2 mars 2009

Du nimportelaoik dans la lucarne

Du nimportelaoik dans la lucarne

Une nouvelle de Paracelse



Alexandre Grocelaiche, animateur de télévision avec le vent en poupe et la déontologie en berne, recevait dans son talk-show assermenté, Georges Michel, un philosophe et essayiste, et Mickaël Youpin, un humoriste.
La première partie de l’émission se déroulait en compagnie du mandarin de la pensée, venu présenter son dernier brûlot contre le post-modernisme et sa dévastation culturelle. Son livre désapait chaque parure de la culture contemporaine, ainsi que l’intoxication médiatique diffusant la superficialité au détriment de la profondeur. Sa plume véhémente décapitait les têtes bien pensantes du monde du spectacle et se montrait sans indulgence envers le public, qu’il qualifiait d’inculte consentant. Georges Michel en avait encore une fois la preuve avec cet auditoire essentiellement composé de jeunes dont les regards luisaient des bribes d’intelligences à l’instar d’un troupeau de dindons atone à un concert de Christophe Wilhem. On aurait pu les remplacer par des pensionnaires de Sainte-Anne et l’on y verrait que du feu.
— Mais les gens ont aussi le droit de se divertir ?
— Ce ne sont pas mes propos. Tout le monde a besoin de se distraire, mais les médias se doivent de transmettre un minimum de culture, ce qui est rarement le cas.
— Vous tombez un peu dans l’exagération, là !
— Absolument pas… on en trouve à peine sur les chaînes généralistes.
— Enfin… en France, on possède une chaîne spécialisée comme Arte, puis la culture existe tout autant sur le câble et les bouquets satellites.
— Déjà, je ne suis pas certain qu’Arte est exempt d’une ligne directrice idéologique, mais c’est un autre débat. Et puis je suis contre le fait de compartimenter les diffusions audiovisuelles par catégorie.
— Pourquoi ?
— Pour la simple et bonne raison qu’ainsi on incite le public à ne s’intéresser qu’au divertissement. Une chaîne de télévision, uniquement tournée vers la culture, est trop pompeuse pour des individus en mal de distraction, pour cause d’une vie professionnelle prégnante et d’un trop-plein d’habitudes distractives.
— Oui, mais libre à chacun de regarder ou pas ce genre de programmes.
— Bien sûr… mais vous savez, la masse se contente de ce qu’on lui impose. Si l’on ne fait aucune publicité pour les émissions culturelles, comme c’est souvent le cas, et si l’on ne consacre la télévision qu’essentiellement au divertissement, on fabrique à long terme des contingents d’abrutis ! Surtout, depuis que les dernières générations s’intéressent encore moins au savoir et aux arts majeurs qu’un curé à une femme.



Hooouuu ! claironna en cœur le public qui n’exerçait que pour fonction des « Hou », des « Ouais », des « Ha, ha, ha » et des « clap, clap, clap ».

