8 juin 2009

Analyse du sondage 2



- Allo ?
- Allo, qui est à l’appareil ?
- Je vous demande pardon ?
- Ch’parle à qui, là ?
- Mais cher monsieur, dois-je vous rappeler que c’est à celui qui appelle de se présenter le premier ?
- Ton nom, sous-fifre !
René Jacquot posa le combiné sur ses genoux et interpella Paracelse, qui était plongé depuis seize jours dans la rédaction de sa somme sur les techniques de manipulation mentale dans l’Amérique maccarthyste.
- Para ! Y’a un grossier personnage qui refuse de s’identifier ! Dois-je continuer l’entretien ?
- Dis-y donc qu’il aille sucer des queues sur les pentes du Sacré Cœur !
- J’oserai jamais…
- Passe-moi ça !
Paracelse vida son verre d’un trait (Knockando 1988 un peu trop chaud), se saisit du téléphone et y hurla d’emblée une bordée d’injures principalement orientées autour des ascendants féminins du correspondant indélicat. Pendant la première salve, pourtant brève, René Jacquot eut le temps de noter quelques unes des horreurs proférées sur son carnet, tout en riant de cette si pittoresque gouaille.
- Donc maintenant, pompeur de nœuds à la volée, tu vas nous dire qui t’es où je te balance une cyber-fatwa de derrière les fagots !
- Je suis Olivier Besancenot, ça te dit quelque chose, fachiste ?
- O… Oli…Besancenot ? LE Besancenot ? L’endive ?
- Elle-même, et j’exige de parler au responsable du sondage qui m’a mis en cause !
La dernière fois qu’on avait vu Paracelse se marrer autant, ce fut après la lecture d’un article du blog « Vérités féroces, éclat de l’esprit » traitant du peuple et de l’élite. Il ruait de plaisir, le Para, se tordait les amygdales dans un bruit d’avion au décollage, ça faisait fendre les carreaux des fenêtres et fuir Führer, le chat mascotte que Todomodo nous avait laissé en pension pendant son exil outre marin. Alertés par les stridences, l’Amiral et K firent irruption dans le bureau, un Beretta au poing.
- Putain, on tue ici, ou quoi ?
- K ! veux-tu ranger ce calibre ! ordonna René, soudain redevenu l’organisateur méthodique et rationnel qu’il était depuis la fin des années Giscard.
- OK, mais keskispass ?
- On a Besancenot au téléphone.
- Et y veut quoi ? Y cherche les coups ?
- Nan, y veut en donner !
A cette réponse, l’aréopage partit de plus belle dans une envolée d’esclaffes à tout rompre, se tapant sur les cuisses et pleurant des larmes d’hilarité à s’en faire péter les paupières. Le sol n’était plus qu’un terrain de jeu où roulait des corps tortillés de joie. A l’autre bout du bigo, on entendait glapir des insanités.
- Fachistes ! Bourreaux ! Bourgeois ! Lycéens !
René Jacquot essaya bien de répondre à ce flot haineux, mais en vain : les rires le faisaient hoqueter comme un vieux moteur de Juva 4, lui interdisant toute prononciation correcte. C’est à ce moment précis que Gabriel Fouquet fit son apparition, accompagné d’une jeune Tchèque d’1M85 au bas mot. Devant la splendeur, les rires cessèrent, les tas se défirent, un peu de tenue revint dans la scène. La Tchèque ôta le manteau de fourrure des épaules de Gaby, et lui alluma une cigarette. Le boss, qui avait tout compris sans avoir à poser la moindre question (il est comme ça), pris le combiné rougeoyant.



