ses vitrines pornographiques à lécher ! Quand on lèche, on bave... Oh oui, on en bave de les lécher les vitrines…


Je m'achèterais bien une paire de grolles moi...


C’est la crise. Le chômage est une catastrophe ! Alors c’est comme ça ! Faut du remède de cheval, de l’expédient carabiné ! Une cure de caramélisation ! L’école est trop déconnectée du monde de l’entreprise ?! Elle ne forme pas assez efficacement les employés de demain ?! Sacré euphémisme quand on sait que dans certains collèges de France, le redoublement n’a plus cours, y compris en cas d’illettrisme aggravé. On entend gueuler qu’il faut de l’adéquat ! Dégueuler, que les entreprises ont besoin d’opérationnel cash ! Les temps sont durs ! La concurrence est mondialisée et vit à l’heure du maintenant perpétuel du temps réel ! Il faut agir ! Réformer l’école ! L’adapter à la nouvelle configuration globalisée ! Y’a plus le temps pour du temps mort ! Le niveau baisse ? L’alibi inattaquable pour la marée montante de la précarisation des esprits : l’employé docile doit devenir l’alpha et l’oméga de l’école. Il faut tuer l’humain en l’homme. Et voyez : le citoyen d’aujourd’hui n’est plus qu’un ectoplasme qui a troqué ses convictions pour des avis, qu’un gastéropode à code-barres, qu’un électeur gélatineux à carte, qu’un spectateur qui croit encore qu’il vote quand il ne fait qu’applaudir les artistes en strass du Spectacle organisé !


Tri sélectif


L’université doit devenir autonome ! Et son autonomie trouvera sa plus parfaite consécration dans sa sponsorisation par les entreprises. Le master de droit du travail EuroDisney de l’Université Paris V : le vrai moment du faux bac + 5. Paf ! La formation en alternance est la solution miracle au chômage ! Pif ! Les BTS MUC, NRC, ESF, BTS de tourisme, en alternance, c’est la panacée : deux jours par semaine à l’école, le reste du temps à être robotisé par les croquemitaines du monde de l’entreprise ! Du prêt à embaucher ! Du prêt à licencier ! De la bonne chair à canon patronale ! Du désorienté orienté, alpagué, enchristé ! Ces BTS, c’est de l’alchimie en barre pour tous les décérébrés incultes que vomit l’école chaque année ! De plus, les centres de formation proposent des formations dites supérieures en alternance jusqu’à des sommets de bacs + 7 ! Des bacs + 7 en alternance !!! L’outrage ! Quand on sait la manne ! C’est le jackpot ! Y’a pas de petits braquages ! Y’a pas de petites arnaques ! Pas de petits larcins. Surtout quand on peut développer l’embrouille à grande échelle grâce au feu vert des politiques… Les cow-boys RH de l’enseignement saignent les cobayes de la génération Y. Et ça ne fait que commencer…


Le monde de l'entreprise : l'attaque des clones


L’école ne forme pas assez efficacement au monde de l’entreprise ? Alors l’entreprise prend le contrôle de l’école. Du coup, naturellement, pourquoi ne pas les payer les élèves pour qu’ils daignent enfin faire acte de présence ? N’est-ce pas là une préparation parfaite à leur futur d’employés responsables et autonomes, préposés à la photocopieuse ? Et pourquoi pas les supprimer des cursus toutes ces connaissances futiles et même encombrantes pour faire de l’homme un parfait petit OS du tertiaire ?! Un homme sans passé, quoi de plus malléable ?! Et pourquoi pas les envoyer faire des stages commandos en entreprise nos petits professeurs, pour les aider à enfin réellement prendre la mesure de la bêtise de leurs prétentions désuètes à transmettre le savoir ? L’entreprise ne veut pas du savoir ! Elle veut des compétences, du prêt à exploiter.


Félicitations pour ton BTS en alternance !


Les DRH de la politique du type de Françoise Guégot sont les petits kapos des patrons, les fieffées sentinelles des marchands du Temple. Ils n’ont pas pour tâche d’aider leurs concitoyens, de faire avancer la société, mais bien d’accélérer la décomposition des individus pour optimiser les flux de consommation. Il n’y a pas de place pour l’homme dans la société qu’ils nous mijotent. La réflexion doit y être abolie. Les choix doivent y être instantanés, et si possible simultanés. Ils nous vendent leur gamme de choix imposés, leurs forfaits de solutions toutes prêtes. C’est facile ! Leur orientation, c’est une direction qu’ils vous obligent à prendre, quelque soit le sens, bien souvent même, en dépit du bon sens. On s’égard ! Tous azimuts ! Le bagne allégé est en marche. Dans le monde des ressources humaines, tout n’est qu’une affaire de gestion des flux.

6 commentaires:

  1. Sans compter que les nouveaux enseignants, et ceux à venir, sont formatés par cette culture de l'entreprise...Que peuvent-ils transmettre puisqu'ils ne savent rien? Ne rien savoir, c'est ce qu'on leur a appris. Nous autres enseignants, nous sommes des managers...

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  2. Fort beau texte, ma foi, auquel on aurait envie de mettre... 20/20!
    Et à quand les stages d'immersion en village sub-saharien pour s'imprégner un peu plus de la culture des élèves?

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  3. On en est plus bien loin...

    "Nous autres enseignants, nous sommes des managers..." y parlaient pas d'envoyer les profs en stages de gestion de la violence dernièrement ? Psychothérapeutes à plein temps déjà...

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  4. Et tout cela en utilisant l'énorme levier (!!!) féministe qui adopte la position "jambes écartées", femme et homme-objet bien entendu, quelle expression ô combien "adéquate"!

    C'est bien écologiste comme pensée....Les vers de terre repeuplent la terre.

    Sébastien

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  5. C'est vrai qu'il est plus important de former des intellectuels complètement utopiques d'un côté et laisser des élèves de côté dès qu'ils n'arrivent pas à suivre et que seuls les "riches" pourront offrir des cours particuliers pour leurs permettre de rattraper leur retard...

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