L’animateur laissa la galerie s’exprimer comme dans une corrida surexcitée, puis reprit.
— Connaissez-vous l’humoriste Mickaël Youpin ?
— J’en ai déjà entendu parler.
— Et c’est justement notre prochain invité. Nous recevons maintenant Mickaël Youpin !
Le comique fit son apparition sur le plateau constitué d’un patchwork de couleurs si vives qu’elles rendraient la vue à Gilbert Montagné. Un triomphe populaire digne des Alliés venus libérer Paris, en partie orchestré par le chauffeur de salle beau gosse de type Bob Sinclar, acclama l’homme providentiel. Un sample de RNB en vogue accompagna son entrée en scène.
Tête de petit rigolo, à la limite de la trisomie, un goût exacerbé pour la provocation aguicheuse et le spectaculaire dont raffolaient les aficionados de la puberté bourgeonneuse, Mickaël Youpin possédait toutes les particularités de l’amuseur public.
En s’asseyant, ce roi des cons mima une fausse chute, puis se tourna vers le sociologue et lui présenta sa main, mais l’éclipsa au dernier moment. L’effet comique pour mouflet niaiseux enthousiasma le public. Georges Michel restait de marbre comme un garde royal de Buckingham Palace tétanisé par l’inspection de la reine mère.
L’animateur entama la présentation de l’artiste.
— Mickaël Youpin, bonsoir.
— Bonsoir.
— Vous allez bien ?
— Au poil, dit-il en exposant une partie de son torse velu.
L’assemblée s’esclaffa en choeur. Une vieille dame adipeuse se boyautait telle une baleine échouée découvrant la tronche de puceau d’un militant de Greenpeace.
— Bon, il est inutile que je vous présente… après votre succès à la télévision, à l’époque où vous étiez chroniqueur chez mon confrère Laurent Truquer.
— Accroc-niqueur ?
Le public se fendit la pipe de plus belle ainsi que la vieillerie dont le souffle surpuissant exhalait une haleine de plancton après une marée noire. Mickaël se dilatait la rate à gorge déployée tout en se retournant vers Georges pour chercher son approbation. Ce dernier restait toujours de marbre. Le manque d’enthousiasme de son voisin surprit Mickaël. Comment pouvait-on rester indifférent à ses vannes raffinées ? Mystère !
— Donc, vous êtes venu pour nous présenter votre premier One Man Show « Au ras des pâquerettes »… une mise en scène de Patrick Titbit au théâtre de la Fofolle-Montparnasse.
— C’est exact.
— Un spectacle qui comporte une suite de sketches avec des personnages aussi grotesques les uns que les autres dont le pape Benêt XVI, un chasseur homosexuel, un dresseur de lions émotif, un acteur porno unijambiste, un policier philosophe et une bonne sœur cocaïnomane. Que des monstres ?
— J’aime jouer des caricatures pathétiques aussi improbables et absurdes que votre cravate, Alexandre !
— Ne dites pas ça ! C’est mon épouse qui me l’a offerte.
— Alors, changez de femme !
L’animateur enchaîna avec une série de questions plus sérieuses au grand dam du public, pourtant réjoui qu’on ait troqué le « relou » contre l’« asticoteur » qui restait toujours de marbre, à croire qu’il était décédé. Normal, il y avait de quoi trépasser les neuf vies d’un chat avec cet humour pour nourrisson.
— Est-ce la première fois que vous vous produisez sur scène ?
— Oui, mais je me suis rodé avec les exercices du cours Florent et puis affronter une salle remplie m’excite et me donne du courage.
— En combien de temps avez-vous préparé ce spectacle ?
— Environ trois mois d’écriture et six mois de préparations pour bien sentir les personnages.
— Comment s’est passée votre collaboration avec Patrick Titbit ?
— Je l’ai laissé me diriger, vu son expérience, et en plus je suis très fan de ses anciens spectacles. J’ai une entière confiance en lui. C’est quelqu’un de très professionnel et il sait d’instinct ce qui fonctionnera ou pas. Depuis notre coopération, on est devenu très ami. J’admire cet homme, vous savez.

Mais qu’est-ce que je fous encore là ? Se demandait le sociologue, navré devant tant de suavités.

Georges Michel en avait ras le cortex, comme beaucoup de français, de tous ces copinages dont le microcosme du show-biz se spécialisait en public. En général, la vérité était d’une autre nature. Tandis que devant les caméras, on se léchait la pomme digne d’un film de Marc Dorcel, en coulisse, on tirait à vue pour accaparer les meilleurs rôles auprès des producteurs qui abusaient de la situation pour ramoner plus que de raison. La promotion s’obtenait souvent en empruntant le tire-fesse des sommets de la gloire. Rares étaient les sofas des productions à ne pas être entachés d’innombrables petites éclaboussures blanchâtres. Certaines célébrités vendaient aux journaux people, au plus offrant, leurs commérages sur leurs confrères et profitaient pour en rajouter une bonne couche. Sans compter, la ration quotidienne de pharmacopée colombienne qui se siphonnait dès le petit déjeuner entre deux tartines beurrées de confiture allégée et qui les rendait un brin excessifs.
— Vous avez donc beaucoup appris avec Patrick Titbit lors de vos premiers pas sur scène ?
— Je lui dois énormément. Patrick est quelqu’un de très généreux.
Georges remarqua que l’animateur fournissait la réponse dans la question, et que l’invité n’avait plus qu’à se balader en futiles banalités. Un aiguilleur du ciel qui dirigeait le coucou vers le bon couloir aérien du haut de sa tour de contrôle.
— Quel est le personnage avec lequel vous avez le plus d’affinités ?
— Tous et aucun en particulier.
— Comment faites-vous pour les concevoir de manière aussi réaliste ?
— Je les crée en scrutant minutieusement des inconnus dans la rue et je vais aussi les chercher à l’intérieur de ma matière grise.
— Et vous trouvez quelque chose ? osa le sociologue.
Le public acnéique (même la vieille décrépite) réagit sur les chapeaux de roues aux propos du penseur. Monsieur la grosse tête poussait l’outrecuidance à ramener sa fraise austère dans la conversation.