- Gabriel Fouquet, je vous écoute.
- Ha, enfin ! C’est pas trop tôt ! Je dirai partout la façon dont vous traitez les responsab’ politiques, au CGB.
- Tut, tut… on se calme, et on dit poliment ce qu’on cherche.
- Eh bien, c’est simple, je veux que vous retiriez immédiatement de votre site le sondage me concernant !
- C’est déjà fait. On a les résultats.
- Ha ? Et que disent-ils ?
- Que vous êtes un gros naze.
- Mais encore, avez-vous du neuf ?
- Voui. On y parle de votre avenir.
- Le Grand Soir ?
- Non, le cinq à sept. Votre avenir dans le 9-3… Vous n’êtes pas homophobe, au moins ?
- Pas du tout, au contraire !
- Ça tombe très bien, mais j’me comprends… Et Joey Starr, vous aimez ?
- Je le kiffe à mort ce type ! J’l’ai dans la peau !
- Eh ben comme ça, il n’aura pas beaucoup de chemin à faire, mais j’me comprends.
- Patron, intervint l’Amiral, j’ai Jérôme Jaffré sur la ligne 2, il dit que s’il y a un commentaire à faire sur un sondage, il est dispo.
- Envoyez-lui K, et qu’on en parle plus !
K sortit de la pièce comme un possédé, marchant littéralement sur DT qui pionçait dans le couloir. En se penchant par la fenêtre, on put le voir s’évanouir à l’horizon sur son célèbre vélo en tungstène, qu’il menait à une allure folle sous l’empire de l’enthousiasme.
- Bon, Besancenot, vous allez arrêter de nous déranger, on a des trucs importants à faire. Le sondage a été un succès, des centaines de lecteurs y ont répondu, et pas des branques, votre affaire est faite et votre avenir assuré. Vous allez finir poussah dans un loft luxueux, dans un très bon arrondissement de Paris, avec une retraite de sénateur socialo, et vous passerez vos journées à astiquer des manches moirés dans la banlieue que vous connaissez si peu. C’est scientifique : c’est le peuple qui le dit.
- Mais qu’est-ce qu’il y connaît, le peuple ? Où t’as vu qu’il prévoyait l’avenir, le peuple ? Qu’est-ce qu’on en a à battre de ce qu’il croit, le peuple ?
- Eh ben…
- Le peuple, ch’t’en foutrais moi, du peuple. Pourquoi pas organiser des élections, tant que vous y êtes ? Pourquoi pas écouter la majorité, tant qu’on y est !
- Oh, du calme, on n’est pas dans un AG d’université en grève, ici ! Ici, quand je parle, la majorité, c’est moi ! (il est comme ça, le chef)
- Ecoutez-moi, bande de sales capitalistes (à ce mot, l’ensemble du staff cégébien se refout par terre à se tenir les côtes), si vous n’arrêtez pas toud’suite, je dis bien toud’suite votre propagande populiste nauséabonde et les attaques contre ma personne, je balance l’affaire à CSP, qui saura bien vous faire rendre gorge !
- Ha ! ha ! Hou ! Hou ! Wahaha c’est trop !
- Attention à vous, moustiques, j’ai l’ensemble de la jeunesse derrière moi !
- Alors, te penche pas trop, hé joufflu, ça pourrait devenir dangereux ! Et je te rappelle que t’as même pas fait 5% dimanche, 5% des votants, c'est-à-dire personne…
Soudain, des coups de pieds dans la porte ! celle-ci est enfoncée à coups de bélier et seize supergendarmes irruptent dans la pièce (on aperçoit, en un éclair, le corps menotté de DT, qui continue de dormir dans le couloir comme si de rien n’était, en faisant des bruits avec sa bouche). Ils crient des ordres absurdes comme dans Navarro ;
- Police ! que tout le monde se rende ! vous avez le droit de garder le silence et tout ce qui sera retenu… non, tout ce qui sera dit contre vous… non, police ! gardez le silence sans parler… non, merde ! fermez-là ou je bute le premier qui file !
Solide comme une colonne dorique, Gabriel Fouquet se plante face au flux des vaches, et ordonne qu’on le respecte. Cent gifles le ramènent à la banale réalité policière de ce pays. Aussitôt tombé, un autre le remplace : Paracelse.



- Arrière, bande de fions troués ! c’est le CGB qu’on assassine !
Un gros flic lui saute dessus, mais Para l’esquive, le laisse tomber au sol et le savate façon années 90. Un autre superpoulet veut l’endoffer mais se casse la gueule tout seul, erreur qui ne pardonne pas face au ninja maison : kakato geri, et on passe à aut’ chose. Tout en distribuant les ramponneaux, Para interroge ses victimes (qui se succèdent sous la raclée). Souvent, elles n’ont pas le temps de saisir la question et s’effondrent avant d’avoir pu comprendre leur erreur. Bientôt, la pièce n’est plus qu’un amas de tenues bleutées remplies de muscle inutile. Sous trois cognes endormis, l’Amiral râle. Enfin, il ne reste plus qu’un seul bleu debout, un tout mince avec de grand yeux. On dirait un faon. Para s’approche de lui en se tapant son poing dans sa paume (oui, je sais, il en fait beaucoup).
- Maintenant, tu vas nous dire pourquoi vous avez débarqué chez nous, et qui vous a rencardés…
- Hé, ho, je suis juste un exécutant, hein ? N’allez pas croire qu’il y ait quoi que ce soit de personnel entre nous !
- Si tu réponds pas, connard, il va y avoir des trucs tout à fait personnels entre nous, fais-moi confiance. Et y’a K qui va pas tarder à revenir… Alors, qui ?
- L’Elysée ! C’est l’Elysée ! On a des ordres : on protège Besancenot contre les méchants !
- Comment ça ? C’est Sarko qui veille sur la Quenelle rouge ?
- Voui m’sieur. Le Patron a dit que Besancenot était son plus fidèle allié contre la gauche progressiste (à ce mot, même DT se réveille, part d’un grand rire fou et… se rend compte qu’on lui a passé les bracelets). Donc il faut pas l’asticoter, faut le ménager et lui faire une place. C’est tout ce que je sais.
Tout le monde est coi. Après l’hyperviolence, le silence règne. Devant l’incroyable, on reste stupéfié (faut dire que 85% des personnes présentes ont été assommées, ça favorise le calme). Puis, dans la pureté sonore, on se rend compte que le téléphone est toujours décroché, et qu’il en sort un son, comme une mélopée. Para le porte à son oreille : Besancenot est en train de chanter
- ...C’est la lutte finale, groupons-nous et demain, l’Internationa – aha- ale, sera le genre humain !