Hooouuu… !

— Non, laissez, dit le comique en se retournant vers la plèbe jouvencelle.
— Voyons, Monsieur Michel, restez courtois avec mon invité, dit Alexandre.
— D’une, j’y trouve souvent des ressources insoupçonnées et deuxièmement, avec vous, j’ai de quoi créer un magnifique prétentieux.

Ouaisssss… !

Le sociologue accusa le coup.
— Je vous en prie, messieurs, un peu de tenue, dit l’animateur, un sourire béat en esquisse grâce à cette algarade qui annonçait un audimat de bon augure.
— Veuillez m’excuser, dit Georges.
Le comique éluda toute amende honorable, sûr de son bon droit de pauvre petite victime injustement agressée par un interlocuteur qu’il soupçonnait d’être un affreux docte, voire un réactionnaire, donc un néfaste facho aux pétaineries manifeste. Comment un être aussi abject pouvait-il encore exister au XXI ° siècle et surtout comment pouvait-on l’inviter dans les médias, de surcroit dans une émission populaire ? Connaissant par cœur son tempérament proche d’un caniche dorloté par sa mémère, il se demandait dans combien de temps il lui mordrait les mollets jusqu’au sang. En tout cas, il était hors de question de s’y frotter dans un but érectile.
— Donc je disais que l’inspiration me vient par l’analyse et l’introspection. Puis, je les nuance en les retravaillant sans cesse jusqu’à un résultat que je juge satisfaisant. Même s’ils sont très caricaturaux, je prends plaisir à les jouer et ça se ressent dans ma prestation.
— Et bien, nous allons voir ça tout de suite… magnéto Azouz !
Une courte séquence du spectacle exhibait le comique, endossant le personnage d’acteur porno unijambiste et gesticulant dans tous les sens avec l’air de quelqu’un à qui EDF avait coupé le cerveau en alimentation électrique. L’écrivain lui trouvait une ressemblance frappante avec tous ces allumés de la Tecktonik ou des adeptes d’Air Guitar. Il se demandait comment on pouvait engranger autant d’énergies et s’ingéniait à paraitre aussi con qu’un primate cherchant à s’embrasser à l’aide d’un miroir. Le ridicule apparemment ne tuait plus ou alors peut-être d’une crise cardiaque pour cause d’un surmenage gesticuleux intensif.
À la fin de la séquence, le public ovationna le talentueux parkinsonien avec l’exaltation d’une bande de phoques à qui l’on tendait du poisson frais.
— C’est un spectacle qui va marcher, Mickaël, dit le présentateur.
— Merci… et vous êtes le bienvenu !... contrairement à certains, déclara le comique en invitant à le suivre du regard en direction du philosophe.
Alexandre Grocelaiche décida d’en revenir à son deuxième invité quelque peu oublié.
— Monsieur Michel, à la page 127 de votre livre, vous alertez votre lecteur sur la disparition progressive d’une information capitale au bénéfice de l’insignifiance, ainsi qu’une ligne idéologique propre à chaque organe des différends médias. N’est-ce pas un peu trop réducteur ?
— Aucunement… de plus en plus d’informations d’intérêt secondaire sont diffusées aux heures de grande écoute. Dans le même journal télévisé, vous verrez un reportage sur les soldes qui dure quelques minutes et un sujet sur l’adoption d’une loi par le parlement qui est diffusé un peu moins de dix secondes… ainsi, les médias lénifient les évènements importants.
— Lénifient ? Répondit le comique, ça a un rapport avec Lénine ?
L’écrivain soupira devant cet immonde inculte.
— Non, lénifier est un synonyme d’atténuer, dit l’essayiste.
— Ah, OK… mais alors pourquoi n’employez-vous pas des mots simples que tout le monde comprend ?
— Je ne vois pas en quoi « lénifier » est un mot compliqué.
— Oh… Arrêtez de me prendre de haut, monsieur.
Le comique se retourna vers l’animateur.
— J’en ai ras le bol de la prétention de ces intellectuels à la con. Et moi, je suis plus intelligent… et moi, je sais tout… et vous, vous êtes tous des cons… dit le turlupin qui s’exprimait par des mimiques exagérées, atteignant la perfection des miroirs déformants des fêtes foraines ou simplement de son collègue Pascal Duquesne.
L’animateur esquissa une moue amusée et complice à la manière d’une parade aguicheuse dans un backroom bondé du Marais.
— Bon, ça y est ? Vous avez fini votre cinéma ? dit le philosophe.
— Non, je commence à peine ! Et ne me chauffez pas, sinon ça va devenir aussi long et intensif qu’Apocalypse Now avec des coupures pub !
Le comique se retourna vers l’animateur réjoui et relâcha une bouffée de consternation.
— Putain, faut se le farcir celui-là ! dit-il.
Georges Michel sentait qu’il ne garderait pas son stoïcisme pendant des lustres. Que Zénon et James Bond aillent se faire mettre !
— Mickaël, vous apparaissez souvent dans les médias pour défendre l’association « Devoir de tolérance à donf » en tant que parrain. De quelle cause s’agit-il au juste ?
— Je suis heureux que vous abordiez le sujet, Alexandre. Cette association vient en aide financièrement et juridiquement à une catégorie très méconnue de la population, les « sans-papiers gays, lesbiens, bi et trans socialistes de banlieues ». Ces gens sont dans un profond désarroi et nous les soutenons du mieux possible. Nous sommes actuellement en pourparler avec France Télévision afin d’avoir un rendez-vous annuel pour un projet « téléthontouse ». On leur a proposé la date du réveillon de Noël, le 24 décembre, pour que l’événement bénéficie d’une charge symbolique forte, mais ils nous l’ont refusé après plusieurs tractations.
— Vous en connaissez la raison ?
— Une association catholique s’est ouvertement offusquée contre ce magnifique programme et a obtenu l’impossibilité de cette date par le biais du ministère de la Famille, mais l’émission quant à elle reste toujours plausible. Ah… ces cathos ! Avec eux, l’inquisition peut renaitre de ses cendres tel le sphinx.
— Le phénix, rectifia Georges.
— Ah, non ! Je peux vous assurer que c’est le sphinx.
— Le sphinx est un monument historique de l’Égypte antique. Il trône devant les pyramides de Gizeh tel un gardien intemporel.
— Ah, non ! Ça, c’est le Lynx ! Hé, hé… vous voyez que parfois un philosophe peut se faire damer le pion par un simple humoriste… allez, oublions… mais tachez de vous taire désormais au lieu de passer pour un con. Enfin, je dis ça pour vous.

Ouaisssss… ! Le public était en effervescence.

L’antique mémé demeurait coite d’admiration envers le verveux comique. Son cœur battait la chamade et ses yeux rutilaient d’émerveillement. Elle buvait chacune de ses paroles comme un œnologue dégusterait le meilleur cru de sa carrière. Elle l’imaginait tel un amour de jeunesse par procuration. Aucun autre homme ne lui produisait cet effet euphorisant depuis que son René s’était fait assassiner par trois Roumains et un Tibétain, le soir de son quatre-vingtième anniversaire tandis qu’il descendait les poubelles.
— Bon si c’est comme ça, je ne vois pas l’intérêt de rester une seconde de plus sur ce plateau. On ne m’a jamais autant manqué de respect qu’en ce moment même, s’énerva d’un seul coup l’essayiste.
Il se hissa hors de son siège et se dirigea vers la sortie, pendant que le public le sifflait avec fougue. Alexandre Grocelaiche se leva à son tour, le rattrapa et le saisit par un bras avec un soin délicat. Normal, pour un mec à la langue molletonneuse comme du papier cul.
— Je vous en prie, restez avec nous, monsieur Michel. Je suis certain que monsieur Youpin le regrette déjà. N’est-ce pas, Mickaël ?
— Euh… ouais… euh… pourquoi pas !

Ouaisssss… Clap, clap, clap !