14 commentaires:

  1. Un grand 22/20 ! Je me suis bien poilé. Tout le monde y est plus vrai que nature.

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  2. Vous avez raison de prendre les devants. On sait jamais ce qui peut arriver. Comme je dis toujours, mieux vaut prévenir que guérir ! De toute façon, ils lui passent tout au facteur. Rien que sur la vidéo de Mozinor y en avait au moins pour un demi-siècle de smic en PV.

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  3. Clap clap clap Beboper es grande. Enorme ce texte.

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  4. Paracelse fait du viet vo dao ?!

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  5. Eyh bé, çà mitonne sec...

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  6. " Paracelse fait du viet vo dao ?! "

    J'en ai réellement fait pendant un an, mais je devais avoir 16 ans. J'ai fait 7 ans de karaté style Wado-Ryu aussi.

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  7. Excellent !!

    Vivement la fin du sondage actuel, que tu nous fasses part de ton analyse...

    Par contre, vendredi soir, au dojo du professeur Fouh Ki, à notre cours obligatoire de krav-maga, Skymann, Lestat, le Great Boddicker et moi, sans parler de Führer, avons un petit mot à te dire, rapport au fait de ne pas figurer dans si bonne production...

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  8. Vendredi soir, chuis pris : j'ai cours d'andouillette à la crème (7ème dan)...

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  9. Ah!moi j'ai un cours de quenelle-fucking au TMO...Ça vous dit A.rnaud?

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  10. Ahmed Yayassassine9 juin 2009 à 13:54

    "quenelle-fucking au TMO"

    N'y allez pas A.rnaud ! C'est doré comme du halâl, mais ce n'est pas du halâl !

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  11. "Par contre, vendredi soir, au dojo du professeur Fouh Ki, à notre cours obligatoire de krav-maga, Skymann, Lestat, le Great Boddicker et moi, sans parler de Führer, avons un petit mot à te dire, rapport au fait de ne pas figurer dans si bonne production..."

    Surtout que même moi j'y figure alors que j'en branle pas une (en même temps pour le coup c'est bien représenté...), c'est injuste !

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  12. "quenelle-fucking au TMO"

    Je comprends maintenant pourquoi Beboper ne viendra à notre séance de krav-maga....

    Gaby et Fouh Ki sensei ne vont pas être contents...


    @JLH et Yayassassine :
    vous croyez vraiment que le philosémite ultra-libéral, grand supporter de Tzipi Livni, que je suis, mettrait ses délicates petites pattes en pareil lieu de perdition, avec Dieudo, Hasek et sa clique ?


    @DT :
    Führer s'occupera de réparer pareille injustice...

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  13. Ce genre de texte, ca devrait filer tout droit dans une categorie "Best of the Best". Et gloire a Bebop.

    Bon, sur ce, je retourne dans la montagne japonaise faire mes exercices avec Sangoku.

    Bah ouais, faut au moins ca pour rivaliser avec les techniques de ninja de Para...

    Clarence, regime tofu avec David Douillet

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  14. http://4.bp.blogspot.com/_t0ohornGFFM/Si18zv5OutI/AAAAAAAABCU/KnsFzLdNOW0/s1600-h/Besancenot2.jpg

    Il est jeune encore, il comprends pas tout ! J'me souviendrais toujours le jour où je lui ai dit que porte-parole et patron c'était pas la même chose, vous auriez vu sa tronche...

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