Devant l’insistance du public et la soudaine lucidité de passer pour un con, Georges se ravisa, non sans tirer une tronche de rouscailleur. Les deux hommes retournèrent à leur place et l’animateur en profita pour appeler sa chroniqueuse vedette, histoire de marquer une pause dans tout ce bordel. Ensuite, il relancerait le rythme de croisière. Il n’allait quand même pas s’arrêter en si bon chemin.
— Il est temps d’accueillir Arianne Néalamasse !

Oauisssss… !

Arianne Néalamasse rappliqua sur un sample de Hip-hop du célèbre rappeur américain 1/2 cent et singea un pas de hype pour signifier qu’elle en était grave cette poufiasse. Arianne, cette salope de grognasse qui a fait péter la quarantaine depuis peu, incarnait l’archétype de la bourgeoise coincée en voie de mutation. Elle s’efforçait en vain de paraitre jeune et branchée en maniant un sens de l’ironie proche du degré zéro du baromètre universel de l’humour pourrave. La spécialité de cette catin en solde consistait à couvrir de ridicule le monde du spectacle déjà grotesque à la base. Un courage exemplaire ! Elle était réputée ornementée des plus gros nichons de la profession. Elle pouvait produire en lait l’équivalent d’une vache Tchernobylienne à huit pis.
— Bonjour à tous !
— De quoi, allez-vous nous parler aujourd’hui, ma chère Arianne.
— D’une nouvelle mode stupéfiante qui nous vient d’outre-Atlantique et qui suscite un engouement grandissant. Depuis que le génial Maniak Banania est élu 44e président des États-Unis, de plus en plus de blancs américains ont recours à une technique révolutionnaire du noircissement de l’épiderme. L’inventeur de ce procédé, Aimé Filou-Diallo, originaire du Zimbabwe, biologiste récent et fabricant de gris-gris de formation, surfe sur la vague d’espoir d’une partie de la population en quête de diversité.
— Trop fort, dit l’humoriste, c’est ça le rêve américain ! Quand est-ce que ça arrivera en France ?

Pour lui, c’est fini ! Sa connerie a gangrené chaque recoin de sa personnalité ! se dit le philosophe.

— Aucune idée, Mickaël. Cependant, il y a fort à parier que d’autres pays adopteront cette méthode novatrice, considérée par nombre de spécialistes comme un grand pas de la science au service de l’humanité. Mais laissons parler Aimé Filou-Diallo qui a eu l’amabilité de recevoir notre équipe d’halal + dans sa clinique privée de Miami. Je précise que c’est une chance que l’on puisse visionner ce court reportage, car je viens juste de l’obtenir à l’instant et le découvre avec vous.
— Alors magnéto, Azouz !
Les spectateurs ne découvrirent pas une clinique privée comme l’avait annoncée cette morue de chroniqueuse à la face de chiotte turque non vidangée. Ce lieu insolite ressemblait plutôt à une usine désaffectée d’un pays slave. D’énormes cuves parcouraient toute la longueur du bâtiment.

« — Alors là, bwana, voilà usine à coloration exotique.
— Coloration exotique ?
— Oui, bwana, yankee très à cheval sur mots désobligeants, ainsi moi appelez ça « usine à coloration exotique » au lieu de « usine à Noirs » pour pas avoir soucis avec associations à la con.
— En quoi, au juste, consiste votre procédé de noircissement épidermique ?
— Prendre blanc, tremper dans cuve caca africain et laisser agir deux heures avec tuba plongée sous-marine pour respiration.
— Vous voulez dire que dans ses cuves, il y a des excréments d’Africains ?
— Affirmatif, bwana ! Merde africaine récoltée grâce à médicament virulent donnant diarrhée à éléphant ou hippopotame. Ensuite, retirer blanc couvert de merde et le mettre sur table opération dans salle au fond… anesthésier blanc et à l’aide aiguilles spécial, caca incruster dans peau blanche comme pour tatouage.
— Incroyable ! Stupéfiant ! Mais combien de temps dure l’opération ?
— Environ vingt heures… pour ça beaucoup équipe de travail sous responsabilité, bwana.
— Combien ça coute ?
— 20 000 dollars, bwana. Certificat authenticité fourni, mais pas SAV !
— Vous ne craignez pas le scandale ?
— Pas du tout ! Ici Amérique, pays excessivité… considéré normal depuis Michael Jackson avoir recouru même procédé, mais avec hectolitre sperme de blanc.
— Merci, Monsieur Filou-Diallo. C’était Vincent Notedefré pour Halal + ! »


Un silence d’ère glaciaire régnait sur le plateau de l’émission. L’assistance ressemblait à un peuple de statues figées comme les guerriers chinois du mausolée de Xi’an.
Un teint blanchâtre entaché de marques violacées, conjugué à une expression d’effarement, défigurait le visage de cette roulure d’Arianne à un centime d’euro la passe.

Ma carrière ! se dit-elle.

À peu près la même gueule enlaidissait l’animateur.

Putain, on va gicler ! Avec tous ces bobos à la direction… se dit-il.

Le comique escamota l’événement de sa mémoire. Il était à l’aise dans cette pratique depuis qu’un traumatisme infantile, à cause d’un de ses oncles et de son doudou magique, lui conférait cette grande facilité d’abstraction. Le philosophe, quant à lui, rayonnait d’un sourire narquois marié d’un regard goguenard. Il imaginait très bien avec quelle force cette onde de choc se propageait dans l’opinion publique. De bons moments en perspective.
— Merci, Arianne, dit fébrilement l’animateur tandis que dans son oreillette son assistant lui annonçait déjà de filer dare-dare chez le directeur des programmes après l’émission.

La seule chance de m’en sortir sans trop de casse, c’est de foutre le boxon entre mes deux invités, se dit le présentateur, alors qu’Arianne la mongoloïde à demi avortée à l’opinel retournait vers les coulisses pour s’y faire pilonner par une centaine de membres du MS13, comme à son habitude.

— Monsieur Michel, à la page 252, vous insistez sur le fait que les médias promotionnent essentiellement les artistes en fonction de critères comme la diversité, l’appartenance communautaire ou d’un certain zèle à encourager le catéchisme des moeurs modernes.
— Oui… apparemment, le talent n’est plus le corollaire exclusif de l’exposition médiatique. J’ai même tendance à croire qu’il soit devenu secondaire ou carrément inexistant selon les cas. Désormais, la réussite se fait souvent sur une représentation apparente et sociétale. Certains en jouent comme les rappeurs qui « Represent », signifiant par là qu’ils sont les haut-parleurs des banlieues, alors qu’ils ne sont en réalité que les porte-paroles de leurs portefeuilles et de leurs gloires éphémères.
— On voit que vous ne connaissez pas le ghetto, monsieur ! Si vous y aviez vécu, vous comprendriez mieux qu’on n’oublie jamais le milieu d’où l’on vient et qu’aider les autres à s’en sortir est un devoir, dit l’humoriste.
— J’imagine surtout que l’on cherche uniquement à s’en extraire et à ne pas y retomber, ce qui est normal. Mais le rappeur n’a pas le choix d’être un symbole des banlieues, sinon ça lui sera reproché. Et c’est sur ce ressort que se joue leur promotion artistique en échange, de façon tacite, d’une propagande misérabiliste, multiculturaliste et d’éloge du métissage qui servira de thème central aux campagnes électorales qu’elles s’y positionnent pour ou contre. Chaque parti politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite, y trouve son compte.
— Chez vous la paranoïa est une seconde nature !
— Et chez d’autres, la jobardise tout autant !
— La quoi ?
— Laissez-moi votre adresse et je vous enverrai le Petit Robert pour remplacer votre Larousse Junior !
— Hé, oh ! Restez correct avec moi, monsieur le grand penseur !
— Alors, balayez devant votre porte et faites de même !
— Non, monsieur ! Je n’ai pas à faire d’effort de correction à votre endroit ! Vous êtes un Polpot de la pensée, monsieur ! Un maire rouge ! Et on n’est pas au Japon ici !
— Au Cambodge ! Et on dit Kmer rouge !
— C’est pareil ! C’est dans le secteur et ça bouffe aussi du riz !
L’animateur se branlait la cervelle, à la limite d’une éjaculation baveuse à la commissure de ses lèvres. Cette fois, il n’interviendrait pas et laisserait la rixe verbale s’envenimer jusqu’à la tragédie. Pourvu que le spectacle soit dantesque.
— Jolie caricature ! dit le philosophe.
— Ce n’est pas une caricature ! Tous les asiatiques bouffent du riz et c’est normal… d'ailleurs, vous devez en ingurgiter pas mal, vu à quel point vous paraissez constipé.
— Excusez-vous tout de suite, monsieur !
— Plutôt mourir !
George n’en revenait pas qu’un têtard à peine torché par sa mère osât lui manquer de respect, lui un vétéran du Tchad et rescapé de la guerre mondiale de Mai 68. Comme tout bon homo sapiens qui prend trop sur lui, quand ça péte, ça péte ! George, d’instinct donc sans mesurer les conséquences, lui balança son enclume dans la calebasse, concrétisé par un uppercut saillant. Trente kilos de pression par cm² acquis par vingt ans de fontes arrachés de la gravité terrestre. L’os nasal du comique transperça le cortex préfrontal comme un rivet dans de la gelée royale. Un filet de sang vermeil s’échappa d’une des voies nasales. Mickaël Youpin ne bougeait plus. Il avait le regard vitreux d’un égoutier à qui la vie n’a plus rien à offrir. Puis, il s’effondra net sur la table telle une crêpe grasse sur du carrelage.
Alexandre, qui jusqu’ici prenait son panard la main gauche dans la poche trouée de son futal et caressant sa verge excitée à travers son caleçon en satin rose, avait du mal à réaliser cet événement inattendu. Idem pour le public qui attendait l’autorisation pour réagir. Michel n’en revenait pas de ce qu’il avait fait. Son visage était d’une pâleur cadavéreuse. À cause du côté burlesque de la situation, le philosophe émit, à ses dépens, un léger rire gêné, semblant dire : « Oups… ai pas fait exprès ».
Un cri d’une fureur à stopper net une charge d’un troupeau de buffles retentit dans la salle. La vioque se débroussailla un chemin de fortune dans le public et tenter de l’arrêter équivalait à essayer de raisonner Dieudonné pendant le Yom Kippour. Son regard furibard incarnait la vengeance sacrée, la justice immanente du diable, le glas lugubre qui allait gonguer. Elle se propulsa droit sur le meurtrier en vociférant un « fumier, tu vas crever ». Elle s’agrippa au cou de la cible et exerça un resserrement aussi bestial qu’une pression fiscale. L’acharnement de l’antiquité à éradiquer sa proie stupéfiait le philosophe en même temps qu’il suffoquait. Toutefois, il était hors de question de se laisser occire par l’antédiluvienne. En raison d’un réflexe primaire de survie, il enchaîna un autre uppercut dans le groin de mémé. C’était sa tournée à Michel et il était généreux en la matière. Même service… même tarif. Encore un os nasal à partir en voyage. La vioque s’effondra sur la dépouille du deuxième homme de sa vie. Une authentique dramaturgie shakespearienne. Vous êtes conviés à sortir vos mouchoirs et à lâcher la petite larme. Le même rire tirailla George et cette fois sembla dire : « Oups… rebelote… ai pas voulu ça… ai pas moi ké commencer ».
Alexandre n’en menait pas large. On pouvait même dire qu’il pataugeait dans le petit bain. Lui qui espérait un miracle afin que la direction de la chaine amnésie la chronique d’Arianne Néalamasse, la pute pour travailleurs clandestins, le voilà à moitié responsable d’un double homicide devant des millions de témoins. Le destin avait parfois ses têtes de Turc. Une réflexion saugrenue vint squatter sa conscience. Une idée que partageait l’ensemble des détracteurs de la petite lucarne : « la télé rend con et est dangereuse pour la santé ». Cette évidence trouvait sa confirmation suite à ces épiphénomènes tragiques qui marqueront à jamais les annales, après lavement, de la télévision.



Zizi End.




4 commentaires:

  1. Excellentissime! Drolatique!

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  2. On dirait du Gotlib à l'écrit. J'ai beacoup ris en lisant ce texte hier soir.

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  3. Bien fendard !

    Une intervention collective et musclée serait-elle envisageable sur le plateau de la Denise ?

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  4. George Michel est-il d'origine chypriote?

    Je pense que la talk-shows tv sont maintenant bien pires que ça car ils ont désormais intégré un faux dissensus dans le Spectacle (ex Naulleau, Zemmour) ou une figure morale au dessus de tout soupçon (Apathie).

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